mercredi 29 juillet 2009

Discours de Vladika Ambroise


Nous reprenons l'introduction & l'illustration de Maxime dans son blog sur un texte de Vladika Ambroise de Vevey d'éternelle mémoire et le rappel de son allocution lorsqu'il devint évêque, allocution publiée sur le blog du moinillon en commentaire par Michoutka

Puissions-nous avoir encore beaucoup d'autres pasteurs comme celui-là qui nous permettent d'expérimenter ce qu'est un authentique pasteur. Вечная память! ( Maxime)


Allocution prononcée par
Mgr Ambroise, évêque de Vevey,
lors de son sacre épiscopal (26 Septembre 1993)

Il y a une quarantaine d'années, j'avais alors quelque six ans, sous la forte impression de la divine Liturgie pontificale célébrée en notre église Sainte-Barbara de Vevey par l'évêque Léonty de bienheureuse mémoire, j'avais déclaré à ma mère que je voulais devenir jardinier la semaine et évêque le dimanche. Je ne suis pas devenu jardinier ...
Quant à l'ambition de devenir évêque, je peux honnêtement dire qu'elle n'a jamais dépassé le stade des ambitions enfantines, comme celle de devenir agent de police ou pilote d'avion. En quarante ans j'ai grandi, j'ai reçu de l'instruction, peut-être me suis-je un peu assagi.


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Mes grands-parents sont tous quatre venus jeunes de Russie, ils sont arrivés en Suisse entre 1918 et 1921, ils se sont mariés à Vevey; mes parents sont nés à Lausanne, à leur tour ils se sont mariés à Vevey, et je suis né à Vevey en 1947, aîné d'une famille de trois enfants.

A l'exception de trois années, toute ma vie s'est déroulée dans un rayon de trente kilomètres entre Montreux et Lausanne.

Malgré des difficultés de tous ordres, familiales, de santé, professionnelles, matérielles, je veux rendre hommage à mes parents et à toute ma famille d'avoir su préserver notre enfance dans des circonstances parfois troublées.
Après un baccalauréat classique, j'ai suivi les cours de la faculté de droit de Lausanne, mais certains obstacles ajoutés à un cas de conscience m'ont détourné de la pratique du droit; aussi ai-je été enseignant pendant sept ans avant de m'engager dans la voie de la prêtrise.

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Dès mon enfance, j'ai aimé l'Église. On ne peut cependant dire que dans notre famille on ne manquait aucun office — en ce temps-là, aller à l'église, c'était lointain et coûteux; et, de plus, l'attitude familiale était, à vrai dire, assez mondaine. Toutefois, aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours ressenti à l'église quelque chose de chaleureux et d'intime. Maintenant, je réalise combien est juste l'expression «la maison du Père» relativement à l'église, malgré les caprices qui m'en ont quelque peu éloigné quand j'étais adolescent.

Par sa constante disponibilité, sa tendresse et son amour, notre cher recteur, l'archiprêtre Igor Troyanoff, a eu une immense influence sur moi, et je peux dire que sans lui, je ne serais pas aujourd'hui devant vous; à mes yeux, le père Igor figure l'image inaltérable du bon pasteur. Il ne m'a pas enseigné, il m'a montré combien la vie hors l'Église est vaine.

Depuis le temps des études et jusqu'au sacerdoce, j'ai souvent eu l'occasion d'aller à la Sainte Montagne de l'Athos où m'ont été révélées la signification et la grandeur de la vie monastique et je regrette maintenant de n'avoir pas su alors l'approcher de plus près. Je veux relever aussi combien m'est cher et important le lien spirituel qui m'unit aux moniales-confesseurs du monastère de Pokrov en Bulgarie qui, des années durant, ont enduré de lourdes épreuves, non seulement de la part d'un pouvoir athée, mais aussi de la part d'une autorité ecclésiastique réduite en servitude.

En 1975, j'ai mis fin à mon travail à l'école et Mgr l'Archevêque Antony m'a paternellement accueilli à Genève, il m'a nommé concierge de cette église et, en même temps, il m'a enseigné, guidé, préparé à la prêtrise. Ces trois années que j'ai passées ici ont été sans conteste une période décisive de ma vie et je dois témoigner que le principal artisan de cette évolution a été Mgr Antony, non seulement comme archevêque, mais aussi comme guide fidèle et aimant. Depuis ce temps, j'ai toujours trouvé en Monseigneur un ferme appui, un amour et une patience constants, malgré mes chutes, mes erreurs, mes découragements et mon indocilité.
En 1978, Mgr Antony m'a nommé dans ma paroisse natale où je sers à ce jour.


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Il y a dix-sept ans jour pour jour, j'ai été ordonné prêtre en cette cathédrale. Il me vient inconsciemment de comparer mon état d'esprit d'alors et d'aujourd'hui. Le dimanche 13/26 septembre 1976, je suis venu ici tout en émoi, mais aussi avec joie : devant moi je voyais une nouvelle étape de ma vie s'ouvrir. Je m'y étais préparé, insuffisamment, et j'y aspirais de toute mon âme. Tandis qu'aujourd'hui je suis aussi très ému, mais avec crainte. Et cette crainte, ce n'est pas la crainte de Dieu, mais une terreur humaine. Je me vois comme un imposteur : on a trouvé en moi des qualités que je n'ai pas; pendant les années de mon sacerdoce, j'ai montré mon indignité et mon incompétence, et c'est comme si on ne le remarquait pas; je remplis mal mes obligations et on m'appelle au degré suprême du service ecclésial !

«Je remercie, j'accepte et je ne dis rien de contraire.» Je pense qu'à ce jour, cette phrase a été la plus difficile que j'aie eue à prononcer. «Je remercie» : oui, je remercie sincèrement, éminentissimes Seigneurs, parce que vous m'avez prêté attention et que vous m'avez jugé capable, dans mon indignité, de porter avec l'omophore le poids du service épiscopal; la confiance que vous me manifestez me donne la force que je n'ai pas. «J'accepte», comme j'aurais aimé refuser ! mais je comprends qu'un refus de ma part ne serait pas l'indice de ma discrétion ou de mon humilité, mais le signe de ma paresse et de mon indifférence aux affaires de l'Église; j'accepte, non parce que je me sente à la hauteur, mais parce que le Seigneur a dit : Ma force s'accomplit dans la faiblesse. «Et je ne dis rien de contraire» : ô pontifes de l'Église du Christ ! bientôt vous invoquerez l'Esprit-Saint, c'est-à-dire «la Grâce divine qui guérit toute infirmité et qui emplit ce qui est vide». Mais suis-je fort pour porter cette force toute-puissante de l'Esprit-Saint ? Suis-je assez fidèle pour guider le troupeau de l'Église et enseigner mon prochain ? A ces questions j'aimerais être capable de répondre : Je crois, Seigneur, viens en aide à mon manque de foi.


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Actuellement, on peut observer que de toutes parts, des attaques sont portées contre l'Église du Christ et le troupeau de Dieu. Quand une lutte ouverte ou des persécutions s'exercent contre l'Eglise, l'ennemi du genre humain est manifeste et l'on voit tout de suite de quel côté il faut se défendre.

Le danger s'accroît considérablement quand vient la «douce pression» de l'accommodement progressif à ce monde. Elle s'impose peu à peu, insensiblement, car on ne saurait appeler apostasie aucun élément de cette pression pris séparément, mais la conjonction de ces «détails» révèle soudain combien nous nous éloignons de l'Eglise, si l'on ne demeure constamment vigilant.
Mais le plus terrible et le plus affligeant, c'est «ceux qui viennent vêtus de peaux de brebis et qui au-dedans sont des loups ravisseurs», c'est-à-dire ceux qui se donnent pour zélateurs de l'Orthodoxie et qui, profitant de leur haute position dans l'Eglise, s'efforcent de détruire de l'intérieur l'Eglise du Christ, en se soumettant «aux princes et aux fils des hommes» ou bien en enseignant la compromission avec les hérésies par une fausse piété au nom de l'amour mutuel et de la piété ou encore par l'esprit de domination humaine.
En me tenant devant vous, pontifes de l'Eglise du Christ, je vous demande et vous prie instamment d'intercéder auprès du Seigneur pour qu'au moment où vous invoquerez sur moi l'Esprit Saint, Il m'envoie l'esprit de discernement, de peur que je ne viole les promesses qui sont liées à le confession de foi et qui doivent me guider.
Et vous tous qui êtes ici présents, peuple de l'Eglise du Christ, je vous demande de prier sans cesse pour moi, pécheur et indigne, et de ne pas me juger.

Cathédrale de l'Exaltation-de-la-Sainte Croix
Genève, le 13/26 Septembre 1993

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