samedi 12 mars 2016

Dr. Constantin Cavarnos: Photios Kontoglou/ INEBRANLABLE FIDÉLITÉ À LA SAINTE TRADITION (3)

Icône de sainte Cassienne
peinte par Photios Kontoglou

-Vous dites, dans votre article écrit peu de temps après sa mort, que dans le prologue de Pedro Cazas, il expose quelques-unes des idées de base sur les arts, qu’il engagé à toujours respecter.

-Sur la base de ce prologue et de quelque chose qu'il a dit dans son deuxième livre, Vasanta, j'ai écrit un article sur ces idées.

-Pouvez-vous décrire l'une de celles-ci pour nous?

-Il a beaucoup insisté sur la clarté et la simplicité du style, la sincérité et la vigueur. Ce sont ses grands principes de la bonne écriture. Il a accepté le dicton français, "Le style c’est l’homme," que le style est l'expression du caractère d'un homme, de ses ressources intérieures. Il y croyait très fortement et a fait remarquer que de nombreux écrits qui ont été publiés par d'autres, manquaient de vigueur. Ses écrits ont une vigueur d'expression parce que c’était un homme de caractère. Il pensait que la scène contemporaine en manquait. Les anciens auteurs l'avaient: la clarté, la simplicité, la sincérité, la vigueur, une bonne organisation, pas de choses mises ensemble à la hâte, vaguement écrites. Il a également estimé que tout écrit doit contenir et transmettre une certaine sagesse de l'auteur au lecteur.

-Disait-il d’où vient principalement cette sagesse? Comment un écrivain pourrait-il acquérir cette sagesse?

Par une bonne éducation et beaucoup de lecture. Il croyait en la connaissance encyclopédique, savoir quelque chose à propos de tout. Savoir quelque chose sur l'histoire, la géographie, ce que les auteurs ont fait en dehors de la Grèce, votre propre tradition culturelle, la tradition byzantine et la culture grecque antique. Tout cela a été englobé dans la connaissance encyclopédique de Kontoglou. Il a pris l'ensemble de la culture et de la tradition de la Grèce, depuis les anciens poètes, les législateurs, les philosophes, jusques aux Byzantins, aux héros de la révolution grecque de 1821, aux contemporains. Il admirait les gens héroïques. Cette admiration était très forte en lui. Ceci a été poursuivi jusques à l'admiration des martyrs et des ascètes chrétiens. Les individus les plus héroïques étaient pour lui les grands martyrs et les grands ascètes. L'esprit héroïque fait partie de la tradition culturelle grecque ininterrompue: il y a les héros d'Homère, ceux de Marathon, et les martyrs anciens et les nouveaux martyrs. L’héroïsme a commencé comme une sorte d'héroïsme moral et a évolué vers un héroïsme spirituel. Ceci est quelque chose qui était très vivant chez Kontoglou, et il et cela transparaît dans ses œuvres.

-Que pensez-vous que Photios Kontoglou dirait aujourd'hui au sujet de ce qui est arrivé à notre système éducatif? Il a beaucoup étudié et connaissait bien de nombreux sujets.

-Kontoglou aurait dit que notre système éducatif a rompu avec les classiques et le christianisme. Il connaissait la langue grecque sous toutes ses formes historiques: antique, hellénistique, patristique, moderne, à la fois puriste [katharevousa] et démotique. Dans ses écrits, vous trouverez de nombreuses citations d’écrivains grecs anciens, de l'Ecriture Sainte, des hymnes de l'Eglise orthodoxe, des Pères de la sainte Église. Il avait accès à tous ces trésors parce qu'il connaissait la langue dans laquelle ils sont écrits. Il savait aussi bien le français et avait lu Les Pensées de Pascal, qui sont une défense de la religion chrétienne, et les éditions françaises de Dostoïevski Les Frères Karamazov (un autre classique chrétien) et d'autres écrivains chrétiens importants, tels que Leonid Ouspensky et Vladimir Lossky.

-Pourquoi pensez-vous qu'il ait brisé le moule qui semblait s’être formé en Grèce à ce moment-là? Il a suivi son propre chemin et a parlé contre la modernisation, n’est-ce pas?

-Ce qui est arrivé avec les célèbres intellectuels et écrivains grecs récents, tels que Kazantzakis, Sikelianos et Seferis, était qu'il leur manquait la dimension la plus importante de la culture grecque, qui est, l'Orthodoxie. Les Père de l’Eglise byzantins orthodoxes et les saints ne furent pas assimilés par eux. Kontoglou eut un contact étroit avec la dimension spirituelle de l'hellénisme qu'ils avaient perdue. Il avait cette continuité en lui, qui englobe tous les trésors de la tradition culturelle grecque, religieuse et profane.

-Ne pensez-vous pas qu'un écrivain contemporain essayant d'écrire un roman inspiré par la tradition orthodoxe, pourrait ressembler à Kontoglou comme exemple moderne de quelqu'un qui a réussi fidèlement à combiner tous ces éléments avec l'Orthodoxie au centre?

-Oui. Cependant, de nombreux écrivains qui ont essayé de l'imiter dans sa langue et son style n'ont pas réussi parce que c’était seulement une imitation et cela n'a pas surgi de l'intérieur, de la source. Avec Kontoglou, cette vigueur d'expression, cette sincérité, cette appréciation des trésors de la tradition grecque n’était pas une simple imitation, elles étaient réelles, il les vivait. Un autre écrivain peut essayer d'imiter quelque chose stylistiquement dans Kontoglou, mais il n'a pas vraiment le pouvoir qu’a Kontoglou. Le romancier Kazantzakis était un grand admirateur de Kontoglou. Il l'admirait pour son style, non pas pour ce qu'il disait ou ce qu'il croyait, mais pour la seule puissance de son expression. Il a également été admiré pour son style par des auteurs comme le poète Sikélianos et le romancier Prévélakis, qui s’étaient coupés de l'héritage byzantin. C'est une chose importante pour Kontoglou; il a insisté sur ce point avec moi.

Une fois que j'appris qu'il écrivait pour le journal quotidien athénien Eleutheria, je m’y suis immédiatement abonné et j’ai renouvelé mon abonnement jusques à sa mort. À une occasion opportune, je lui ai dit que je pensais qu'il écrivait trop de fois au sujet des pirates et des histoires de mer. Kontoglou a dit: "Je dois le faire parce que sinon le journal n’imprimera pas mes articles religieux. Ils disent que les gens n’aiment pas les articles religieux. Mais ce qui se passe est que, en lisant ces histoires, ils commencent aussi à lire mes écrits religieux. "Ils admiraient donc tellement son style qu'ils commençaient à lire ses articles religieux, aussi, juste pour profiter du style de Kontoglou. Pourtant, ils ont également commencé à absorber le contenu religieux des écrits de Kontoglou.

-Que dirait Kontoglou au sujet de quelques-uns des défis réels auxquels fait face l'Eglise aujourd'hui? Que dirait-il à propos de la modernisation ou de l'œcuménisme? Comment abordait-il cela?

-Nous discutions souvent de cela. J'ai toute une collection de lettres où il discute du modernisme et de l'œcuménisme. Kontoglou était un homme lucide. Il savait ce qu'il croyait et ce qu'il ne croyait pas, très fortement, très clairement. Il n'avait pas l’esprit brouillé.

-Certaines personnes pourraient dire qu'il est trop noir et blanc, qu'il y a plus de gris dans le monde.

-Certains diraient qu'il est fanatique, extrémiste, étroit d'esprit, possédant une mentalité de "Vieux Calendariste", et qu’il lui manque le progrès de l'homme contemporain.

-Qu'est-ce que vous répondez à cela?

-Je mentionne certaines de ces choses dans mon livre Rencontres avec Kontoglou [Meetings with Kontoglou]. Il n'était pas effrayé par ces épithètes. Il poursuivait son chemin. Il croyait en ce qu'il faisait, et si les gens pensaient qu'il avait tort, il ne se fâchait pas

Kontoglou n'était pas motivé par l'argent, mais il aurait pu être fabuleusement riche, comme Picasso. Picasso est devenu très riche parce que, comme Kontoglou l’a dit, "Picasso nourrissait des troupeaux d'âmes décadentes." Kontoglou ne voulait pas sacrifier sa foi, ses croyances, ses convictions juste pour réussir financièrement. C'est un point très important.
Version Française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Pravoslavie.ru

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