1)
Quels
sont les plus importants aspects que nous devrions connaître sur l'histoire de
l'Eglise orthodoxe au Togo ?
Le Togo est un petit pays de l’Afrique occidentale,
d’une population totale estimée en 2015 à 7. 552 318 habitants. On compte, de nos jours, parmi cette
population 25 % de chrétiens. Les 75 % restant sont constitués de
musulmans et d’animistes. Autant dire que l’évangélisation n’a pas plongé
profondément ses racines dans l’âme du peuple du Togo.
Avant d’en venir à l’histoire de l’Eglise orthodoxe
au Togo, il convient de faire un bref survol de l’histoire de la tradition de
foi orthodoxe présente aujourd’hui dans les pays d’Afrique noire au sud du
Sahara.
En l’an 451, fut constituée à Chalcédoine, par les
Pères conciliaires, la Pentarchie, c’est-à-dire, les cinq entités ecclésiales
(Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem) auxquelles la
tradition canonique de l’Eglise accorda la qualité patriarcale. Tout le
continent africain était placé sous la juridiction du Patriarcat d’Alexandrie. Il
revenait à ce Patriarcat d’étendre son essor missionnaire à l’Afrique noire et
d’assurer la juridiction de l’Eglise orthodoxe sur tout le continent. De l’Egypte,
dès le IVe siècle, l’œuvre missionnaire, encouragée par l’empereur
byzantin Justinien, jeta ses fondations, dans les royaumes au sud de l’Egypte
: le Royaume de Nubie (territoire actuel du Soudan) et celui d’Axoum (l’actuelle
Ethiopie, anciennement appelée Abyssinie). Cet essor missionnaire du Patriarcat
d’Alexandrie vers les pays de l’Afrique noire sub-saharienne, s’est trouvé, dès
le VIIe siècle, entravé par l’expansion de l’Islam. L’Egypte copte,
s’étant ralliée au monophysisme, entraîna dans son schisme les Eglises qui se
trouvaient sur le territoire de l’actuel Soudan, ainsi que celle d’Ethiopie. C’est
ainsi que par la double barrière du monophysisme et de l’Islam conquérant qui
rasa les fondations de l’orthodoxie dans toutes ces régions, exceptées celles
de l’Eglise d’Ethiopie. La mission d’évangélisation orthodoxe fut, dès lors,
interrompue dans les régions au sud du Sahara.
Il faudra attendre la fin du XIXe siècle,
voire le début du XXe siècle, c’est-à-dire, après une coupure de treize
siècles, pour voir fleurir l’intérêt des africains eux-mêmes pour la tradition
de foi orthodoxe. Avant la découverte par les peuples d’Afrique noire de l’Orthodoxie
et la pleine intégration des communautés d’Églises dans le Saint Synode du
Patriarcat grec orthodoxe d’Alexandrie, celle-ci n’étendait sa juridiction que
sur le nord du continent. N’était présente dans les pays d’Afrique noire que l’Eglise
catholique dont la mission avait débuté, dès le XIVe siècle, sous l’égide
des missionnaires jésuites venus du Portugal, auxquels se rallieront, dès la
fin du XVIIIe siècle, l’Eglise anglicane et, au XIXe siècle,
les missions de la Réforme Protestante.
2 ) Par quelle voie la
tradition de l’Eglise orthodoxe est-elle arrivée au Togo ?
L’Afrique est un continent blessé et meurtri par
plusieurs siècles de son histoire. Ses blessures et ses meurtrissures sont une
plaie ouverte, que l’histoire contemporaine a des difficultés à panser. Les
onguents qui lui sont souvent appliqués, loin de la guérir, ravivent souvent ses
douleurs.
Une relecture de l’histoire de l’Afrique à la lumière
des valeurs de l’Évangile du Christ s’avère, aujourd’hui, nécessaire.
Cependant, il convient qu’une telle relecture soit spirituellement éclairée, qu’elle
s’inscrive dans une perspective chrétienne, émancipée des valeurs du monde
souvent opposées à celles de l’Eglise du Christ. L’évangélisation de l’Afrique
subsaharienne fut assumée par les peuples d’Europe dans une phase de leur
histoire où les intérêts des puissances en présence étaient fortement soumis à
des enjeux politiques et économiques, et la position de l’Église fut fortement
controversée en raison de tels enjeux. L’Église catholique romaine, principal
acteur dès le XIVe siècle, de cette œuvre d’évangélisation des régions
de l’Afrique subsaharienne (à laquelle l’Église de tradition orthodoxe n’eut
point de part), s’est trouvée intimement imbriquée dans le jeu politique des
différents Royaumes et des États européens, sans que les acteurs de l’évangélisation
aient pu se doter des moyens qui leur eussent permis de mieux discerner les intérêts
en présence, pour une meilleure efficacité des différents modes d’action de la
mission sur le continent africain. Les missionnaires «de bonne foi, agissaient selon l’idéologie prédominante
de l’époque, l’orbis christiana selon laquelle, les papes, les rois et
les princes se devaient de répandre la Bonne Nouvelle par tous les moyens.
Cette idéologie se retrouve dans la bulle du Pape Alexandre VI, Inter Cœtera,
écrite en 1493 et dont les directives ont guidé l’évangélisation. Le Pape écrit: “Que
la foi catholique et la religion chrétienne, plus encore à notre époque, soient
exaltées et étendues en tous lieux, que le salut des âmes soit recherché, et
soumises les nations barbares par la conversion à la foi”[1]. Les missionnaires vont alors chercher à
baptiser le plus grand nombre possible pour leur assurer le salut, sans trop se
préoccuper de la profondeur ni de la sincérité de leur conversion.
Il nous faut toutefois, aujourd’hui, nous rendre à
l’évidence : l’Évangile du Christ est et demeure, en dépit de la faiblesse
et du péché des hommes qui en ont souvent
travesti son message, la clef ultime et souveraine du déchiffrement du
sens de l’Histoire. Il est, de même, la Parole ultime, révélatrice du sens de
la vie, de la liberté humaine et de la Justice divine.
Les Ougandais furent les premiers, parmi les
africains, à se mettre activement en recherche d’une Église qui témoignerait
des valeurs d’accueil des peuples de ce continent, dans un esprit de charité
fraternelle et évangélique, et qui leur permettrait de retrouver les racines de
la tradition chrétienne des premiers siècles. Cette recherche a abouti, en définitive,
après une longue quête, à leur faire rencontrer la tradition orthodoxe et sa
confession de foi et, plus tard à rentrer dans la juridiction du Patriarcat
grec orthodoxe d’Alexandrie et de toute l’Afrique. Cette recherche de la
tradition authentique s’est ensuite étendue au Kenya et à d’autres régions d’Afrique
durant le XXe siècle : la République Démocratique du Congo, le
Congo Brazzaville, la Tanzanie, le Cameroun, le Rwanda, le Burundi, le
Zimbabwe, l’Angola, le Mozambique, le Ghana, l’île de Madagascar, la Côte-d’Ivoire,
le Nigeria, le Benin, le Togo, la Gambie, la Sierra Leone, la Zambie, le
Malawi. La Tradition de l’Eglise orthodoxe n’est arrivée au Togo que dans le
courant de l’année 2005. Elle est donc d’implantation récente dans notre pays.
3 ) Quelle est l'importance de
l'Eglise orthodoxe du Togo dans le monde des Eglises orthodoxes ?
Créée depuis le 8
septembre 2005, la jeune Eglise orthodoxe du Togo regroupe, à ce jour, à peine
un millier de fidèles dans tout le pays. Ceux-ci se répartissent dans quatre
paroisses dont trois sont situées dans le sud du pays et la quatrième dans le
nord. Les différentes dénominations des paroisses du sud du pays sont les
suivantes : La Nativité de la Mère de Dieu dans la ville de Lomé, la capitale du pays, La Dormition de la Mère de Dieu dans le
village d’Ahépé et Saint Jean Chrysostome
dans la ville de Notsè. La quatrième
paroisse, située dans le nord du pays,
dans la ville de Kara, est sous la protection de l’Archange Saint Raphaël. L’Eglise orthodoxe du
Togo assure aussi la gestion de deux établissements scolaires.
L’accueil à l’aube du troisième millénaire de la “foi juste”,
la foi orthodoxe, dans le souffle de l’Esprit, augure un baptême plénier des
nations africaines, de leurs cultures et de leurs traditions. Les nations sont
appelées à entrer dans l’héritage du Seigneur, et à ne former qu’un seul peuple
d’une pluralité de langues et de cultures, sans qu’une telle diversité soit une
entrave à l’unité du Corps de l’Église, mais concourt, par la symphonie des cœurs
et dans le souffle de l’Esprit-Saint, à composer dans la langue de l’Évangile,
une hymne harmonieuse aux accents merveilleusement accordés “dans un même amour, une seule âme, un seul
sentiment” (Phil 2, 2).
Cet héritage de la véritable Eglise du Christ, qui s’offre aujourd’hui à l’Afrique
et qui est reçu dans un engagement de foi par les peuples de ce continent, est
moins un héritage doctrinal qu’un mode de vie, d’une actualité toujours
novatrice et créatrice, enraciné dans le terreau de la Tradition conciliaire
des premiers siècles de l’Église. L’offrande aux hommes de tous peuples,
langues et cultures par l’Orthodoxie, d’une plénitude de vie, reflet de la vie
divine et trinitaire, transparaît dans sa liturgie, ses rites, ses offices et
dans la Parole de l’Évangile toujours continuée dans les écrits des Pères de l’Église,
ceux des premiers siècles et ceux que l’Esprit-Saint, dans les périodes les
plus actuelles de l’histoire, suscite comme des luminaires porteurs de son Souffle
au cœur du monde. En considération de cette fidélité créatrice dont elle a
toujours témoigné, l’Église orthodoxe, par sa spiritualité, son sens du Mystère
de la divino-humanité, étranger à l’esprit de la rationalité scolastique, et
par son dynamisme propre, suscite à chaque époque un renouvellement du cœur et
du visage des peuples, et tente à la lumière de l’Évangile, d’actualiser le
message du Christ au cœur de l’histoire, d’apporter une réponse appropriée aux
besoins du monde à chaque étape de son cheminement historique. Un tel
renouvellement nécessite de la part des peuples qui accueillent la tradition de
foi orthodoxe, et en particulier du peuple du Togo, comme le soulignait le Père
Dumitru Staniloae, “un effort pour être de dignes héritiers du témoignage
de l’époque apostolique […]. Ce renouvellement signifie le renouveau de la vie
du Christ en nous. Il nous faudrait arriver à vivre avec le même sentiment de
la présence du Christ que les premiers chrétiens. Le Christ nous dit comme à eux :
“Je suis avec vous pour toujours” (Mt 28, 20)[2].
L’offrande du cœur des enfants d’une nation, dans la foi, la fidélité, les
prières d’action de grâces au Dieu glorifié dans la Trinité, suscite en retour
une surabondance de bénédictions et de grâces qui affine, dans la lumière, le
visage d’une nation. Car Dieu est le “défenseur de ceux qui espèrent en
lui […], il sauve le peuple qui s’humilie, mais humilie les yeux des
orgueilleux» (Ps 17, 31, 28). Le Roi David proclame “Bienheureuse la
nation qui a pour Dieu le Seigneur, le peuple qu’il s’est choisi en héritage” (Ps
32, 12 et Ps 143, 15).
De nos jours, essaiment en Afrique plusieurs Eglises orthodoxes
non-canoniques, qui se sont auto-proclamées, et sont venues, pour la plupart d’entre
elles, des pays d’Europe. L’Eglise orthodoxe du Togo fait partie de la Métropole
du Nigeria, dans la Juridiction du Patriarcat grec orthodoxe d’Alexandrie et de
toute l’Afrique. La Métropole du Nigeria est placée, depuis 1998, sous l’autorité
de son Eminence, le Métropolite Alexandros. Par ce lien juridictionnel, l’Eglise
orthodoxe du Togo est en communion de foi avec toutes les Eglises orthodoxes
historiques. La Juridiction patriarcale grecque orthodoxe d’Alexandrie compte
sur le continent africain vingt et une métropoles et six évêchés. Le siège de
la Métropole du Nigeria se trouve à Lagos, et regroupe les quatre diocèses du Nigeria,
du Bénin, du Niger et du Togo. Elle couvre une superficie de 2.362 316 km2.
Il faut toutefois reconnaître que sur cet immense territoire, équivalent à dix
fois celui de la Roumanie et presque quatre fois celui de la France, le tiers
est constitué de régions désertiques situées sur le territoire du Niger.
5 ) Quels
sont les plus importants représentants orthodoxes qui ont contribué le plus a
l'implantantion de l'Orthodoxie au Togo ?
Le Métropolite Alexandros du Nigeria, en conférant le 8 septembre 2005, au
Père Thomas-Grâce Lugudor, un ancien catéchiste catholique converti à l’Orthodoxie,
l’ordination presbytérale, lui avait confié la charge pastorale de la jeune Eglise
orthodoxe du Togo. Le Père Thomas-Grâce avait accompli, au cours de ses dix années
de ministère sacerdotal, une grande œuvre au service de l’Église orthodoxe au
Togo. Père de trois enfants, il était l’unique prêtre desservant les quatre
communautés paroissiales qui, dans la grâce de l’Esprit, avaient été créées
dans le pays. Le Père Thomas-Grâce parcourait, infatigable, le pays, du nord au
sud et d’est en ouest, pour affermir la foi des nouveaux convertis, assurer les
catéchèses et administrer les sacrements. Il assurait la gestion au sein de l’Église
orthodoxe des deux établissements scolaires d’enseignement primaire et
secondaire, dont nous avons parlés plus haut, regroupant tous deux près de 400 élèves.
Une exploitation agro-pastorale d’une dizaine d’hectares avait été créée pour
venir en aide financièrement aux besoins de l’Église et des établissements
scolaires. Son projet de création d’un orphelinat, qui lui tenait tant à cœur
durant toutes ces années, n’a malheureusement pas pu se réaliser. Le Seigneur l’a
rappelé auprès de lui le 9 mars de cette année 2016. Nous adressons nos prières
au Seigneur pour qu’Il accorde au Père Thomas-Grâce, le repos dans sa Lumière
et dans sa Paix et une éternelle mémoire. Le nouveau prêtre, Benoît Komlanvi
ordonné au mois de mai 2016, assure la continuité de la charge pastorale de l’Eglise.
6 )
Pourriez-vous nous dire quelques mots sur l'organisation de l'Eglise orthodoxe
au Togo ?
Cette jeune Eglise n’a pas une organisation
particulière qui la singulariserait au sein de la communauté des Eglise
orthodoxes canoniques d’Afrique noire, placées sous la Juridiction du
Patriarcat grec orthodoxe d’Alexandrie. Le Métropolite Alexandros envisage de
lui conférer prochainement un statut de Vicariat au sein de la Métropole du Nigeria.
Mais, avant que ce statut ne devienne effectif, elle dépend du Vicariat de l’Eglise
orthodoxe du Bénin qui l’assiste dans ses besoins pastoraux. Les deux Eglises
entretiennent des liens qui tiennent au fait que l’Eglise orthodoxe du Bénin a
eu une part très active dans la création de l’Eglise orthodoxe du Togo.
7 ) Que devrions-nous connaitre
sur la tradition de l'Orthodoxie au Togo ?
Par son accueil de la tradition orthodoxe, dans la continuité de la foi des
Pères de l’Église, sous le sceau des sept premiers Conciles œcuméniques et la
fidélité à la saine doctrine de l’Église, nous somme persuadés que le peuple du
Togo a fait son entrée dans l’héritage des peuples que le Christ s’est acquis
en possession éternelle, dans le Mystère de sa Passion et de sa glorieuse Résurrection.
La nation est un creuset de fructification des arrhes de l’Esprit que l’Église
orthodoxe, présente au sein de chaque peuple doit porter à maturation dans les âmes
de ses enfants. Car “L’Église est l’avènement de l’humain »[3]. C’est en elle que se révèle la beauté lumineuse
du visage des hommes et des femmes, beauté qui n’est autre que le resplendissement
de l’âme qui communie en Jésus-Christ à la Source de toute beauté dans la création.
Si l’Église orthodoxe, en tant que communauté eucharistique, est le lieu où
sont administrés, par les sacrements, les remèdes salutaires qui guérissent l’homme
séparé de Dieu, la nation, en sa qualité de communauté ethnique (ou
pluri-ethnique) et linguistique, est le creuset dans lequel doivent s’épanouir
les valeurs d’union, de communion dans l’amour, de fraternité, de solidarité de
ses membres, car elle est appelée à une vie de vérité, de justice et d’équité.
Les règles juridiques et les lois qui régissent la vie des communautés, les
droits et les devoirs individuels doivent être doués de vertus créatrices pour
féconder la vie de l’intérieur, la rajeunir, la renouveler et la transfigurer
sans cesse. Autrement, la vie risquerait d’être enfermée dans des codes moraux
inaptes à vivifier, à pacifier, à renouveler le visage d’une nation. Le mode de
partage des ressources et de distribution des richesses, de prise en charge des
nécessités des pauvres, des faibles, des déshérités sont des orientations qui
façonnent, en la conformant aux préceptes de l’Evangile, la destinée d’un
peuple. Aucun programme ne lui est mieux adapté que celui de l’Évangile, car
aucun système politique, si généreux soit-il, si soucieux des valeurs de
justice, d’équité et de fraternité, ne peut s’élever à la hauteur des
prescriptions de l’Évangile, lequel est la vie intime de Dieu manifestée aux
hommes, la vie de la Divine Trinité, annoncée et proposée par le Christ aux
hommes.
C’est cette divino-humanité du Christ que l’Esprit-Saint
suscite dans l’Eglise orthodoxe, en vue de son appropriation dans la liberté et l’amour, qui est offerte en ce
début du troisième millénaire au peuple du Togo…
Une rectification :
RépondreSupprimerLa communauté de Mpalimé ne fait plus parti de cette mission mais a rejoint avec le diacre Daniel les VCO (Matteistes)
a. Cassien