jeudi 1 novembre 2018

Saint Païssios l'Athonite: La Lumière Incrée (R)



Le staretz m'a raconté l'histoire suivante:
"Un médecin grec-américain m'a rendu visite un jour. Il était orthodoxe, mais ne se souciait pas trop de la religion... Il n'observait même pas le jeûne le vendredi... et il n'allait pas à l'église très souvent. Il avait récemment eu une expérience, et il voulais en discuter avec quelqu'un. Un soir, alors qu'il priait dans son appartement, les "cieux se sont ouverts". Il a été inondé par la lumière, et le plafond a disparu, tout comme les quarante autres étages au-dessus de son appartement. Il est resté dans ce flot de lumière pendant un temps très long - il ne pouvait même pas dire pour combien de temps!


Je restais étonné! Parce que je pouvais sentir et comprendre que cet incident venait "de Dieu". C'était vrai... Il avait vraiment vu la "Lumière Incréée"[*].Qu'avait-il fait dans sa vie? Comment vivait-il pour mériter de telles choses divines?
Il était marié, il avait une femme et des enfants. Sa femme lui avait dit: "Je suis malade et fatiguée du ménage, je veux être en mesure de sortir pour une promenade de temps en temps." Eh bien, elle n'avait pas exactement un emploi, alors elle a commencé à sortir avec ses amies et fait pression sur lui pour qu'il l'accompagne tous les soirs dans ses sorties. Après un moment, elle a dit: "Je veux être capable de sortir seule avec mes amies." Il a accepté cela, pour l'amour de ses enfants. Plus tard, elle "voulut aller en vacances seule…". Que pouvait-il faire? Il lui a donné de l'argent et la voiture.
Elle lui a alors demandé de louer un appartement, afin qu'elle puisse vivre seule, elle pourrait également inviter ses amis plus souvent. Il lui parlait, il la conseillait, "que vont penser nos enfants de tout cela?". Elle a été catégorique. En fin de compte, elle a retiré une grosse somme d'argent de son compte et l'a quitté. Elle se sentait trop enfermée!
Quelques années plus tard, il apprit qu'elle avait fini comme prostituée dans les clubs du Pirée!
Il était désemparé! Il se lamentait sur son sort! Il songeait à aller à sa recherche. Mais que lui dirait-il?...
Il s'agenouilla pour prier: "Mon Dieu... aide-moi, dis-moi quoi dire... quoi faire ... pour sauver cette âme…". Tu vois, il était mal pour elle. Il voulait "que cette âme soit sauvée". Aucun ego masculin, aucun esprit de vengeance, aucun mépris... il avait vraiment mal à l'intérieur en voyant son état misérable. Il avait mal pour son salut...
Ce fut le moment où Dieu ouvrit les cieux... et l'inonda de Sa Lumière.
Tu vois?… Tu vois?... Il était en Amérique… et dans quel genre d'environnement vivait-il?... Et pourtant, combien d'entre nous vivent sur cette Sainte Montagne, dans la grâce de la Sainte Mère, sans aucune sorte de progrès!
Gloire à Dieu! Gloire à Dieu!"
Version Française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Orthodox Voice

* "Lumière Incréée": Elle est appelée Incréée, en d'autres termes, elle n'a pas été créée, elle est sans commencement, c'est une énergie divine, Dieu, elle a été expérimentée par les grands ascètes spirituels, c'est la réalisation souhaitée de la vie ascétique, elle est considéré comme une expérience de theosis (divinisation).
Il s'agit d'une participation de l'homme à l'énergie divine... "...communiant à la nature divine …"

mercredi 31 octobre 2018

Sur le blog de Maxime




Si j'étais Bartholomée, en récompense de mes bons et loyaux services, je demanderais aux Américains d'acheter aux Turcs un territoire au moins équivalent à celui de l'état du Vatican pour agrandir mon trop exigu territoire du Phanar, pour que je puisse m'y installer confortablement avec Garde suisse (non? — ou bien ukrainienne, tiens, pourquoi pas ? ils ont suffisamment de groupuscules efficaces là-bas qui voudraient peut-être se refaire une virginité par une pieuse et spectaculaire reconversion et ils me doivent bien ça - ou mieux, un détachement de l'OTAN, c'est ça bien sûr !), banque, diplomatie et tout le tintouin, et être définitivement crédible et représentatif aux yeux (aveuglés au préalable bien sûr - avec quelque missiles convaincants hein ?) des chrétiens d'Orient et du monde entier "chrétien" ou pas, que je suis le seul Pape du poumon oriental de l'Église auquel doivent se soumettre les chrétiens du reste du monde qui ne sont pas catholiques. (seulement, seulement, pas plus, mon cher frère François, je ne voudrais surtout pas me mêler de ce qui ne me concerne pas et marcher sur tes plates-bandes !). 
Bon, c'est pas sûr que ça marche parce que les Américains, en bons commerçants, veulent bien sûr investir un minimum pour en tirer un bénéfice maximum et puis les Turcs ne sont malgré tout pas toujours constants dans leurs alliances… mais ça vaudrait le coup d'essayer tout de même. N'aurais-je pas fière allure ? 

Amèrement, Maxime, 
futur schismatique sans doute,—malgré lui…

mardi 30 octobre 2018

Quelles sont la place et la responsabilité de l’homme dans la Création selon la Bible ?


À l’occasion de la parution de deux ouvrages de Jean-Claude Larchet aux éditions des Syrtes, Les fondements spirituels de la crise écologique et  Les animaux dans la spiritualité orthodoxeOrthodoxie.com a réalisé plusieurs entretiens avec leur auteur. En quoi la tradition chrétienne a une parole forte pour le monde concernant l’écologie et la crise écologique actuelle ? Quelles sont la place et la responsabilité de l’homme dans la Création selon la Bible ? Ce sont les grandes questions abordées dans ce premier entretien.

METROPOLITE SÉRAPHIM DU PIRÉE :Déclaration sur les agissements de Constantinople en Ukraine

Métropolite Seraphim du Pirée (Eglise Officielle d'Hellade)



Le Pirée, Grèce, 23 octobre 2018 
Son Éminence le Métropolite Séraphim du Pirée (Église orthodoxe grecque) a publié son point de vue sur la question ukrainienne suite à la déclaration du Saint Synode de Constantinople du 11 octobre qui annonçait sa décision de restaurer dans leur rang clérical Philarète Denisenko anathème du "patriarcat schismatique de Kiev" et Macaire Maletitch de "l’église autocéphale ukrainienne schismatique" et qui revendique son territoire, qui ne l'est plus depuis 1686.
Sa déclaration complète apparaît sur le portail grec Romfea, avec les principaux points reproduits sur Sedmitza.
Il s'est également exprimé il y a un mois, avertissant le gouvernement ukrainien que l'Eglise ne doit pas être impliquée dans des jeux géopolitiques, déclarant : "Vous jouez un terrible jeu géopolitique et géostratégique entre l'OTAN et la Fédération de Russie, alors comprenez que ces choses ne peuvent pas être utilisées comme outils par l'Eglise".
Sans remettre en cause la primauté d'honneur du Patriarche œcuménique, et sans reconnaître le droit canoniquement justifié du premier trône à la "présidence d'honneur d'un concile œcuménique et à la coordination des Églises orthodoxes", le Métropolite Séraphim apporte une clarification significative sur l'autorité du Patriarcat de Constantinople.
La hiérarchie grecque écrit que Constantinople a le droit d'accorder l'autocéphalie ou l'autonomie à la demande de la structure canonique de l'Église, en vue de son approbation lors d'un futur Concile œcuménique. Il note que le débat sur la procédure d'octroi de l'autocéphalie dure depuis 50 ans et que, sur ce point, le principe convenu auquel il fait référence comprend trois éléments : la pétition d'une Église canonique, l'accord de l'Église mère et l'approbation des autres Églises locales orthodoxes autocéphales.
Le Patriarcat œcuménique a déjà approuvé ces principes dans sa position officielle sur l'autocéphalie et l'autonomie, ainsi que dans l'accord préconciliaire de Chambésy, en Suisse, en novembre 1993.
Les principes ci-dessus ne donnent pas à Constantinople le droit d'accorder l'autocéphalie dans le cas de l'Ukraine, le Métropolite  Séraphim écrit, que comme la Métropole de Kiev a été transférée au Patriarcat de Moscou en 1686, et donc l'Eglise sous Sa Béatitude le Métropolite Onuphry de Kiev et de toute l'Ukraine est la seule structure canonique en Ukraine aujourd'hui, et il ne veut pas l’autocéphalie.
Comme l'écrit le métropolite grec, l'autocéphalie en Ukraine est recherchée par le président "occidental et uniate" Porochenko, le Parlement ukrainien et les deux structures schismatiques du pays.

Il soutient également que les actions de Constantinople - envoyer deux Exarques à Kiev et décider d'accorder l'autocéphalie sans préciser qui sera le destinataire des tomos - ignorent la position de l'Église canonique ukrainienne.
Le Métropolite  Onuphry et l'Église ukrainienne protestèrent vivement contre l'envoi par Constantinople d'exarques sur son territoire canonique ; le Patriarcat œcuménique n'écouta pas, mais insista seulement sur son droit d'agir en Ukraine à sa guise.
Le Métropolite Séraphim a aussi fortement critiqué la reconnaissance par Constantinople de deux Églises schismatiques et de leurs primats, qui ne sont reconnus par aucune Église, arguant que le " droit " de Constantinople de supprimer les sanctions ecclésiastiques imposées par une autre Église locale nécessite une analyse critique sous l'angle du droit canon.
Il parle d'un cas historique où le Pape Zosime de Rome (qui a régné du 18 mars 417 au 26 décembre 418), se référant aux Canons 3, 4 et 5 du Concile de Sardes, a tenté de justifier son droit d'être le juge suprême de l'Eglise d'Afrique du Nord et de restaurer le prêtre Apiarius de Sicca qui avait été excommunié par l’évêque Urbain. Les évêques africains ont fermement rejeté les revendications du Pape Zosime, et leur rejet a été confirmé dans les résolutions du Concile de Carthage.
"L'Église indivise a reconnu que les Canons 3, 4 et 5 du Concile de Sardes, sur lesquels s'est appuyé le Pape Zosime, ont donné au Pape de Rome le droit de juger seulement ce qui concernait les évêques qui lui étaient subordonnés. Ainsi, l'Église a rejeté les revendications du droit du Pape à l'arbitrage suprême à l'échelle de l'Église," indique le Métropolite Séraphim séraphins.
Il souligne également que la décision de tout Saint Synode autocéphale ne peut être révoquée que par le synode local ou par un Concile œcuménique :
La décision d'un Saint Synode Patriarcal ne peut être révoquée (Balsamon et Photios en parlent dans le "Nomocanon"). Elle ne peut faire l'objet d'un appel que par un Conseil œcuménique. Saint Nicodème de la Sainte Montagne se réfère aussi au Canon 9 du IVe Concile œcuménique ("...le Patriarcat de Constantinople ne peut agir dans les diocèses et provinces des autres Patriarcats"). Il convient également de noter que le Métropolite Isaac d'Ephèse a dit à l'empereur Michel Paléologue que l'autorité du Patriarche de Constantinople ne s'étend pas aux Patriarches d'Orient.
Compte tenu des arguments ci-dessus, le Métropolite  Séraphim conclut : "Le droit canonique de réexaminer le cas du moine Philarète Denisenko, examiné par le Synode patriarcal complet du Patriarcat de Moscou, n'appartient qu'à un Conseil œcuménique, d'autant que dans sa lettre n° 1203 du 26/08/1992 au Patriarche Alexis de Moscou, le vénérable Patriarche œcuménique approuve la décision rendue".
Philarète Denisenko lui-même a fait appel au Patriarche Bartholomée en juin 1992, peu après la décision de l'Église russe de le défroquer. La lettre qui suit de Bartholomée du mois d'août suivant dit:
En réponse au télégramme et à la lettre correspondants de Votre très chère et honorable Béatitude sur le problème qui s'est posé dans Votre Sainte Église sœur russe et qui a conduit son Saint Synode, pour des raisons qu'elle connaît, à la déposition du Métropolite Philarète de Kiev, membre dirigeant de son Synode depuis peu, nous désirons informer fraternellement Votre amour que notre Sainte Grande Église du Christ, reconnaissant la plénitude de la compétence exclusive de l'Église orthodoxe russe sur cette question, accepte synodalement les décisions concernant celle en question, ne voulant pas causer de problèmes à Votre Église. C'est précisément dans cet esprit que nous avons envoyé deux frères, Son Éminence le Métropolite Jean de Pergame et Sa Grâce l'Évêque Vsevolod de Skopelos, après une visite chez nous par celui en question qui a été privé de sa charge, que nous avons pu être directement informés de ce qui s'était passé et éviter une mauvaise interprétation dans ce cas précis. Par conséquent, nous devons noter que nous avons été attristés lorsque nous avons appris que le but de leur mission n'était pas bien compris.
Le Patriarche Bartholomée réaffirma plus tard cette position en 1997 dans une autre lettre au Patriarche Alexis, où il écrit : "Ayant reçu notification de cette décision, nous en avons informé la hiérarchie de notre Trône œcuménique et nous les avons implorés de ne plus avoir désormais de communion ecclésiale avec les personnes mentionnées".
Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après


lundi 29 octobre 2018

Saint Maxime le Confesseur: Le blasphème (R)



Quand l'intellect commence à progresser dans l'amour pour Dieu, le démon du blasphème commence à le tenter, suggérant des pensées telles qu'aucun homme, mais que seul le Diable pouvait [...] inventer. Il le fait par envie, de sorte que l'homme de Dieudans son désespoir à la pensée de telles pensées, n'ose plus s'élever vers Dieu dans sa prière habituelleMais le Démon n'arrive pas encore à ses propres fins par ce moyen. Au contraire, il nous rend plus endurants. Car par ses attaques et nos représailles, nous devenons plus expérimentés et plus authentiques dans notre amour pour Dieu. "(Deuxième centurie sur l'amour, 14.)

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

dimanche 28 octobre 2018

Père Stephen Freeman: Quand cessent les miracles!



L'une des idées les plus étranges qui accompagnèrent la Réforme fut l'idée que les miracles avaient pris fin au moment de l'achèvement du Nouveau Testament. Jamais présenté comme un fait doctrinal dans le courant dominant du protestantisme, c’est resté une supposition discrète, en particulier lorsqu'elle a été jointe à une opposition au  catholicisme romain dans lequel les différentes visions, les statues pleureuses et les vies saintes ont été considérées comme des fabrications d'un sacerdoce corrompu. Au cours de la Réforme, les histoires abondaient sur la façon dont tel ou tel miracle bien connu avait été démystifié. Ce qui a remplacé ce monde médiéval, c'est la pensée sobre de la Bible considérée comme un cahier de réponses.

Beaucoup soutenaient que les miracles étaient tout à fait inutiles après que la Bible fut "achevée", puisque tout ce qui était nécessaire au salut était contenu à l’intérieur dans ses couvertures. Les ordinands anglicans (jusques à ce jour) prêtent serment en disant :

"Je crois que les Écritures de l'Ancien et du Nouveau Testament sont la Parole de Dieu, et qu'elles contiennent tout ce qui est nécessaire au salut."

Les miracles, les visions ou les révélations de Dieu étaient considérés non seulement comme inutiles, mais aussi comme positivement dangereux, car les fidèles pouvaient imaginer de telles choses pour considérer une autorité égale ou supérieure à celle des Écritures.

Divers groupes du monde protestant ont en fait codifié cette idée dans leur doctrine confessionnelle. C'est ce qu'on appelle le "cessationnisme", qui fait référence à la "cessation" des dons de l'Esprit. Le projet moderne lui-même, en particulier dans sa perception sécularisée du monde, est une version du cessationnisme. En effet, les idées cessationnistes du protestantisme primitif furent une force essentielle dans la création du concept de laïcité.

Une vision séculière du monde considère que les choses ne sont que cela - des choses. Le monde se compose d'une collection d'objets auto-existants (dont certains respirent et pensent), qui vivent dans les liens et les limites des "lois" de la nature. Si Dieu doit être connu ou perçu, alors soit Il doit perturber les lois de la nature, ou Il doit devenir un objet parmi les objets. Le monde moderne, selon les paroles de Max Weber, est "désenchanté". C'est comme si vous aviez trouvé votre chemin jusqu'à Narnia [1], seulement aucun des animaux ne parle, les arbres se sont endormis, et la magie semble avoir cessé.

C'est dans ce contexte que nous vivons. C'est aussi une perception qui, dans une large mesure, façonne la façon dont nous percevons nous-mêmes le monde, que nous le voulions ou non. La laïcité est le paramètre par défaut pour ceux qui sont nés dans la culture moderne. Le monde est muet.

C'est un contraste frappant avec la compréhension chrétienne (orthodoxe) traditionnelle. Seul Dieu est auto-existant. Tout le reste ne dépend pas seulement de Lui pour son existence et sa continuation, mais est soutenu à chaque instant seulement par la volonté et la bonté de Dieu. En tant que tel, le monde lui-même est une manifestation des "énergies divines" (les actions et l'œuvre de Dieu). Ces actions et l'œuvre de Dieu ne sont pas quelque chose qui se fait "à distance", car Ses actions et Ses œuvres sont elles-mêmes Dieu. Il est à la fois essence et énergie. Et bien que les effets de ses actions et de ses œuvres ne soient pas eux-mêmes Dieu (l'arbre qu'Il soutient n'est pas Lui), néanmoins, les effets ne peuvent exister sans Lui ("en Lui, nous avons la vie, le mouvement et l’être " - Actes 17:28). Le cessationnisme serait la non-existence. Non seulement les miracles continuent, mais tout ce que nous voyons est un miracle constant et durable (y compris nous-mêmes). Il n'y a que miracle.

La perception de Dieu et notre relation avec Lui sont intrinsèquement difficiles pour un esprit moderne ou séculier. Pour nous, le monde est muet, et nous percevons Dieu également comme muet. En tant que tel, nous pensons qu'Il n'existe pas ou qu'Il ne veut pas Se faire connaître. De la position du christianisme classique, de même qu'il n'y a que des miracles, de même il n'y a que l'action et l'action de Dieu partout.

C'est pourquoi nous lisons de telles choses dans les Écritures :

Saint, saint, saint, saint, le Seigneur Sabbaoth, le ciel et la terre sont remplis de Ta gloire !

Confesser que c'est le cas apporte lentement un changement dans notre perception et représente le renoncement au Projet Moderne. Une autre façon de décrire cela serait de dire que l'ensemble de la création est un sacrement. Le pain et le vin de l'Eucharistie, comme Corps et Sang du Christ, ne sont pas des exceptions : ils révèlent la vérité de la création. Tout nous est donné pour la Communion.

L'Eucharistie révèle aussi quelque chose de la nature ou du caractère des énergies divines de Dieu (Ses actions et Sa volonté). Le Dieu connu dans l'Eucharistie est le Christ crucifié et ressuscité. C'est le mystère pascal, le Dieu qui se vide et entre dans la profondeur et le vide de notre souffrance pour remplir toutes choses de Son Amour. L'homme moderne, lorsqu'on lui dit que tout est soutenu par la volonté et l'action de Dieu, en vient souvent à souvent mentionner les nombreuses souffrances tragiques du monde - comme si elles contredisaient cette réalité ou qu’elles suggèrent l'incompétence de Dieu. Mais ils imaginent un Dieu autre que Christ crucifié, un Dieu séparé de Sa Pâque.

La Résurrection du Christ est la révélation de la bonne volonté de Dieu, la promesse du résultat final de toutes choses. Le monde qui est "rassemblé en un seul dans le Christ Jésus", est, par Sa souffrance et Sa mort (en elles), uni à Sa résurrection.

C'est dans ce contexte que nous prions et adorons et que nous en arrivons à percevoir Dieu (avec ce que les pères appellent la faculté "noétique"). Nous prions et nous écoutons et nous pensons qu'il n'y a que le silence. C'est la perception séculière elle-même. Tout ce qui nous entoure et nous-mêmes existons, soutenus par la voix de Dieu. Leur existence est l'éloquence de Sa bonne volonté.

Mais qu'en est-il des miracles ? Si le monde entier est un miracle, qu'en est-il des choses qui sont communément décrites comme des miracles ? Premièrement, ils n'appartiennent pas à une catégorie distincte. Que quelqu'un soit guéri instantanément d'une maladie n'appartient pas à une catégorie d'exception : c'est un miracle parmi les miracles qui se produisent d'une manière telle que nous voyons la vérité qui pourrait autrement sembler cachée. Le danger des miracles pour l'esprit moderne est de les considérer comme exceptionnels. Ce faisant, nous imaginons le monde comme divisé entre le miraculeux et l'ordinaire.

Quand nous prions, si nous attendons le "miraculeux" (au sens moderne du terme), nous nous lasserons de la banalité de notre expérience. Nous imaginons que nous n'entendons rien, car nous avons déjà décidé que le son ordinaire n'est rien de miraculeux. Je mets toujours en garde ceux qui sont en recherche et les catéchumènes de l'Église pour qu’ils se préparent à s'ennuyer. Bien que les services orthodoxes puissent être beaux et profonds, ils ne sont pas plus beaux et profonds que le monde qui nous entoure. L'esprit moderne s'ennuie avec ce qu'on appelle "l'ordinaire", parce qu'il s'est habitué aux distractions qui jouent avec nos passions. "L'ennui" est ce que vous obtenez quand vous n'êtes pas diverti - c'est un phénomène moderne. [2]

Le christianisme ne commence pas comme une discussion de la vie intérieure. La foi chrétienne commence par la mort et la résurrection du Christ. Cette réalité, qui s'étend et unifie toutes choses, est à la fois présente comme un point de l'histoire avec un témoignage abondant de témoins oculaires, et comme un moment éternel et toujours présent qui existe avant toutes choses et pour lequel toutes choses existent. Indépendamment de nos questions subjectives, la réalité concrète de la mort et de la résurrection du Christ demeure.

La subjectivité elle-même, le monde tel que nous le vivons dans notre tête, est notoirement changeante et échoue à tous les tests de fiabilité. C'est la chimère de notre existence, et ne peut jamais être son fondement.

Il y a des années, quand j'étais à l'université, j'ai souffert d'une grave dépression. J'ai été hospitalisé pendant une semaine. Après l'hôpital, je me suis frayé un chemin à travers le monde et j'ai trouvé le chemin du retour à la raison. Une de ces voies était la méfiance à l'égard de mon expérience subjective. Rien ne semblait " amusant " (c'est la nature de la dépression). Mais j'ai pensé que j'avais besoin de m'amuser et j'ai décidé de considérer le plaisir comme une activité objective. Ma femme et moi avons commencé à faire des choses que les gens font pour s'amuser, dans le but d'enseigner à mon cerveau et à mon corps comment faire ce qu'ils avaient perdu. Ce fut très thérapeutique.
C'est une grande joie quand notre monde intérieur et extérieur s’accordent. La tradition décrit un mode de vie qui renforce la perception " noétique ", et donc la conscience de la communion avec Dieu. Ce modèle consiste en grande partie, à apaiser les passions et à acquérir le calme intérieur. Mais ce modèle, ou son résultat, est simplement une description de quelque chose dans la vie spirituelle qui a de la valeur - ce n'est pas sa base ou son fondement.

Dans une large mesure, le scepticisme moderne suppose un monde dont l'existence "ordinaire" n'a rien à voir avec le miraculeux. Notre existence et le caractère providentiel du monde sont ainsi réduits aux agissements fortuits du hasard. Le monde est inerte et opaque et ne dit rien de Dieu. Ainsi, seul l'extraordinaire, le "miraculeux" (au sens moderne du terme), peuvent révéler Dieu. C'est une exigence selon laquelle Dieu devrait accepter d'être un Dieu séculier, de rejeter Son monde comme sacrement.

La vie orthodoxe est un consentement au monde comme sacrement, dans la mesure où il nous est révélé dans la mort et la résurrection du Christ. Nous ne croyons pas à la mort et à la résurrection du Christ parce que nous voyons le monde comme  sacrement, mais l'inverse. Cela nous enseigne que la plénitude de notre existence s'étend sous la surface dans la Providence de la bonne volonté de Dieu à l'œuvre partout et en toutes choses. Le fait que nous "voyons" est toujours un don et une joie. C'est aussi une chose difficile dans un monde dont l'auto-explication a été 500 ans de désenchantement et d'anti-sacramentalisme implacables.

Les miracles cesseront-ils un jour ?

 Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

NOTES: 
[1] Allusion au roman de C.S. Lewis. Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Monde_de_Narnia (NdT)

[2] Cf. Pascal (dans les Pensées) : […]Le roi est environné de gens qui ne pensent qu'à divertir le roi, et l'empêcher de penser à lui. Car il est malheureux, tout roi qu'il est, s'il y pense. 
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