dimanche 20 mars 2022

"JE SUIS JEAN (GOUTSOU), SUR LA TOMBE DUQUEL TU ES VENU"


En mémoire du staretz athonite  roumain


Hiéromoine Jean (Goutsou). 

Photo: Khariton Lavriot 


Le hiéromoine Jean (1906-1996) est l'un des moines roumains les plus vénérés qui ont pratiqué l’ascèse sur le saint Mont Athos. À l'âge de 19 ans, il est venu ici pour consacrer sa vie au Christ, et pendant 70 ans, il a vécu dans les skites roumaines : d'abord à Laka, puis à Kolcha. Il se distinguait par une humilité et une simplicité parfaites, la sévérité de la vie monastique, était un grand jeûneur, un ascète et un intercesseur. Il a rejoint le Seigneur le 5 décembre 1996 à l'âge de 90 ans.


Frère Denys (Ignat) a parlé ainsi d'Abba Jean:

« Il est venu au mont Athos en 1926. Son père spirituel était le staretz Elie, mais bientôt les startsy de la skite sont morts (Elia Voulpe, Geronte, Païssy et Euthyme), et il est resté [dans la skite de Lakou[1]] seul pendant environ 20 ans.

Le père Jean et moi vivions [dans la cellule de Kolchou[2]] en tant que frères, nos cellules n'étaient pas différentes[3]. Toutes les petites et grandes fêtes furent toujours passées ensemble. Le père Jean (Goutsou) était un bon moine, très diligent et très strict dans la vie monastique. D'autres moines essayèrent de vivre avec lui, mais ne purent le supporter. Il n'était qu'un prêtre, pas un confesseur. Et quand le dernier confesseur est mort en cellule, il n'a plus jamais servi par humilité. C'était un homme de bien."


D'autres moines ont essayé de vivre avec lui, mais n'ont pas pu le supporter


Frère Jean, originaire de Bessarabie, est né dans le village de Popesti, dans le district de Soroca, en 1906. Aimant grandement Dieu, à l'âge de 19 ans, il alla au Mont Athos et y resta. Il passa 70 ans dans des exploits ascétiques, après quoi il déménagea au Ciel. Pendant tout ce temps, il n'a quitté la Sainte Montagne qu'une seule fois, étant forcé de le faire.



Hiéromoine Elie (Voulpe), 

confesseur du hiéromoine Jean (Goutsou)


Il a obéi à son confesseur, le hiéromoine Elie (Voulpe), et à son père, qui lui ordonna : "Essaie de mourir ici." Au cours de ses 90 années de vie terrestre, de 1906 à 1996, frère Jean a acquis tant de grâce et d'humilité qu'il a atteint la plus profonde innocence. Grand jeûneur (il mangeait de la nourriture tous les deux jours) et grand ascète (qui dormit au plus 3 heures la nuit, assis sur un banc), le grand ascète et homme de prières (il fit des prosternations, même lorsque ses jambes ont commencé à saigner dans sa vieillesse et il n'a jamais pris de médicaments).

Il ne parlait pas beaucoup, parce que si vous n'aviez pas bénéficié de son silence, alors il n'était pas nécessaire de lui demander conseil (et c'est vrai, nous ne pouvions obtenir une leçon d'humilité qu'en regardant son visage !). Il a toujours cru qu'"il est nécessaire de commencer par la crainte de Dieu et de continuer par l'amour pour Lui. Entre les deux, ajoutez beaucoup d'humilité et de prière, et nous atteindrons le Royaume des Cieux".

Pour ses œuvres, Dieu lui a révélé à l'avance le moment de sa migration de ce monde, de sorte qu'il a réglé toutes ses affaires deux mois auparavant, a demandé pardon à tous les frères - y compris ceux qui pratiquaient l’ascèse dans la cellule de Saint-Georges du staretz Denys (Ignat), qui le communia - et le 5 décembre, il entra dans l'éternité.

Nous ne pouvons obtenir une leçon d'humilité qu'en regardant son visage !


Le staretz Elie de Colchou a dit qu'un jour, le jour de saint Jean-Baptiste, fête patronale de la cellule, ils n'avaient rien à manger. Ils avaient lancé les filets [dans la mer], mais ils n'avaient rien pris. La vigile de la fête avait déjà commencé, et eux, bouleversés, allèrent voir PèreJean. Le staretz leur dit :

- Allez à l'estuaire et rapportez ce gros poisson.

Les pères voulurent dire qu'ils en venaient, mais ils se sont tus et ont obéi. Et, s'approchant du rivage, ils ont été étonnés de voir un poisson flotter directement vers eux, assez grand pour tous [les nourrir] pendant 2 jours. Ils l'ont sorti de l'eau à mains nues et ont rendu gloire à Dieu.



Skite Colchou, cellule du staretz Jean (Goutsou)


Peu de temps avant son départ de ce monde, en novembre 1996, frère Jean rencontra le jeune Adrian Lemeni, futur ministre des Affaires religieuses[4]. Le jeune homme lui demanda :

- Père, que penses-tu avoir gagné en 70 ans de prière sur le Mont Athos? 

Le staretz lui répondit :

- J'ai eu de l'audace devant Dieu.

Le père Augustin, disciple du père Jean dans les dernières années de sa vie, travaillant avec lui dans le jardin, dit en plaisantant : Prie Dieu, Père, tu as trouvé miséricorde devant Lui : qu'il nous envoie une source plus près de la cellule, afin que nous ne transportions plus l'eau de la vallée.


Quand le Père Augustin l'avait oublié, il  fit jaillir une source d'eau pure en amont de la cellule, à quelques mètres de la parcelle de terre où ils avaient leur potager. Ils y puisent encore de l'eau aujourd'hui

Le vieil homme n'a rien dit alors, mais à l'automne, lorsque le père Augustin eut réussi à l'oublier, il trouva une source d'eau propre un peu plus haut de la cellule, à seulement quelques mètres du lopin de terre où ils avaient un potager. Ils prennent encore de l'eau à partir de là.

Un jour, un novice grec du monastère de Vatopedi vint écouter sa parole. Prenant la bénédiction, il voulait partir, alors le staretz lui dit au revoir :

- Καλό ταξίδι Πάτερ Αθανάσιος [Kalo taxidi Pater Athanasios ](Bon voyage, Père Athanase).

Et il n'était pas encore moine. Mais quand il voulut en parler au staretz, ce dernier lui dit :

- Ce n'est pas selon ta volonté, mais comme Dieu le veut !

Aujourd'hui, on peut trouver le Père Athanase en train de pratiquer l’ascèse dans la même Confrérie de Vatopaidi.

George Kryshnyan
Sfantul Munte Athos (Saint Mont Athos)

Des miracles qui se sont produits après la mort du staretz




Archimandrite Porphyre 

avec le crâne du Hiéromoine Jean (Goutsou)


Un événement tout à fait merveilleux est arrivé à un prêtre roumain qui vint à la Sainte Montagne de l’Athos en 2007. Il voulait de tout cœur visiter la tombe de frère Jean, pour qui il avait un respect particulier et à propos duquel il savait qu'il était parti vers le Seigneur en 1996. Suivant son désir, en plein jour, il vint à Colcha sur la tombe du staretz pour le vénérer, et il vit, debout  près de la tombe, le visage doux et clair du staretz. Le prêtre demande au staretz:

- Et qui es-tu ?

- Je suis Jean (Goutsou), sur la tombe duquel tu es venu.

Le prêtre fut surpris et lui dit :

- Comment, Père saint[5], es-tu en vie ? Après tout, tout le monde dit que tu es mort il y a longtemps et que l'on se souvient de toi lors des pannikhides.


- Même si je suis mort, tu sais que je suis toujours vivant.

Après cette brève conversation, notre père prit une bénédiction du staretz, posa sa main sur son bras, puis partit empli d’une joie spirituelle telle qu'il n'en avait jamais connue[6].

 

Version française Claude Lopez-Ginisty

D’après

Pravoslavie.ru

https://pravoslavie.ru/122203.html

 

[1] Skite roumaine de Lacou, ou de St. Démètre, est située à 4 heures à pied du monastère de St. Paul, à qui elle appartient. Au début du XIXe siècle, il y avait plus de 30 cellules à Lacou, maintenant il y en a 13, avec environ 40 habitants qui y pratique l’qscèse spirituelle.

[2]  Kellie roumaine de colchou, ou de St. George est l'une des plus grandes kellies du territoire du monastère de Vatopaidi. Elle est située au nord de celui-ci, à 4 heures de marche, sur une haute montagne dans une zone appelée Kapsala. Une dizaine de moines pratiquent l’ascèse à Colchou, c'est l'un des plus grands monastères roumains du mont Athos.

[3] Frère Denys (Ignat) est arrivé au mont Athos la même année que le staretz Jean, en 1926, alors qu'il n'avait que 17 ans, Colchou il a pratiqué l’ascèse  dans la cellule de Saint-Georges en 1937-2004.

[4] Adrian Lemeni (né en 1971) - Docteur en théologie, spécialiste exceptionnel en apologétique orthodoxe.

[5] littéralement« Ta sainteté » s’adresse au prêtre.

[6] Extrait du livre "Monk Nicodemus. HiéromoineJean : La vie apportée comme un don au Christ. La simplicité que le monde civilisé a perdu" [en roumain]

(Monahul Nicodim. Ieroschimonahul Ioan - O viata daruita lui Hristos.Simplitatea pe care a pierdut-o lumea civilizata. Editura Egumenita, 2013).

 

 

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