jeudi 30 janvier 2020

Archiprêtre Gabriel Rochelle: Il n'y a plus de silence



Ma mère a vécu jusqu'à l'âge de 96 ans. Elle naquit à la fin du XIXe siècle. Quand elle fut relativement âgée, nous lui avons demandé d'écrire un souvenir pour un bulletin d'information familial. Elle fut réticente, disant qu'il n'y avait rien d'intéressant dans sa vie. J'ai insisté. J'étais fière d'elle parce qu'elle faisait partie du nombre relativement restreint de femmes qui avaient obtenu leur diplôme d'études secondaires au début du siècle, et pour bien d'autres raisons. Elle écrivit finalement  un court mémoire. C'est ainsi que tout a commencé :

"Quand j'étais enfant, c'était calme. Il n'y avait pas de radio. Il y avait très peu d'automobiles et pas d'avions. Si nous entendions une voiture, nous courions dans la rue pour la voir passer, parce que c'était très inhabituel. Il y avait beaucoup de silence."

"Quand j'étais enfant, c'était calme." Personne ne va plus jamais dire cela. La radio, la télévision, les ordinateurs nous entourent, et toutes sortes d'appareils électroniques nous maintiennent à l'écoute du monde qui nous entoure, ou du moins c'est ce que nous pensons. Les avions, les voitures et les motos sont partout. On ne peut échapper au bruit nulle part. Plus de retraite isolée en montagne.

Bien sûr, ce n'est pas seulement du bruit dont nous parlons sans discernement. Les bois sont pleins de bruit, comme le savent tous ceux qui y ont passé du temps. Tout comme les fermes et les ranchs. C'est la qualité du bruit qui est différente, le naturel contre le non naturel.

Les gens marchent branchés sur le bruit, même s'il s'agit de musique, de radio parlée ou de NPR [Radio Publique]. Lorsque je prends l'avion, ce que je fais tous les mois en raison d'un engagement dans l'enseignement, je suis peut-être la seule personne à lire un livre ou à rester assise sans rien dire. Tout le monde autour de moi écoute un appareil d'enregistrement ou est branché à un ordinateur. Sur la route, je vois des conducteurs avec des écouteurs. Ils essaient peut-être de remplacer un bruit par un autre. Non seulement les gens sont assaillis par le bruit autour d'eux, mais beaucoup choisissent en fait d'augmenter le bruit. Vous ne pouvez même plus aller à l'épicerie sans être accueilli par une sorte de musique d'ambiance.

Et alors, dites-vous, c'est juste la façon dont la vie s'est déroulée en ce 21e siècle. Mais laissez-moi vous dire qu'il y a un prix à payer. Le psalmiste dit : "Tais-toi et sache que je suis Dieu." Lorsque vous êtes entouré de bruit, vous ne pouvez pas vous entendre penser. Et c'est là que se situe le problème. Tant de gens, j'en suis convaincu, remplissent leur vie de bruit parce qu'ils ne peuvent pas se permettre d'être silencieux ou de se taire. Ils devront alors affronter le vide qui est en eux.

Ma mère était une femme d'une foi profonde. Même dans ses pires moments, et il y en a eu beaucoup au cours de ses longues années, elle n'avait pas peur d'affronter le silence et la tranquillité, car elle connaissait la Présence de Dieu en eux. En fait, jusqu'à la fin de sa vie, elle a chéri les moments de silence, les moments de méditation et de prière.

Lorsque vous remplissez votre vie de bruit tout le temps, le vide à l'intérieur de vous augmente. Il ne diminue pas. Il augmente parce que vous perdez le lien intérieur avec votre source de vie que nous appelons Dieu. 

Quand ce n'est plus calme à l'extérieur, les chances sont minces de trouver le véritable calme à l'intérieur dans lequel Dieu est connu. 

"Mon âme attend Dieu en silence", le psalmiste suppose que notre moi intérieur se réalise par le biais du silence, et que le Dieu vivant s'adressera à nous à cet endroit. 

Lorsque les psaumes parlent d'attendre Dieu, l'idée sous-jacente est que nous devrions attendre en silence. Comme ma mère. Comme les contemplatifs de toutes les traditions. Vous pouvez revenir au silence. C'est à vous de choisir.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
PRAVMIR

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire