vendredi 23 septembre 2022

Cristian Curte: UN RUCHER PLEIN DE MIEL SPIRITUEL Histoires des startsy Cleopa (Ilie) et Marcu (Dumitrescu) (1)

Frère Cleopa (Ilie) et frère Marcu (Dumitrescu). Photo : basilica.ro

Père Cleopa (Ilie) et Père Marcu (Dumitrescu). Photo : basilica.ro     

Il y a deux décennies, deux grands startsy - Cleopa (Ilie) et Marcu (Dumitrescu) - vivaient dans le rocher du monastère de Sihăstria. Le premier fut le labeur ascétique de réclusion dans les montagnes pendant de nombreuses années, et le second passa plus de vingt ans dans des conditions inhumaines en prison. Lorsqu'ils se rencontrèrent, ils commencèrent à partager leurs expériences l'un avec l'autre ; l'un - son expérience acquise dans les mésaventures en prison, l'autre - l'expérience des graves difficultés qu'un homme éprouve dans les fourrés de la forêt, dans un isolement complet des autres. Ces conversations secrètes furent entendues par le jeune novice Vissarion qui aida Père Marcu à prendre soin des abeilles. Maintenant père spirituel aux cheveux gris, il a accepté de lever le voile du secret de ces révélations spirituelles des startsy.

Chambre de la mort

Monk Mark (Dumitrescu)Monk Mark (Dumitrescu)Quand ils l'ont jeté dedans, il a pensé que c'était tout - c'était la fin. Une cellule dégoûtante sans verre dans la petite fenêtre, sans planchers, sans couchettes. Les prisonniers l'appelaient « le réfrigérateur » parce que le gel y pénétrait facilement ; un trou noir où seule la mort pouvait vivre. Il n'y avait rien sur quoi s'asseoir. Il était impossible de se reposer ne serait-ce qu'une minute.

Ceux qui s'étaient retrouvés ici marchaient d'avant en arrière, ne restant jamais immobiles, jusqu'à ce qu'ils tombent. Petit à petit, minute par minute, le terrible gel conquérait la chaleur du cœur, enchaînrait les membres du corps jusqu'à ce qu'il ne soit plus capable de lutter, et la vie s'écartait du corps raide et essoufflé. Ensuite, les gardes venaient le traîner, pour le jeter dans une tombe commune.

Ils n'avaient pas eu de nourriture, juste de l'eau, et même pas tous les jours. Personne n'a survécu... Les gémissements qui s'atténuaient progressivement de leurs camarades pouvaient être entendus à travers le mur, et un silence sinistre planait au-dessus de la solitude sans fin de la prison.

Ils ont jeté le père Marcu là-dedans pour l'achever. Mais il avait été endurci par les podvigs [l'ascèse] du monastère ; il savait se battre avec la peur et avait déjà enduré une quantité apparemment infinie de douleurs. Il était l'un des rares prisonniers à ne pas craquer lorsqu'on les torturait. Il n'a pas lâché un seul cri, et il a donc été torturé plus que les autres. Mais il était impuissant contre le froid. Il sentait le froid glacial qui coulait dans son corps, goutte à goutte, à travers les murs. Et il a commencé à faire des prosternations : 1, 2, 3, 10, 100, 1 000... « Ô Dieu, sois miséricordieux envers moi, pécheur ! Toi qui m'as créé de la poussière, aie pitié de moi ! J'ai péché d'innombrables fois, Seigneur, pardonne-moi ! Accorde l'esprit de pureté, de patience et d'amour à Ton serviteur ! »

Se frappant légèrement le front sur le sol glacé, il pensait à la Passion du Seigneur, à Ses souffrances terribles et honteuses sur la Croix, à la foule frénétique de Juifs et à l'amour du Sauveur, incompréhensible pour ceux qui l'ont crucifié. Par rapport à la douleur et à l'amour du Christ, ses souffrances en prison semblaient petites et faciles - assez pour qu'il puisse les résorber dans son cœur à la taille d'un grain et les jeter dans la mer de l'oubli, de sorte qu'il ne restait que l'amour et la pitié pour tout le monde, même les pauvres gardes, Une larme coulait pour eux, puis une de plus, scellant sa supplication et son pardon.

Il ne savait pas depuis combien de temps il faisait des prosternations. Il ne les comptait pas ; il ne pensait pas aux minutes. Le temps, qui est difficile à déplacer en prison, se dilatait et l'avalait. Ses pensées se tournaient rapidement  vers le monastère si cher à son cœur ; vers les clairières où le soleil brille, jouant avec ses rayons sur la neige immaculée ; vers les vigileses de minuit éclairées par des cierges vacillants ; vers son ami et abbé Père  Cleopa.

Chutes de neige au monastère de SihăstriaChutes de neige au monastère de Sihăstria     

Lorsqu'il s'est rétabli, il a découvert qu'il dormait directement sur le béton glacé, et pourtant, il était trempé de sueur ! Les murs tout autour semblaient chauds, comme dans un four. Une chaleur étonnante, apparemment émanant directement de son cœur, avait inondé la petite pièce, qui commençait à être ressentie comme sa cellule pour lui. Dieu avait versé Son feu sur lui, l'enveloppant d'amour. Et il se sentait libre et heureux.


Version française Claude Lopez-Ginistyd'aprèsORTHOCHRISTIAN




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