mercredi 21 novembre 2018

Archimandrite André [Konanos]: L'éducation spirituelle des enfants


Lorsque l'on parle de Dieu aux enfants, il n'est pas nécessaire d'utiliser des phrases intelligentes et complexes. Cela ne fera qu'embrouiller un enfant. On devrait parler de ces sujets dans un langage simple et clair. Il est essentiel d'être au même niveau que les enfants, de les comprendre. S'il y a un bébé devant moi, je ne peux pas discuter de sujets plus élevés ou de questions théologiques avec lui. Car les bébés ne peuvent même pas encore se signer. Je ne peux rien exiger d'un enfant, comme je le ferai pour un adulte tant qu'il n'a pas maîtrisé l'alphabet spirituel.

Il est très important que les conversations sur Dieu inspirent les enfants à ressentir de l'amour pour Lui, et en plus à ressentir de l'amour personnel. Pour qu'ils puissent percevoir Dieu et pas seulement "parce que les adultes le disent". Vous comprenez ça ? Ce n'est pas comme si les enfants commençaient à suivre certaines de nos instructions, à se comporter correctement un jour et que nous les regardions et les admirions, heureux comme si nous avions lancé une mécanisme complexe. Il est impératif que les enfants aient leur propre connexion personnelle et profonde avec Dieu. Que les mots entendus s'installent dans leur cœur, se fondent dans le sang et fassent partie de leur vie.

Comme le dit le proverbe chinois, donnez un poisson à un enfant et vous lui donnez à manger pendant une journée, apprenez-lui à pêcher et vous lui donnerez à manger toute sa vie. Dans ce cas, ils ne mourront pas de faim quand vous n'êtes pas là. Je pense que c'est ainsi que l'on devrait parler de Dieu aux enfants pour qu'ils L'aiment en se forgeant leur propre opinion de Lui. Ensuite, même si vos enfants vont étudier dans une autre ville, un autre pays, ils vont eux-mêmes se programmer le dimanche pour aller à l'église. Les parents n'auront pas besoin de les appeler, de les réveiller ou de se tenir près de leur lit et de les secouer par les épaules en disant : "Réveille-toi, il est temps d'aller au temple !"

Seules de telles conversations avec les enfants sur Dieu porteront leurs fruits. Après tout, le temps viendra où les enfants vous quitteront, me quitteront, quitteront cette atmosphère de serre dans laquelle ils ont grandi. Que feront-ils alors ?

On ne peut pas élever des enfants dans une serre, parce que tôt ou tard, ils feront face à la réalité et se retrouveront dans un endroit où il fait froid, où tout est dur et difficile.

Comment élevez-vous vos enfants ? Est-ce que vous les inspirez ou leur dites simplement ce qu'ils doivent faire ? Dans ce dernier cas, ils se comporteront probablement bien, seront vraiment obéissants, pieux et aimants jusqu'à l'âge de quinze-sept ans juste parce que vous l'exigez. Cependant, leur relation avec Dieu sera très probablement formelle. Si les enfants ne voient pas ce que leurs parents et leurs professeurs leur racontent à l'école du dimanche dans leur vie, alors dans ce cas ils se conforment simplement à leurs exigences mais ne croient pas en eux en se disant : "Quand je serai grand, je déciderai qui je devrais être et je ferai ce que je veux". D'où viennent ces pensées ? La raison en est que les parents et les enseignants ne leur ont pas montré le Christ que les enfants pouvaient aimer. Le  Christ véritable. Ils n'ont connu que le "christ" qui réprime, qui est formel, faux et superficiel, et qui ne touchera jamais le cœur d'un enfant.

Photo : spbda.ru

Les enfants ne voient pas encore Dieu, ils vous voient.

Ce que les enfants voient autour d'eux est crucial.

Quand j'allais à l'école du dimanche quand j'étais petit, nous avions un professeur qui nous parlait toujours du bien et du beau. Un jour, quand j'ai pris le bus pour rentrer chez moi, je l'ai vu au cinéma. Il rentrait aussi à la maison, seulement à pied, nous vivions près l'un de l'autre. Tu sais ce que j'ai fait ? Je bondis de mon siège et courus à l'arrière de l'autobus pour regarder par la lunette arrière ce que le professeur allait faire maintenant. Le fait est que nous parlions beaucoup de films avec lui à l'époque et il nous a expliqué qu'il y a des films que les gens ne devraient pas regarder. À ce moment-là, j'étais curieux de voir ce qu'il allait faire. Irait-il au cinéma pour voir un film inacceptable ou pas ? S'en tiendrait-il à ses paroles ? J'ai même décidé que s'il entrait à l'intérieur, il me décevrait une fois pour toutes. Le professeur passa calmement devant le cinéma sans faire attention à l'affiche.

J'étais un garçon très curieux. Bien sûr, je n'aurais pas dû agir ainsi dans cette situation, mais j'étais alors un enfant. Et un enfant avant tout. La façon dont les adultes traitent tout, leurs actions et non les paroles sont importantes pour les enfants.

Le credo ne doit pas se limiter à un horizon temporel. C'est pourquoi il ne suffit pas de parler de Dieu aux enfants seulement une fois par semaine, à l'école du dimanche, ou lors d'un voyage dans un monastère, ou quand on aide quelqu'un de temps en temps, ce qui est rare. L'essentiel, c'est ce qui se passe dans la famille, ce que l'enfant voit dans le foyer parental. Les enfants apprennent la foi de leurs parents parce que la famille est une petite Église, comme nous le dit l'Écriture. Si un enfant voit que les parents s'aiment, qu'ils ne font qu'un, ce sera un véritable enseignement sur Dieu, et venant du Christ Lui-même. Parce qu'avant de rencontrer Dieu, votre enfant vous rencontre.

Ceux d'entre vous qui ont des enfants savent que dès qu'une femme accouche, la sage-femme met immédiatement le bébé sur la poitrine de la femme. Pouquoi cela? C'est pour que le bébé puisse entendre les battements du cœur de sa mère le plus tôt possible, sentir son odeur et recevoir un baiser.

Les enfants ne voient pas encore Dieu, ils vous voient. Le premier "dieu" pour les enfants, c'est vous, leurs parents, puis les enseignants, vous qui apparaissez un à un dans leur vie.

Si en même temps nous, les adultes, ne montrons pas Dieu à nos enfants dans notre vie, alors peu importe avec quelle éloquence nous parlons de Lui, ils ne nous croiront pas. La famille doit être un exemple d'unité et d'amour divins. Sinon, il est difficile d'enseigner la foi en Dieu. Dans l'Église, un enfant entend de belles paroles, mais à la maison, les passions sont fortes, il y a des querelles constantes... Comment pourrait-on percevoir quelque chose dans une telle situation ? Comment apprend-on la foi en Dieu ?

Photo : tatarstan-mitropolia.ru

Il est nécessaire d'aider les enfants à voir Dieu Qui les aime sans raison particulière

J'ai appris plus que partout ailleurs en enseignant à l'école depuis vingt ans. Les enfants m'ont beaucoup appris. Ils disent toujours ce qu'ils pensent sans se faire passer pour qui que ce soit. En les écoutant, j'ai vu qu'ils cherchaient Dieu, qu'ils voulaient trouver la vérité, qu'ils voulaient prier, aimer et être aimés et ils attendaient la même chose de leurs parents. Ils s'y attendaient, mais ils ne l'ont pas compris. Qu'est-ce que j'étais censé faire dans cette affaire ? Oui, je leur ai beaucoup parlé, ils ont aimé nos leçons, mais ce n'étaient que des leçons. Un enfant a assisté à une leçon, mais n'est pas venu à une autre, parce que, par exemple, la classe est partie en excursion. Comment vont les choses à la maison, dans la famille ?

Une fois, j'ai invité les parents de mes élèves à l'école. Je voulais leur montrer les derniers tests de leurs enfants, leur parler à cœur ouvert. Alors, je leur ai demandé de venir sans enfants. Les parents ont eu l'air élégants, mais quelqu'un a quand même traîné un enfant avec lui. Une de ces mères, qui est venue avec son fils, m'a tout de suite salué et m'a demandé la bénédiction en me voyant. J'ai même pensé : "Eh bien, si cette femme part de la bénédiction, alors elle est une adepte zélée de l'église". Après cela, cette mère a commencé à me dire quelque chose de très pieux et j'ai finalement été convaincue de sa spiritualité et je me suis réjoui.

Pendant tout ce temps, son fils s'assit silencieusement dans un coin et regarda sa mère de là. Soudain, je vis comment il se tournait vers moi et faisait des signes de dédain envers sa mère. Je me sentais vraiment mal à l'aise devant cette femme, gênée par son fils et moi-même. En effet, elle venait de me dire tant de bonnes choses sur tant de choses, y compris son mari allant au Mont Athos et son cousin vivant dans un monastère... Le lendemain, je lui ai demandé :

- Pourquoi as-tu fait ça ? Tu m'as mis dans une position très délicate.

Il a répondu :

- Père, c'est quand la fin de tout ça ? Nous en avons assez de toute cette hypocrisie !

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- A l'école on parle d'une manière et d'une autre à la maison. Regarde ma mère : comment elle s'inclinait devant toi, quelles paroles elle disait. Cependant, à la maison, elle et papa se disputent constamment. Il n'entend pas un mot gentil de sa part, rien de ce qu'elle vous a dit, ni sur Dieu, ni sur le Mont Athos... On ne parle pas de telles choses à la maison. Ils ne font que nous gronder. Les parents nous blessent, nous réprimandent et nous humilient.

Il faut vivre d'une certaine manière pour enseigner la foi aux enfants. Comme Dieu l'a fait. Il ne se contentait pas de faire des sermons, il mangeait et buvait avec Ses disciples, dormait près d'eux. Ils Le voyaient constamment et ne cessaient de s'émerveiller de voir à quel point Il était merveilleux. Il a fait ce qu'Il avait dit qu'Il ferait. Tout le monde n'a rien vu d'autre que du bien de Sa part tout au long de la journée. Ce n'était pas un hypocrite, Il ne trompait pas, ne faisait pas semblant, n'essayait pas de faire bonne impression. C'est ce credo qui s'installe dans le cœur d'un enfant.

Nous devons aider les enfants à voir Dieu Qui les aime sans limites et sans doutes.

En même temps, il est essentiel de parler de Dieu aux jeunes enfants individuellement, à ceux qui sont plus âgés d'une autre manière et aux élèves du secondaire d'une manière complètement différente.

Aider les enfants à voir Dieu qui les aime sans raison particulière est nécessaire, "Si vous êtes bons et si vous allez à l'école du dimanche, alors Dieu vous aimera". Nous obtiendrons le même résultat que celui dont j'ai été témoin dans notre rue une fois. Une grand-mère d'à côté persuadait son petit-fils de finir de manger tout ce qu'il y avait dans l'assiette : "Mange, alors papa t'aimera !" L'enfant s'étouffait avec de la nourriture et je me suis arrêté et j'ai dit à sa grand-mère ce qui suit : "Non, Dieu et papa aimeront encore plus ce garçon s'il ne finit pas  de manger". On ne peut pas dire aux enfants quelque chose qui les embrouille à coup sûr. En aucun cas !

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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