mercredi 20 janvier 2016

Entrevue avec l'archimandrite Elie: Guidance spirituelle et libre arbitre (1)


L’archimandrite mégaloschème Elie (Nozdrine) est l'un des pères spirituels les plus renommés et les plus respectés de l'Eglise orthodoxe russe aujourd'hui. Il sert actuellement comme père spirituel de Sa Sainteté, le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie (son camarade de classe de l'Académie théologique), et du monastère d'Optina. Alexei Sokolov a mené cette interview.

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Batiouchka, dites-moi, pourquoi la guidance spirituelle est-elle nécessaire pour quelqu'un qui entre dans l'Église? Et en quoi devrait-elle consister?

La vie spirituelle doit être apprise; c’est peut-être l'apprentissage le plus important de notre monde, sans lequel notre société est condamnée. Voyez où nous a conduit l'impiété: le rejet de la vie selon les Commandements. Ce n’est pas par hasard qu’au milieu du siècle [dernier], le monde se tenait au bord de la destruction et de la catastrophe nucléaire, précisément en ces années au cours desquelles il a été promis de «montrer le dernier prêtre» à la télévision dans un proche avenir. [1] Maintenant, le terrorisme, la haine satanique, et la dégradation de nos villages partagent tous une racine commune, allant vers la destruction de la continuité de l'expérience spirituelle, sans laquelle nous ne pouvons pas vivre une vie normale. Cela permet non seulement d’éloigner l’homme du salut dans la vie éternelle, cela se révèle aussi destructeur de notre vie sociale actuelle.

La tâche de l'enseignement spirituel est précisément la restauration et le renforcement de la tradition de transmission, de préservation, et d’augmentation de l'expérience spirituelle. L'importance de ce ministère est représenté par le fait que dans l'Evangile, le Seigneur Lui-même est appelé le Maître. Après tout, Lui-même nous a donné un exemple: le Sauveur marchait à travers toute la Palestine avec ses disciples, faisant comme d'autres enseignants de l'époque faisaient - non seulement en Israël, mais aussi à Athènes et en Orient. Ainsi le Christ nous a montré qu'une salle d’étude chauffée n’est pas nécessaire pour l'apprentissage spirituel; on peut apprendre sur des roches nues. La chose la plus importante est ce qu'il faut apprendre, et comment.

Le christianisme offre une réponse très claire. Notre foi, et la richesse de nos vies spirituelles, sont acquises tout d'abord par la communion directe avec Dieu – c’est-à-dire par la prière, par laquelle sa foi est établie. Sans cela, selon Théophane le Reclus -ancien recteur de l'Académie théologique de Pétersbourg, soit dit en passant- les connaissances théoriques et l'éducation sont de peu de valeur. Mais, dans le même temps, cela ne nie pas la valeur de la connaissance, qui est aussi une partie intégrante de la vie spirituelle, celle qui ne peut en aucun cas être négligée. Pourquoi avons-nous tant de problèmes aujourd'hui, y compris dans la vie spirituelle, et pour trouver un père spirituel? Tout le mal réside dans l'absence d'éducation orthodoxe et de connaissance dans le domaine de la théologie. Quand un enfant obtient, dès le début, au moins une certaine compréhension de ce qu’est la vie spirituelle, et de ce qu'est la foi, alors il peut éviter de nombreuses erreurs.

L'apprentissage de la vie spirituelle signifie combiner la prière et de l'éducation. Et, bien sûr, il est particulièrement important de comprendre qu'un père spirituel ne peut pas offrir en cinq ou dix minutes ce qui prend des années pour acquérir une vie spirituelle normale. Après tout, il arrive fréquemment que quelqu'un entre dans l'Eglise pensant qu'il deviendra immédiatement un saint, et obtiendra des dons spirituels spéciaux de Dieu. Mais cela ne se produit pas.

La prière et le fait de se tourner vers Dieu devraient être combinés avec l'éducation, l'acquisition de connaissances, et des changements dans la vie quotidienne.

C’est seulement vers ces changements qu’un père spirituel doit guider, mais lui seul ne peut pas offrir beaucoup à quelqu'un qui n’est pas prêt à le recevoir. Un père spirituel peut expliquer quelque chose, mais -comme il est dit dans la parabole évangélique- le semeur peut semer, mais quand les moineaux et les corneilles arrivent à tire d’aile et picorent les grains, l'homme est de nouveau laissé vide. Une personne et son père spirituel devraient coopérer, agissant en tant que collègues. Seulement alors, on peut commencer à parler de véritable croissance spirituelle d'une personne.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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[1] Ces paroles, attribuées à Khrouchtchev, sont entrées dans la conscience des masses d'Union Soviétique; à la fois l'origine de la déclaration et de l'année prédite sont contestées. Le mot traduit ici par «prêtre» est «pope», terme péjoratif.

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