samedi 30 mai 2020

Denis Akhalashvili: Pourquoi y a-t-il tant de « mauvaises » personnes à l’église ?

Repentance. Photo: Alexander Osokin
Repentance. Photo: Alexander Osokin

Il me faut souvent entendre les gens parler ainsi de notre Eglise, « Vous savez, je ne vais pas dans votre église et n’y irai pas, parce qu’elle ressemble à une gare – qui n’y voit-on pas? Tout irait bien si c’étaient des gens corrects, mais ils ne sont pas ! J’en ai rencontré un. Savez-vous quelle sorte d’homme c’est ? Et cette fille-là, elle n’est pas du tout mieux. Je ne mentionnerai même pas les autres. Et ils vont aux offices, se signent et ne rougissent même pas… »

Pourquoi y a-t-il tant de vie malheureuses, misérables, brisées, des genss bizarres et simplement mauvais dans l’Eglise, alors qu’on n’y trouve rarement des saints et des justes ? Cela scandalise et en repousse un  grand nombre.

Mais voilà en fait la chose la plus  remarquable : qu’il n’y ait là que des personnes malades ! Cela veut dire que vous êtes venu au bon endroit. Cela veut dire que tout ce que vous avez lu et entendu dans l’Evangile au sujet du Christ est vrai.

Qui le Christ a-t-il emmené le premier au Paradis ? Le larron repentant. Les publicains, les prostituées, les lépreux et les possédés vinrent à Lui de toutes parts. Pas les justes. Les malades. Tous les autres n’avaient pas de temps pour Lui. Ils étaient très bien sans Lui.

Très bien - sans Dieu. L’Evangile nomme cet état la mort. Car l’âme sans Dieu est une âme morte.

Les gens confondent toujours l’Eglise Céleste et l’Eglise terrestre. De cela viennent l’incompréhension, les doutes et la confusion. Tous les saints et les justes sont là, dans le Royaume des Cieux. Mais ici, sur terre, l’Eglise est un hôpital pour les péchés, les maladies spirituelles et la mort. Dans notre Eglise, il n’y en a qu’un qui soit absolument sain, pur, parfait et sans péché. C’est notre Seigneur et Dieu Jésus Christ. Et c’est par Son pouvoir que l’Eglise est libérée, soignée et guérie.

Pourquoi est-ce que, quand nous voyons des personnes malades, infirmes, ou toussant dans un hôpital ordinaire, personne ne va s’offusquer, tourner les talons et s’enfuir ? Voilà pourquoi c’est un hôpital : pour que les malades viennent et soient guéris. Cela est encore plus vrai pour l’Eglise, où ce n’est pas le corps, mais l’âme éternelle qui y est soignée. Que les malades viennent avec des plaies et des maladies terribles témoigne du pouvoir du médecin auquel ils s’adressent. Les pécheurs qui ont résolus d’être délivrés de leurs péchés et de la mort rendent témoignage au Christ.


Photo: Ivan Zhuk

Et quand je regarde les gens à l’église, mon cœur est rempli de joie, parce que le Seigneur est là, avec nous, et Il guérit. Parfois les gens eux-mêmes ne savent pas pourquoi ils vont à l’église. La douleur elle-même, les blessures qui n’arrêtent pas de ronger leur cœur les conduisent là. Et alors, tout à coup, tout s’en va. Sans comprendre l’office, dans une compréhension vague de ce qui se passe, la personne ressent soudainement qu’elle va mieux. Il – c’est-à-dire lui, le cœur, son cœur -, alors qu’il saignait encore il y a peu, est maintenant paisible et rétabli. Les hommes peuvent mentir, les livres peuvent tromper, mais votre propre cœur dit la vérité. Et c’est la chose la plus remarquable que vous puissiez ressentir dans l’Eglise.

Version française hypodiacre Pierre 
d'après

Denis Akhalashvili: Couché sur un lit d’hôpital

Photo: financialtribune.comPhoto: financialtribune.com

L’homme moderne ne peut être malade. Un homme devrait sourire partout de ses 32 dents, montrant que tout va bien pour lui, et ira même de mieux en mieux. Sinon, vous pourriez être traité de malheureux, et il n’est pas possible d’être malheureux dans notre société. Dans la société moderne, le culte de l’homme bien portant, couronné de succès, est plus fort qu’il ne l’était chez les Spartiates. Ouvrez n’importe quel magazine et voyez combien tout le monde a réussi, est beau, et en bonne santé.  Mais, malgré les progrès de la médecine moderne, il y a chaque jour de plus en plus de maladies. Et quand elles vous touchent, vous vous retrouvez comme un être souffrant, comme quelqu’un qui serait tombé d’un avion.

Lorsque j’atterris à l’hôpital, pour quasiment deux semaines, j’eus le temps d’y réfléchir. Tout d’abord, tous mes projets semblaient avoir été sérieusement réécrits par quelqu’un, et ce « quelqu’un » l’avait fait sans s’être préoccupé le moins du monde de mon opinion. Au début, j’avais essayé de m’y opposer – j’avais pris des poignées de pilules et des piqûres, et affichais une apparence courageuse, mais cela empira et je fus emmené à l’hôpital en ambulance tous gyrophares allumés.

Tout à coup, il me sembla que ma vie ne m’appartenait pas – et de plus, que même mon propre corps avait cessé de m’obéir. Robuste, et tout à fait fonctionnel jusque là, il était devenu léthargique et faible. Et toutes les choses habituelles, qui semblaient faire partie de moi, se révélèrent ne plus m'appartenir du tout : personnes chères et aimées, livres, programmes, pensées, idées – tout demeurait quelque part à l’extérieur, et moi, impuissant et faible, j’étais là dans une chambre au plafond blanc qui sentait les médicaments.

Tout à coup, vous commencez à penser qu’en fait rien au monde ne vous appartient. Parce que peut arriver le moment où vous êtes parti et tout est laissé pour les autres. Tout d’abord, cela vous effraie, mais ensuite vous commencez à prier. Et cette prière diffère beaucoup de vos habituelles paroles de prière distraites. Vous ne prononcez pas simplement les mots de la prière, vous pleurez et vous criez, parce tout cela vous arrive pour de bon. Et vous devez en faire quelque chose.

Et, à un certain moment, Quelqu’un de mystérieux touche votre cœur, et le calme s’installe. Dans ce calme, les larmes de repentance coulent à flot et, grâce à cela, votre cœur desséché revient à la vie et, de manière inattendue, vous ressentez la même sorte de paix dans votre âme et le même repos que vous éprouviez dans les bras de votre mère quand vous étiez enfant. Vous cessez de vous inquiéter et de vous agiter, et vous faites confiance aux mains de ce mystérieux Médecin Qui tient votre cœur tourmenté dans Ses mains, et, simplement, vous vous réjouissez tranquillement.

Les saints, à la différence de nous-mêmes, ne se plaignaient pas, et accueillaient les maladies comme des hôtes chers. Car, en se remettant dans les mains de Dieu, avec tous leurs peines et leurs infirmités, ils dévoilaient ainsi la grande miséricorde de Dieu pour l’homme. Le dernier staretz d’Optino, saint Nicon [Belayev], depuis la prison où il avait été jeté parce qu'il était moine, écrivit ceci :

« Je suis arrivé à la conclusion que les peines ne sont rien d’autre que la réaction émotionnelle de notre cœur lorsque survient quelque chose de contraire à nos propres désirs, à notre propre volonté. Pour que vous ne soyez pas tourmentés gravement par les soucis, vous devez renoncer à votre propre volonté et vous humilier devant Dieu en toutes choses. Dieu désire notre salut et le conçoit d’une manière incompréhensible pour nous. Remettez-vous en à la volonté de Dieu et vous trouverez la paix pour votre âme et votre cœur inquiets. »

Les saints acceptaient la maladie comme une visitation de Dieu et, de manière incompréhensible, l’infirmité devenait une source de force spirituelle vivifiante qui transformait leurs âmes. Par les maladies, ils devinrent participants des souffrances du Christ et s’élevèrent jusqu’à des hauteurs spirituelles inconnues. Ils acceptaient humblement les maladies pour leurs péchés et devinrent saints par l’humilité et la Grâce du Sauveur.

A l’hôpital, je découvris ce que sont des amis orthodoxes et la prière commune – qui me remit littéralement sur pieds. Quand mes bras commencèrent à souffrir à cause des interminables perfusions et mon cœur à se sentir comme si quelqu’un avait placé sur lui une pierre tombale glacée, je me rappelai tous mes amis orthodoxes, parmi lesquels il y a de nombreux prêtres et moines, et me mis à implorer leur aide en prière. Et sur ma page Facebook j’écrivis juste : « Je demande vos prières ! Je suis couché à l’hôpital dans un état grave. »

Le troisième jour, je me réveillai tôt le matin, en pleine forme, avec un désir de prier depuis longtemps oublié. Non pas parce que « je devais », mais parce que je ne pouvais m’en empêcher. C’était une sorte de faim révérencieuse et sauvage, exactement comme celle d’un prisonnier qui vient d'être libéré après une longue incarcération !

Le lendemain était le Dimanche des Rameaux. J’attendis impatiemment le matin pour rapidement commencer ma règle de prière et, d’une façon générale, pour prier de toute mon âme la Très Sainte Mère de Dieu et tous mes saints favoris. Je la priai à haute voix – qu’y a-t-il d’embarrassant à cela, si vous êtes alité seul dans la chambre ?! Tout à coup, on frappa à la porte : c’était André, de la chambre voisine, qui malgré l’heure matinale ne dormait pas non plus. De manière inattendue, il me prit dans ses bras, m’embrassa trois fois, et dit alors tranquillement en me regardant dans les yeux : « Bonne fête des Rameaux, frère ! Le Christ est parmi nous ! J’en ai assez de t’entendre prier à travers le mur. Aujourd’hui est un jour de fête – prions ensemble ! »

Et je priais derrière des portes fermées, me cachant comme un maquisard dans la forêt ! Et il s’avère que cet homme va à l’église, fait communier son fils les dimanches, et prend sa voiture à quatre heures du matin pour faire la queue et se confesser auprès d’un prêtre bien connu. Cela m’émut aux larmes. « Voilà, pensai-je, Dieu m’a envoyé un frère. » Et Andréet moi avons commencé à réciter les prières ensemble. Nous lûmes, nous nous signâmes, et fîmes des métanies – ce fut un vrai plaisir !

Et quand vint le moment de ma perfusion, avant mon traitement, l’infirmière, Lyuba, - je ne sais pourquoi – commença à me parler des divins commandements et du fait qu’on ne peut pas se considérer comme un vrai chrétien si on ne les accomplit pas. Parce qu’ « alors tous nos discours concernant notre amour du Christ sont des mensonges et un blasphème éhonté – juste une sorte d’horreur ! » « Vous me comprenez ? » me demanda cette merveilleuse Lyuba, en me regardant droit dans les yeux. Je hochai la tête en signe d’approbation, et priai en silence : « Gloire à Toi, ô Dieu, gloire à Toi ! », sans pouvoir m’arrêter.


Version française hypodiacre Pierre 
d'après

vendredi 29 mai 2020

Mise en garde des Pères: Les rêves et le crédit qu'il faut leur accorder

Roman
Apparition de la Génitrice de Dieu
 à saint Romain le Mélode

*


Les spirites de notre époque acceptent toutes les apparitions du monde spirituel comme envoyées par Dieu et se vantent tout  de suite que cela leur a été "révélé". 

J'ai moi-même fait connaissance d'un moine de quatre-vingts ans, qui était respecté par tout le monde comme un grand  guide spirituel. Quand je lui ai demandé s'il avait déjà vu un être du monde spirituel dans sa vie, il m'a répondu: "Non, jamais, et gloire à Dieu pour Sa miséricorde!" 

Voyant mon étonnement à cela, il a dit: "J'ai toujours prié Dieu que rien ne m'apparaisse jamais, de peur que je tombe dans l'illusion et que je n'accepte un diable déguisé en ange. Et, jusques à présent, Dieu a entendu ma prière."

Saint Nicolas (Velimirovitch) 
Prologue



Les démons se transforment souvent en anges de lumière et prennent la forme de martyrs, et nous les font apparaître pendant le sommeil pour que nous soyons en communication avec eux. Puis, lorsque nous nous réveillons, ils nous plongent dans la joie impie et la vanité. Mais vous pouvez détecter leur tromperie par ce fait même. 

Car les anges révélent des tourments, des jugements et des séparations; et quand nous nous réveillons, nous constatons que nous tremblons et sommes tristes. Dès que nous commençons à croire  les démons dans les rêves, alors ils se moquent de nous quand nous sommes éveillés aussi. 

Celui qui croit aux rêves est complètement inexpérimenté. Mais celui qui se méfie de tous les rêves est un homme sage. Ne croyez qu'aux rêves qui vous avertissent de tourments et de jugements. Mais si le désespoir vous afflige alors ces rêves aussi procèdent des démons. 


Saint Jean Climaque, 
"L'échelle de l'ascension divine,"
Sur l'exil ou le pèlerinage 


*


Q: J'ai entendu dire que si un seul et même rêve se manifeste à quelqu'un trois fois, il faut le reconnaître comme vrai; en est-il ainsi mon Père? 

R: Non, c'est faux; on ne doit pas non plus croire un tel rêve. Celui qui est apparu une seule fois pour tout le monde à tort,  peut faire cela trois fois et plus. 

Sois prudent, de peur d'être sujet à la honte (par les démons), mais prête attention à toi-même, mon frère. "

Saints Barsanuphe et Jean: 
Orientation vers la vie spirituelle

*



Q: Dis-moi, Maître, comment le Diable peut-il oser dans une vision ou un rêve pendant le sommeil, montrer le Maître Christ ou la Sainte Communion? 

A: Il ne peut pas montrer le Maître Christ Lui-même, ni la Sainte Communion, mais il ment et présente l'image d'un homme et du simple pain; mais la sainte Croix, il ne peut pas la montrer, car il ne trouve pas les moyens de la dépeindre sous une autre forme. 

Dans la mesure où nous connaissons le signe et l'image de la Croix véritables, le Diable n'ose pas l'utiliser (pour notre déception); car sur la Croix son pouvoir a été détruit, et par la Croix, une blessure mortelle lui fut donné. Le Maître Christ nous ne pouvons pas le reconnaître par la chair, c'est pourquoi le Diable essaie de nous convaincre par mensonge que c'est Lui, de sorte que d'avoir cru la tromperie comme si c'était la vérité, nous puissions périr. Et donc, quand tu vois en rêve l'image de la Croix, sache que ce rêve est vrai et vient de Dieu; mais efforce-toi de recevoir une interprétation de sa signification des saints, et ne crois pas ta propre idée. 

Que le Seigneur illumine les pensées de ton esprit, ô frère, de sorte que tu puisses échapper à toutes les tromperies de l'Ennemi. 


Saints Barsanuphe et Jean: 
Orientation vers la vie spirituelle

*

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après





jeudi 28 mai 2020

Moine Pimène [Vlad] Commençons par le silence

Monk Pimen (Vlad)
Moine Pimène(Vlad)



La deuxième partie de cette conversation avec le Père Pimène est consacrée à l'aide miraculeuse de la Mère de Dieu et à la non-condamnation de notre prochain.

***
    

- "Acquérez l'esprit de paix et des milliers de personnes autour de vous seront sauvées", a déclaré saint Séraphim de Sarov.

-Oui. Une jeune fille m'a raconté comment elle a été engagée comme assistante de notaire dans un grand bureau de notaires à Bucarest. Elle n'était pas la seule, il y avait dix assistants. Étant naturellement gaie et optimiste, et voyant à quel point ses collègues étaient stricts et inaccessibles, elle pensait qu'elle ne pourrait pas travailler avec eux. Mais, par la providence de Dieu, il s'est avéré qu'elle est devenue la patronne de ses collègues, et elle a alors décidé de changer l'atmosphère et a commencé à répondre à tout le monde avec gentillesse et sourire. Ainsi, elle a réussi à tout changer en un an seulement, et aujourd'hui, ce bureau de notaires jouit de la réputation d'être le plus populaire de Bucarest. Voyez comment un seul homme de Dieu peut accorder "la paix à tous" !

-J'ai remarqué, mon Père, que ceux d'entre nous qui sont du monde ont un grand problème car ils jugent leur prochain.

-Cela arrive parce que nous ne voyons plus nos propres erreurs. Nous voyons toujours les autres "poutres", mais jamais les nôtres. Mais ce n'est pas de l'humilité.

-Je sais cela en théorie, mais comment pouvons-nous nous délivrer de ce péché en pratique ?

-Par le silence. Les saints pères disent que "autant de fois que j'ai parlé, autant de fois j'ai péché."

-Oui, et que "personne ne s'est repenti d'avoir gardé le silence".

-Commençons par le silence. Et pour ne pas l'enfreindre, faites-vous une loi : Je ne parlerai pas plus qu'il n'est absolument nécessaire.

-Ici, mon Père, dans le "désert intérieur", c'est possible. Mais si vous êtes dans le monde et, disons, que vous travaillez, comme cette jeune fille, dans un bureau de notaire ? Que faire quand on doit recevoir des gens ?

-Il faut chercher la voie du milieu. Quand il faut absolument parler, il faut parler. Au travail, oui, il n'y a pas d'échappatoire. Mais ne cherchez pas de raison personnelle, comme aller boire une bière, sortir avec vos amis, aller en boîte.

Quant à condamner son prochain, les saints Pères disent qu'ils raisonnaient eux-mêmes ainsi : "Je suis maudit. Quel droit ai-je de juger mon frère avant que Dieu ne commence à le juger ?" Après tout, lorsque deux personnes parlent d'un troisième absent, il s'agit déjà de condamnation.

Après tout, on ne justifie pas celui dont on parle, au contraire, on lui jette des pierres de paroles lourdes. Comme le dit le staretz Thaddée, "Nous ne sommes pas conscients du pouvoir que même nos pensées ont." Si plusieurs personnes commencent à juger quelqu'un et lui envoient leurs mauvaises pensées, il en viendra à être désorienté. Toute la malveillance des autres se déverse sur lui. Et vice versa. Regardez : Vous êtes ici, vous priez pour votre frère qui est à la maison, et il se rétablit ! Et nous disons : "Avez-vous entendu ce que l'évêque Untel a fait ?" Et au lieu de l'aider par la prière, pour qu'il soit corrigé (s'il a péché), vous lui faites du mal. Mais quand des centaines de milliers de personnes commencent à penser aussi mal de ce hiérarque, alors lui, le pauvre homme, ne sait plus pourquoi il est si malade, pourquoi ses jambes ne fonctionnent même pas. Et vous l'avez rendu très malheureux.

Et personne ne le dira : "Agenouillons-nous en priant pour lui !" Mais si nous faisions cela, Dieu le changerait (s'il péchait). Mais il est plus facile pour nous de condamner quelqu'un que de faire dix prosternations pour lui et de nous tenir debout pendant quelques instants en levant les mains en prière pour lui. Mais que plusieurs milliers de personnes, se lèvent pour prier pour le supérieur et vous verrez comment Dieu lui dira : "Réveille-toi et corrige-toi ! Vois-tu combien de personnes me crient dessus ?"

Je pense que cela arrive aussi parce que notre conscience nous tourmente pour nos mauvaises actions, donc nous trouvons une "justification" pour nous-mêmes dans le fait que quelqu'un d'autre pèche aussi. Mais regardez, qu'ont fait les saints Pères ? Ils ont pris note des plus grandes vertus qu'ils voyaient chez les autres, et lorsque le démon de la vanité a murmuré qu'ils atteignaient la mesure, ils ont rapidement coupé cette pensée, se comparant à l'un des saints. Mais nous faisons le contraire : Si on boit trop, on se met immédiatement à penser qu'on n'est pas encore devenu comme ceux qui se vautrent dans les caniveaux.

Chacun juge en fonction de sa propre condition, en fonction de la passion qui le possède. Par exemple, une femme inconnue se promène dans la rue la nuit. Si un croyant la voit, il peut penser qu'elle revient de la Vigile, d'une église ou d'un monastère. Si une personne laïque régulière la voit, il pourrait penser qu'elle est allée se promener. Mais si un fauteur de troubles la voit, il peut penser que son mari l'a chassée de la maison. Si un homme passionné la voit, il peut penser qu'elle était sortie peindre la ville en rouge et qu'elle revient d'on ne sait où.

C'était donc l'histoire d'une femme ordinaire qui marchait dans la rue, et regardez le jugement que cela pouvait provoquer ! Et elle pourrait être complètement innocente : Elle est juste sortie se promener, mais chacun la voit selon sa propre condition, ses propres passions. Il y a un dicton : "L'oeil pur voit toutes choses comme étant pures." Même chez les pires personnes, il trouve quelque chose de bon - une partie de l'image de Dieu. Si vous vous jugez vous-même, vous trouverez toujours une raison de couvrir les transgressions de votre voisin.

-Père, comment était votre résidence à la skite de Lacu?

-J'ai vécu dans la skite les deux premières années et tout est parti de zéro. Comme je vous l'ai déjà dit, je mangeais ce qui poussait dans le jardin, et je devais travailler dur pour défricher la zone des fourrés et mettre de l'ordre dans le terrain, parce que c'était un endroit rocailleux. Ensuite, j'ai vécu au monastère de Saint Paul pendant deux ans pour apprendre le grec. Quand je suis revenu à la terre ferme il y a dix-neuf ans, j'ai pris la cellule de Saint Artèmeet je l'ai restaurée.

Au début, j'ai vécu seul, puis mon frère Dosithée est venu. Nous avons construit la cellule à partir de rien. Je veux dire, à partir de zéro, parce qu'il n'y avait rien à cet endroit - juste des rochers et une forêt. Nous avons passé un an blottis dans une tente. Nous n'avions même pas assez de nourriture, mais nous allions au monastère et ramenions des conserves et du pain dans un sac à dos.

Dès le début, nous avons construit trois pièces pour avoir un endroit où vivre, puis nous en avons ajouté d'autres jusqu'à ce que tout soit comme vous le voyez aujourd'hui. C'est ainsi que la Mère de Dieu nous a demandé d'ériger une cellule pour le saint sans économiser un sou. J'ai aussi fabriqué des chapelets de prière et je suis allé dans les monastères, les donnant, et sortant de chaque monastère avec quelques matériaux de construction.

Après avoir terminé la cellule, j'y ai vécu pendant douze ans, mais quand la "plénitude du temps" est arrivée, j'ai commencé à construire celle dans laquelle nous sommes assis maintenant. Je voulais la construire en premier, mais le monastère voulait que nous construisions d'abord des cellules autour de la grande église, et seulement ensuite que nous commencions celles sur la colline. Comme c'était la plus éloignée du Kyriakon, j'ai dû la repousser jusqu'à la fin.

Il y avait beaucoup de rochers ici, et la skite voulait construire une maison pour les ouvriers. Dans les temps anciens, il y avait une grande église ici, dédiée à l'entrée de la Très Sainte Génitrice de Dieu au Temple. Et comme ils étaient trop nombreux à Saint Artème - dix moines - et que l'église était un peu petite, j'ai pensé que le moment était venu de demander cette cellule au monastère. Mais avant de demander, j'ai prié la Mère de Dieu de me la donner, donc je n'avais aucun doute que je l'obtiendrais. D'autres ont demandé ce lieu et ne l'ont pas obtenu. Mais comme il n'y avait rien ici à part des pierres empilées, beaucoup de frères ont dit : "Soit il est fou, soit il a un sac d'argent ! Vous êtes dix à Saint Artème, plus que partout ailleurs dans la skite. Que vous manque-t-il ? demandaient-ils. A l'époque, il y avait huit moines avec le Père Ștefan Nuțescu, six dans une autre cellule, et trois ou quatre autres.

-Je savais qu'une kellia pouvait avoir un maximum de neuf moines - sauf Burazeri, peut-être (une kellia avec plus de moines que beaucoup de moines athonites, comme Stavronikita, Costamonitou, et d'autres, car sa confrérie compte trente-cinq moines).

-Selon les lois anciennes, les monastères enregistraient six personnes par kellia. Mais les kellias appartenant aux skites ont des lois différentes de celles des monastères. C'est la même chose pour Burazeri.

Comme je l'ai dit, j'ai d'abord commencé à arracher les mauvaises herbes et à niveler cet endroit. Il y avait alors un conducteur de bulldozer grec qui faisait beaucoup de travail à Lacu, et nous nous sommes bien entendus avec lui. J'ai commencé à travailler avec lui car je n'avais pas d'argent, et il m'a dit "Tu paieras quand tu pourras." Je n'ai commencé à le rembourser qu'un an ou deux plus tard. On a tout déterré ici. Il y avait quatre autres travailleurs à l'époque. J'avais un ami, un Grec, qui n'arrêtait pas d'appeler pour me demander comment j'allais. Et je lui disais que nous travaillions, le seul problème était de savoir comment payer, mes dettes avaient déjà atteint dix, vingt, trente mille euros. "Les travailleurs vont vous tuer, vous n'aurez rien pour les payer", me disait-il en m'encourageant. "Je fais tout ce qui est humainement possible pour les payer. La Mère de Dieu s'occupe du reste. J'ai l'espoir qu'elle ne m'abandonnera pas cette fois-ci non plus."

Et elle ne m'a pas abandonné. Le jour même où j'ai décidé de ne plus contracter de dettes, un land rover de location s'est arrêtée à la cellule. Cinq personnes en sont sorties, et une s'est approchée de moi : "Que Dieu vous aide, mon Père !" "Que Dieu vous bénisse." "Comment ça va, vous faites des progrès ?" "Nous avançons", lui ai-je répondu. "Vous avez de l'argent ?" "Non." "Des dettes ?" "30 000 euros." "Ioanice, apporte le sac avec l'argent ici. Père, prends 30.000 eurosd'ici et sois en bonne santé !" Il a tourné et est parti.

Quand je suis revenu à moi, j'ai couru à la voiture et j'ai commencé à tirer sur une de leurs manches : "Qui est ce chrétien si miséricordieux, pour que nous puissions le commémorer lors des services divins ?" "Comment avez-vous pu ne pas le connaître, mon Père ? C'est Gigi. Gigi Becali. [2] Vous n'avez pas entendu parler de lui ?" "Jamais entendu parler de lui de ma vie", dis-je, encore ébranlé par ce merveilleux événement.

Pouvez-vous imaginer ? Cet homme m'a donné 30 000 euros, sans même me demander mon nom ou savoir quoi que ce soit sur moi ! Il m'a juste mis l'argent dans la main, s'est retourné et est parti ! Et il a fait ça dans toutes les kellias roumaines, en payant toutes leurs dettes.

Quelques jours plus tard, le Grec m'a rappelé : "Eh bien, comment vont vos dettes ?" "Je n'ai plus de dettes." "Comment ?" Alors je lui ai raconté ce qui s'était passé. "Un miracle !" a-t-il dit. "Comment est-il possible qu'il ait donné autant d'argent à un étranger ?" dit-il avec étonnement. "Mon ami, les choses qui sont impossibles pour les hommes sont possibles pour Dieu", lui ai-je dit.

-Alors, Gigi vous a vraiment aidé, mon Père !

-Oui. Quarante pour cent de tout ce que vous voyez ici a été construit avec son argent, et le reste a été le petit sou de la veuve de l'Evangile, de la part des fidèles.

Le toit était aussi très cher : 25 000 dollars, rien que pour la kellia, sans compter l'ardoise de l'église, que j'avais déjà posée auparavant. J'ai recouvert la cellule de papier de toiture et cloué des lattes dessus, mais comme j'avais une dette de 25 000, je ne pouvais pas en obtenir 25 000 de plus. Pendant ce temps, les lattes avaient déjà commencé à s'effriter, le toit fuyait et la pluie commençait à tomber à travers le plafond. Alors j'ai de nouveau fait appel à la Très Pure Mère de Dieu : "Mère de Dieu," lui dis-je, "fais comme tu veux, mais aide-moi à couvrir la cellule avant l'hiver, car la pluie tombe dans notre maison !"

Je dois dire que je n'ai jamais demandé d'argent à la Génitrice de Dieu, si ce n'est toujours pour le nécessaire. Une nuit, je me trouvais à la Vigile près du Kyriakon, dehors, pour me prosterner afin que le sommeil ne m'envahisse pas. Puis quelqu'un est venu me demander si j'avais couvert ma kellia ! J'ai répondu : "Non, parce qu'il en a coûté 20 000 pour couvrir l'église d'ardoises, et la kellia est plus grande, donc ça va certainement coûter plus cher." Il est parti et est revenu au bout d'un moment : "Combien dois-je donner pour devenir un bienfaiteur de votre sainteté ?" a-t-il demandé. "Eh bien, ce devrait être une somme substantielle pour qu'on s'en souvienne à jamais sur le Saint Autel", lui dis-je. "Est-ce que 25.000 est suffisant ?" "Bien sûr ! Et il est reparti.

Finalement, quand l'office s'est terminé et que je suis rentré chez moi, ce chrétien s'est approché de moi et m'a mis une enveloppe épaisse de la taille d'une brique dans la main et m'a dit : "Père, vous avez 25 000 euros ici pour couvrir votre maison. J'ai passé beaucoup de temps à collecter cet argent et je ne savais toujours pas où l'investir. J'avais deux options et je ne savais pas laquelle choisir. J'ai alors fait appel à la Mère de Dieu pour qu'elle m'apprenne ce qu'il fallait faire avec cet argent. Et elle m'a dit : "Va le donner au Père Pimène pour qu'il puisse couvrir sa kellia.

Dans ma joie, j'ai remercié la Mère de Dieu pour l'aide qu'elle m'a envoyée et je me suis immédiatement mis à la recherche du couvreur qui avait fait le toit de mon église, car je savais qu'il avait des commandes prévues un an à l'avance. Mais le Grec m'a dit qu'il avait deux semaines libres avant la prochaine commande. "Mettons-nous au travail", lui ai-je dit. J'ai rapidement commandé les tuiles à Kavala [3 ]et nous avons commencé le travail.

Je vous dis cela pour que vous sachiez que tout ce que vous voyez ici a été fait par la Grâce de Dieu, par une intervention divine, avec l'aide de Dieu, de la Très Sainte Génitrice de Dieu et des saints.

-Oui. "L'homme travaille à la sueur de son front, et Dieu agit."

-Tout se passe par lui-même quand l'homme cherche sans cesse Dieu et accomplit sa volonté. Alors Il porte vos préoccupations - Lui et Sa Mère.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

NOTES:

1 Voir The Ancient Patericon, chapitre 15.9 (9) : Dictons mémorables. Sur Abba Arsenios, 40.

2 Gigi Becali (né en 1958) est un homme d'affaires et un homme politique de premier plan, député au Parlement roumain et au Parlement européen. Cette interview a été réalisée après qu'il ait purgé une peine de prison pour avoir accepté des pots-de-vin en 2013-2015.

3 Ville de Grèce


mercredi 27 mai 2020

Conversation avec le moine Pimène (Vlad): VIVONS DANS LA BEAUTÉ ET RÉJOUISSONS-NOUS


Monk Pimen (Vlad)
Moine Pimène (Vlad)

Le père Pimène a écrit le meilleur livre à ce jour sur les monastères athonites et fait des croquis - le saint mont Athos, le jardin de la Théotokos, connu de tous les Athonites roumains et des pèlerins.

Il vient de Bucovine, du village de Cornu Luncii, et est né dans la vie monastique du monastère de Sihastria, où il a passé deux ans avant l'armée et deux ans après. Depuis l'âge de vingt-quatre ans, il fait son ascèse à le skite nde Lacu sur le mont Athos, avec son frère de sang, le père Dosithée. Le père Pimène a construit deux cellules à Lacu : la première, dédiée au saint martyr Artème, en 1996 - elle est maintenant dirigée par le père Dosithée ; et la seconde, en l'honneur de l'entrée de la Génitrice de Dieuau Temple, en 2009, où huit moines œuvrent avec lui. Une des sœurs du Père a également choisi la voie monastique.

Chaque rencontre avec le Père Pimène remplit l'âme de joie. Partout où vous le voyez, il rayonne toujours de calme et de sérénité, et vous sentez que c'est parce qu'il n'y a pas de ruse en son âme - elle est pure. "Comment fait-il pour ne pas se ployer sous le poids des soucis ? C'est l'higoumène, après tout", me suis-je émerveillé une fois et je le lui ai demandé. "Je révèle toutes mes demandes et tous mes désirs à Dieu seul", a-t-il répondu. C'est ce que cela signifie de croire vraiment que Dieu prend soin de vous, et de ne pas compter sur vous-même ! Si vous déposez vos chagrins sur le Seigneur, vous trouverez la paix.

-Père, quand êtes-vous venu à l'Athos ?

-Je suis arrivé en 1993.

D'où venez-vous ?

-De Sihastria de Secu. [1]

Sihastria Monastery
Monastère de Sihastria

-C'est là que vous êtes né à la vie monastique ?

-Oui. Mais j'ai d'abord vécu à Sihla, une skite du monastère de Sihastria. À partir de fin 1987, j'ai passé environ deux ans dans les montagnes, à Sihla. Puis je suis allé servir dans l'armée, mais le bureau d'enrôlement nous a renvoyés chez nous, car c'est le jour où Ceaușescu s'est enfui. Ils ne savaient pas quoi faire de nous, et ont dit "Rentrez chez vous ; revenez quand la révolution sera terminée !" Je suis donc rentré chez moi. Puis, quand tout s'est calmé, je suis allé servir dans l'armée.

-Et comment est né votre amour pour le monachisme ?

-L'amour pour le monachisme ne naît pas. Le monachisme est une vocation. Quand Dieu appelle, même si vous êtes lié par dix chaînes, vous les briserez et vous partirez. Quand il est temps de suivre la voie du monachisme, on y va !


The Cell of the Entrance of the Most Holy Theotokos into the Temple, Lacu
La cellule de l'entrée de la Très Sainte Génitrice de Dieu au Temple, Lacu

-Et comment cela s'est-il passé pour vous : progressivement ou immédiatement ?

-Immédiatement. C'était comme un feu. C'était la Grâce de Dieu, et quand la Grâce descend sur vous, vous ne voyez plus rien d'autre. Je suis parti pour le monastère tard dans la soirée, après dix heures, avec des congères jusqu'au toit. Quand Dieu vous appelle, vous quittez tout et vous partez, sans faire aucun projet de monachisme.

-Et avant cela, vous n'aviez jamais pensé à devenir moine ? Parce que je soupçonne que vous avez été un chrétien exemplaire dès votre plus jeune âge.

-Oui, je suis allé au monastère pendant de nombreuses années, mon père spirituel y était. Je suis toujours allé voir le père Cléopa [Ilie]. Je n'ai jamais manqué un office à l'église du village. En été, je passais quelques mois au monastère, mais je n'ai pas pris la décision finale de devenir moine. Je comprenais la gravité d'une telle démarche et je me demandais parfois si je pouvais rester dans un monastère toute ma vie. Mais, quand la Grâce est descendue...

-Et maintenant ? Ressentez-vous la même abondance de Grâce ?

-Non, elle est partie. Mais alors... C'était comme si vous vous étiez jeté la tête la première dans l'abîme, parce que vous saviez que Dieu vous rattraperait. Vous savez avec certitude qu'Il vous prendra dans Ses bras. Et puis vous laissez tout et vous vous en allez. Et après être parti, vous vous en remettrez à la volonté de Dieu. La Grâce de Dieu triomphe de tout ce qui est humain, et toute pensée s'efface.

Cell of St. Artemius, Lacu
Cellule de saint Artème Lacu

-Combien y avait-il de personnes dans votre famille, mon Père ?

-Neuf.

-Tant que ça ?

-Oui. Je suis d'une famille chrétienne.

Y avait-il des moines ? Un de vos frères n'est-il pas aussi moine, Père Dosithée?

-Oui. Il est aussi à Lacu. Vous avez écrit sur lui il y a quelques années, en l'appelant Sophrony. Je n'ai pas cessé de me creuser la tête : Qui est ce Sophrony dont il parle ?

Pardonnez-moi. C'est lui qui avait une barbe mi-blanche mi-noire, non ?

-Oui. Seulement, maintenant sa barbe est complètement blanche.

-Déjà ?

-Ah ! La vie d'un homme est une ascension de la montagne jusqu'à quarante ans, puis commence la descente. Après avoir passé la barre des quarante ans, vous commencez à recevoir des télégrammes : vos cheveux deviennent plus clairs (ou tombent complètement), puis vous commencez à craquer - une jambe, un bras.

Quel âge avez-vous ? Votre barbe est assez noire...

-Quarante-sept ans.

-Donc, vous êtes déjà dans la descente ?

-Eh bien, oui. Moi aussi. Un homme a toute sa force jusqu'à quarante ans. Il peut encore rêver, escalader des montagnes, etc. Puis les parties de son corps commencent à lâcher ; il est donc temps pour lui de se préparer. S'il est fort, il vivra jusqu'à quatre-vingts ans, et peut-être plus, mais seulement avec des difficultés et des souffrances de personnes âgées, car le châtiment pour les péchés - la maladie et la mort - est déjà à venir.

-Oui, mais il ne faut pas tomber malade, car ici, sur la Sainte Montagne, il semble que vous ne pécheriez pas spécialement.

-Oui, l'humidité de Lacu suffit à vous donner des rhumatismes. Vous n'avez pas besoin d'attendre le paiement de vos péchés. Cette humidité tue ! En été, quand il fait chaud, l'humidité monte de la mer et reste ici, dans notre "fosse" (comme le dit le nom de la skite traduit du grec-λάκκο). C'est pourquoi il n'y a que des Roumains qui vivent ici. Il n'y a pas une seule cellule à moins de trois heures de marche, ni sur la route de saintPaul, ni dans l'autre direction, avant Provata, sur la route de Karakallou. Et la mer est loin...

-Grâce à l'humidité, il y a ici une véritable enclave roumaine !

-Oui. "Le désert le plus profond", comme on l'appelle depuis l'antiquité.

-Pourquoi les Roumains l'ont-ils choisi ?

-Parce qu'ils aimaient le silence. Ils aimaient la réclusion. Et il y avait de l'eau ici. Ils ont aménagé un petit jardin à côté de la cellule et c'est comme ça qu'ils vivaient dans le désert. Ils ont gratté des rainures dans les rondins, les reliant les uns aux autres pour apporter de l'eau au jardin. À cette époque, il n'y avait pas de puits, pas de pompes, pas d'installations pour l'irrigation au goutte-à-goutte, et toutes ces aides que nous avons aujourd'hui.

-Vous devez connaître l'histoire de ces lieux.

-Je sais que dans les temps anciens, ces terres appartenaient à Vatopaidi, mais à un moment donné, il a fait un échange avec le monastère de Saint-Paul, auquel il était redevable, et donc cet endroit a fini par appartenir à Saint-Paul. Au début, il y avait des Serbes ici, et ils étaient nombreux au monastère de Saint-Paul, mais peu à peu, la région a été désertée. Alors les Roumains sont arrivés.

-Combien de cellules y a-t-il aujourd'hui à Lacu ?

-Quatorze sont déjà terminées, et trois sont encore en construction.

Donc, dix-sept.

-C'est juste!

Comment avez-vous atterri sur l'Athos, mon père ?

-Je suis arrivé sur la Montagne Sainte de la même façon que je suis parti pour le monastère. La Mère de Dieu m'a pris par la main et m'a conduit ici. Même un mois auparavant, je n'avais jamais pensé à aller à Athos. J'étais calme. Je venais d'être nommé assistant de l'intendant à Sihastria. Il y avait trente moines et vingt ouvriers sous mes ordres, et tout le travail dans le monastère. J'avais déjà fait toutes les obédiences à ce moment-là, y compris la garde des moutons pendant un an.

Puis, un mois avant mon départ pour l'Athos, mon père est venu me rendre visite, et nous nous sommes promenés dans le jardin et sur la montagne un moment pour parler tranquillement. Et juste à ce moment-là, le père Cléopas descendait de la montagne. Il se dirigeait vers le monastère et s'est soudain tourné vers moi, et a dit: "Ecoute, ne t'enfuis pas vers l'Athos !" Il l'a dit comme un homme qui savait mieux que moi ce qui m'attendait dans le futur. C'était comme s'il avait dit : "Je sais que tu vas t'enfuir à l'Athos !" Mon père m'a demandé pourquoi il avait dit cela. "Comment le sais-je ? Il sait ce qu'il dit", lui répondis-je, n'accordant aucune importance aux paroles du staretz.

Quatre semaines passèrent, et en un mois seulement, je ne voyais plus rien d'autre que l'Athos devant mes yeux ! Et bien que tout ait été assez difficile à cette époque, la Mère de Dieu a tout arrangé en une semaine, et je suis parti pour la Terre Sainte, puis pour l'Athos, sans un sou en poche. J'avais besoin de deux visas - un israélien et un de Schengen - et je les ai obtenus sans problème. Toutes les portes se sont ouvertes devant moi comme par magie. En fait, c'est la Mère de Dieu qui a intercédé pour que j'aille dans son Jardin.

Je pourrais écrire un livre entier sur ce pèlerinage : comment je passais parfois la nuit dans les buissons parce que je n'avais pas un sou, je me levais à cinq heures du matin et je me nettoyais : Je cherchais une salle de bain pour me laver et je quittais cet endroit.

-Où était-ce ?

-À Jérusalem. J'ai passé environ une semaine en Israël, jusqu'à ce que la Mère de Dieu s'en occupe, et j'ai obtenu à la fois de l'argent et un visa Schengen pour aller en Grèce, sur la Sainte Montagne. Je n'ai rien mangé pendant trois jours, jusqu'à ce que le bateau arrive à Athènes en provenance de Tel Aviv. Ah, quelle opportunité ! Il y a toute une histoire avec mon voyage d'Athènes à Thessalonique et puis à l'Athos. Imaginez, je ne connaissais personne ni à Thessalonique ni sur la Sainte Montagne pour obtenir un diamontirion (autorisation d'entrer sur le mont Athos). Mais la Mère de Dieu m'a aidé et a envoyé des gens pour m'aider au bon moment.

Et où êtes-vous allé en premier sur le Mont Athos ?

À Prodromou [2], parce que, par coïncidence ou non, la voiture de la skite était à Karyes à ce moment-là et m'a emmené là-bas, dans notre cénobium roumain. Ensuite, comme ils attendaient l'arrivée de certains pèlerins à Prodromou, et qu'il n'y avait pas de place dans la maison d'hôtes, ils nous ont emmenés à Lacu. Et je suis resté ici.

-Où exactement ?

-Il n'y avait alors qu'une seule cellule, dans le kyriakon (église de la skite) - "la maison du Père", comme nous l'appelions. Et il pleuvait à verse dans cette cellule ! Pardonne-moi, Seigneur ! Et elle ne pouvait pas être réparée si facilement parce qu'elle était couverte de bardeaux posés sur de l'argile, qui étaient tous lavés et emportés par la pluie. J'avais une cuvette au-dessus de mon lit dans cette cellule. Une feuille de métal en sortait, le long de laquelle l'eau coulait vers le poêle, où il y avait un autre bassin collecteur d'eau. C'est à peu près comme ça que la cellule de tous les moines de Lacu était à cette époque.

-Une vie difficile !

-La skite était alors dans la misère la plus totale. On déterrait quelques pommes de terre dans le jardin, on ramassait des orties, et c'était toute notre nourriture. Nous en faisions un grand pot de ragoût, et cela nous suffisait pour une demi-semaine. Le jeudi, nous en cuisinions un autre et nous le mangions pendant trois jours. Nous avons passé deux ans de cette façon. Nous avions quelques raisins après la Transfiguration, et c'était tout ! Nous n'avions pas de vêtements de rechange. Juste des vêtements d'église. C'était tout ! Ensuite, nous avons trouvé des morceaux rapiécés et nous en avons fait des vêtements de travail.

-Quelle difficulté cela a été pour vous !

-Oui. À l'époque, si quelqu'un nous donnait des loukoums, nous les coupions en quatre et nous les mettions à la disposition des invités. Nous n'avions rien de comestible à l'époque, juste ce qui poussait dans notre jardin.

N'était-ce pas mieux à l'époque ?

-Eh bien, oui ! Beaucoup mieux ! Nous avions alors le silence. Il n'y avait pas d'agitation. Bien que le calme vienne de l'intérieur. Écoutez, Père Porphyre a passé trente ans à Athènes, et quel niveau a-t-il atteint ? Nous devons faire entièrement confiance à Dieu ! Toutes les peurs naissent d'un manque de foi en Dieu : on a peur de tomber malade, de mourir de faim, de ne pas survivre dans le désert...

-Vous vivez donc selon la parole du Seigneur : Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine. (Matthieu 6:34).

-Et regardez, il est écrit là : Ne vous inquiétez donc pas, en disant : Que mangerons-nous ? ou : Que boirons-nous ? ou : De quoi serons-nous vêtus ? (Matthieu 6:31). Confiez-vous à Dieu et à la Mère de Dieu, car elle est le meilleur intercesseur : Tous les dons passent par elle. Et vous n'aurez besoin de rien, car le Seigneur vous donne tout ce dont vous avez besoin. Et si vous n'avez pas quelque chose, ou si vous en manquez, cela signifie que vous n'en avez pas besoin.

J'ai entendu un jour un prédicateur grec raconter comment une poignée d'Hellènes a réussi à survivre et même à conquérir les forces écrasantes des fascistes italiens. Il s'agissait de George Kastritis, qui a vu la Très Sainte Génitrice de Dieu entourée d'une foule de saints. Elle a dit qu'elle allait au front pour protéger les orthodoxes. C'est elle qui a vraiment gagné la bataille.

Et ce Père a dit qu'il arrive souvent que nous honorions la Très Sainte Génitrice de Dieu plus que le Christ, mais il n'en est pas affligé, car Dieu n'est pas comme les gens : il se réjouit en fait que nous honorions Sa Mère, la Reine du Ciel et de la Terre. Qui est plus puissant au Ciel ou sur Terre que la Mère de Dieu ? Et si vous saisissez la robe de la Mère de Dieu, quel mal peut vous toucher ? Comptez sur ses soins et rien ne pourra vous faire de mal. Ne sait-elle pas que vous souffrez ?

Et puis, pourquoi avez-vous tant de soucis ? Du genre : "Que vais-je faire demain ?" Es-tu sûr que tu vivras pour voir demain ? Et si tu posais ta tête sur ton oreiller et que le matin tu ne te levais plus pour prier ?

Le plus grand combat de l'Ennemi contre l'homme est qu'il ne lui permet pas de vivre dans le présent - ni dans le futur, ni dans le passé, mais pas dans le présent ! Ainsi, les personnes âgées parlent des gens qui étaient merveilleux, pendant leur jeunesse, et les jeunes réfléchissent à leurs projets d'avenir. Et ils ne vivent pas le moment présent. Ils ne vivent pas dans le présent. Ils disent : "Demain je ferai ceci et cela, le lendemain quelque chose d'autre", et aujourd'hui ils ne font rien, surtout pour leur salut. Mais, homme, réjouis-toi en ce moment, des gens qui sont près de toi, que Dieu a mis sur ton chemin...

-Amen, Père ! C'est pourquoi je suis venu aujourd'hui vers votre sainteté !

-... la beauté autour de vous, les oiseaux, les arbres, les fleurs et l'herbe. Mais non, l'homme se dit toujours qu'il fera quelque chose demain, et quand demain arrive, il dit encore la même chose : que demain il fera et finira quelque chose. Et ainsi, nous ne vivons ni ne mourons. Nous sommes debout avec un pied dans la tombe et l'autre sur le sol ; nous ne vivons pas dans le présent et nous ne nous réjouissons de rien.

Vous êtes ici dans le monde : Réjouissez-vous les uns les autres ! Avec votre femme, vos enfants. Laissez les péchés des autres, n'attachez pas d'importance à tout, vous aussi vous péchez parfois, et quelqu'un doit vous supporter. Le soir, embrassez-les tous et demandez pardon à tout le monde, car vous ne savez pas si vous vous réveillerez le matin. Ou peut-être que l'un d'entre eux mourra, et qu'il restera un grief entre vous, Dieu nous en garde !

Tout cela ne nous permet donc pas de nous réjouir de la vie, alors que nous ne savons pas comment tout mettre à profit. Vivons magnifiquement et réjouissons-nous de tout ce que Dieu nous permet de faire. Et ainsi nous passerons dans cette joie qui existe dans l'autre monde.

Et nous, que faisons-nous ? Nous montons dans la voiture, nous roulons à 125 km/h, et qui voit qu'un arbre a fleuri ? Est-ce que l'un d'entre nous regarde comment l'herbe pousse ? Non.

-Plus probablement, nous nous asseyons devant Facebook et Instagram.

-Oui, peut-être. Ou peut-être que vous conduisez des centaines de kilomètres et que vous ne voyez rien, parce que vous n'avez rien en tête, à part vos projets. Votre esprit est en train d'errer ailleurs. Aujourd'hui, tout le monde parle d'amour et tout le monde souffre de solitude. Pourquoi ? Parce que personne ne vit dans le présent.

-Vous avez raison, mon Père. Je dirais qu'il n'y a rien d'autre que le moment présent : Hier est déjà passé, et demain n'est pas encore venu. En ce moment, il n'y a rien d'autre que notre conversation.

-Oui. Qu'est-ce que je veux dire ? Avant, tout le monde connaissait tout le monde dans chaque village. Un rocher ne pouvait même pas tomber sans que la dernière babouchka à la lisière du village le découvre. Et le prêtre connaissait tout son troupeau. Maintenant, les gens vivent dans le même bâtiment depuis vingt ans et ne se connaissent pas. Tout au plus, ils se saluent quand ils se rencontrent, et c'est tout. Mais nous devrions nous réjouir les uns les autres.

-Oui, et plus encore ce que disait Abba Apollon : "Si tu as vu ton prochain, tu as vu Dieu." [3]

-Oui. Et Saint Antoine le Grand dit que la vie et la mort viennent toutes deux de ton prochain. [4] Et alors vous ne pouvez pas être si pauvre que vous ne lui donniez pas quelque chose, au moins un sourire. En réponse, certains diront que vous n'avez pas tout à fait raison dans votre tête, et d'autres diront que vous êtes béni, mais que vous ferez le bien pour la majorité. C'est mieux que d'être morose. Dans les villages, tout le monde se saluait, et souvent même s'informait de son état de santé.

-Père, quand j'ai déménagé en ville, j'ai salué tous ceux que j'ai rencontrés pendant six mois !

-Vous avez eu une bonne éducation à la maison. Si vous ne saluez pas quelqu'un, même le prêtre découvrira ce scandale !

-Ce qui m'est arrivé dans mon enfance. J'avais alors cinq ans et un beau jour, je me suis précipité à la clinique pour voir mon père - Dieu ait son âme ! - et je suis passé devant des gens qui creusaient un fossé, en oubliant de les saluer. Ils m'ont appelé : "Hé, tu es le fils de Mihai untel ?" J'ai dit oui, puis Ilie Paleur a dit : "Reviens ici, tu as oublié quelque chose !" J'y suis retourné et j'ai regardé attentivement sous mes pieds, je n'avais rien perdu. Ils m'ont dit à nouveau : "Reviens, reviens !" C'est seulement à ce moment-là que j'ai réalisé que je ne leur avais pas dit "Dieu nous aide". C'est comme ça que les gens étaient dans ma jeunesse !

-Oui. On s'entendait si bien, avec beaucoup d'amour et de respect. Mais notre égoïsme nous en empêche généralement. Nous nous inquiétons toujours d'un jour qui, de toute façon, n'est pas le nôtre, mais nous avons aussi une certaine maladie : le désir d'être toujours traités avec équité.

-Cette soif de justice est notre fléau national, mon Père ! Nous ne pouvons tolérer ni personne ni rien. Saint Isaac le Syrien l'a dit si merveilleusement : "Quiconque peut supporter l'injustice et l'abolir a reçu le réconfort de Dieu. " [5]

-Oui. Mais aujourd'hui, tout le monde veut être traité équitablement, et tout le monde veut avoir raison. Je me souviens de l'histoire d'un rabbin vers qui les Juifs venaient plaider. Un jour, Rachel cuisinait dans la cuisine (comme la porte était entrouverte, elle entendit parler des procès que les gens intentent au tribunal), et elle a appris que son mari avait acquitté les deux parties dans la même affaire. Agacée, elle lui a demandé : "Comment peuvent-ils avoir tous les deux raison ?" "Ecoute, tu sais quoi ? Tu as raison toi aussi", lui répondit le sage juif. Il a acquitté tout le monde. Tu vois ? Il est important que vous ayez une disposition d'esprit pacifique, que vous ne vous inquiétiez pas, et alors vous préserverez la paix autour de vous, dans votre entourage, et à la maison, dans votre famille. C'est la seule façon de l'accorder aux autres.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
ORTHOCHRISTIAN

NOTES:

1 C'est-à-dire du monastère de Sihastria, où le grand staretz Cléopa (Ilie) œuvra. Avant l'époque de Cléopa, c'était une skite, ou un hésychastère (d'où le nom de Sihastria), du monastère de Secu.

2 La skite roumaine de Saint-Jean-Baptiste

3 Voir Dictons mémorables : Sur Abba Appollon

4 Voir The Ancient Patericon, chapitre 17.2 (2) : Dictons mémorables. Sur Abba Antoine, 40

5 Saint Isaac parle de patience et de réconfort en de nombreux endroits. Voir, par exemple, ses Homélies 78, 21, 57 et 79.