Philarète Denisenko et le patriarche
Bartholomée.
Photo : UOJ
Pourquoi la reconnaissance par le Patriarcat de Constantinople n'a pas suffi pour que Philarète Denisenko et ses disciples cessent d'être schismatiques.
Dans l'ordo du sacrement de la confession, il y a les paroles suivantes : "Réconcilie-le et réunis-le avec Ta Sainte Eglise, ô Christ Jésus notre Seigneur..." Cela signifie que le péché commis sépare une personne de l'Église, la met hors de l'Église. Et une telle personne a vraiment besoin d'être réunie au Corps de l'Église.
Le 11 octobre 2018, le patriarche Bartholomée, avec le Synode de l'Église de Constantinople, a non seulement " réuni " Philarète Denisenko avec l'Église, mais il a aussi fait une expérience : que se passerait-il si les gens étaient " réunis " sans leur repentance sincère pour le péché qu'ils ont commis. Dans ce cas, le péché de schisme. Qu'en est-il résulté ?
Tout le monde a pu voir dans l’église des gens qui pleuraient inconsolablement leurs péchés en confession, ne regardant pas les gens autour d'eux mais regardant dans leur propre âme. Précisément, de tels cas sont les exemples les plus frappants de la repentance lorsqu'une personne voit soudainement toute la profondeur de sa chute et se rend compte que par elle-même, elle ne pourra pas se relever de cette profondeur, qu'elle a besoin de l'aide de Dieu. Et qu'elle ne peut trouver cette aide que dans le sacrement de la Pénitence.
Peut-être, il n'y a pas tant de cas de ce genre, mais ils montrent clairement le besoin de pénitence, c'est-à-dire un changement profond en soi. L'Eglise dit constamment que la repentance est une condition indispensable pour la correction ; et plus sincèrement la personne se repent, plus elle reçoit pardon et d'aide d'en Haut pour la guérison des péchés.
Oui, se repentir est très difficile, parfois même insupportable. C'est une honte... Parfois, une personne ne peut pas imaginer qu'elle va oser dire : "Pardonne-moi, Seigneur, car j'ai péché."
"As-tu honte et rougis-tu quand tu dois confesser tes péchés ? Tu devrais avoir honte de pécher plutôt que de teconfesser. Réfléchis : si la confession n'est pas apportée ici, alors tout sera confessé là Haut, devant l'univers entier. Où y a-t-il plus de tourments ? Où y a-t-il plus de honte ? [nous sommes]courageux et sans honte dans nos actes, et quand nous devons nous confesser, alors nous sommes honteux et lents. Si tu confesses tes péchés, il n'y a pas de honte à cela, au contraire, il y a la vérité et la vertu. Et s'il n'y avait pas de vérité et de vertu en cela, alors la confession n'aurait pas de récompense... expose ton cas, afin que tu sois justifié. (cf. Es. 43, 26). Il t’ordonne de confesser non pas pour que tu sois puni, mais pour que tu sois pardonné." (St. Ephraim le Syrien)
Mais pour confesser ses péchés, il est nécessaire de se repentir pour être guéri du péché.
" Ouvre ta conscience devant Dieu, montre-lui tes blessures et supplie-Le de te donner des médicaments pour les guérir. Ne les montre pas à quelqu'un qui te fera des reproches, mais à quelqu'un qui te guérira. Même si tu gardes le silence, Dieu sait tout. Dis-lui tes péchés afin que tu sois celui qui en profite. Dis-les-lui afin que, une fois que tu Lui auras laissé le fardeau de tous tes péchés, tu seras purifié de tes fautes et libéré de l'intolérable nécessité de les rendre publics". (St. Jean Chrysostome)
Saint Jean Climaque donne des instructions sur le comportement extérieur du pénitent : "Pendant la confession, aie à la fois une apparence extérieure et intérieure, et pense comme un criminel condamné, en inclinant ta face vers la terre ; et si possible, trempe de larmes les pieds du juge et de ton médecin, comme les pieds du Christ lui-même."
Il est vrai que tout cela est appelé par la " hiérarchie " actuelle de l'Église orthodoxe d'Ukraine Alexandre (Drabinko) " tomber à genoux devant le khan avec un chapeau blanc ". Evidemment, ce ne sont pas les enseignements des Saints Pères sur la repentance, mais les paroles de Drabinko qui sont d'actualité maintenant : "Où les parents regardent-ils, où les enseignants regardent-ils, où la société regarde-t-elle ? Les enfants s'agenouillent devant un homme en soutane - c'est-à-dire un homme ! De qui sont les esclaves que vous faites grandir ? Dans quel service les placez-vous ? Quelle sorte d'Ukraine libre construisez-vous ?"
Il y a certainement une différence dans l'établissement des objectifs. Les Saints Pères disent ce qu'il faut faire pour sauver votre âme immortelle, tandis que Drabinko [évêque schismatique] - comment construire une Ukraine libre.
Mais le problème est que le Patriarche Bartholomée de Constantinople croit aussi que la repentance n'est pas nécessaire pour la réunification avec l'Eglise.
En 1992, l'ancien Métropolite de Kiev Philarète Denisenko a commis le péché de schisme. Il a rompu sa propre promesse de démissionner à la tête de l'UOC et a désobéi à la résolution du Conseil de Kharkov, qui a décidé de le retirer du Siège de Kiev, et il a organisé sa propre organisation religieuse - le Patriarcat de Kiev.
Malgré les appels répétés au repentir, Philarète Denisenko, après sa déposition, a poursuivi son activité schismatique. Par la décision du Conseil des évêques de l'Église orthodoxe russe de 1997, il a été anathèmatisé.
Le péché de schisme a été reconnu par toutes les Églises orthodoxes locales, y compris l'Église de Constantinople. En particulier, le 26 août 1992, Sa Sainteté le Patriarche Bartholomée de Constantinople, dans sa réponse à une lettre de Sa Sainteté le Patriarche Alexis II de Moscou et de toute la Russie, a écrit au sujet de la déposition du métropolite Philarète de Kiev : "Notre Sainte Grande Eglise du Christ, reconnaissant la pleine et exclusive compétence de votre Très Sainte Eglise russe en la matière, accepte synodiquement la décision sur ce qui précède."
L'Église de Constantinople " accepte synodiquement la décision " sur la déposition de Philarète pour le péché de schisme et la reconnaissance que tous ses " sacrements " ne sont pas valides.
Dans la lettre de Sa Sainteté le Patriarche Bartholomée du 7 avril 1997 à Sa Sainteté le Patriarche Alexis II, il est dit que "ayant reçu l'avis de cette décision, nous en avons informé la hiérarchie de notre Siège Œcuménique et lui avons demandé de ne plus avoir de communion ecclésiale avec ces personnes".
Dans des interviews et des déclarations orales, jusqu'à l'automne 2018, le Patriarche Bartholomée a reconnu Denisenko comme un schismatique hors de l'Eglise et a dit que le retour du schisme n'est possible que par la repentance. Tout est en plein accord avec l'enseignement de l'Église et les homélies des Saints Pères.
Le 11 octobre 2018, le patriarche Bartholomée a décidé d'entreprendre une expérience sans précédent - il a essayé de réunir les schismatiques à l'Église sans repentir. Le paragraphe pertinent de la décision du Synode de Constantinople dit : " Accepter et examiner les pétitions d'appel de Philarète Denisenko, de Macaire Maletytch et de leurs disciples, qui se sont trouvés dans le schisme non pour des raisons dogmatiques, conformément aux prérogatives canoniques du Patriarche de Constantinople de recevoir de telles pétitions des hiérarques et autres clercs de toutes les Églises autocéphales. Ainsi, les susdits ont été canoniquement rétablis dans leur rang hiérarchique ou sacerdotal, et leurs fidèles ont été rétablis dans la communion avec l'Église".
C'est-à-dire qu'ils ne semblaient déjà pas avoir commis le péché de schisme mais " se sont trouvés dans le schisme non pour des raisons dogmatiques ". Le péché semblait avoir cessé d'être un péché.
Mais selon saint Jean Chrysostome, " la confession des péchés contribue beaucoup à leur correction, et la négation du péché après l'avoir commis est le plus grave des péchés. "
Mais le Patriarche Bartholomée a décidé que lui, en tant que "le plus important" dans l'Église, pourrait être au-dessus de ces règles. Qu'il a tout à fait le droit d'annuler la repentance pour le retour à l'Église. Qu'il peut même "oublier" ses propres paroles selon lesquelles le péché de schisme est guéri par la repentance et rien d'autre. Enfin, en décembre 2019, le patriarche Bartholomée, dans une interview à l'édition en ligne de Kurir.rs, en est arrivé au point où il a directement accusé les Russes du schisme : "La partie russe n'a rien fait en 30 ans pour guérir ce schisme en Ukraine. Et où est l'amour pour les schismatiques ? Il n'y en a pas. Ce sont les Russes qui ont fait le schisme, et non le Patriarcat œcuménique ou les Ukrainiens, comme ils le disent maintenant. Donc, les Russes ont fait le schisme et pendant 30 ans n'ont pris aucune mesure pour le guérir."
"Repentance" (en grec Μετάνοια) signifie littéralement un changement d'esprit, un changement de pensées et de conscience. Un repentant doit nécessairement changer, en renonçant à ses erreurs pécheresses antérieures. Mais le patriarche Bartholomée a décidé qu'il pouvait accepter Philarète Denisenko et ses disciples dans l'Église sans changement, tels qu'ils étaient. Et c'est de cela qu'il s'agissait.
Eh bien, toute expérience a droit à la vie, mais la justesse de l'expérimentateur doit être prouvée par le résultat. L'arbre est connu par ses fruits. Mais ces fruits sont les suivants : le Philarète schismatique est resté un schismatique dans son état " réuni ". Rien n'a changé.
Comme Denisenko est tombé dans le schisme avec l'Église orthodoxe russe en 1992, parce qu'il n'a pas réussi à devenir le Patriarche de Moscou en 1990, il a quitté l'Eglise orthodoxe ukrainienne canonique en 2019 parce qu'il n'est pas devenu un vrai patriarche, et non un "patriarche honoraire". Il l'a déclaré plus d'une fois dans ses nombreuses interviews.
La situation est similaire pour les anathèmes. En ce qui concerne l'anathème qui lui a été imposé par le Conseil des évêques de l'Église orthodoxe russe en 1997, il a déclaré que cela " ne le dérangeait pas ". Et maintenant Philarète parle de manière absolument identique des anathèmes possibles du Phanar : "S'ils imposent des anathèmes ou autre chose, cela ne m'importe pas. Cela ne me concerne pas. Quoi qu'ils acceptent envers moi, cela ne me concerne pas."
En gros, il ne se soucie pas beaucoup des représailles de l'Église orthodoxe russe et de l'Église de Constantinople. Voici un homme qui est accepté tel qu'il est. Et cela malgré le fait que dans une interview accordée à la même édition en ligne de Kurir.rs, le patriarche Bartholomée a parlé très chaleureusement de Denisenko : " Le métropolite Philarète, que les Russes appellent le métropolite autoproclamé, est un homme que les gens respectent et aiment beaucoup... "
En général, l'année écoulée depuis le début de l'expérience sur la " réunification " des personnes avec l'Église sans repentir l’a montré clairement : l'expérience a échoué misérablement, il est temps d'y mettre fin. L'exemple de Philarète Denisenko dans cette expérience est très vif et évident du fait qu'il parle ouvertement, sans peur ni gêne à cause de son âge, de son caractère et de son expérience passée.
Mais on peut dire la même chose de tous les autres schismatiques : ils n'ont pas changé du tout avec la légalisation. Ils feront juste leurs preuves un peu plus tard. Et peu importe combien le patriarche Bartholomée a essayé, personne n'a réussi à " perfectionner " l'Évangile, qui dit sans équivoque : "Repentez-vous, car le Royaume des Cieux est proche." (Matthieu 4, 17)
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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