mercredi 19 avril 2023

Moniale Cornelia (Rees): « JE NE VIVRAI PLUS JAMAIS DANS UN PAYS OÙ LA FOI ORTHODOXE EST PERSÉCUTÉE. » De la vie de St. Païssy Vélitchkovsky


Saint Païssy Velitchkovsky, [...] est entré dans l'histoire en tant que père du monachisme russe et roumain - en tant que grand staretz qui a insufflé une nouvelle vie aux monastères par ses traductions et ses écrits patristiques, et en suscitant de nouvelles générations de startsy monastiques.

Mais bien que saint Païssy ait été moine sur le Mont Athos, et enfin en Moldavie, il commença sa vie profane et monastique dans ce qu'on appelle aujourd'hui l'Ukraine. Sa route vers le monastère sur ces terres fut parsemée de rochers et d'épines, et son autobiographie [1] nous dit pourquoi.

Saint Païssy Velitchkovsky commence son autobiographie en expliquant qu'à l'approche de la fin de sa vie, il considérait que tout ce qui n'est pas engagé dans l'écriture est lié à l'oubli total. « Moi, hiéromoine Païssy, indigne ni du monachisme ni du sacerdoce, je suis né et j'ai grandi dans la ville orthodoxe petite russe de Poltava de pieux parents orthodoxes. Je suis né à la fin de l'année 1722, le 21 décembre... » La ville de Poltava se trouvait sur le territoire de l'Empire russe appelé Petite Russie, (parfois traduit par Petite Russie, mais en fait, l'origine serait plus précisément traduite par Russie Mineure), qui comprenait Kiev, tandis que les territoires à l'ouest du Dniepr étaient encore sous la domination polonaise. 

Le jeune Pierre, nom donné au futur saint au baptême, fut envoyé étudier au séminaire théologique de Kiev, mais il rejeta complètement ce qui était alors l'approche scolastique et latine de l'institution - un héritage de la domination polonaise - et aspira à devenir moine. Ses voyages à la recherche d'un foyer monastique l'emmenèrent à divers endroits de Petite Russie, mais il avait entendu dire que le monachisme orthodoxe traditionnel était florissant dans les terres moldaves - et il jeta donc son dévolu sur cette destination.

Bien que saint Païssy soit finalement devenu un grand higoumène et un staretz monastique en Moldavie, sa première tentative d'atteindre cette terre promise fut écourtée par un terrible avertissement de quelqu'un en cours de route. L'histoire qu'il entendit, et que nous citons en traduction de son autobiographie, nous donne une image de ce que les gens de ce qui est maintenant l'Ukraine durent endurer sous le joug catholique et uniate.

« Et après avoir passé la nuit chez un individu, le matin, j'ai vu [mes compagnons de voyage] dans l'école d'un diacre local. Quand ils m'ont vu, ils se sont réjouis, mais ils ont ensuite demandé au diacre la route vers la Moldavie, lui disant qu'ils avaient l'intention d'y aller à pied. Il leur a dit :

« Ô saints pères, je ne vous conseille pas d'y aller en ce moment, parce que c'est très dangereux sur la route. Vous voyez, à cause des voleurs partout, il y a des soldats qui montent, et je crains que vous ne tombiez entre les mains des soldats impitoyables, qui, pour aucune autre raison que leur haine de la foi orthodoxe, peuvent vous blesser gravement. Par exemple, écoutez cette histoire de ce qui s'est passé récemment dans notre village.

« Il y avait dans notre église avant moi un diacre de bienheureuse mémoire. Par faiblesse humaine, il était prudent contre les attaques des persécuteurs de la foi orthodoxe, et à la Liturgie, il lisait le Symbole de la foi [Credo], c'est-à-dire  je crois en un seul Dieu le Père, et quand la partie venait pour dire, Et au  Saint-Esprit, il la lisait comme ceci : Et dans le Saint-Esprit, le Seigneur qui donne la vie, qui procède vraiment du Père. [2] En lisant le Symbole de la foi de cette manière, il évitait les dénonciations des ennemis de l'Orthodoxie. Avec le temps, il fut calomnié devant le gouverneur du village comme blasphémateur de la sainte foi, en disant qu'il ne lisait pas le Credo selon leur théomachie, au  Saint-Esprit... Qui procède du Père et du Fils, mais seulement véritablement du Père. En entendant cela, le gouverneur fut furieux, et prenant avec lui plusieurs soldats, il vint à l'église peu de temps avant la lecture du Credo. Et quand ce diacre béni commença à lire le Credo, le gouverneur s'est immédiatement approché de lui et a commencé à écouter attentivement comment le diacre le lirait. Ayant compris pourquoi le gouverneur s'était rapproché de lui, le diacre lut hardiment le Credo d'une voix pleine et mesurée, et quand il arriva aux mots : et à  l'Esprit Saint, il fut rempli de l'Esprit Saint et proclama à haute voix : Et en l'Esprit Saint, Seigneur, Donateur de Vie, qui procède du Père, rejetant le mot : vraiment, qu'il avait ajouté auparavant à cause de la peur. Quand le gouverneur l'entendit, il poussa un cri comme un animal sauvage, se jeta sur lui, le saisit par les cheveux, le jeta à terre et se mit à le frapper sans pitié ; puis il ordonna [aux soldats] de le traîner hors de l'église et de le frapper sans aucune pitié à coups de bâton.

« Et à ce moment-là, quelqu'un courut pour le dire rapidement à la mère du diacre. Il lui parla de l'accusation pour laquelle ils battaient son fils. Mais quand elle accourut sur les lieux, les larmes aux yeux, elle jura de ne pas l'affaiblir dans son épreuve, mais de faire appel à l'aide de Dieu, à ne pas épargner sa vie et à le féliciter d'accepter la mort pour la foi orthodoxe. 

Et en lui embrassant la tête, elle dit : « Ô mon fils bien-aimé ! N'aie pas peur de ce bref tourment que tu endures maintenant pour la confession de la foi orthodoxe, mais supporte comme un bon guerrier du Christ même la mort pour Lui, afin que tu sois digne de recevoir de Lui une couronne de martyr dans Son Royaume Céleste ! » 

Il répondit ensuite à sa mère : « Ô ma mère bienaimée ! N'aie aucun doute sur moi, car avec le Seigneur qui me fortifie, je suis prêt à endurer pour la foi orthodoxe non seulement ces coups, mais même un million de morts atroces. Tout comme il n'y a qu'un seul Dieu, glorifié et adoré dans la Sainte Trinité, de même que la Sainte Église orthodoxe orientale (en elle seule, avec de bonnes actions, il y a l'espérance du salut) est l'Église unique, et qu'il n'y en a pas d'autre qu'elle ! Comment pourrais-je ne pas être zélé en subissant la mort la plus atroce pour elle ? »

« En entendant cela, sa mère se réjouit d'une joie indicible, et en levant les mains vers le ciel, elle remercia le Christ Dieu de l'avoir jugée digne de donner naissance à un tel enfant souffrant pour Lui. Mais quand le bourreaux vit et entendit cela, il devint encore plus furieux et ordonna à ses soldats de le battre encore plus fort. Mais le martyr du Christ, supportant avec joie les terribles coups et réprimandant la méchanceté des hérétiques occidentaux, mais glorifiant et confessant la foi orthodoxe, remit son âme entre les mains de Dieu. »

                             

Saint Païssy et ses compagnons de voyage furent dissuadés de poursuivre leur chemin en Moldavie. Le futur grand staretz voyagea donc le long du Dniepr, à la recherche d'une clôture monastique où il pourrait sauver son âme. Il arriva finalement au monastère de saint Nicholas Medvedkovo situé sur une île de la rivière Tyasmin, dans la métropole de Kiev. Là, il fut tonsuré moine rassophore. Mais sa vie monastique tranquille et joyeuse dans le monastère de saint Nicolas ne pas dura pas longtemps.

« Comme Dieu le permit, les persécutions   commencèrent contre [le monastère] et contre la foi orthodoxe de la part des autorités locales de mauvaise réputation [sous la domination polonaise]. Un fonctionnaire vint du dirigeant de ce pays, ordonnant que tous les moines se rassemblent dans la cellule de l'higoumène, et commença à les exhorter à adhérer à sa mauvaise foi. [3Mais quand il vit que les frères n'étaient en aucun cas disposés à être d'accord avec lui, il se mit très en colère Il prit les clés de l'église et, entrant dans l'église, fit l'inventaire de tous les objets de l'église ; puis, sortant de l'église, il la ferma à clef et la scella de son sceau officiel. Il prit les clés de l'église et partit avec beaucoup de colère et de menaces. Il en résulta une grande confusion dans le monastère, car lorsque les saints pères virent que plus d'un mois s'était écoulé et que l'église était toujours fermée à clé, certains d'entre eux commencèrent à se disperser, chacun vers sa propre destination. Et en voyant cette persécution des méchants hérétiques contre les orthodoxes, j'ai placé mon intention devant Dieu : à partir de ce moment-là, ne jamais vivre dans ces pays où il y a une persécution contre l'Église de Dieu et contre la foi orthodoxe de la part des méchants hérétiques".

Donc, apparemment, la persécution contre l'Église orthodoxe canonique sous influence occidentale n'est pas nouvelle dans les terres ukrainiennes. Même dans les temps modernes, le clergé est battu, voire tué, et les églises sont saisies - dans les années 1990, c'était à nouveau des mains des uniates, et maintenant par la soi-disant église orthodoxe d'Ukraine. Mais tout comme à l'époque, il y a aussi des chrétiens orthodoxes dans ces terres qui sont très fermes dans leur foi. Une fois de plus, il y a des confesseurs pour la foi orthodoxe. Et je crois qu'il y en aura jusqu'à la fin des temps.


Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

ORTHOCHRISTIAN



NOTES:


1 Saint Paisius Velichkovsky, Life and Selected Works, texte slave ecclésiastique avec une traduction russe parallèle par A. P. Vlasiuk (Serpukhov: Nasledie Pravoslavnogo Vostoka, 2014).


2 C'est-à-dire qu'il a lu le texte rapidement, ajoutant ces mots afin qu'il puisse être confondu avec les mots, Qui est venu du Père et du Fils - le Filioque hérétique des Latins.

3 Il n'est pas clair s'il parle de l'Unia ou simplement du catholicisme romain, mais il est très probable que ce soit le premier cas.

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