vendredi 15 décembre 2023

Matouchka Maria de Gatchina La staritza consolatrice des Catacombes


Fête le 4/17 avril

Des chagrins intenses, comme de l'or dans la fournaise,
purifient l'âme, lui donnent vie,
la fortifient et la tempèrent. 
St. Joseph de Petrograd

À une quarantaine de kilomètres de Petrograd se trouve la petite ville de Gatchina, bien connue de tous les habitants de Petrograd pour ses jardins, ses parcs et ses palais. Dans cette ville, il y avait avant la Révolution une moniale, Maria, qui était connue non seulement par les habitants de Gatchina, mais aussi par de nombreux résidents de Petrograd.

La révolution de 1917 trouva Matouchka Maria sur son lit de malade. Après avoir souffert d'encéphalite (inflammation du cerveau), elle entra dans l'état de la maladie dite de Parkinson (du nom du médecin Parkinson qui décrivit cette maladie) : tout son corps devint pour ainsi dire enchaîné et immobile, son visage anémique et comme un masque ; elle pouvait parler, mais elle commença à parler avec la bouche à moitié fermée, à travers ses dents, prononçant lentement et de manière monotone. 


Elle était totalement invalide et avait constamment besoin d'aide et que l'on s'occuper d'elle. Habituellement, cette maladie se déroule avec des changements psychologiques marqués (irritabilité, un entêtement fatigant à répéter des questions stéréotypées, un égoïsme et un égocentrisme exagérés, des manifestations de sénilité, etc.), à la suite desquels ces patients se retrouvent souvent dans des hôpitaux psychiatriques. Mais Mère Maria, étant une invalide physique totale, non seulement ne dégénéra pas  physiquement, mais révéla des caractéristiques complètement extraordinaires de sa personnalité et de son caractère, non caractéristiques de ces patients : elle devint extrêmement douce, humble, soumise, peu exigeante, concentrée en elle-même ; elle devint absorbée dans la prière constante, supportant sa condition difficile sans le moindre murmure.

Comme pour récompenser cette humilité et cette patience, le Seigneur lui envoya un don : la consolation des affligés. Des personnes complètement étrangères et inconnues, se retrouvant dans l'épreuve, le chagrin, la dépression et le découragement, commencèrent à lui rendre visite et à converser avec elle. Et tous ceux qui venaient la quittaient consolés, ressentant une illumination dans leur chagrin, un apaisement de la tristesse, un apaisement des peurs, un éloignement de la dépression et du découragement. La nouvelle de cette moniale extraordinaire se répandit progressivement bien au-delà des limites de la ville de Gatchina.

Matouchka Maria vivait dans une petite maison en bois à la périphérie de la ville, où je lui rendis visite en mars 1927. En attendant d'être reçu, j'examinai les nombreuses photographies dans la salle de réception et j'en remarquai deux : le Métropolite Benjamin (de Petrograd, le nouveau martyr) et le Métropolite Joseph (bientôt chef du mouvement "Josephite"). Le métropolite Joseph sur sa photo avait écrit une dédicace touchante à Matouchka Maria, citant une grande sélection de son œuvre Dans l'étreinte du père, tandis que le Métropolite Benjamin avait écrit brièvement : "À la personne profondément respectée Matouchka Maria, qui, parmi beaucoup de personnes en deuil, m'a également consolé, moi, pécheur..."

J'ai eu la grande chance d'être présent à la manifestation des miracles de guérison des âmes en deuil. Un jeune homme, qui était devenu découragé après l'arrestation et l'exil de son père qui était prêtre, quitta Matouchka avec un sourire joyeux, ayant décidé d'accepter le rang de diacre. 

Une jeune femme, qui était en deuil, devint radieuse et joyeuse, décidant également de devenir moniale. 

Un homme âgé qui souffrait profondément de la mort de son fils quitta Matouchka debout et plein de courage. 

Une femme âgée, qui était venue en larmes, resta calme et ferme.

Quand je suis allé la voir, j'ai dit à Matushka Maria qu'une terrible dépression m'attaquait souvent, qui durait parfois plusieurs semaines, et que je ne pouvais pas trouver de moyen de m'en débarrasser.

"La dépression est une croix spirituelle", m'a-t-elle dit ; "elle est envoyée pour aider les pénitents qui ne savent pas comment se repentir, c'est-à-dire qui, après le repentir, retombent dans leurs péchés... Et par conséquent, seuls deux médicaments peuvent traiter cette souffrance parfois extrêmement difficile de l'âme. Il faut soit apprendre à se repentir et à offrir les fruits du repentir ; soit porter cette croix spirituelle, sa dépression, avec humilité, douceur, patience et grande gratitude envers le Seigneur, en se rappelant que le portement de cette croix est considéré par le Seigneur comme le fruit du repentir... Et après tout, quelle grande consolation c'est de réaliser que votre découragement est le fruit non reconnu du repentir, un auto-châtiment inconscient pour l'absence des fruits qui sont exigés... De cette pensée, on devrait en venir à la contrition, puis la dépression fond progressivement et les vrais fruits du repentance seront conçus..."

D'après ces paroles de Matouchka Maria, c'était comme si quelqu'un avait littéralement opéré mon âme et enlevé une tumeur spirituelle... Et je suis parti étant un homme différent.

Vers 1930, Matouchka Maria fut arrêtée. Elle fut accusée de propagande contre-révolutionnaire et de participation à une organisation contre-révolutionnaire, conformément aux paragraphes 10 et 11 de l'article 58 (du code pénal soviétique). Son frère fut également arrêté. 

"L'organisation" n'était composée que de deux personnes. Et la "propagande" contre le communisme était son don de consolation dans les chagrins. Ceux qui étaient présents lors de l'arrestation décrivent une image effrayante de moquerie et de violence cruelle envers la patiente qui était paralysée et incapable de tout mouvement physique. Le "crime politico-religieux" de Matouchka Maria fut approfondi par son refus de reconnaître le Métropolite Serge après sa célèbre déclaration de 1927, qui conduisit à un schisme dans l'Église russe.

La pauvre malade souffrante fut traînée par ses bras, qui furent tordus derrière son dos, le long du sol et du sol de son lit au camion par deux tchékistes... En balançant son corps très souffrant et paralysé, les tchékistes la jetèrent dans le camion et l'emmenèrent. 

Son frère fut emmené dans une autre automobile, un soi-disant "corbeau noir" (une limousine noire utilisée spécialement pour transporter les victimes d'arrestations effectuées au plus profond de la nuit ; décrite par Soljenitsyne dans le premier volume de l'Archipel du goulag). 

Les gens vénérable et compatissants de Matouchka Maria commencèrent à lui apporter de modestes colis en prison. Ceux-ci furent acceptés pendant un mois. Et puis, un jour, ils n'acceptèrent pas les colis et dirent brièvement : "Elle est morte à l'hôpital." (De tels patients impotants étaient généralement tués.) 

Le corps ne fut pas abandonné.

Tombe de la sainte moniale

Son frère, petit homme faible et raffiné, qui s'était occupé d'elle avec abnégation et recevait des visiteurs, fut condamné, après neuf mois d'enquête, à cinq ans de prison dans un camp de concentration en Sibérie.



Tropaire (Ton 4) -

Ô notre bienheureuse Mère Maria, qui portas la croix de la maladie si docilement et humblement, avec une telle sobriété et une telle prière que Dieu t'accorda le don de la consolation. Prie pour nous, pécheurs qui ne savons pas comment nous repentir, afin que Dieu nous accorde Sa grande miséricorde.

Sainte Mère Maria, prie Dieu pour nous!

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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