lundi 24 avril 2017

Jean-Claude LARCHET: Recension: Cyrille d’Alexandrie, « Contre Julien », tome Il, livres III-V


Cyrille d’Alexandrie, Contre Julien, tome Il, livres III-V. Introduction et annotation par Marie-Odile Boulnois, texte grec établi par C. Riedweg (GCS NF 20), traduction par J. Bouffartigue (†), M.-O. Boulnois et P. Castan, « Sources chrétiennes » n° 582, Paris, Cerf, 2016, 663 p.
Ce volume présente la suite (livres III à V) du traité de saint Cyrille d’Alexandrie († 444) « Contre Julien », dont les deux premiers livres avaient été publiés dans la même collection en 1985 par P. Burguière et P. Évieux.
Dans cet ouvrage qui date d’environ 440, le patriarche d’Alexandrie réfute les critiques adressées aux chrétiens par l’empereur Julien dit « l’Apostat » intitulé Contre les Galiléens. Celui-ci avait été publié en 362-363, soit 80 ans plus tôt, mais à l’époque de Cyrille il était toujours perçu comme dangereux, bien que, considéré comme « démoniaque » par les chrétiens, il ait été massivement détruit au point que les citations contenus dans l’ouvrage de Cyrille en constituent aujourd’hui presque l’unique trace. Ce traité de Julien fait partie d’une lignée d’ouvrages anti-chrétiens rédigés par des philosophes païens, à laquelle appartiennent aussi le Discours véritable de Celse (178), qu’a longuement réfuté Origène dans son Contre Celse (248), ou le Contre les chrétiens (après 271) de Porphyre de Tyr, qui fut réfuté par Apollinaire de Laodicée en 370.
Julien adhère à la philosophie néo-platonicienne, mais possède néanmoins une bonne connaissance de la Bible. Il cherche a discréditer le contenu de celle-ci en tant que l’une des bases de la foi chrétienne, en montrant qu’elle est, soit assimilable à la mythologie (dans sa référence à un arbre de la connaissance du bien et du mal, dans son évocation d’un serpent qui parle, dans sa description de l’épisode de la tour de Babel…), soit réductrice (en concevant Dieu comme le dieu des Hébreux et donc comme un dieu national), soit blasphématoire (en faisant apparaître Dieu comme méchant, jaloux ou impuissant).
Pour le réfuter, saint Cyrille d’Alexandrie recourt non seulement à l’exégèse et à la théologie, mais aussi à la philosophie et à la littérature grecques qu’il cite abondamment.
La réfutation de Cyrille garde un caractère actuel, car les objections de Julien ont régulièrement été reprises sous diverses formes jusqu’à nos jours. L’assimilation de certains éléments bibliques à une mythologie a été fortement mise en avant dans les années 60 du siècle dernier dans la théologie protestante (R. Bultmann) et dans une partie de la théologie catholique qui préconisaient une « démythologisation » du christianisme. Le caractère fortement politique et nationaliste de certains épisodes de la Bible (bien qu’il soit plus valorisé par l’exégèse juive que par l’exégèse chrétienne), ou l’image d’un Dieu jaloux, vengeur, ou injuste donnée par d’autres épisodes posent problème à première lecture et appellent, pour être correctement compris, une exégèse adéquate dont cet ouvrage de saint Cyrille d’Alexandrie nous donne un bon exemple.
Un autre aspect intéressant de ce traité est qu’il oppose en de nombreux passages la Trinité chrétienne à la triade néo-platonicienne à laquelle adhère Julien, en montrant les déficiences de cette dernière conception de la divinité, dont le caractère hiérarchique s’inspire de l’hérésie arienne.
Jean-Claude Larchet

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