lundi 10 mars 2008

Saint Seraphim de Sarov: L'ascèse véritable






Le novice Jean ( Tikhonov) raconta qu'il avait longtemps rêvé de porter des chaînes et un cilice pour la mortification de son corps. Enfin il les obtint, mais il alla d'abord vers Père Séraphim. Le grand staretz en le voynt lut l'intention orgueilleuse du dévoreur de livres [spirituels] inexpérimenté, dont la tête était pleine à ras bord de Vies des Saints, et avant que le novice n'ouvre la bouche, il lui dit en souriant: 
" Regardez donc! Les enfants de Diviyevo viennent me voir et demander mon conseil et ma bénédiction pour porter des chaînes et autres cilice. Allons qu'en penses-tu: est-ce qu'ils sont sur la bonne voie? Dis-moi!"
Le novice ne pouvait comprendre où il voulait en venir et il répliqua:
" Je ne sais pas Père!"
Père Séraphim répéta la question. Alors seulement le novice devina que le staretz clairvoyant parlait de lui, et il lui demanda sa bénédiction pour porter des chaînes.
" Comment se fait-il que tu ne comprennes pas? C'est justement ce dont je te parle," dit saint Séraphim. Et il lui expliqua la folie et la futilité pour quelqu'un d'indiscipliné comme lui de porter des chaînes. Puis, soudain, il frappa le novice de sa main avec de l'élan, comme s'il allait le frapper au visage de toutes ses forces. Mais il ne le frappa pas vraiment, il le toucha légèrement à l'oreille et dit: 
"Vois, si quelqu'un te donne un coup de poing aux oreilles comme cela, voilà la chaîne spirituelle la plus lourde."
Puis, amassant de la salive dans sa bouche, il fit un geste, comme pour lui cracher au yeux.
"Et si quelqu'un crache dans tes yeux ainsi, voilà le cilice spirituel le plus salutaire. Mais tu dois le porter avec gratitude. Ces chaînes spirituelles et ces cilices sont plus grands que ceux auxquels tu penses et que tu veux porter. Il est vrai que de nombreux Pères Saints portaient des chaînes et un cilice, maisc'étaient des hommes sages et parfaits et ils le faisaient pour l'amour de Dieu, pour mortifier leur chair et leurs passions complètement et les assujettir à leur esprit. Mais cela ne peut être fait par des nourrissons qui ont un corps où règne encore les passions et qui s'opposent à la volonté de Dieu et à Sa Loi. Et que se passera-t-il si nous portions des chaînes et un cilice et que nous dormions, mangions et buvions tant que nous le désirons? Nous ne pouvons supporter la moindre offense d'un frère avec patience. Une parole ou une remarque de l'higoumène nous plongent dans le découragement et le désespoir le plus total, au point que nous pensons à aller dans un autre monastère, et tandis que nous nous considérons avec envie d'autres frères qui ont la faveur et la confiance de l'higoumène, nous acceptons tous ses ordres et ses torts ou blessures à notre égard comme étant dûs à l'animosité qu'il a envers nous. Par cela tu peux juger par toi-même combien il y a peu de fondation pour la vie monastique en nous! [...]
Ainsi le novice réprimandé abandonna l'idée de porter des chaînes, mais néanmoins il quitta ensuite le monastère de Sarov. La fondation qui lui manquait, c'était l'obéissance.
D'habitude, Père Séraphim conseillait à ses visiteurs de se forcer et de s'entraîner à faire de bonnes actions, au lieu de s'infliger des pénitences extérieures [ les chaînes et le cilice].

in 
Archimandrite Lazarus Moore, 
St. Séraphim of Sarov/ A Spiritual Biography,
New Sarov Press, 1994
Version Française Claude Lopez-Ginisty

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire