samedi 14 mai 2022

C.S. Lewis: Apprendre en temps de guerre

 

Sermon prêché par C.S. Lewis (1898-1963) à Oxford en 1939 au début de la Seconde Guerre mondiale

(Lewis offre ses réflexions sur la poursuite de l'éducation et de la culture en temps de guerre et de crise nationale dans une perspective profondément chrétienne.)


"... Je pense qu'il est important d'essayer de voir la calamité actuelle dans une vraie perspective. Le [terrorisme] ne crée aucune situation absolument nouvelle : il aggrave simplement la situation humaine permanente afin que nous ne puissions plus l'ignorer. 


La vie humaine a toujours été vécue au bord d'un précipice. La culture humaine a toujours dû exister à l'ombre de quelque chose d'infiniment plus important qu'elle-même. Si [les gens] avaient reporté la recherche de la connaissance et de la beauté jusqu'à ce qu'ils soient en sécurité, la recherche n'aurait jamais commencé. Nous nous trompons lorsque nous comparons la guerre à la "vie normale". 


La vie n'a jamais été normale. Même les périodes que nous pensons les plus tranquilles, comme le XIXe siècle, se révèlent, en y regardant de plus près, être pleines de crises, d'alarmes, de difficultés, d'urgences. 


Des raisons plausibles n'ont jamais manqué pour remettre à plus tard toutes les activités purement culturelles tant qu'un danger imminent n'avait pas été évité ou qu'une injustice criante n'avait pas été corrigée. Mais il y a longtemps, l'humanité a choisi de négliger ces raisons plausibles. [On] voulait la connaissance et la beauté maintenant, et on n'attendrait pas le moment approprié qui ne viendrait jamais. 


L'Athènes de Périclès nous laisse non seulement le Parthénon mais, de manière significative, l'Oraison Funéraire. Les insectes ont "choisi" une ligne différente : ils ont d'abord cherché le bien-être matériel et la sécurité de la ruche, et ils ont probablement leur récompense. [Les gens] sont différents. Ils promettent des théorèmes mathématiques dans des villes assiégées, mènent des arguments métaphysiques dans des cellules condamnées, font des plaisanteries sur des échafauds, discutent du dernier nouveau poème tout en avançant vers les murs de Québec, et se peignent les cheveux aux Thermopyles. Ce n'est pas du panache : c'est notre nature...


[Le terrorisme] rend la mort réelle pour nous : et cela aurait été considéré comme l'une de ses bénédictions par la plupart des grands chrétiens du passé. Ils pensaient qu'il était bon pour nous d'être toujours conscients de notre mortalité. Je suis enclin à penser qu'ils avaient raison. 


Toute la vie animale en nous, tous les schémas de bonheur centrés dans ce monde, ont toujours été condamnés à une frustration finale. Dans les temps ordinaires, seule une [personne] sage peut s'en rendre compte. Maintenant, le plus stupide d'entre nous le sait. 


Nous voyons sans équivoque le genre d'univers dans lequel nous avons toujours vécu, et nous devons l'accepter. Si nous avions des espoirs stupides et non chrétiens au sujet de la culture humaine, ils sont maintenant brisés. 


Si nous pensions construire un Ciel sur terre, si nous cherchions quelque chose qui transformerait le monde actuel d'un lieu de pèlerinage en une ville permanente satisfaisant l'âme... nous sommes désillusionnés, et pas un instant trop tôt. 


Mais si nous pensions que pour certaines âmes, et à certains moments, la vie d'apprentissage, humblement offerte à Dieu, était, à sa manière, l'une des approches désignées de la réalité divine et de la beauté divine dont nous espérons jouir par la suite, nous pouvons le penser encore."


Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

St. George Orthodox Christian Cathedral


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