samedi 17 décembre 2016

Le saint martyr Alexandre Medem


Le saint martyr Alexandre Medem


Canonisé au concile de Moscou en 2000, il est fêté le 23 novembre

Le martyr Alexandrecomte Alexander, Georg, Ludwig, Julius Medem est né à Saint Pétersbourg en 1877. Son père était Othon Ludwigovitch et sa mère Alexandra Dimitrievna née Narychkina. Il a été baptisé à l’église luthérienne. Il a passé une grande partie de sa vie dans une propriété de la région de Saratov, au bord de la Volga ; nommée « Alexandrie » : c’était un cadeau de mariage du comte à sa jeune épouse.

Les Medem étaient une fort ancienne famille aristocratique balte, plus précisément de Courlande (Lettonie actuelle). Othon Ludwigovitch, juriste diplômé de l’Université de Saint Pétersbourg fut entre autres gouverneur de Novgorod, sénateur et membre du Conseil d’État. Volontaire mais respectueux, il sut apaiser les esprits pendant les désordres révolutionnaires de 1905, en allant sans escorte à la rencontre du peuple et en engageant le dialogue.

Son fils Alexandre sortit lui aussi diplômé de l’Université de Saint Pétersbourg mais n’entra pas dans la fonction publique. Il épousa Maria Fiodorovna Tchertkova et vécut sur ses terres en gentleman-farmer. En y introduisant des techniques modernes, pour le travail et la conservation des récoltes, il en fit une exploitation-modèle. Il choisissait lui-même ses collaborateurs et les payait bien, connaissait chacun des paysans de son domaine, et sa femme créa de ses propres deniers une école pour leurs enfants. Ils ouvrirent une bibliothèque. Les Medem étaient aimés et respectés de tous.

C’est sur leurs terres que naquirent leurs enfants : Fiodor (Théodore), Sophie, Hélène et Alexandra qui furent baptisés dans la foi orthodoxe. C’est pour les instruire dans la foi qu’en 1921 ils invitèrent l’étudiant en théologie Vassili Nadéjdine, futur prêtre martyr, canonisé (voir le Bulletin de la Crypte, février… 2014)

La petite Hélène naquit fortement handicapée : sa mère avait été atteinte du choléra pendant sa grossesse. Ce fut une étape dans la croissance spirituelle d’Alexandre, qui fit construire (1910-1913) sur sa propriété une église Saints-Constantin-et-Hélène et rejoignit bientôt l’Église orthodoxe. 
Pendant la Première guerre mondiale, en 1915, il organisa un train-hôpital du Zemstvo [collectivité locale] du gouvernement de Saratov.

La famille était si unie et aimante que, même dans la tourmente révolutionnaire, quand les propriétés brûlaient et que le sang des aristocrates coulait à flots, la foule hurlait sur les places : « Mort aux propriétaires terriens !...Mais pas aux Medem ! »

Mais les Medem perdirent leur propriété avec le Décret sur la terre, l’un des tout premiers du pouvoir bolchévique. Alors il loua un appartement à Khvalynsk avec quelques membres de la famille et quelques domestiques fidèles, ils s’y installèrent. Il était hors de question que toute la famille émigre : seul Fiodor prit le chemin de l’étranger : il s’en alla rejoindre son grand-père et son oncle Dimitri.

Les bolchéviques arrêtèrent plus d’une fois le comte Alexandre, l’accusant d’activités contre-révolutionnaires ; il fut même condamné à mort. Ses amis voulaient le faire évader, mais il refusa, car le sort de sa famille eut été encore pire. La nuit avant l’exécution, il fut autorisé à rentrer chez lui pour faire ses adieux : les époux restèrent ensemble toute la nuit et au petit matin le régime avait changé : les bolchéviques avaient été mis en fuite par le corps expéditionnaire tchécoslovaque.

Une autre fois on réclama dix mille roubles pour sa libération. Son épouse ne disposait pas d’une pareille somme et c’est le mollah de Khvalynsk, un ami des Medem, qui avança la somme.

L’été 1919, libéré de la prison de Saratov, il dit qu’il n’avait jamais aussi bien prié que là où la nuit, la mort frappait à la porte et on ne savait pas de qui ce serait le tour.

Il loua quelques hectares de terres, ce qu’il avait la force de travailler lui-même et ce fut si dur qu’il dut être amputé de plusieurs doigts.

Les Medem fréquentaient l'église du monastère de la Sainte-Trinité de Khvalynsk. Alexandre et d’autres paroissiens unirent leurs efforts pour s’opposer au schisme de l’Église-vivante (cheval de Troie des bolchéviques), et soutenir l’évêque orthodoxe Pierre (Sokolov).
Celui-ci fut arrêté l’été 1923 avec tout un groupe de prêtres et de laïques de la région de Saratov. Un jour au cours d’un interrogatoire, le juge d’instruction lui demanda comment il organiserait l’élevage. Alexandre lui fit un exposé détaillé sur le sujet. Le juge d’instruction l’écouta avec intérêt et conclut : « Hé, j’aime bien les gens comme vous ! Mais bien sûr, nous ne vous donnerons aucun élevage à diriger ! » L’affaire Medem se conclut par sa libération fin octobre et il put retourner auprès des siens.

Les arrestations, les privations, les maladies, les épreuves et le dur labeur ne firent que fortifier son âme et affermir sa foi. Il écrivait à son fils Fiodor, en Allemagne : « Ces jours-ci tu auras 21 ans, l’âge de la majorité civile. Je prierai avec ferveur pour toi, mon garçon, pour que le Seigneur t’aide à parcourir ton chemin sur terre dignement et avec justice, à sauver ton âme et qu’Il te donne la force d’âme et du corps, l’audace et une foi inébranlable. Seule la foi que tout ne se termine pas avec notre existence ici sur terre donne la force de ne pas s’accrocher à cette vie si peu importante pour la garder au prix de toute vilenie et abaissement. Seul peut être libre l’homme profondément et sincèrement croyant. Dépendre de Dieu est la seule dépendance qui n’abaisse pas l’homme et ne le transforme pas en un esclave misérable, mais l’élève au contraire. Je suis mauvais prêcheur, mais je veux te dire que c’est cela que je ressens le plus pour toi et que je te souhaite. Aie une foi ferme, prie toujours avec ardeur, et crois fermement que le Seigneur t’aidera ; ne crains rien au monde, ne crains que le Seigneur et ta conscience guidée par Lui, n’offense jamais personne et je pense que tu seras dans le bien. Que le Christ soit avec toi, mon garçon, mon bien-aimé. Maman et moi pensons constamment à toi, remercions Dieu pour toi et prions pour toi… Je t’embrasse bien fort, je te signe de la croix et je t’aime. Que le Seigneur soit avec toi.    Ton père.

Sa femme Maria Fiodorovna le confirmait dans une lettre à son fils Fiodor : Toutes ces années, il a extraordinairement grandi sur le plan moral. Tant de foi, tant de paix et de sérénité de l’âme, une liberté et une force d’esprit si authentiques, telles que je n’en avais jamais vues dans ma vie. Ce n’est pas seulement mon avis, qui pourrait être partial, mais tout le monde le constate. Et c’est de cela que nous vivons, et de rien d’autre, car le fait même que nous existons en tant que famille, sans rien avoir sinon l’espérance en le Seigneur le prouve.

Sur la situation dans le pays, Alexandre écrivait à son fils de ne surtout pas croire les inventions de la propagande, car en réalité tout coûte un prix fou, la persécution de l’Église a repris, au Caucase on enlève les dernières églises aux orthodoxes pour les donner aux tenants du schisme de « l’Église-vivante », pour le moment il n’y en a pas chez nous, mais tôt ou tard, ils nous atteindront. Dans ce cas-là je serai le premier touché. Mais je n’ai pas peur, je serai même très content. En tout est la volonté de Dieu. Nous faisons notre devoir et bien sûr, notre sang, s’il doit couler, ne sera pas perdu en vain. Je te bénis pour la vie, mon garçon. Vis simplement, honnêtement, en chrétien. Ne te laisse jamais aller au découragement…. »

À l’été 1925, Alexandre eut à affronter de nouvelles épreuves : sa femme mourut (« sans douleur, sans honte, paisible, pleinement consciente, ayant communié », écrit-il à son fils) de tuberculose, et peu après leur fille la petite Hélène. À la fermeture du monastère, converti en club de l’institut horticole, Alexandre fut de nouveau arrêté et détenu à la prison de Saratov. Libéré il alla se fixer à Syzran où il gagnait son pain en donnant des leçons d’allemand.
À l’automne 1930, il fut arrêté une dernière fois. En détention il fit preuve d’une rare grandeur d’âme, de sérénité et de courage, lors des interrogatoires il fut extrêmement digne et réservé, malgré la tuberculose qui le faisait beaucoup souffrir.

Il n’eut pas le temps d’être inculpé. Au début de 1931 la maladie s’aggrava du fait des conditions de détention et il en mourut en prison le 1er avril 1931 à 12h30. Ses funérailles, corps non présent, eurent lieu dans l’église de Syzran.
La propriété des Medem fut pillée, l’église défigurée et pratiquement détruite. Mais sa restauration commencée en 2004 avec l’aide efficace de sa petite-fille, Olga Fiodorovna von Lilienfeld-Toal, aboutit à la reconsécration le 11 novembre 2007.

Résumé et traduction par Françoise Lhoest
 d’un article d’Olga Novikova
paru dans Alpha et Omega, N°2 (52), 2008, 
lui-même basé sur le livre d’A.V. Naumov
la Croix russe du comte Medem, Saratov 2007. 
La revue Alpha et Oméga fondée en 1994, a cessé de paraître en 2011 (tous les numéros sont accessibles en version électronique), avant la mort de sa rédactrice en chef Marina Jourinskaïa (1941-2013) et il n’a pas été possible de retrouver l’auteur de l’article.


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Video (en russe)


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