mardi 25 mars 2014

Moniale Magdalena (Nekrassova) : Une histoire incroyable de trahison et de repentance (1)

Moniale Magdalena (Nekrassova) à Bussy

Matouchka Magdalena (Nekrassova) est moniale au couvent orthodoxe de la Protection de la Mère de Dieu à Bussy-en-Othe, en Bourgogne (France). Pendant les années 1960,  période très difficile pour l'Église en Union soviétique, sa famille vivait à Vologda, où ses membres s'étaient installés après des années de grandes épreuves et d'humiliation - exil au Kazakhstan, où ils furent envoyés après leur retour d’émigration en URSS. Mais leurs épreuves ne s'arrêtèrent pas à Vologda, les fidèles n’en sont jamais dépourvus. Néanmoins, Matouchka Magdalena a toujours chéri de bons souvenirs de Vologda.
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Nous présentons une histoire que Matouchka Magdalena a raconté d’un épisode de sa vie à Vologda pendant la période des persécutions contre l'Église de Khrouchtchev, qui eurent un résultat très " inattendus" (mais est-ce vraiment inattendu?).
En ces temps-là, tous les efforts du régime visaient à mettre rapidement fin à la lutte contre "la superstition religieuse," Nikita Khrouchtchev, je le rappelle, avait promis de montrer à la télévision dans les prochaines années le dernier prêtre, ou c'était peut-être même, la dernière personne religieuse de notre pays.

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En 1962, je travaillais comme comptable à l'église de l'Exaltation de la Croix, dans la ville de Gryazovtsa. En ce jour mémorable du 21 Mars, je suis rentré à Vologda où vivait ma famille, et je me préparais à aller aux offices du soir à la cathédrale.
J'avais déjà quitté la maison quand j'ai rencontré l'évêque Mstislav à la porte. Il était, à l'époque, à la tête du diocèse de Vologda. Quand il a entendu dire que j'étais revenue à la maison pour deux jours, il a commencé à me convaincre avec force d’aller à la Maison centrale de la Culture, où ce soir-là un militant antireligieux devait donner une conférence.
C’était l'ancien prêtre Tchertkov. Je n'avais aucune envie d'y aller, d'autant plus que mon père spirituel m'avait conseillé de ne jamais écouter ou lire tout ce non-sens antireligieux, qui ne fait que souiller l'âme. Mais plus je résistais, plus l'évêque insistait résolument pour que, au moins l’un de nous, aille entendre une de ces présentations et savoir  les méthodes qu'ils utilisaient. Finalement je dus me soumettre.

Ce soir-là il y avait plusieurs jeunes gens chez nous, et une jeune fille décida d'aller avec moi à cet auditorium. Pour une raison quelconque nous nous sommes retrouvées dans le box des sièges du réalisateur, juste en face de la tribune sur la scène avec le microphone, avec trois hommes qui s'approchaient rapidement. Je reconnus momentanément parmi eux l'ancien prêtre, bien qu'il ne différât point des autres en apparence, si on excepte une certaine onctuosité maintenant apparemment dirigée vers des sujets différents. Jeune homme dans la trentaine, il se présenta en prenant un ton ironique (probablement que c’était plus facile pour lui), comme diplômé avec mention de l'Académie théologique de Moscou. Bien sûr, au fil des années, j'ai oublié la plupart des choses qu'il a dites. Je me souviens mieux de mon propre état - douleur, insulte, impuissance et culpabilité. Plus il captivait l'auditoire, suscitant le rire par ses blagues blasphématoires, plus je sentais le désespoir et la claire conscience que mon silence face à ce qui se passait équivalait à une trahison. Mais toute objection semblait absolument impossible, non seulement à cause de ma mère et de l’avertissement sévère de l'évêque de ne pas " faire de scènes, “, mais surtout parce que j'étais totalement incapable de dire quoi que ce soit. Je me souviens très bien lors de son exposé, j’étais mentalement en train d’essayer d'argumenter contre toute la fausseté de ses paroles, mais je n’y arrivais pas! Consciente du fait que les gens ici n'avaient pas de compréhension de que ce soit de la doctrine chrétienne, des Evangiles, ou des saints, dont ce pauvre Tchertkov se moquait, j'avais peur que ce que j’aurais pu dire, pourrait lui être utile, car tout le monde y verrait un simple affichage de fanatisme.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après



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