lundi 30 mars 2020

Higoumène Tryphon: Le meilleur des temps


Tout en souffrant de la pandémie

Je suis douloureusement conscient que beaucoup de gens se sentent trahis par leurs évêques et leurs prêtres à cause de la fermeture de nos églises, pendant cette pandémie. Certains ont suggéré que nous, prêtres, apprécions les services parce que nous n'avons plus à subir les tracas de la présence de laïcs, et que pendant que nous, le clergé, profitons d'un "réveil spirituel", d'autres sont contraints à cette quarantaine qui les a enfermés chez eux, seuls. Alors qu'ils ont soutenu leurs églises au fil des ans, nous, le clergé, avons maintenant fermé les portes des temples afin de pouvoir organiser des liturgies privées.

Sachant que ce sentiment est peut-être plus répandu qu’on ne le croit, je sais que je parle au nom de chaque évêque, de chaque prêtre, lorsque je dis que nous, les prêtres qui avons été forcés de fermer nos églises, notre peuple nous manque. Nos paroissiens, et dans le cas des monastères, nos pèlerins, sont tous aimés de nous. Notre peuple est la raison même pour laquelle nous sommes entrés au service de l'Église, car ils font tous partie intégrante du Corps du Christ et sont très aimés de nous.

Je vous en prie, mes chers, ne désespérez pas, mais souvenez-vous que nous allons tous nous en sortir ensemble. La séparation que nous vivons tous pendant cette pandémie passera, et les choses reviendront à la normale. Ce n'est pas la seule fois dans l'histoire de l'humanité que des moments aussi terribles ont frappé notre race humaine, et ce ne sera pas la dernière.

Nos propres correspondants réguliers, ici dans notre monastère, ont clairement fait savoir qu'ils estimaient devoir se tenir à l'écart du monastère, de peur d'introduire le coronavirus chez les moines. Se privant des Saints Mystères, ils ont choisi de nous protéger.

Après la Divine Liturgie de dimanche dernier, je me suis rendu chez de pieux croyants qui s'étaient rassemblés pour un service de lecture, avec d'autres paroissiens, et les ai appelés à sortir par la porte d'entrée, je les ai bénis depuis mon véhicule, afin qu'ils puissent me voir en personne, et savoir que je les aime et que les voir me manque. Je leur ai même envoyé des photos des offices, en espérant que ces photos les aideraient à se sentir liés au monastère, même s'ils n'ont pas pu être présents.

Tous les prêtres à qui j'ai parlé, et même mon archevêque, ressentent la même chose. Comment ne pas le faire, car l'Église est composée de nous tous, ensemble. Nous, le clergé, sommes les serviteurs de notre peuple, et pourtant une pandémie nous a tous séquestrés dans nos maisons et nos monastères, tout comme notre peuple a été séquestré dans ses maisons. Tout comme les membres de la famille sont désormais empêchés de rendre visite à leurs proches qui sont en quarantaine dans les hôpitaux, parfois même seuls face à la mort, nous, les prêtres, souffrons d'être séparés des personnes que nous aimons et que nous souhaitons servir.

Je dois également souligner que ce n'est pas seulement nous, les prêtres, qui pouvons bénéficier de l'isolement forcé qui nous a donné la chance de faire de ce voyage de carême l'un des plus profitables de tous sur le plan spirituel. Ce n'est pas seulement parce que nous sommes capables de servir la Liturgie, mais plus encore, parce que nous avons eu la possibilité de faire l'expérience d'un silence intérieur qu'aucun d'entre nous, qu'il soit membre du clergé ou laïc, n'a connu de son vivant.

C'est peut-être le Seigneur Lui-même qui nous fait don de cette pandémie comme notre façon de nous éveiller à ce qui a une valeur éternelle, tout en éteignant, même si ce n’est que pour quelques mois, des distractions d'un monde qui, il y a longtemps, a détourné les yeux de Dieu. En ayant fait des idoles du profit, des biens matériels, des stars de cinéma, des voitures de luxe, nous avons oublié Dieu. Maintenant, nous avons été appelés à nous repentir, et à tourner notre regard collectif vers ce qui compte vraiment, notre relation avec le Christ, Qui nous aime, même malgré nous.

Avec amour en Christ,
Higoumène Tryphon

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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