mercredi 13 décembre 2017

Tatiana Vladimirovna Torstensen: Saint Sébastien de Karaganda (8)


9.
Une infirmière du nom de Sophie travaillait à l’hôpital où j’exerçais. Son mari était chef comptable. Tous deux avaient traversé de grandes épreuves. Ils avaient tragiquement perdu leur fils unique de 12 ans, tombé du quatrième étage alors qu’il arrosait des plantes sur le balcon. En 1937, le mari de cette infirmière avait été condamné à 10 ans de camp. Sophie se retrouva seule, sans travail, sans argent.

À présent, toutes ces épreuves étaient du passé. Ils habitaient une grande maison et gagnaient correctement leur vie. Néanmoins, ils se sentaient seuls et voulaient adopter un enfant, et plus précisément un petit garçon. Je conseillai à Sophie d’en parler au père Sébastien. Nous sommes allés le trouver mais on nous a dit qu’il était souffrant et ne recevait personne. Nous étions désolés, quand soudain le prêtre sonna et demanda qu’on nous introduise dans sa chambre.

Alors nous sommes entrés, et nous nous sommes agenouillés autour de son lit. Il nous a écoutés attentivement, puis il a dit : « C’est un bon souhait de vouloir adopter un enfant. Mais prenez une fille, pas un garçon ». Alors qu’il bénissait, il ajouta : « Je bénis l’adoption d’une petite fille de trois ans. » Nous avons remercié le père Sébastien et nous avons pris congé de lui.

Le lendemain, le couple est allé à l’orphelinat et il est revenu avec une petite fille de trois ans, gentille, douce, qui adorait son père adoptif. Elle n’était pas bien jolie, mais les parents, ravis, n’en avaient cure.
Voici comment se déroula l’adoption : aussitôt arrivés à l’orphelinat, les parents virent se précipiter vers eux une petite fille qui s’agrippa à la jambe du mari, posa sa tête sur ses genoux et s’écria : « Enfin mon papa est arrivé ! Mon tout petit papa est arrivé ! »

L’éducatrice repoussa l’enfant pour qu’elle n’influence pas le choix de ce couple. Mais le mari déclara : « C’est bien, nous n’allons pas continuer à chercher, puisque cette enfant nous a déjà choisis. Confiez-nous cette petite fille. » Elle était gaie, douce, obéissante et serviable. Lorsqu’elle entra l’école, il s’avéra qu’elle était très intelligente. De plus, elle embellit beaucoup. Voilà la récompense de l’obéissance au père Sébastien et la force de cette bénédiction.
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À l’inverse, que de déboires pour ceux qui ne voulaient pas suivre ses conseils ! 

En voici un exemple : Tatiana était une jeune femme fort intelligente et jolie. Elle était très attachée au père Sébastien. Elle envisageait d’épouser un jeune ingénieur, beau garçon. Toutefois, son père spirituel n’approuvait pas ce choix. Dans un premier temps, Tatiana lui obéit, puis elle réitéra sa demande. Cette fois, le père Sébastien le lui défendit formellement de façon insistante et sévère. Il s’entretint longuement avec elle. Mais à la fin, Tatiana déclara : « Je l’aime et je supporterai tout ». Le père Sébastien pleura et lui demanda de réfléchir. Il la conduisit à la gare, car elle voulait rejoindre son fiancé et il lui proposa d’aller uniquement le voir, puis de revenir. Le père Sébastien n’avait jamais été aussi insistant. Mais Tatiana ne revint pas et sa vie prit une tournure très malheureuse : elle endura beaucoup de peines, tomba malade puis mourut de la tuberculose deux ans plus tard.

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