dimanche 29 décembre 2019

FREDERICA MATHEWES-GREEN : Comprendre les icônes

Icône de la Mère de Dieu "Portaïtissa" de Hawaï

La première chose que nous ressentons à propos d'une icône, c'est son grand sérieux. 

Comparez une icône dans votre esprit et une grande peinture religieuse occidentale, une icône qui vous pousse à une foi plus profonde ou même aux larmes. Vous remarquerez qu'il y a une différence dans la "façon" dont elle vous émeur, cependant. Une peinture occidentale - qui va indéniablement être davantage accomplie en termes de réalisme, de perspective, d'éclairage, d'anatomie, et ainsi de suite - nous émeut par notre imagination et nos émotions. Nous nous y engageons comme si nous le ferions pour un film ou une histoire.

Une icône nous frappe d'une manière différente, cependant. En comparaison, elle est très calme. Elle est silencieuse. Nous nous trouvons à garder le silence alors que nous nous tenons devant elle. Une icône prend en quelque sorte le contrôle de l'espace qui l'entoure. Elle remet en question le point de départ de notre prise de conscience.

Il y a de nombreuses années, mon époux a acheté notre première icône, une copie de la célèbre icône russe du 12ème siècle connue sous le nom de Vierge de Vladimir. Nous l'avons accrochée à un mur chez nous et avons regroupé autour d'elle d'autres tableaux et peintures plus petits. Mais ça n'a jamais eu l'air bien. Nous avons continué à réarranger les tableaux, puis nous avons commencé à en prendre quelques-unes. Ça n'a toujours pas marché d'une façon ou d'une autre. En fin de compte, nous avons fini par enlever tous les autres tableaux, de sorte que la Vierge régnait seule dans cet espace. Elle a fait sauter tous les autres tableaux du mur. Telle est la qualité de sa présence dans cette image, une qualité que l'on ne peut décrire sans des mots comme "majesté", "mystère" et "gravité."

C'est la gravité d'une icône qui est l'autre chose que je veux que vous remarquiez. Les gens sur ces images sont très sobres. Leur silence est troublant. Nous ne savons pas comment réagir et nous sentons mal à l'aise. Je pense que c'est quelque chose comme ce que saint Pierre a ressenti quand le Seigneur lui a dit de lâcher ses filets pour une prise. Lorsqu'il leva des filets, saint Pierre dit : "Éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur, Seigneur !"

La présence sobre du Seigneur dans une icône nous met mal à l'aise parce qu'elle nous fait réaliser combien nous sommes loin de la beauté et de la puissance ineffables de Dieu. 

Parfois, les gens accusent les chrétiens d'essayer de faire en sorte que les gens se sentent mal ou coupables, d'être critiques dans leurs paroles. Quand c'est le cas, c'est malheureux. Mais dans ce cas, nous ressentons l'effet du jugement du seul vrai Juge, du seul Juge possible, et Il le fait sans une parole. Pourtant, c'est un jugement enveloppé d'une promesse de guérison. Ce n'est pas un rejet, mais une invitation. C'est une occasion de recevoir la guérison que seul Dieu peut donner, parce qu'il nous connaît mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes.

Le regard fixe et troublant du Seigneur dans une icône est comme le regard d'un chirurgien qui regarde le corps blessé et brisé d'un patient. Le chirurgien comprend mieux nos blessures que nous ne le faisons nous-mêmes, et il sait exactement ce qu'il faudra faire pour les guérir. Notre Seigneur voit en nous des bris et des échecs que nous ne pouvons pas, que nous ne voulons tout simplement pas, ou que nous ne pouvons pas supporter de voir. Et Il nous invite à nous ouvrir à Sa guérison, une guérison qui progressera très doucement, très graduellement, à mesure que nous pourrons la supporter.

Cela ne veut pas dire que la guérison sera toujours confortable. Il peut nous demander d'abandonner des choses dont nous pensons ne pas pouvoir nous passer. Il peut nous demander de prendre en charge des choses que nous pensons que nous ne pouvons pas commencer à porter. Lui seul sait ce qu'il faudra pour nous guérir. Pas étonnant qu'une icône ait l'air si sérieuse. Notre état est grave. Par la condescendance miséricordieuse de notre Seigneur, nous n'avons pas à entrer en guérison avec un chirurgien que nous n'avons jamais vu. Il nous a révélé Son visage, et au fur et à mesure que nous apprenons à Lui faire confiance, nous pouvons nous révéler nous-mêmes en retour.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après









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