samedi 23 août 2014

Protopresbytre Theodoros Zisis: L’Uniatisme comme modèle de fausse unité/Les limites de la diversité dans l'unité (1)



theodoros zisis

Conférence donnée par Protopresbytre Theodoros Zisis, professeur émérite de l'École de théologie de l'Université Aristote de Thessalonique, à la Conférence de la Métropole du Pirée sur le thème "Primauté ", Synodalité et Unité de l'Eglise" au Stade de la Paix et de l'Amitié, le 28 Avril 2010.

*

L'une des marques principales du siècle précédent -le vingtième- a été la tentative du monde chrétien de restaurer l'unité. Après que le papisme se soit séparé de l'Eglise au début du deuxième millénaire (1054), puis après la séparation ultérieure du protestantisme d’avec le papisme au 16ème siècle, l'Est et l'Ouest ont été profondément divisés et l'Occident s’est beaucoup divisé en lui-même. Pourtant, l'Église n’a perdu ni son unité ni sa catholicité - sa globalité: l'hérésie et le schisme peuvent blesser et laisser des cicatrices du corps de l'Eglise, mais elles ne le divisent pas, tout comme on ne dit pas qu’un arbre est divisé si quelqu'un émonde l'une de ses branches. 

De ce point de vue, les expressions souvent utilisées telles que "l'Église indivise"  des dix premiers siècles et "l'Union des églises"  sont incorrects. L'Eglise est à jamais indivise, que ce soit après le schisme de 1054 ou de tout autre schisme que ce soit. En outre, il n'y a pas beaucoup d'églises qui aient besoin d'être réunies: il y a l’Eglise "une, sainte, catholique et apostolique" seule, dont la vie continue sans partage et sans interruption dans l'Église orthodoxe orientale. Les chrétiens hétérodoxes de l'Est et de l'Ouest qui se sont détachés, tombant dans l'hérésie et le schisme, ne peuvent pas être appelés églises; ils doivent plutôt chercher l'union avec l'Eglise, dénonçant l'hérésie et l'illusion. L'unité n'est pas atteinte par " l'union des églises", mais plutôt par " union avec l'Église.".

Après le schisme, tout au long du deuxième millénaire, de nombreuses tentatives ont été faites pour réaliser l'unité, en particulier grâce à l'appel des grands conciles visant à l'unité, tels que ceux de Lyon (1274) et de Ferrare-Florence (1438-1439). Bien que l'union entre les orthodoxes et les papistes ait été officiellement acceptée à la fin et que la quasi-totalité des évêques orthodoxes présents en aient accepté les termes - à l'exception de saint Marc d'Éphèse et de quelques autres - elle est restée inappliquée: rien de plus qu'un simple morceau de papier. 

Ces conciles ne visaient pas une véritable paix et une véritable unité chrétienne (id est une unité dans la vérité); ils n’étaient pas fondés sur le modèle véritable de l'unité que l'on trouve dans l'enseignement du Christ, des Apôtres et des saints. elles étaient plutôt fondées, comme l’uniatisme, sur de faux modèles de l'unité nouvellement inventés, qui servaient des buts ultérieurs – des buts autres, malveillants, égoïstes, autocratiques, motifs de discorde. Ils [les conciles] non seulement échoué à aider la cause de l'unité, mais ils ont élargi le fossé et ont provoqué de nouvelles divisions. 

Les membres de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre orthodoxes et catholiques romains ont conclu ceci à l’unanimité lors de la sixième session plénière de l'Assemblée générale de la Commission tenue à Freising, en  Allemagne en Juin 1990. Le texte qu'ils ont signé dit ce qui suit: "L’uniatisme comme méthode -où qu’il ait été appliqué- n'a pas réussi dans son but de parvenir à un rapprochement entre les églises. A l'inverse, il a il a apporté de nouvelles divisions, la situation qu'il a créé est devenue la cause des conflits et des épreuves qui ont laissé leur marque dans la mémoire collective et la conscience des deux églises. Ainsi, pour des raisons ecclésiologiques la conviction que d'autres mesures doivent être recherchées a été fermement établie." (¶ 6c)

Les textes pontificaux et patriarcaux, les études produites par des théologiens et même le dialogue théologique lui-même créent l'impression chimérique que le nouveau modèle supposé de l'unité recherchée est le modèle ecclésiologique des "Eglises sœurs. Dans le cadre de ce texte de Freising précité on lit: " Maintenant que nos Eglises se sont réunies sur le fondement ecclésiologique de communion entre les Eglises sœurs, il serait grave de détruire l'excellent travail vers l'unité des Eglises atteint par le dialogue en retournant à la méthode de l’uniatisme." (¶ 6d) Ce modèle s'applique en effet lorsque l'on parle des relations entre les Eglises autocéphales locales de l'Eglise orthodoxe, où la conciliarité tant sur le plan local et qu’international empêche quiconque d'affirmer sa compétence universelle, non seulement sur ​​les autres patriarches, mais aussi sur les conciles œcuméniques. 

Le Vatican, d'autre part, n’accepte pas, ni ne va accepter, l'égalité des primats, ou même celle des évêques, ni l'autorité suprême des conciles œcuméniques. C’est ce qui ressort des décisions du Concile de Vatican II ainsi que de ses déclarations et de ses actes contemporains, comme l'abolition de l'ancien titre du Pape de "Patriarche d'Occident" qui limite sa juridiction très localement. Ainsi, le Vatican nous trompe avec le modèle des "Eglises sœurs." En réalité, il cherche un nouvel uniatisme; un uniatisme qui est plus large et plus élastique, ayant une infinie diversité sur les questions de foi et de vie, aussi longtemps que la primauté du Pape est reconnue. 

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

vendredi 22 août 2014

Saint Nicolas du Japon sur le bouddhisme (4)





Saint Nicolas a expliqué la formation des sectes très diverses du bouddhisme japonais par le fait que le bouddhisme n'est pas tout à fait adapté à l'esprit japonais, et donc les japonais se sont efforcés de créer des versions qui permettraient de mieux l'adapter. 

Décrivant l'interdépendance des différentes écoles du bouddhisme japonais, saint Nicolas écrit que "chacune de ces sectes repose sur un fondement qui est inébranlable pour les bouddhistes: chacune a ses propres livres symboliques du canon de la littérature bouddhiste sacrée. Cette littérature est si vaste et multiforme qu'elle contient des livres directement en contradiction avec les autres livres. Ceci, plus que n'importe quoi d'autre révèle que l'origine de la littérature bouddhique vient de différents auteurs, souvent adversaires les uns des autres; toutefois, chaque auteur s'est efforcé de donner du poids à son propre travail, et il a donc pris soin de l'attribuer à Bouddha... Ainsi, sur la base d'un seul et même enseignement de Bouddha, les sectes les plus contradictoires apparaissent , et personne n'ose critiquer une secte pour cela, parce que chacune peut pointer vers son propre argument irréfutable dans le livre sacré. "[20]

Outre l'appel aux textes, les fondateurs et les adeptes des différentes écoles, comme le saint hiérarque le déclare, citent activement les différentes visions et miracles, pour lesquels il note: "Il est impossible de faire le compte de tous les miracles, rêves, chansons et dieux artificiels. Toutes les sectes rivalisent les unes avec les autres pour montrer leurs miracles, chacun plus étrange que l'autre, chacun plus fantastique que l'autre. Leur impudence atteint de tels extrêmes qu’ils mentionnent des miracles, où n'importe qui peut voir de ses propres yeux qu'il n'y a pas de miracle… 

Les bonzes sont devenus tellement habitués à des fantasmes et des déceptions qu'ils les diffusent autour d’eux même quand cela n'est pas nécessaire. J'ai lu une "vie" du Bouddha dans laquelle l'auteur affirme pieusement que la dot de la mère de Bouddha contenait, sept charrettes pleines de "rares objets néerlandais", et quand elle a conçu le Bouddha, une autre épouse du roi désira par jalousie tuer l'enfant en elle, et donc elle se tourna vers l'un des chrétiens, qui, comme chacun le sait, sont tous des sorciers, pour l'aider à lancer un sort contre sa rivale. [21]

Ici se termine la brève revue du bouddhisme japonais dans l'article, "le Japon du point de vue de la mission chrétienne." Dans un autre article, "le Japon et la Russie," saint Nicolas écrit que "le bouddhisme est la plus profonde de toutes les religions païennes," et les Japonais "doivent remercier le bouddhisme, pour son enseignement de l'égalité et de la fraternité envers tous les peuples, pour son rejet de l'esclavage et pour l'absence de celui-ci dans leur pays». [22]

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

NOTES
[20] Saint Hiérarque Nicolas (Kasatkine), “Le Japon du point point de vue de la Mission Chrétienne”, œuvres choisies de saint Nicolas, Archevêque du Japon (Moscou, 2006), p.53 (en russe)
[21] Ibid., 55.
[22] St. Nicolas du Japon, “Le Japon et la Russie”, œuvres choisies de St. Nicolas, Archevêque du Japon pp. 154-171.

jeudi 21 août 2014

Saint Nicolas du Japon sur le bouddhisme (3)



40291


Saint Nicolas a expliqué la formation des sectes très diverses du bouddhisme japonais par le fait que le bouddhisme n'est pas tout à fait adapté à l'esprit japonais, et donc les japonais se sont efforcés de créer des versions qui permettraient de mieux les adapter. 

Décrivant l'interdépendance des différentes écoles du bouddhisme japonais, saint Nicolas écrit que "chacune de ces sectes repose sur un fondement qui est inébranlable pour les bouddhistes: chacune a ses propres livres symboliques dans le canon de la littérature bouddhiste sacrée. Cette littérature est si vaste et multiforme qu'elle contient des livres directement en contradiction avec les autres livres. Ceci, plus que n'importe quoi d'autre révèle que l'origine de la littérature bouddhique vient de différents auteurs, souvent adversaires les uns des autres; toutefois, chaque auteur s'est efforcé de donner du poids à son propre travail, et il a donc pris soin de l'attribuer à Bouddha... Ainsi, sur la base d'un seul et même enseignement de Bouddha, les sectes les plus contradictoires apparaissent​​, et personne n'ose critiquer une secte pour cela, parce que chacune peut pointer vers son propre argument irréfutable dans le livre sacré. "[20]

Outre l'appel aux textes, les fondateurs et les adeptes des différentes écoles, comme le saint hiérarque le déclare, citent activement les différentes visions et miracles, pour lesquels il note: "Il est impossible de faire le compte de tous les miracles, rêves, chansons et dieux artificiels. Toutes les sectes rivalisent les unes avec les autres pour montrer leurs miracles, chacun plus étrange que l'autre, chacun plus fantastique que l'autre. Leur impudence atteint de tels extrêmes qu’ils mentionnent des miracles, où n'importe qui peut voir de ses propres yeux qu'il n'y a pas de miracle… 

Les bonzes sont devenus tellement habitués à des fantasmes et des déceptions qu'ils les diffusent autour d’eux même quand cela n'est pas nécessaire. J'ai lu une "vie" du Bouddha dans laquelle l'auteur affirme pieusement que la dot de la mère de Bouddha contenait, sept charrettes pleines de "rares objets néerlandais", et quand elle a conçu le Bouddha, une autre épouse du roi désirèra par jalousie tuer l'enfant en elle, et donc elle se tourna vers l'un des chrétiens, qui, comme chacun le sait, sont tous des sorciers, pour l'aider à lancer un sort contre sa rivale. [21]

Ici se termine la brève revue du bouddhisme japonais dans l'article, "le Japon du point de vue de la mission chrétienne." Dans un autre article, "le Japon et la Russie," Saint Nicolas écrit que "le bouddhisme est la plus profonde de toutes les religions païennes," et les Japonais "doivent remercier le bouddhisme, pour son enseignement de l'égalité et de la fraternité pour tous les peuples, pour son rejet de l'esclavage et de l'absence de celui-ci dans leur pays». [22]

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


NOTES

[20] Ibid. 53.
[21] Ibid., 55.
[22] St. Nicholas of Japan, “Japan and Russia”, Selected scholarly works of St. Nicholas, Archbishop of Japanm 154-171.

mercredi 20 août 2014

Saint Nicolas du Japon sur le bouddhisme (2)





Le saint a également écrit que "le bouddhisme a créé pour ses disciples des règles de morale, qui étonnent parfois par leur pureté et leur austérité, et parfois par leur monstruosité; il a également créé des légendes et des prodiges aussi incroyables et monstrueux."[10]

Le hiérarque décrit les écoles les plus importants du bouddhisme japonais. La première d'entre elles, il détermine que c’est l'école du Zen, qui, "comme secte qui est venue de Chine, aime à se vanter de son exactitude et de sa pureté." Il définit les enseignements zen comme "la prédication de l'auto-mortification dans le but d’atteindre la capacité de contemplation", et il souligne qu’ici "une personne l’entreprend -seulement à travers l'exemple de Bouddha et non par sa co-opération pour atteindre la plus haute béatitude," et elle doit s’exercer dans la méditation et observer "les prescriptions les plus austères en matière d'alimentation et de comportement extérieur." [11]

Saint Nicolas observa véridiquement l’inclinaison caractéristique du Zen vers des pratiques de yoga; cependant, il ne reflèta pas une telle particularité caractéristique de l'enseignement sur ​​la transmission d'un état "d’éveil" directement à partir du maître à l'élève, "n’utilisant ni l'instruction orale ni celle écrite." [12]

Dans sa critique du Zen, saint Nicolas note que la méthode qu'il suppose ne peut être pleinement réalisée et n'est pas applicable pour les gens ordinaires. Il était connu de lui que c'était seulement dans quelques monastères bouddhistes au cours de quelques jours sur l'année que la pratique de zazen était réalisée dans toute sa mesure, et que les moines s'endormaient souvent simplement  pendant le processus de méditation.

La deuxième école du bouddhisme japonais que saint Nicolas note est le montosu. Il le définit comme complètement à l'opposé du Zen. Il "se débarrasse de toute ascèse bouddhiste et considère seulement l'idée de l'amour de Bouddha pour le monde. Il n'y a aucune trace d'auto-mortification ici: le bonze se marie et mange de la viande... tous les travaux ascétiques humains sont considérés comme négligeables... Une personne peut être un terrible méchant, mais si elle dit une seule fois, je m'incline devant Bouddha Amida, elle est sauvée. L'enseignement du Bouddha d'amour, de sa promptitude à sauver une personne au premier appel, de l'insuffisance des propres pouvoirs d'une personne pour être sauvée, en étonne involontairement plus d’un. 

Lorsque vous entendez un tel prêche dans un temple, vous pouvez oublier où vous êtes et penser que vous entendez un sermon chrétien. Vous croyez peut-être cet enseignement est emprunté du christianisme? Mais avec ce noble enseignement sur ​​l'amour de Bouddha pour le monde, Bouddha lui-même ne change pas le moins du monde: il reste la même personnalité mythiquement scandaleuse et improbable." Critiquant cette école, saint Nicolas écrit qu'elle a apporté au Japon beaucoup plus de mal  que les autres sectes. "[13] " Il n'est jamais venu à l’idée de quiconque combien cette expression venant de la bouche d'un bonze pouvait être terrible: "Peu importe combien vous péchez, dites simplement, "namu Amida Butzu" et tout est pardonné." Au XVIe siècle, le bonze de montosiu motiva ainsi des armées entières... et produisit des batailles terribles, de terribles pillages et démolitions." [14] 

La troisième école du bouddhisme japonais est le hokkesiu [15], que saint Nicolas définit comme "tribut de louange et d'admiration pour un homme de prière," par lequel on entend le "Sutra du Lotus". Il écrit que son idée principale est que "toutes les personnes deviendront des bouddhas; et cet enseignement est si important que l'on a besoin simplement d’invoquer le nom de l'homme de prière qui l’enseigne, et on est sauvé."

Les motifs nommés vraiment caractéristiques du "Sutra de Lotus", par exemple ceux qui furent écrits au dix-huitième chapitre, sont que, si quelqu'un se dirige vers le monastère avec le désir de l'entendre", et l’écoute au moins momentanément, alors après, il renaîtra parmi les dieux. "[16] Quant à son concept de "salut total", à la fin du sixième chapitre du Sutra, il est dit que " tout le monde va devenir un bouddha". Cependant, à en juger par le contexte, ils parlent de ceux qui suivent l'enseignement prévu dans le "Sutra du Lotus", que Bouddha utilise pour attirer vers son enseignement (et, en conséquence, au salut) ceux qui n’y étaient pas autrement intéressés.

Dans sa critique de hokkesiu, le saint écrit que, "le livre de prières est rempli de récits de miracles absurdes comme suit: Tandis le Bouddha donnait cet enseignement, deux autres bouddhas vinrent en volant depuis le ciel... ils se sont assis les uns à côté des autres, et le Bouddha vivant a prêché. Quand il eut fini, les disciples étaient naturellement étonnés... Pour confirmer la vérité, trois Bouddhas étendirent leur langue, qui s'avérèrent être si longues qu'elles percèrent dix mille sphères du monde; ils se sont assis devant les disciples dans cette position pendant dix mille ans; puis ils fait revenir leurs langues dans leur bouche et ils ont grogné aussitôt ensemble, ce qui fit trembler tous les mondes... Comment les auditeurs pouvaient-ils avoir un doute après avoir entendu cela, ou ne pas adorer le livre avec un enseignement attesté par de tels miracles? "[17]

Cet épisode est dans le vingt et unième chapitre du "Sutra du Lotus" [18] et il est raconté par saint Nicolas, presque mot pour mot. Après lui, Kojevnikov citait cette histoire comme exemple d'un autre miracle étrange dans les textes bouddhistes. A un autre endroit, Saint Nicolas écrit que, "dans le bouddhisme, nous sommes parfois surpris par l'épaisseur des livres de prières remplis de rien d'autre que d’éloges pour les titres de ces livres mêmes de prière". [19] C’est vrai la plupart des vers du "Sutra du Lotus" contiennent une louange dirigée vers le livre lui-même. 

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

NOTES

[15] Nitiren-siu, L'une des écoles les plus répandues au Japon actuellement.
[16] Le Sutra du Lotus du merveilleux Dharma, d'après la traduction en russe du texte japonais d'A.N. Ignatovitch.
[17] Saint Hiérarque Nicolas (Kasatkine), “Le Japon du point point de vue de la Mission Chrétienne”, œuvres choisies de saint Nicolas, Archevêque du Japon (Moscou, 2006), p.53. (en russe)


[18] Voir Saddharma-Pundarîka ou, The Lotus of The True Law ( Le Lotus de la loi véritable), Traduit ( en anglais)  by H. Kern, Sacred Books of the East. Vol. XXI. (Cambridge, 1884), 364-365.
[19] Saint Hiérarque Nicolas (Kasatkine), “Le Japon du point point de vue de la Mission Chrétienne”, œuvres choisies de saint Nicolas, Archevêque du Japon (Moscou, 2006), p.45. (en russe)


mardi 19 août 2014

Saint Nicolas du Japon sur le bouddhisme (1)







L’Archevêque Nicholas (Kasatkine) Egal-aux-Apôtres (1836-1912), missionnaire exceptionnel au Japon où il œuvra pendant plus de cinquante ans, fut le fondateur de l'Eglise orthodoxe japonaise. 

Des dizaines de milliers de Japonais furent convertis à l'Orthodoxie grâce à ses travaux, une partie importante d'entre eux étaient d'anciens bouddhistes, et parmi ses assistants étaient d'anciens moines bouddhistes (bhikkhu), Paul Savabe par exemple. Le saint étudia le bouddhisme au cours des huit premières années de son temps au Japon, quand, selon ses propres paroles, il "s'efforça avec diligence d’étudier l'histoire, la religion du Japon, et l'esprit du peuple japonais."[1]

Saint Nicolas a donné une étude intégrale du bouddhisme dans son œuvre, "Le Japon du point de vue de la mission chrétienne", publié en 1869. Ce fut la première description du bouddhisme japonais accessible au lecteur de langue russe. Il est clair que dans ce travail l'auteur a étudié le bouddhisme très sérieusement, mais pour des raisons compréhensibles, il a limité ses sources à celles de la langue japonaise.

Si l’évêque Nil, qui se familiarisa avec le bouddhisme en utilisant des sources en langue bouriate, y voyait rien de plus que simplement une des nombreuses formes de paganisme, saint Nicolas donne de cet enseignement une évaluation beaucoup plus élevée. Il détermine le bouddhisme comme "la meilleure des religions païennes -un pilier herculéen de l'effort humain qui a compilé pour lui-même une religion, inspirée par les obscurs restes de vérités révélées par Dieu, qui avait été conservés par les races après la dispersion babylonienne. [2]

Bien qu'il l’étudia en profondeur, saint Nicolas n'a pas eu d'intérêt pour le bouddhisme en soi et il le considéra exclusivement du point de vue missionnaire pratique. Ce point de vue lui permit de remarquer ce que d'autres chercheurs et polémistes ne considérèrent pas dans le bouddhisme. Cela comprenait les méthodes missionnaires du bouddhisme. 

Le saint note la "flexibilité du bouddhisme et sa capacité à s'adapter aux coutumes du pays dans lequel il apparaît." [3] A titre d'illustration l'auteur souligne comment, selon la croyance bouddhiste, Bouddha et les Bodhisattvas firent un serment de "naître dans divers pays ignorants pour les amener au salut". [4] Cela permit aux bouddhistes de déclarer qu’Amaterasu et d'autres dieux japonais étaient des incarnations de Bouddha et des bodhisattvas, prises par eux afin de "les préparer à recevoir les véritables enseignements du bouddhisme... Ainsi, le bouddhisme appela les dieux japonais par leurs noms, les accepta sous ces noms et dans leurs temples, et il prit racine et fleurit au Japon." [5]

Décrivant les enseignements du bouddhisme, saint Nicolas conclut qu’il y avait une cause naturelle pour chacun de ses éléments -caractéristiques historiques, culturelles, et des circonstances psychologiques. Expliquant par exemple le succès de la propagation du bouddhisme dans ses premiers stades, le saint écrit: "Ayant surgi du sol indien comme un antidote au système brahmanique des castes et à l'oppression des classes inférieures par les supérieures, le bouddhisme était à cet égard un prédication de l'égalité spirituelle et de l'amour dans le monde païen; d'autre part, parce que c'est la prédication d'un homme qui était l'héritier du trône, mais qui a préféré devenir un mendiant, c'est une prédication contre la vanité de ce monde, une prédication de la non-avidité et de la pauvreté. [6]

Attirant l'attention sur l'absence dans le bouddhisme d'un enseignement d'un Dieu Créateur, le saint explique cela par le fait que dans le milieu indien de l'époque il n'y avait pas de précédent pour l'obtention de la connaissance de cette vérité; et, "ayant surgi sur le sol du brahmanisme panthéiste, le bouddhisme s'est avéré impuissant à y renoncer." 

En parlant de la raison pour laquelle le Bouddha lui-même ne peut pas être assimilé à Dieu, il écrit, "C'est vrai, Bouddha apparaît avec des traits qui sont caractéristiques de Dieu, mais avec d'autres comme lui il y a une multitude infinie de bouddhas, et chacun a atteint cet état béni par ses propres mérites; chaque personne, à son tour, est confrontée à un grand nombre de degrés de l'incarnation dans un bouddha. Cette échelle menant de l'homme sur les hauteurs conduit à un état de Bouddha; mais pourquoi pas aussi l'étendre vers le bas? Ainsi... l'ensemble du monde animal est également synonyme de Bouddha; en outre, l'échelle va encore plus loin vers le bas: il y a différents degrés de l'enfer inventés, qui sont habités par des êtres vivants, et ils sont également en contact avec Bouddha... Ainsi, l'image des mondes célestes, terrestres, et inférieurs est un immense laboratoire dans lequel d’innombrables races de l’existence grouillent, naissent, re-naissent, et en dernière analyse deviennent des bouddhas. [7] 

Saint Nicolas explique l'enseignement de la transmigration des âmes comme "une mauvaise compréhension de la nature et de sa relation à l'homme, et une compassion inconsciente pour les êtres inférieurs." [8] La pratique de la méditation visant à modifier la conscience, le saint l’explique par le désir de l'homme d’Orient pour la paix et l'inactivité: " les pensées peuvent aussi causer la détresse ou la difficulté d'une personne-il est donc préférable qu’elles cessent et soient figées dans leur écoulement; si, en un mot, une personne se plonge dans l'insensibilité, l'inconscience, alors elle se plonge dans le néant, mais en fait, une existence humaine intégrale s'est immergée. Un tel état ​​de paix inconscient est appelé la contemplation; il lui est attribuée de hautes qualités pour tout diriger et le pouvoir de tout contrôler, dans la mesure où dans cet état une personne, ayant renoncé à elle-même, se fond avec tout dans l'unité et peut devenir le possesseur de ce avec quoi elle s’est fondue. Cet état est présenté comme l'objectif de tout le monde et de tout; donc les bouddhas sont bouddhas parce qu'ils ont atteint la possibilité en tout temps de s'immerger dans cet état, et c’est qui est considéré comme leur béatitude la plus exaltée." [9] 

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
*

NOTES



[1] Cité par A. Chekh, Nicolas-Do (St. Petersbourg, 2001), p. 23. (en russe)
[2] Saint Hiérarque Nicolas (Kasatkine), “Le Japon du point point de vue de la Mission Chrétienne”, œuvres choisies de saint Nicolas, Archevêque du Japon (Moscou, 2006), p.44. (en russe)
[3] Ibid.
[4] Ibid., 45.
[5] Ibid.
[6] Ibid., 47.
[7] Ibid., 47-48.
[8] Ibid., 48.
[9] Ibid.

lundi 18 août 2014

Sur Parlons d'Orthodoxie


Le quotidien "Rossiïskaïa gazeta" a récemment publié une sélection de textes, de lettres et d'interviews d'Alexandre Soljenitsyne sur les relations russo-ukrainiennes. Nous sommes persuadés que le lecteur trouvera de l’intérêt à lire ces écrits du classique qui semblent aujourd'hui prophétiques. La" Voix de la Russie" entame la publication de textes peu connus d'Alexandre Soljenitsyne. Extrait d'une lettre à la Conférence sur les relations russo-ukrainiennes de Toronto à l'Institut des études ukrainiennes de l'Université Harvard, avril 1981. Publié dans le journal Rousskaïa mysl le 18.06.1981.En Russie, le texte a été pour la première fois publié par la revue Zvezda, 1993, 12 

Messieurs ! 

Je vous remercie cordialement de votre invitation à la conférence. Malheureusement, l'intensité de mon travail m’interdit depuis de nombreuses années de sortir et de participer aux initiatives publiques. 
Cependant votre invitation me fournit le prétexte et le droit d'exposer certaines de mes réflexions par écrit. 

Je suis tout à fait d'accord pour classer le problème russo-ukrainien parmi les questions contemporaines primordiales et, en tout état de cause, elle revêt une importance capitale pour nos peuples. Mais je trouve néfastes les passions chauffées à blanc qui bouillonnent à son propos.

La prophétie de Soljenitsyne sur la question russo-ukrainienne!
… Cet excès de passion ne renferme-t-il pas le mal de l'émigré, une perte des repères ? Si votre conférence ouvre un dialogue de fond sur les relations russo-ukrainiennes, il ne faut pas perdre de vue, même pour un instant, qu’il s'agit de relations entre des peuples et non pas entre des émigrés. 

… Je me suis exprimé à maintes reprises et je peux répéter que personne ne peut retenir autrui par la force, nulle partie concernée par une dispute ne doit recourir à la violence contre une autre partie, contre la sienne, contre le peuple dans son ensemble, ou contre toute petite minorité qui en fait partie, car toute minorité renferme sa propre minorité... Dans tous les cas l'opinion locale doit être comprise et réalisée. C'est pourquoi toutes les questions doivent être résolues uniquement par la population locale et non pas dans les débats lointains entre émigrés pendant lesquels les sensations sont déformées. 

Cette intolérance furieuse dans la discussion sur la question russo-ukrainienne (nuisible pour les deux nations et utile seulement pour leurs ennemis) me fait particulièrement mal parce que je suis moi-même d'origine russo-ukrainienne, que j’ai grandi dans une ambiance imprégnée par ces deux cultures et que je n'ai jamais constaté et que je ne discerne toujours aucun antagonisme entre elles. J'ai eu maintes occasions d'écrire et de parler en public de l'Ukraine et de son peuple, de la tragédie de la famine ukrainienne, j'ai beaucoup de vieux amis en Ukraine, j'ai toujours été au courant des souffrances russes et des souffrances ukrainiennes subies sous le communisme. Dans mon cœur il n'y a pas de place pour le conflit russo-ukrainien et si, que Dieu nous garde, les choses en arrivent aux dernières extrémités, je peux dire que jamais, en aucune circonstance je n'irai moi-même ni ne laisserai mes fils participer à un affrontement russo-ukrainien, quelque zélées que fussent les têtes folles qui nous y pousseraient. T/N