vendredi 3 juillet 2020

P. Patrick Burke: LE RETOUR DE LA "NOUVELLE ROME*

Photo: vaticannews.va
Photo: vaticannews.va

Ces réflexions sur la crise actuelle en Ukraine ont été faites par un prêtre anglican de l'Église d'Irlande, de tendance orthodoxe, qui sert dans le comté de Kilkenny, en République d'Irlande. Le père Patrick Burke est diplômé de l'Université nationale d'Irlande et du Trinity College de Dublin, et possède un master de l'Université d'État de Troy, en Alabama.

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Il y a de nombreuses années, lorsque Constantin a transféré la capitale de l'Empire romain à Byzance et l'a rebaptisée Constantinople, elle a souvent été appelée "la nouvelle Rome". Avec le temps et la disparition de l'Empire, ce titre s'est évanoui. Cependant, les échos de Rome semblent revenir à Byzance. Dans sa lettre à l'Église orthodoxe albanaise, le patriarche œcuménique Bartholomée a revendiqué un degré de juridiction universelle qui semble plus proche de la papauté que de l'Orthodoxie. On peut donc se demander si la Constantinople d'aujourd'hui commence à se considérer à nouveau comme la "Nouvelle Rome."

Ce qui se passe en Ukraine est mal compris, je pense, par la plupart des observateurs occidentaux. Ce n'est pas surprenant. Pendant ma formation de prêtre anglican, j'ai remarqué une chose curieuse concernant l'étude de l'histoire de l'Église. La grande majorité des livres sont partis presque directement de l'établissement du christianisme comme religion officielle de l'Empire romain sous Constantin jusqu'à l'époque de la Réforme au XVe siècle. Il s'agit là d'un décalage de plus de mille ans.

La raison, je pense, est que les livres qui examinent les choses d'un point de vue protestant voulaient sauter par-dessus ce qui était pour eux l'histoire de l'Église catholique romaine ; et même les volumes orientés vers le catholicisme semblaient préférer passer par les longs siècles au cours desquels rien de très dramatique ne s'est produit, afin de pouvoir passer aux années plus exaltantes de conflit et de confrontation qui ont eu lieu lorsque des personnages comme Martin Luther et Jean Calvin sont entrés en scène.

Mais ce saut dans de vastes pans de l'histoire de l'Église a un prix. Et ce prix est une ignorance générale non seulement d'une grande partie de cette histoire, mais aussi une ignorance particulière des relations entre l'Église à l'Est et à l'Ouest, et comment et pourquoi le grand schisme entre les deux a eu lieu au XIe siècle.

Le pourquoi et le comment de cette affaire sont trop complexes pour être abordés ici. Mais une raison très importante de la séparation était un rejet de l'Église d'Orient, conduit, ironiquement, par Constantinople, des revendications de Rome d'avoir une juridiction universelle sur l'ensemble de l'Église. Il ne peut donc sembler qu'étrange que Constantinople semble aujourd'hui vouloir imiter les revendications de son ancien rival.

Comme beaucoup en Occident, ma compréhension de la manière dont les différentes Églises orthodoxes se relient les unes aux autres est relativement pauvre. Mais je pense comprendre le principe de l'autocéphalie, qui est que chacune des églises est indépendante et autonome et qu'aucune des autres églises n'a le droit de s'immiscer dans la manière dont une autre église gère ses affaires. Et bien que je ne sois pas un expert des Canons de l'Église, j'en sais assez pour me rendre compte que rien dans ces Canons ne permet au patriarche œcuménique d'intervenir dans les affaires internes de l'Église en Ukraine, ni même de rejeter les objections à cette ingérence soulevées par l'Église orthodoxe albanaise.

En l'absence d'une base canonique à ces revendications de compétence, il me semble que tout ce qui reste est l'ancien statut de Constantinople en tant que Nouvelle Rome. Cependant, l'Empire a disparu depuis longtemps ; quel besoin a-t-on aujourd'hui d'une Nouvelle Rome ? Et Constantinople ferait bien de réfléchir au fait que si ces revendications devaient avoir un quelconque mérite, l'Ancienne Rome subsisterait encore ; elle ne peut faire valoir ses revendications que si elle accepte celles de l'autre. La résurrection de Constantinople en tant que Nouvelle Rome conduit inexorablement à sa subordination en obéissance à l'Ancienne.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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