mardi 19 janvier 2021

Saint Théophane le Reclus: La Lumière de la Théophanie

Icône de la Théophanie

Icône de la Théophanie (Novgorod, Russie, fin 15e siècle)



En célébrant la Théophanie, soyons transférés dans nos pensées sur le lieu même de l'événement et assistons mentalement à ce qui s'y est passé. 

Nous sommes à Bethabara [1]. Vous voyez Saint-Jean sur le rivage vêtu de vêtements en peau de chameau, avec une ceinture de cuir nouée autour de ses reins. Une multitude innombrable de gens de Jérusalem, de Judée et de tout le pays du Jourdain l'entourent. Le baptême du Sauveur vient de se terminer et les yeux de tous sont tournés vers le Fils de l'Homme qui sort de l'eau. Ils ne voient rien d'autre. Mais aiguisez l'œil de votre esprit par la foi, et après Jean et passant par ce qui est vu par tous, dirigez votre vision attentive vers ce qu'on ne voit pas tous - au Ciel ouvert, la colombe descendant, et la voix audible: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon affection! Dirigez votre regard et ne détournez pas votre attention de ce spectacle merveilleux. Ô qui donnera à nos paroles le pouvoir de chanter dignement la gloire de Dieu, qui est apparu dans le Jourdain en trois hypostases!

Avec le paradis perdu, les cieux ont été scellés par la justice de Dieu. Mais comme une barrière solide ne retient pas une grande pression d'eau, la forteresse de la justice a finalement rompu le feu de l'amour de Dieu - et voici, les cieux se sont ouverts! Ouvrons également toutes les puissances de notre nature et insatiablement nous recevrons le Dieu révélé et nous nous réjouirons en Lui. Nous satisfaisons tous nos sentiments, toutes nos pensées et nos désirs.

Nous sommes enterrés dans les ténèbres: mais voici une Lumière abondante! Nous sommes blessés par la séparation sans joie - à la fois du ciel et de nous-mêmes; mais voici la réconciliation vivifiante. Nous sommes affaiblis par l'infirmité, mais voici la source inépuisable de toute puissance.

Ainsi donc - tout comme après les longues ténèbres de la nuit toute créature a faim de lumière et s'efforce avec empressement d'attraper les premiers rayons du soleil levant, ainsi nous, dirigeant l'œil de notre esprit, éclairé par la foi, vers la Théophanie, recevons avec empressement les rayons joyeux de la dispensation divine de notre salut, libérés par la parole miséricordieuse de Dieu le Père - et nous nous en réjouissons.

Alors que la création comprimée par le froid de l'hiver rencontre avec empressement le printemps qui brise les liens du froid et reçoit à nouveau le rajeunissement ordonné, de même nous aussi, avec un cœur animé par l'espérance du salut, recevons la réconciliation qui brille dans le Seigneur baptisé - et nous nous réjouissons en Lui!

Comme pendant la chaleur de l'été la terre assoiffée boit à pleine bouche la pluie qui tombe du ciel, de même nous recevons aussi avec chaque désir de l'âme chaque puissance prête à être déversée sur nous de l'Esprit, descendant sous la forme d'une colombe - et nous en réjouissons!

Par pourquoi nous invitons-nous à cela? Car ne sommes-nous pas déjà conduits à toute l'économie du salut? Par conséquent, ne devrions-nous pas tous être éclairés, réconciliés et animés? Ô que cela soit vrai un jour! 

À un moment donné, se référant à saint Jean-Baptiste, le Seigneur parla aux Judéens avec reproche: «Il était une lampe allumée et brillante, et vous vouliez pendant un temps vous réjouir à sa lumière.» Chaque année, dans sa sainte Église, le Seigneur dirige aussi sur nous la lumière de Sa Théophanie au Jourdain avec saint Jean. Ne nous dit-il pas, en cela, ceci: Voici la lumière brûlante et brillante! Veillez à ne pas vous réjouir à sa lumière seulement pendant un certain temps seulement!

Veillez donc à cheminer avec circonspection. Les cris trompeurs des ennemis de notre salut ne frappent-ils pas parfois notre oreille?

La fausse sagesse proclame: Venez à moi, j'ai la lumière. Pourtant, elle n'a pas de lumière, mais seulement un fantôme de lumière, et ceux qui lui obéissent appellent la lumière obscurité et l'obscurité lumière.

Le monde dit: Venez à moi, je vous donnerai la paix. Pourtant, il n'a pas de paix, mais un fantasme de paix, et ceux qui en sont trompés, découvrant plus tard le mensonge, le condamnent avec reproche en disant: Paix! paix! mais où est donc la paix?

Le prince du monde promet la liberté, la vie, le pouvoir et l'abondance. Pourtant, il n'a ni pouvoir, ni liberté, ni abondance, mais seulement un fantasme d'entre eux. Et ceux qui sont séduits par lui ne vivent libres et satisfaits que de nom, mais sont en fait des esclaves opprimés, languissant dans la privation.

Hâtez-vous d'acquérir l'habitude de distinguer tout cela et à la lumière de la Théophanie ne vous laissez pas tromper par ce que l'on appelle simplement lumière, paix et puissance, mais qui ne l'est pas; mais luttez plutôt vers Celui Qui est la Voie, la Vérité et la Vie, la justice, la sanctification et la délivrance.

Ici, nous sommes presque arrivés au jugement et à la condamnation. Et c'est ce que le Seigneur désire. Il a ordonné à l'Église de célébrer avec rayonnement Sa Théophanie, et chacun de nous a voulu entrer dans la joie de la fête uniquement par le jugement de la conscience. Celui qui a goûté aux dons pour lesquels se réjouit l'Église, celui-là se réjouit. Mais celui qui n'y a pas goûté, doit d'abord y goûter et se réjouir ensuite.

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après

Orthodox Life Magazine

1988 Vol 1, 

Jordanville, 

New York/USA




NOTES:

[1] Bethabara est le lieu au bord du Jourdain où saint Jean-Baptiste, le Précurseur, baptisa les foules et le Seigneur Jésus-Christ.

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