De nombreuses
questions ont été soulevées récemment au sujet de ce qui arrive à l’âme
lorsqu’une personne meurt. Le sermon de saint Jean Maximovitch qui suit expose
dans les grandes lignes l’enseignement orthodoxe. J’y ai joint, sous forme de
notes, des commentaires additionnels étayés par de nombreuses sources
patristiques.
Il est fondamental pour
nous, alors que nous abordons ce sujet important entre tous, de laisser de côté
toutes idées préconçues et d’être désireux d’accepter ce qu’enseignent les
Pères de l’Eglise. Votre opinion et mon opinion ne sont que cela : des
OPINIONS ; ce qui est présenté ici est la VERITE !
(Père John Mack).
*
Infini et sans consolation aurait été
notre chagrin pour nos proches décédés, si le Seigneur ne nous avait donné la
vie éternelle. Notre vie n’aurait aucun sens si elle se terminait avec la mort.
Quelle utilité retirerait-on alors des mérites et des bonnes actions ? Ils
auraient alors raison ceux qui disent : « Mangeons et buvons, car
demain nous mourrons ! »
Mais l’homme a été créé pour
l’immortalité, et par Sa Résurrection le Christ a ouvert les portes du Royaume
des Cieux, d’éternelle béatitude pour ceux qui ont cru en Lui et ont vécu avec
droiture.
Notre vie terrestre est une préparation
à la vie future, et cette préparation prend fin avec la mort. « Il est
fixé à l’homme de mourir une fois, et après cela vient le jugement » (Heb.
9 :27). L’homme laisse alors tous ses soucis terrestres ; le corps se
décompose dans l’attente de se relever à la Résurrection Générale (1).
Pour les mourants, cette perception spirituelle commence même avant la mort, et
tandis qu’ils voient et parlent encore avec ceux qui les entourent, ils voient
ce que les autres ne voient pas.
Mais lorsque l’âme quitte le corps,
elle se retrouve parmi d’autres esprits, bons et mauvais. En général, elle
incline vers ceux qui lui sont spirituellement le plus familiers, et si, alors
que dans le corps, elle était sous l’influence de certains, elle demeurera sous
leur dépendance lorsqu’elle quittera le corps, aussi désagréable que cela puisse
s’avérer en les rencontrant (2).
Durant deux jours, l’âme dispose d’une
relative liberté et peut visiter des lieux sur terre qui lui étaient chers,
mais le troisième jour elle se déplace vers d’autres sphères (3).
A ce moment-là (le troisième jour), elle passe au travers de légions d’esprits
mauvais qui entravent son chemin et l’accusent de divers péchés, pour lesquels
ils l’avaient eux-mêmes tentée. Selon différentes révélations, il y a vingt de
ces obstacles, appelés les « péages », à chacun desquels une forme ou
une autre de péché est mise à l’épreuve. Après avoir franchi l’un, l’âme arrive
au suivant, et c’est seulement après avoir réussi à passer au travers de tous
qu’elle peut continuer son chemin sans être jetée immédiatement dans la
géhenne.
Combien sont terribles ces démons et
leurs péages peut être relevé dans le fait que, à la demande de Mère de Dieu
Elle-même, informée de l’approche de Sa mort par l’Archange Gabriel, le
Seigneur Jésus vint en Personne des cieux pour accueillir l’âme de Sa Très Pure
Mère et la conduire au ciel.
Terrible, en effet, est le troisième
jour pour l’âme du défunt, et c’est pour cette raison qu’elle a alors
particulièrement besoin des prières à son intention (4).
L’âme ayant alors passé avec succès les
péages et s’étant prosternée devant Dieu visite, durant sept autres jours, les
demeures célestes et les abîmes de l’enfer, sans savoir encore où elle
demeurera ; et c’est seulement le quarantième jour que sa place lui est
assignée jusqu’à la résurrection des morts (5).
Certaines âmes se retrouvent
(après les quarante jours) dans une condition d’avant-goût de la joie et de la
béatitude éternelles, et d’autres dans la terreur des tourments éternels qui
s’accompliront intégralement après le Jugement Dernier. Jusque-là des
changements peuvent intervenir dans la condition des âmes, en particulier par
l’offrande du Sacrifice Non Sanglant (la commémoration à la liturgie), de même
que par d’autres prières (6).
Combien importante s’avère la
commémoration à la Sainte Liturgie peut se constater dans l’épisode suivant :
avant la mise au jour des reliques de saint Théodose de Tchernigov (pour sa
glorification en 1896), le hiéromoine qui dirigeait le revêtement de celles-ci
(le célèbre starets Alexis, de l’hermitage de Goloseyevsky de la Laure des
Grottes de Kiev, qui mourut en 1916), alors qu’il était assis près d’elles,
subitement las, somnola et vit devant lui le Saint, qui lui dit : « Je
te remercie de la peine que tu prends pour moi. Je t’implore également, lorsque
tu célébreras la liturgie, de commémorer mes parents » - et il donna leurs
noms (le prêtre Nikita et Maria). Le hiéromoine interrogea : « Comment
peux-tu, ô Saint, demander mes prières, quand toi-même tu te tiens devant le
Trône Céleste et accorde aux hommes la miséricorde divine ? »
« Oui, cela est vrai, » répondit Saint Théodose, « mais la
commémoration à la Liturgie est plus puissante que ma prière. »
Les panikhides et les prières privées
pour les défunts leur sont donc bénéfiques, de même que les bonnes œuvres
faites en leur mémoire, telles que les aumônes ou des dons pour l’église. Mais
la commémoration à la Divine Liturgie est spécifiquement salutaire. Il y a
beaucoup d’apparitions de défunts et d’autres manifestations qui confirment
combien leur commémoration est favorable. Beaucoup de ceux qui moururent en
attitude de repentance, mais qui ne furent pas capables de manifester cela alors
qu’ils étaient en vie, ont ainsi été délivrés des tourments et obtenu le repos.
Dans l’Eglise, des prières sont constamment offertes pour le repos des défunts et,
aux Vêpres de la Descente du Saint Esprit, lors des prières de génuflexion, il
est même fait une demande particulière « pour ceux qui sont en
enfer ».
Chacun de nous désireux de manifester
son amour pour les défunts et de leur apporter une aide véritable peut le faire
au mieux par le biais de prières à leur intention, et tout particulièrement en
les commémorant à la Sainte Liturgie, quand les parcelles prélevées pour les
vivants et les morts sont versées dans le Sang du Seigneur avec les
paroles : « Lave, ô Seigneur, par Ton Précieux Sang et les prières de
Tes saints, les péchés de ceux qui sont ici commémorés. » Nous ne pouvons
rien faire de mieux ou de plus grand pour les défunts que de prier pour eux en
offrant cette commémoration à la Sainte Liturgie. De cela, ils en ont
constamment besoin, et spécialement pendant ces quarante jours où l’âme du
trépassé est en chemin vers les demeures éternelles. Le corps, alors, ne
ressent rien : il ne voit pas ses proches qui sont rassemblés, ne sent pas
le parfum des fleurs, n’entend pas les oraisons funèbres. Mais l’âme perçoit
les prières offertes pour elle et est reconnaissante envers ceux qui les
adressent et est spirituellement proche d’eux.
Ô parents et proches des défunts !
Faites ce qui est nécessaire et en votre pouvoir pour eux. Utilisez votre
argent non pour les ornements extérieurs du cercueil et de la tombe, mais pour
venir en aide aux nécessiteux en mémoire de vos proches trépassés, et pour les
églises où des prières sont offertes pour eux.
Soyez miséricordieux pour les
trépassés, prenez soin de leurs âmes (7).
Devant nous tous se tient le même chemin, et combien désirerons-nous alors que
l’on se souvienne de nous dans la prière ! Soyons donc nous-mêmes
miséricordieux pour les défunts.
Dès que quelqu’un est mort, appelez ou
informez immédiatement un prêtre afin qu’il lise les prières devant être dites
sur tout chrétien orthodoxe nouvellement décédé. Dans la mesure du possible,
essayez de faire les funérailles à l’église et que le psautier soit lu auprès
du défunt jusqu’à celles-ci. De façon encore plus certaine, organisez tout de
suite le service des quarante jours, c’est-à-dire la commémoration quotidienne
à la Sainte Liturgie tout au long de cette période. (Note : Si les
funérailles sont célébrées dans une église où il n’y a pas de services
quotidiens, la parenté devrait s’efforcer de demander le mémorial de la
quarantaine en un lieu où se font des célébrations quotidiennes.) Il est bon
également d’envoyer des contributions en vue de la commémoration à des
monastères, de même qu’à Jérusalem, où il y a une prière continuelle sur les
Lieux Saints.
Prenons soin de ceux qui sont partis
avant nous dans l’autre monde. Faisons pour eux tout ce que nous pouvons, en
nous souvenant que « bienheureux les miséricordieux, car il leur sera fait
miséricorde ».
Icône de saint Jean avec des scènes de sa vie
1) Son âme, elle, continue à vivre. Elle ne
cesse pas d’exister un seul instant. Notre vie extérieure, biologique et
terrestre, se termine avec la mort, mais l’âme continue à vivre. L’âme est
notre véritable existence, le centre de toutes nos énergies et de nos pensées.
L’âme meut et donne la vie au corps. Après la séparation d’avec le corps, elle
continue de vivre, d’exister, d’être consciente.
St Théophane le Reclus, dans son message à une femme
mourante, écrit : « Vous n’allez pas mourir. Votre corps va mourir,
mais vous allez passer à un monde différent, en restant vivante, restant
consciente de vous-même et reconnaissant tout le monde qui vous entoure. »
St Dorothée (6e siècle) résume
l’enseignement des premiers Pères ainsi : « Car comme les Pères nous
l’enseignent, les âmes des défunts se souviennent de tout ce qui s’est passé
ici – pensées, paroles, désirs – et rien ne peut être oublié. Mais, comme il
est dit dans le psaume, « en ce jour périssent ses pensées » (Ps.
145:5), les pensées dont il est question sont celles du monde, concernant les
maisons et possessions, les parents et enfants, et les affaires commerciales.
Toutes ces choses sont détruites immédiatement quand l’âme sort du corps. Mais
ce qu’il a fait contre la vertu ou contre ses passions mauvaises, il s’en
souvient, et rien de tout cela ne se perd. De fait, l’âme ne perd rien de ce
qu’elle a fait dans le monde, mais se souvient de tout lorsqu’elle quitte ce
corps. »
St Jean Cassien (5e siècle) enseigne de
même : « Les âmes, après la séparation d’avec le corps, ne sont pas
inactives, ne demeurent pas sans conscience. Ceci est prouvé par la parabole de
l’Evangile de l’homme riche et de Lazare (Luc 16:22-28). Les âmes des défunts
ne perdent pas leur conscience, elles ne perdent même pas leurs dispositions –
c’est-à-dire l’espoir et la crainte, la joie et la peine -, et ont déjà un
avant-goût de ce qui les attend au Jugement Dernier. »
2) Celui qui quitte ce monde éprouve
beaucoup de consolation quand il voit des gens amicaux entourant son corps
mort. Une telle personne perçoit, dans les larmes de douleur de ses bien-aimés,
leur amour et leur dévouement sincère. La plus grande joie terrestre est
indubitablement de constater que nous mourons honorés et appréciés par tous
ceux qui nous ont connus. Mais tout comme le corps, au moment de la mort, est
entouré de parents et d’amis, de même l’âme, qui abandonne le corps et se
dirige vers sa patrie céleste, est accompagnée par les êtres spirituels qui lui
sont apparentés. L’âme vertueuse est entourée d’anges de lumière lumineux,
alors que l’âme pécheresse est entourée d’êtres sombres et mauvais,
c’est-à-dire de démons.
St Basile le Grand (4e siècle) l’explique
ainsi : « Que personne ne vous trompe avec de vaines paroles ;
car la destruction s’abattra sur vous de manière soudaine, elle surgira comme
une tempête. Un ange sévère (c’est-à-dire un démon) viendra et entraînera avec
force l’âme qui s’est liée aux péchés ; et ton âme se tournera
ici-bas et souffrira en silence,
ayant déjà été expulsée de l’organe des plaintes (le corps). Ô comme tu seras
tourmenté dans la douleur à l’heure de la mort ! Comme tu
gémiras ! »
St Macaire d’Egypte écrit à ce sujet :
« Quand tu entends qu’il y a des fleuves de dragons et des gueules de
lions (cf. Heb. 11:33 ; Ps. 22:21)
et des puissances des ténèbres sous le ciel et un feu brûlant (Jer.
20:9) qui crépite dans les membres du corps, tu dois savoir ceci : à moins
que tu n’aies reçu le gage du Saint Esprit (2 Cor. 1:22 ; 5:5), au moment
où ton âme se sépare du corps, les démons mauvais la retiennent avec force et
ne te laissent pas t’élever vers les cieux. » Le même Père nous enseigne
également : « Lorsque l’âme abandonne le corps, un certain grand
mystère prend place. Si le défunt s’en va non repenti, une horde de démons,
d’anges déchus et de puissances ténébreuses accueillent cette âme et la gardent
avec eux. Tout le contraire se passe avec ceux qui se sont repentis, car près
des saints serviteurs de Dieu se tiennent maintenant des anges et de bons
esprits, les entourant et les protégeant, et quand ils quittent le corps le
chœur des anges accueille leur âme dans la pure éternité. »
Le champion de l’Orthodoxie contre l’hérésie
nestorienne, St Cyrille d’Alexandrie enseigne pareillement :
« Lorsque l’âme se sépare du corps, elle voit les épouvantables, farouches
démons, impitoyables et féroces, se tenir là en attente. L’âme du juste est
emmenée par les saints anges à travers les airs et transportée vers les
hauteurs. »
St Grégoire le Dialoguiste écrit : « Il faut
profondément considérer combien effrayante va être l’heure de notre mort,
quelle terreur l’âme va alors éprouver, quelle remémoration de tous les maux,
quel oubli complet du bonheur passé, quelle peur et quelle appréhension du
Juge! Alors les esprits mauvais feront ressortir les actions de l’âme quittant
ce monde ; puis ils présenteront à sa vue les péchés auxquels ils
l’avaient disposée, pour entraîner leur complice vers les tourments. Mais
pourquoi parler seulement de l’âme pécheresse, alors que, parmi les mourants,
ils viennent même auprès des élus et recherchent ce qui leur appartient en eux,
s’ils y ont réussi ? Parmi les hommes, il n’y en eut qu’Un seul Qui avant
Sa passion déclara sans crainte : "Dorénavant, je ne parlerai plus
guère avec vous : car le prince de ce monde vient, et il n’a rien en Moi.
" (Jean 14:30). »
Cette vérité est confirmée dans de nombreux services
liturgiques. Par exemple, aux Petites Complies, nous demandons à la Mère de
Dieu : « Sois miséricordieuse envers moi, non seulement dans cette
vie misérable, mais également à l’heure de ma mort ; prends soin de mon
âme misérable et repousse loin d’elle les sombres et sinistres visages des
démons mauvais. »
Dans une prière de l’office de minuit du samedi
(adressée au Sauveur), nous prions : « Maître, sois-moi
miséricordieux et ne laisse pas mon âme voir la sombre et sinistre vision des
esprits mauvais ; mais fais que des anges lumineux et joyeux l’accueillent. »
Ailleurs, dans un autre hymne à la Theotokos (de
l’office des matines du lundi), nous prions : « A l’heure effrayante
de la mort, délivre-nous de la terrible sentence des démons qui cherchent à
nous condamner. »
De semblables prières, adressées au Seigneur et aux
saints anges, se retrouvent tout au long de l’office des défunts.
3) Ici, saint Jean Maximovitch répète
simplement un enseignement courant de l’Eglise.
St Macaire d’Alexandrie (qui en a reçu la révélation
non des hommes, mais d’un ange) explique : « Quand une offrande
(c’est-à-dire l’Eucharistie) est faite dans l’Eglise le troisième jour, l’âme
du défunt reçoit un soulagement de son ange gardien pour la peine éprouvée par
la séparation d’avec son corps. Durant deux jours, l’âme peut parcourir la
terre, où qu’elle veuille, en compagnie des anges qui sont avec elle. De ce
fait, l’âme qui est attachée au corps erre quelquefois dans la maison où
celui-ci est déposé, et passe ainsi deux jours comme un oiseau cherchant son
nid. Mais l’âme vertueuse va vers les lieux où elle avait coutume de faire de
bonnes actions. Le troisième jour, Celui Qui Lui-même S’est relevé des morts ce
jour-là, ordonne à l’âme chrétienne, à l’imitation de sa Résurrection, de
monter vers les cieux pour adorer le Dieu de toutes choses. »
St Jean Damascène, dans l’office des funérailles,
décrit de manière frappante l’état de l’âme qui a quitté le corps mais est
toujours sur terre, impuissante à entrer en contact avec les êtres chers
qu’elle voit : « Malheur à moi ! Quel supplice subit l’âme
lorsqu’elle se sépare du corps ! Hélas ! Combien nombreuses sont les
larmes, et il n’y a personne pour témoigner de la compassion ! Elle lève
les yeux vers les anges ; et vaine est sa prière. Elle tend ses mains vers
les hommes, et ne trouve personne pour lui venir en aide. Pour cette raison,
mes frères bien aimés, méditant sur la brièveté de la vie, implorons du Christ
le repos pour celui qui est parti d’ici, et pour nos âmes grande
miséricorde. »
St Théophane, écrivant au frère d’une mourante,
déclare : « Votre sœur ne va pas mourir, le corps meurt, mais la
personne de la défunte demeure. Elle passe simplement à un autre mode de vie.
Ce n’est pas elle que l’on va mettre dans la tombe. Elle sera aussi vivante que
vous l’êtes maintenant. Les premières heures et les premiers jours, elle se
tiendra près de vous. Seulement, elle ne dira rien, et vous ne pourrez pas la
voir ; mais elle sera réellement là. Ayez cela à l’esprit. »
4) Il ne fait absolument aucun doute que
l’enseignement des péages est celui de l’Eglise Orthodoxe. Nous le trouvons
dans la Sainte Ecriture (cf. Eph. 6:12), les écrits de tous les Pères de
l’Eglise (aussi bien anciens que modernes), et dans les prières de l’Eglise. La
place manque pour rendre compte entièrement de la matière des sources, mais, à
la lumière de récentes discussions sur le sujet, je citerai de manière étendue
certains Pères et prières.
St Athanase le Grand, dans sa célèbre Vie de Saint
Antoine, décrit ce qui suit : « A l’approche de la neuvième heure, après
avoir commencé de prier avant le repas, Antoine fut soudain ravi par l’Esprit
et élevé par les anges dans les hauteurs. Les démons des airs s’opposèrent à
son voyage ; les anges, se disputant avec eux, exigèrent qu’ils fassent
connaître la raison de leur opposition, car Antoine n’avait aucun péché. Les
démons luttaient pour mettre en avant les péchés commis par lui depuis sa
naissance même, mais les anges fermèrent la bouche des calomniateurs en leur
disant qu’ils ne devaient pas prendre en compte les péchés depuis sa naissance,
qui avaient déjà été effacés par la grâce du Christ ; mais qu’ils
présentassent – s’il y en avait aucun – les péchés qu’il avait commis après
être entré dans la vie monastique et s’être consacré à Dieu. Dans leurs
accusations, les démons proférèrent de nombreux mensonges effrontés ; mais
comme leurs calomnies manquaient de preuves, la voie libre s’ouvrit pour
Antoine. Revenant aussitôt à lui, il vit qu’il se trouvait à l’endroit même où
il s’était mis en prière. Oubliant la nourriture, il passa la nuit en prière
avec des larmes et des gémissements, méditant sur la multitude des ennemis de
l’homme, sur la bataille contre une telle armée, sur la difficulté du chemin
vers le ciel à travers les airs, et sur les mots de l’Apôtre, qui a dit :
« Notre lutte n’est pas contre la chair et le sang, mais contre les
principautés et les puissances de l’air » (Eph. 6:12, Eph. 2:2). Sachant
que les puissances aériennes ne cherchent qu’une seule chose, s’en préoccupent
avec la plus grande ferveur, et s’efforcent de nous priver du libre passage
vers le ciel, l’Apôtre exhorte : « Prenez l’armure complète de Dieu,
afin que vous soyez capables de résister au jour mauvais (Eph. 6:13), afin que
l’adversaire soit confondu, n’ayant rien à dire de mauvais à notre sujet (Tite
2:8). »
St Jean Chrysostome, décrivant le moment de la mort,
enseigne : « Alors nous aurons besoin de beaucoup de prières, de
beaucoup d’auxiliaires, de beaucoup de bonnes actions, d’une grande
intercession des anges lors du voyage au travers des espaces aériens. Si,
lorsque nous voyageons dans un pays étranger ou une ville inconnue, nous avons
besoin d’un guide, combien plus nous seront nécessaires des guides et des
auxiliaires pour nous diriger au-delà des invisibles dignités, puissances et
souverainetés de ces airs, qui sont appelés persécuteurs, publicains et
percepteurs d’impôts. »
St Isaïe le Reclus (6e siècle) enseigne que
les chrétiens devraient « avoir quotidiennement la mort devant les yeux et
se préoccuper de comment effectuer le départ hors du corps et comment passer au
travers des puissances des ténèbres qu’il faudra rencontrer dans les
airs. »
St Hésychius, prêtre de Jérusalem (5e
siècle), enseigne : « L’heure de la mort nous trouvera, elle
viendra ; et il sera impossible de lui échapper. Oh, si seulement le
prince de ce monde et des airs qui viendra alors à notre rencontre pouvait
trouver comme vaines et insignifiantes nos iniquités et ne pas être en mesure
de nous accuser à juste titre. »
St. Ephrem le Syrien (4e siècle) décrit le
moment de la mort et du jugement aux péages : « Lorsque vient l’heure
effrayante, lorsque les ravisseurs aériens ordonnent à l’âme de quitter le
corps, lorsqu’ils nous tirent de force et nous mènent au lieu inévitable du
jugement – alors, en les voyant, le pauvre homme se met à trembler de tout son
être, comme s’il s’agissait d’un tremblement de terre, est tout entier saisi
d’un frémissement. Les ravisseurs aériens, saisissant l’âme, montent dans les
airs où se tiennent les chefs, les autorités et les souverains des puissances
ennemies. Ceux-ci sont nos accusateurs, les terribles publicains, taxateurs, et
collecteurs d’impôts ; ils l’affrontent sur son chemin, l’enregistrent, la
soumettent à l’examen et comptent toutes les fautes et dettes de cet homme –
les péchés de la jeunesse et de la vieillesse, volontaires et involontaires,
commis en action, en parole et en pensée. Grande est ici la peur, grand le
tremblement de la pauvre âme, indescriptible la revendication qu’elle souffre
alors de la multitude incalculable de ses ennemis qui l’entourent là par
myriades, la calomnient de telle sorte qu’elle ne puisse monter vers les cieux,
habiter dans la lumière des vivants, entrer dans le pays de vie. Mais les
saints anges, prenant l’âme, l’emportent. »
St Cyrille d’Alexandrie explique de plus :
« Alors que l’âme monte, elle trouve les taxateurs gardant l’ascension,
arrêtant et empêchant les âmes de s’élever. Chacune de ces stations de péage
présente à l’âme ses propres péchés particuliers. Mais, en cette occasion même,
les bons anges n’abandonnent pas l’âme dans ces stations mauvaises. Au moment
du compte, les anges présentent en retour les bonnes oeuvres de l’âme. En
effet, les saintes puissances angéliques énumèrent aux mauvais esprits les
bonnes actions accomplies en parole, en acte, en pensée et imagination. Si
l’âme est trouvée comme ayant vécu pieusement et d’une manière plaisant à Dieu,
elle est reçue par les saints anges et transportée à cette joie ineffable de la
vie bénie et éternelle. Mais si elle est trouvée comme ayant vécu de manière
insouciante et prodigue, elle entend les paroles les plus sévères :
« Que l’impie soit enlevé, afin qu’il ne voie pas la gloire du
Seigneur » (Isaïe 26:10). Alors les saints anges, avec un profond regret,
abandonnent l’âme et elle est accueillie par ces sombres démons pour être
jetée, avec beaucoup de malveillance, dans les prisons de l’Hadès. »
Un catéchiste de l’Eglise primitive, se référant aux
percepteurs officiels qui prélevaient les impôts, nous rapporte l’enseignement
commun de l’Eglise : « Je connais d’autres collecteurs d’impôts qui,
après notre départ de cette vie présente, nous examinent et nous arrêtent pour
voir si nous avons quelque chose qui leur appartienne. » Le même
catéchiste continue en disant : « Je suis saisi de stupeur en considérant
combien nous devrons souffrir des mains de ces anges mauvais qui contrôlent
tout et qui, lorsque quelqu’un est trouvé impénitent, exigent non seulement
simplement l’acquittement d’impôts, mais qui également s’emparent de nous et
nous retiennent totalement captifs. » (Origène).
Ce point de vue est confirmé par notre père St Basile
le Grand. Parlant des courageux athlètes de la foi, il enseigne qu’eux aussi
seront scrutés minutieusement par les «agents des douanes »,
c’est-à-dire les esprits mauvais. Le même Père dit également que les esprits
malins guettent le départ de l’âme avec encore plus de vigilante attention que
ne le font les ennemis d’une ville assiégée ou des voleurs sur une maison
contenant un trésor.
St Jean Chrysostome, de la même manière, appelle les
démons « agents des douanes », qui nous menacent et qui sont
« des puissances dominatrices avec une expression épouvantable
terrifiant l’âme qui les regarde ».
A un autre endroit, St Jean déclare que ces esprits
mauvais sont appelés « persécuteurs et agents des douanes et collecteurs
d’impôts dans la Sainte Ecriture ».
Selon St Jean, même les âmes des enfants innocents
doivent passer par ces péages, car le démon mauvais cherche également à saisir
leur âme. Toutefois (selon St Jean), les enfants font la confession
suivante : « Nous sommes passés par les esprits mauvais sans subir
aucun mal. Car les sombres agents des douanes virent nos corps sans tache et
furent couverts de honte ; ils virent l’âme bonne et pure et furent
embarrassés ; ils virent la langue immaculée, pure et irréprochable, et
restèrent muets ; nous passâmes outre et les humiliâmes. C’est pourquoi
les saints anges de Dieu qui nous accueillirent et nous reçurent se réjouirent,
les justes nous saluèrent avec joie et les saints dirent avec délice :
"Soyez les bienvenus, agneaux du Christ!" ».
Le rapport le plus clair et le plus complet sur les
péages est probablement celui qui fut donné par un ange du Seigneur à St
Macaire d’Egypte : « De la terre au ciel, il y a une échelle et sur
chaque échelon se trouve une cohorte de démons. On les appelle péages, et les
mauvais esprits viennent à la rencontre de l’âme, apportent la liste écrite de
ses actions et la montrent aux anges en disant : tel jour et tel autre, et
tel autre du mois, cette âme a fait ceci : soit elle vola, ou forniqua, ou
commis l’adultère, ou la sodomie, ou mentit, ou incita quelqu’un à une mauvaise
action. Et tout autre mal qu’elle a commis, ils le présentent aux anges. Les
anges montrent alors tout le bien que l’âme a accompli, en charité, prières, ou
liturgies, jeûnes ou quoi que ce soit d’autre. Puis les anges et les démons
font le compte, et s’il se trouve que le bien est plus grand que le mal, les
anges prennent l’âme et la font monter à l’échelon suivant, cependant que les
démons grincent des dents comme des chiens sauvages et se précipitent pour
saisir cette âme pitoyable. L’âme, pendant cela, se recroqueville devant eux et
la terreur la submerge, au point de vouloir se cacher dans le giron des anges,
tandis que s’élève un grand débat et beaucoup de trouble jusqu’à ce que l’âme
soit délivrée des griffes des démons. Alors ils arrivent à un autre échelon et
trouvent là un autre péage, plus terrible et plus effrayant. Et dans celui-ci
également, il y a un grand tumulte et une grande et indescriptible turbulence
pour déterminer qui prendra cette âme misérable. Et poussant de hauts cris, les
démons font subir à l’âme un interrogatoire, la plongeant dans la terreur et
disant : « Où vas-tu ? N’es-tu pas celui qui a forniqué et a
entièrement souillé le Saint Baptême ? N’es-tu pas celui qui a souillé
l’habit angélique ? Retourne ! Descends ! Va-t’en dans le sombre
Enfer. Va-t’en au feu extérieur. Rends-toi vers ce vers qui jamais ne repose ! »
Alors, s’il advient que cette âme est condamnée, les démons l’emportent sous
terre, dans un lieu sombre et de tourment. Et malheur à cette âme dans laquelle
cette personne est née. Et qui pourra dire, saint Père, l’épreuve dans laquelle
les âmes condamnées se retrouveront en ce lieu-là ! Mais si l’âme est
trouvée pure et sans péché, elle s’élève au Ciel avec tellement de
joie ! »
Des descriptions des péages aériens peuvent également
être trouvées dans les vies de saints suivantes : St Eustrate le
Mégalomartyr (4e s.), St Niphon de Constantia à Chypre (4e
s.), St Syméon le Fol en Christ (6e s.), St Jean le Miséricordieux
(7e s.), St Syméon Stylite le Jeune (7e s.), St Macaire
le Grand (4e s.), St Colomba (6e s.), St Adamnan (8e
s.), St Boniface (8e s.), St Basile le Nouveau (10e s.),
le soldat Taxiote, St Jean de l’Echelle (6e s.), etc.
Ce très ancien enseignement des premiers Pères de
l’Eglise et des saints ascètes est confirmé par l’expérience et l’enseignement
de saints plus récents. St Séraphim de Sarov rapporte : « Deux
moniales décédèrent. Les deux étaient higoumènes. Le Seigneur me révéla que
leurs âmes avaient des difficultés pour passer au travers des péages aériens.
Trois jours et trois nuits, moi pauvre pécheur, j’ai prié et imploré la Mère de
Dieu pour leur salut. La bonté du Seigneur, par les prières de la Très Sainte
Mère de Dieu, eut finalement pitié d’elles. Elles passèrent les péages et
reçurent le pardon de leurs péchés. »
De même, St Théophane le Reclus écrit :
« Peu importe combien l’idée des péages aériens peut paraître absurde à
nos "hommes instruits", ils ne pourront éviter de passer par eux. Que
recherchent ces gardiens de péage chez ceux qui traversent ? Ils cherchent
si ces personnes sont en possession de quelques uns de leurs biens. Quelles
sortes de biens ? Les passions.
Par conséquent, chez une personne dont le cœur est pur et étranger aux
passions, ils ne peuvent trouver de quoi se quereller; au contraire, la qualité
opposée les frappera comme l’éclair.
A ce sujet, quelqu’un, qui a un peu d’instruction, a
exprimé la considération suivante : les péages sont une chose terrible.
Mais il est tout à fait possible que les démons – en place de quelque chose
d’effrayant – exposent quelque chose de séduisant. Ils peuvent présenter, à
l’âme qui passe d’un péage à l’autre, quelque chose de trompeur et séduisant
selon les types de passions. Lorsque, durant le cours de l’existence, les
passions ont été chassées du cœur et que les vertus opposées y ont été
implantées, alors peu importe l’objet attirant que vous lui montrez, l’âme,
n’ayant aucune sorte de sympathie pour lui, passera son chemin, s’en détournant
avec dégoût. Mais si le cœur n’a pas été purifié, l’âme se précipitera vers
toute passion pour laquelle le cœur a le plus d’affinité, et les démons s’en
saisiront comme d’un ami, et sauront alors où la placer. Donc, il est très
improbable qu’une âme ne soit pas couverte de honte aux péages, aussi longtemps
qu’il reste en elle des liens d’attirance pour une quelconque passion. Couverte
de honte signifiant ici que l’âme est jetée en enfer. »
A un autre endroit, St Théophane, poursuivant sa
lettre au frère de la femme qui était sur le point de mourir, écrit :
« Chez la défunte commence bientôt le combat pour passer par les péages.
C’est là qu’elle a besoin d’aide ! Tenez-vous alors attentif, et vous
l’entendrez vous crier : A l’aide ! C’est alors que vous devriez
diriger toute votre attention et tout votre amour vers elle. Plongez-vous dans
la prière pour elle dans sa nouvelle condition et ses nouveaux besoins,
inattendus. Ayant commencé ainsi, restez dans une supplication incessante à
Dieu pour qu’Il l’aide au long de six semaines, et en réalité, pour plus
longtemps que cela. Au sujet de Théodora, le sac duquel les anges se servir
pour se séparer des collecteurs péagiers était les prières de son père
spirituel. Vos prières agiront de même ; n’oubliez pas de le faire. C’est
cela, l’amour ! »
De manière significative, tous ces témoignages sont
confirmés par les prières liturgiques de l’Eglise. St Ignace Briantchaninov
cite plus de 20 exemples de références aux péages dans les livres de l’Office
Divin et ce n’est pas une liste complète !
5) Selon la révélation de l’ange à St Macaire, la commémoration
particulière de l’Eglise pour les défunts le neuvième jour après le décès est
célébrée (en plus de la signification générale relative aux ordres angéliques)
parce que jusque-là il est montré à l’âme les beautés du Paradis, et seulement
après cela, durant le reste des quarante jours, lui sont montrés les tourments
et les horreurs de l’enfer, avant que lui soit assigné, le quarantième jour, le
lieu où elle attendra la résurrection des morts et le Jugement Dernier.
6) L’enseignement de l’Eglise sur la
situation des âmes au ciel et en enfer avant le Jugement Dernier est mis en
avant de la manière la plus claire par St Marc d’Ephèse dans son dialogue avec
les catholiques romains au sujet de la doctrine romaine du purgatoire (que les
Orthodoxes rejettent comme erronée). Il s’agit d’un ensemble considérable de
textes, dont une partie dépasse le sujet de cette étude limitée. Ce qui suit
devrait toutefois suffire pour illustrer l’orthodoxie des paroles de Saint Jean
Maximovitch :
« Ceux qui reposent dans la foi sont sans aucun
doute aidés par les liturgies, les prières et les aumônes accomplies pour eux,
et que cet usage soit en vigueur depuis l’antiquité, nous en avons le
témoignage par les nombreuses et diverses déclarations des Pères, latins et
grecs, orales et écrites en diverses époques et divers lieux. Mais que les âmes
soient délivrées grâce à une certaine souffrance purgatoire et un feu temporel
possédant un tel pouvoir (purgatoire) et ayant la propriété d’un secours – cela
nous ne le trouvons ni dans l’Ecriture ni dans les prières ou les hymnes pour
les défunts, ou les paroles des Pères. Il nous a toutefois été transmis que
même les âmes qui sont détenues en enfer et sont déjà livrées aux tourments
éternels - soit dans une expérience réelle soit dans l’attente désespérée d’une
telle réalité - peuvent recevoir un allègement, non cependant dans le sens de
les libérer totalement des tourments ou de leur faire espérer une libération
finale. Et ceci est indiqué par les propos du grand ascète Macaire l’Egyptien
qui, ayant trouvé un crâne dans le désert, apprit cela par l’action de la
Puissance divine. Et Basile le Grand, dans les prières lues à la Pentecôte,
écrit littéralement ce qui suit : "Toi Qui, en cette fête éminemment
parfaite et salutaire, daignes recevoir nos prières d’intercession pour ceux
que retiennent les enfers, et Qui nous as donné grandement l’espérance de Te
voir accorder aux défunts la délivrance des souillures qui les ont emprisonnés
et leur soulagement" (Troisième prière de génuflexion des Vêpres du Saint
Esprit). Mais si des âmes ont quitté cette vie dans la foi et l’amour,
emportant cependant avec elles certaines fautes, soit légères, dont elles ne
s’étaient pas repenties du tout, soit graves pour lesquelles – même si elles
s’en étaient repenties – elles n’avaient pas produit de fruits de repentance,
de telles âmes, croyons-nous, doivent être purifiées de cette sorte de
péchés ; mais non par le biais d’un feu purgatoire ou d’un châtiment
définitif en un certain lieu (car ceci, comme nous l’avons dit, ne nous a pas
du tout été transmis). Certaines doivent être purifiées par leur départ même du
corps (comme St Grégoire le Dialoguiste le montre littéralement) ; tandis
que d’autres doivent être purifiées après l’avoir quitté, avant d’aller adorer
Dieu et d’être honorées avec la multitude des bienheureux, ou – si leurs péchés
étaient plus graves et les liaient pour un temps plus long – elles sont gardées
en enfer, non pour rester à jamais dans le feu et les tourments, mais comme se
trouvant en prison et incarcérée sous une garde. Toutes ces âmes,
affirmons-nous, sont secourues par les prières et les offices célébrés pour
elles, avec la coopération de la Bonté et de l’Amour Divins pour l’humanité. Et
ainsi, nous implorons Dieu et croyons délivrer les défunts (des tourments
éternels), et non pas d’un quelque autre tourment ou feu en dehors de ces
tourments et de ce feu qui ont été proclamés éternels. »
St Marc explique plus loin la situation des défunts de
cette manière : « Nous affirmons que ni les justes n’ont encore reçu
la plénitude de leur gain et cette condition bénie pour laquelle ils se sont
préparés ici-bas par leurs œuvres, ni les pécheurs n’ont, après la mort, été
emmenés au châtiment perpétuel dans lequel ils seront tourmentés éternellement.
L’une et l’autre chose, plutôt, devra nécessairement prendre place après le
Jugement du Dernier Jour et la résurrection des morts. Pour l’instant,
toutefois, aussi bien l’un que l’autre sont placés dans des lieux
appropriés : les premiers, libres et dans un repos absolu, se trouvent au
ciel avec les anges et devant Dieu Lui-Même, déjà comme au Paradis duquel Adam
tomba, venant souvent nous visiter dans les sanctuaires où ils sont vénérés, écoutant
ceux qui les interpellent et les prient auprès de Dieu en accomplissant des
miracles à travers leurs reliques, ayant reçu de Lui ce don incomparable,
trouvant leurs délices dans la vision de Dieu et l’illumination accordée par
Lui de manière plus parfaite et plus pure qu’auparavant, lorsqu’ils étaient en
vie ; tandis que les seconds, quant à eux, détenus aux enfers, demeurent
dans la fosse la plus profonde, dans les ténèbres et l’ombre de la mort (Ps. 87:7),
comme le dit David, de même que Job : " Dans le pays où la lumière
est ténèbres " (Job 10:21-22). Les premiers donc reposent dans une joie
complète et se réjouissent, attendant déjà – sans en être toutefois en pleine
possession – le Royaume et les biens ineffables qui leur ont été promis ;
alors que les seconds, au contraire, restent dans une captivité totale et des
souffrances inconsolables, comme des condamnés attendant la sentence du Juge et
prévoyant d’avance les tourments. Ni les premiers n’ont déjà reçu l’héritage du
Royaume et ces biens "que l’œil n’a pas vus, que l’oreille n’a pas
entendus, qui ne sont pas entrés au cœur de l’homme" (I Cor. 2:9) ;
ni les seconds n’ont été encore livrés aux tourments éternels et au feu qui ne
s’éteint pas. Cet enseignement nous a été transmis par nos saints Pères dès les
temps anciens et nous pouvons aisément l’exposer à partir des Saintes Ecritures
mêmes. »
St Grégoire le Grand, répondant à la
question « Y a-t-il éventuellement quelque chose dont puissent
bénéficier les âmes après la mort ? » enseigne : « Le Saint
Sacrifice du Christ, notre Victime salvatrice, apporte de grands bienfaits aux
âmes même après la mort, à la condition que leurs péchés soient tels qu’ils
puissent être pardonnés dans la vie à venir. C’est pour cette raison que les
âmes des défunts demandent parfois que des offices leur soient consacrés. La
voie la plus sûre étant, naturellement, de faire pour nous-mêmes ce que nous
espérons que d’autres fassent pour nous après la mort. Il est préférable de se
ménager une issue tant qu’on est libre, plutôt que de rechercher la liberté une
fois que l’on est enchaîné. Nous devrions, de ce fait, mépriser le monde de
tout notre cœur comme si sa gloire était déjà passée, et offrir notre sacrifice
de larmes chaque jour à Dieu de même que nous sacrifions Son Précieux Corps
et Son Précieux Sang. Seul ce
sacrifice a le pouvoir de sauver l’âme de la mort éternelle, car il offre
mystiquement pour nous la mort du Fils Unique. » Beaucoup d’épisodes des
Vies des saints et ascètes orthodoxes confirment cet enseignement.
7) Les Constitutions Apostoliques (1er
et 2ème siècles) enseignent que les commémorations pour les défunts
soient célébrées avec « des psaumes, des lectures et des prières » le
troisième jour après le décès de nos bien aimés, à cause du Seigneur Jésus
« Qui ressuscita le troisième jour ».
Elles prescrivent une commémoration le neuvième jour
« en mémoire des vivants et des morts », de même que « le
quarantième jour après le décès selon un usage ancien ». C’est ainsi
que le peuple d’Israël prit le deuil pour le grand Moïse.
En plus de celles-ci, nous devons célébrer des
commémorations annuelles en mémoire des défunts. Cet enseignement est également
transmis par St Isidore de Péluse, St Siméon le Nouveau Théologien et St
Grégoire le Théologien.
En plus de ces célébrations, notre Sainte Eglise a
ordonné que le sabbath (samedi) soit un jour commémoratif des Saints Martyrs et
de tous les défunts. Car le sabbath, en tant que septième jour à partir du
début de la Création, est le jour qui vit la mort corporelle, imposée à l’homme
par le Dieu juste. Ce jour se continue, dans la mesure où la mort de l’homme
continue également en même temps ; alors que dimanche est le « jour
de la Résurrection, le huitième jour, qui symbolise l’âge anticipé de
l’éternité, la résurrection des morts et le Royaume de Dieu sans fin. »
Notre Mère l’Eglise a également prescrit des
commémorations collectives deux fois par an : le samedi avant le dimanche
de carnaval (précédant la semaine de la tyrophagie) et le samedi précédant la
grande fête de la Sainte Pentecôte. St Jean Damascène ajoute : « les
apôtres qui parlent pour Dieu et les Pères Théophores ont décrété cela avec
inspiration et d’une manière plaisant à Dieu. »
Traduction française :
hypodiacre Pierre
d'après
© 2001-2016 Canberra Parish
of the Russian Orthodox Church Outside Russia.
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