samedi 5 mai 2018

Evêque Tikhon (Chevkounov): Sermon sur les femmes myrrophores


Le Christ est ressuscité !
La pire chose qui puisse arriver dans nos vies est la perte de l'espérance chrétienne. Non seulement l'espérance, mais aussi et surtout l'espérance chrétienne. Qu'est-ce qui peut être pire que ça ? L'espérance... C'était l'attente, le promesse de sens et l'aspiration à un avenir heureux. L'espérance donnait la force de vivre. Elle avait un avant-goût de joie. Et puis, tout s'est écroulé. Un instant s'écoule et vous comprenez que tout a été irrémédiablement perdu. Il ne peut y avoir de plus grande catastrophe dans la vie d'une personne.
Aujourd'hui, alors que nous nous souvenons de cette aube profonde, lorsque plusieurs femmes ont timidement et secrètement approché la tombe de leur Maître, nous ressentons involontairement leur état de joie et de tristesse - l'état de personnes dont l'espoir a été brisé.
Elles sont venues alors qu'il faisait encore sombre jusqu'à la tombe afin d'oindre le corps enseveli de leur Maître avec des huiles aromatiques selon l'ancienne tradition de leurs ancêtres. Elles voulaient lui rendre leurs derniers devoirs. Oui, pour elles, le Seigneur Jésus-Christ n'était qu'un Maître. Bien-aimé, incomparables par rapport à tous les mortels, mais tout de même un Maître qui, à leur grande douleur, n'avait pas été capable de faire s’accomplir ses belles promesses.
Le malheur et les pensées cachées, l'amère déception de tous les disciples était avec douleur de cœur exprimée par les apôtres Luc et Cléopas ce même jour, le soir sur le chemin d'Emmaüs, lorsqu'ils rencontrèrent le Sauveur ressuscité, ils ne le reconnurent pas. Ils parlaient tristement du Christ : "Ils L'ont mis à mort, et avant cela, ils L'ont terriblement torturé et se sont moqués de Lui ! Mais nous avions espéré que c'était Lui, qui restaurerait le royaume d'Israël !" (cf. Luc. 24, 13-21).
Tout comme Luc et Cléopâtre, comme tous les disciples, les myrrhophores espéraient dans la promesse de Jésus d'un Royaume de bonheur et de bien-être, d'amour et de justice. Et où est-il ? Leur Maître a été horriblement raillé et tué. Tout autour des disciples orphelins, l'obscurité ne faisait qu'épaissir. Le mal triomphait de plus en plus effrontément sur terre.
Un royaume terrestre de bonté et de justice est une illusion éternelle qui séduit toujours les gens. Jusqu'à la fin des temps, les rêveries à ce sujet nous enivreront. Mais les fruits de ces rêveries séduisantes et charmantes sont vraiment horribles. Quand le Fils de Dieu vint sur terre pour amener Sa création dans le véritable Royaume des Cieux, l'humanité lui répondit par le Golgotha. Il apporta à l'humanité la nouvelle qu'un royaume qui n'est pas de ce monde était venu au monde. Les gens prenaient cela pour n'être rien de plus qu'une forme d'existence terrestre que leur esprit pouvait appréhender.
Les disciples et les porteurs de myrrhophores, en tant que partie de l'humanité, portaient en eux la maladie fatale générale de l'aliénation de Dieu. Mais si dans les dirigeants de l'Ancien Testament l'aliénation du peuple a évolué en haine diabolique et déicide, chez les disciples du Christ cette maladie s'est manifestée dans leur aveuglement spirituel humain héréditaire et leur insensibilité impuissante, qu'ils se sont efforcés de vaincre de tout leur cœur. Mais cela a pris du temps et, plus important encore, et cela a aussi nécessité l'œuvre de la Grâce de Dieu.
Seule l'humanité transfigurée par le Christ - et en Christ - est capable d'entrer dans le Royaume des Cieux, ineffable et insondable pour ce monde. De quoi avons-nous besoin, nous aussi spirituellement aveugles, souffrant d'illusions sur nous-mêmes, d'orgueil et de vanité, pour nous rapprocher de ce Royaume ?
Les instructeurs d'aujourd'hui, les myrrhophores qui sont venus dans la petite grotte, dernier refuge de notre Seigneur Jésus-Christ, nous enseignent quoi faire. C'est avec horreur que les femmes se préparaient à voir le corps profané de leur Maître. Mais elles ont trouvé quelque chose de totalement inattendu.
L'esprit de l'homme ne sait pas, Mais, comme il est écrit, ce sont des choses que l'œil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues, et qui ne sont point montées au cœur de l'homme, des choses que Dieu a préparées pour ceux qui l'aiment.(1 Corinthiens 2:9) ! Au lieu des restes corruptibles et torturés de leur Maître dans une grotte de pierre, ils trouvèrent la nouvelle de Jésus-Christ, le Fils de Dieu ressuscité. Devant eux se tenait un habitant d'un monde divin qui était resté fidèle au Seigneur - un ange – il prononça ces paroles simples et grandes : "Vous cherchez le Nazaréen crucifié. Il n'est pas là. Il est ressuscité ! (cf. Luc. 24 :6).
L'ange a annonça la même chose que le Seigneur Jésus-Christ avait dit plusieurs fois à ses disciples. On pourrait croire qu'ils se réjouiraient ! Mais quelle fut leur réaction humaine ? Ils s’enfuirent dans l'horreur et la peur, ne comprenant pas  et étant perplexes! Ils tremblaient et s'étonnaient : ils ne disaient rien à personne, car ils avaient peur (Marc 16,8).
Nous regardons les myrrhophores, et nous nous reconnaissons nous-mêmes.
Les pensées humaines sont aussi éloignées des pensées divines que les cieux le sont de la terre, dit le prophète Isaïe (cf. Isaïe 55 :8-9). Nos espoirs et nos rêves les plus audacieux sur le bonheur humain, sur nous-mêmes, sur nos proches et sur l'avenir sont au mieux naïfs par rapport à ce que le Seigneur nous a préparé. On peut comparer cela à un petit enfant à qui son père prépare quelque chose de merveilleux, une grande vie. Mais incapable d'apprécier ou même de comprendre une partie du plan de son père, le petit enfant n'est immergé que dans ses rêves chéris et bien-aimés : "Mon père fera tout pour moi ! J'aurai beaucoup de jouets, de bonbons et de friandisess !" Ce que le père prépare pour ses enfants est insondable pour l'esprit faible et fragile d'un enfant.
Qu'est-ce qui amena les myrrhophores au tombeau de leur Maître ? Au dernier lieu de repos terrestre de Celui qui n'avait  pas justifié leurs espoirs ? Au Maître Qui leur avait tant promis, mais qui n'a pas pu tenir ces promesses ? L'amour pour le Sauveur les y a amenés. C'est cet amour, la seule chose qui est plus grande que notre désir, c'est-à-dire notre espérance, plus grande que tout notre raisonnement, qui nous lie à Dieu.
Cet amour même pour le Christ ne fait pas honte aux cœurs des fidèles ! Ce n'est pas un hasard si les femmes myrrhophores ont été les premières de toute l'humanité à entendre la nouvelle de la Résurrection.
Qu'est-ce que les gens n'ont pas inventé pour nous convaincre au sujet de Dieu, du Christ et de l'Église depuis la Résurrection du Christ et jusqu'à aujourd'hui ! Il y a cent ans, ils ont commencé à détruire notre pays orthodoxe, et ils l'ont presque complètement détruit. Il ne restait plus qu'une poignée de croyants "ignorants" et de prêtres "pitoyables", qui n'osaient même pas lever la tête. Mais au sein de ces gens "ignorants et pitoyables" – selon le point de vue du monde-  ardaient cet amour et de l'adoration pour leur Grand Maître. Ils l'aimaient comme les myrrhophores et les apôtres, qui avaient perdu leur foi et leur espérance, mais les ont retrouvées.
Et nous, frères et sœurs, nous nous souviendrons des femmes myrrhophores non seulement aujourd'hui, mais aussi pendant les moments les plus compliqués de notre vie, quand les espoirs sont brisés, quand il semble que personne ne nous aidera, quand arrive la pire chose possible, ce qui, selon les paroles de saint Job le Grand Souffrant, fait trembler nos âmes. Alors nous nous souviendrons de ces femmes remarquables. En gardant dans leur cœur l'amour pour Dieu, elles ont reçu infiniment plus que ce qu'elles espéraient, tant pour elles-mêmes que pour tous leurs proches, vivants ou morts.
Tel est notre Seigneur. Il conduit l'existence humaine déchue ; Il conduit chacun de nous à travers des épreuves qui nous rendent inébranlables dans la foi, la vérité et la liberté spirituelle. Mais Il ne permet pas que quelque chose arrive au-delà de notre force. Il sait, comme un père aimant, quand le temps est venu de faire honte à nos espoirs humains pécheurs et à nos rêves faibles et fragiles. Et Il sait quand nous sommes devenus prêts pour la révélation du véritable Amour Divin, afin que nous puissions voir l'abondance infinie de ce que Dieu a préparé pour tous ceux qui L'aiment.
Amen !
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après 

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