vendredi 29 mars 2024

Constantinople 879-880: Ce qui rend un Concile œcuménique

 


En commentant la question de l'œcuménicité, Nicée II donne essentiellement l'enseignement que les cinq patriarches de la Pentarchie et leurs synodes doivent recevoir le concile, et que le même concile doit avoir son enseignement diffusé (et être reçu probablement) dans toute la Terre. On dit que le rôle du synode romain est celui de la coopération dans la mesure où il reçoit finalement le concile, mais l'élaboration réelle de la doctrine appartient aux autres patriarcats.

Quelles que soient les faiblesses de cette définition, en particulier si l'on considère la croissance du nombre de patriarcats tout au long de l'histoire chrétienne orthodoxe et l'effondrement du nombre de l'ancienne Pentarchie au point qu'au 16e siècle Jérusalem n'avait que trois évêques au total à ce moment-là et Alexadrie seulement deux, (Panchenko, chrétiens arabes orthodoxes sous les Ottomans, p. 68-69), c'est la seule définition de l'écuménicité jamais donnée par un concile œcuménique. En fait, si l'on examine les observations du concile œcuménique suivant sur la même question, Constantinople 879-880, on ne fait que réitérer la même chose. Il ajoute également l'idée qu'un concile doit être orthodoxe dans la mesure où il est cohérent avec l'enseignement des Pères, aborde les questions dogmatiques et suit correctement la procédure conciliaire ; maiscela est prévisible. Étonnamment, Photius ajoute la coopération des empereurs romains d'Orient, peut-être pas de manière prescriptive, mais clairement en la présumant néanmoins.

Voici les citations d'une première traduction [en anglais] du concile par Uncut Mountain Press.Les Actes du Huitième Concile œcuménique, traduits par Gregory Heers, sont actuellement disponibles en précommande, mais ses numéros de page différeront probablement de la copie préimprimée. Les citations ici proviennent de l'édition de la conférence commémorative, de mars 2024.

Qui pourrait appeler cela [Constantinople 869-870] un concile où siégeaient les apocrisiaires des Sarrasins en tant que juges et législateurs ? [c'est-à-dire les faux légats orientaux] Avec quel concile pourrait-il être compté, celui qui a osé agir à l'encontre de tous les saints et de tous les conciles, qui a condamné les innocents sans aucun examen et confondu et détruit toutes les lois, ecclésiastiques [c.-à-d. les Canons et les  précédents de l'Eglise] et juridiques [c.-à-d. Byzantins/Romains orientaux] ? Pour cette raison, les trônes sacrés de l'Est ont-ils dénoncé et rejeté ses actes et les ont livrés à l'anathème. (Élie, le Légat de Jérusalem à la troisième session, p. 87)

[Concernant l'œcuménicité de Nicée II :] Car tout comme dans ces conciles, tous les trônes hiérarchiques se sont réunis, certains en personne tandis que d'autres par l'intermédiaire de représentants, et ils ont présenté la fidélité et la certitude des dogmes, celui-ci aussi. Un représentant venait du très saint pape de Rome et également de nos propres trônes d'Orient, et ses dogmes étaient apparentés et familiers et de la même foi que ceux des six conciles oecuméniques. Ainsi, quiconque n'accepte pas ce Concile et ne l'appelle pas le septième Concile œcuménique annule également les autres, même s'il n'ose pas le dire. (Élie, le Légat de Jérusalem en cinquième session, p. 108)

Puisque tout ce qui aurait dû être fait dans ce concile sacré et œcuménique, par la bonne volonté de Dieu, par la coopération de nos grands empereurs, et par l'assentiment et l'accord du très saint pape de Rome, notre frère et père spirituel, par la présence de ses très saints représentants, et des trois autres trônes d'Orient... nous rendons grâces le Dieu suprêmement bon... (Photius en réponse au troisième Canon du Concile à la cinquième session, p. 115)

...mon maître Jean [VIII] le trois fois béni de la sainte église catholique et apostolique des Romains, le plus haut hiérarque et pape œcuménique, dans ce saint et  œcuménique Concile , suivant l'ordre, le commandement et l'approbation de notre très saint, apostolique et œcuménique Pape Jean, et avec l'accord de la sainte Eglise des Constantinopolitains, et avec le consensus des représentants des trois autres trônes patriarcaux, et la ratification conjointe de ce concile sacré et œcuménique, acceptent ce très révérend Photius comme patriarche légal et canonique... (Signature de Paul, un légat romain, dans la cinquième session, p. 117)

[Le Concile en décrivant son propre travail :]...le zèle et la lutte de notre grand et grand empereur, et par la coopération et l'assistance du très saint pape, notre frère et père spirituel, et des autres trônes hiérarchiques... une paix profonde a été accordée aux Eglises... (Photius lors de la septième [finale] session, p. 129)

Remarques finales. ON peut faire grand cas de titre4s honorifiques dans ce Concile. Saint Photius est appelé « très saint maître et patriarche œcuménique » (p. 22), « travailleur de la lumière et berger en chef de l'Église de Dieu » (p. 58), « saint père spirituel » (p. 67), et etc. Néanmoins, quelle en est l'application pour aujourd'hui ? Il n'y a ni Rome ni empereur romain d'Orient. Quant aux catholiques romains, ils manquent également d'une pentarchie légitime (le concile s'élevant contre les prétendants auxdits patriarcats) et d'un empereur chrétien également.

Personnellement, je spécule que l'hypothèse opérationnelle dans toutes ces définitions est l'idée de l'éclésiologie basée sur le consensus. Lorsque la chrétienté n'était pour la plupart que les limites ecclésiastiques de la Pentarchie, qui représentait environ 75 % de tous les chrétiens, il serait logique que la définition donnée par l'Église inclue cette notion. De plus, lorsque le gouvernement de plus de la moitié de cette population était chrétienne orthodoxe et que les canons de l'Église avaient la force du droit civil, la coopération du gouvernement reflètait ce consensus. Et donc, les orthodoxes n'ont peut-être plus de pentarchie ou de gouvernement orthodoxe, mais ils ont toujours un consensus. C'est pourquoi « le protecteur de la religion est le corps même de l'Église, même le peuple lui-même, qui désire que sonculte religieux soit toujours inchangé et du même genre que celui de ses pères » (Constantinople 1848, Par 17). L'Église peut encore parvenir à un consensus légitime sur les questions de foi, même aujourd'hui. En fin de compte, c'est par ce mécanisme que le peuple de Dieu reconnaît l'œuvre de Dieu dans un concile et la reconnaît de manière appropriée comme contraignante pour la conscience.

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

Orthodox Christian Theologie

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