mercredi 3 juin 2020

Hiéromoine Jean [Guaita]: Les bienfaits du Coronavirus


Le hiéromoine Jean (Guaita) est une figure éminente du clergé moscovite. Né le 26 novembre 1962 en Sardaigne, il est diplômé en littérature et en langues des universités de Genève et de Cagliari, et a effectué plusieurs séjours d'études à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Depuis 1989, il réside en permanence à Moscou où, pendant de nombreuses années, il a enseigné dans différentes universités d'État. 

Le 28 mars 2010, il a été ordonné diacre par le métropolite Hilarion, et le 11 septembre, il a été ordonné prêtre. Le 31 octobre de la même année, il a prononcé ses vœux monastiques dans la cathédrale de la Laure de la Très Sainte Trinité-Saint-Serge et aujourd'hui, il sert dans l'église moscovite des Saints Côme et Damien.

Nous proposons à nos lecteurs sa réflexion éclairante sur le sens spirituel de cette épidémie de Coronavirus, une élaboration qu'il a mise en ligne sur sa page Facebook en ces jours où il est touché par cette maladie. Au hiéromoine Jean va notre gratitude pour la réflexion combinée à la prière pour son prompt rétablissement.

Ce Coronavirus a une énorme utilité spirituelle, du moins, certainement pour moi.

Je n'ai aucun problème à vivre dans l'isolement. Dans des conditions normales, depuis un certain temps, dans la première moitié de la semaine, j'essaie de rester à la maison et de limiter au maximum les relations "extérieures" (qui, en revanche, dans la deuxième moitié de la semaine, sont toujours très nombreuses). Non seulement la solitude et l'isolement ne me pèsent pas, mais ils font peut-être partie de mon étrange vocation monastique et érémitique au sein d'une mégalopole.

Une chose est la solitude quand on est bien portant et qu'on peut lire, écrire, travailler, méditer, prier : c'est un ermitage qui est presque une fête ! Au contraire, quand vous devez vous asseoir ou vous allonger pendant des heures en totale INACTIVITÉ, parce que vous ne pouvez pas le faire : ni lire, ni écrire, ni travailler, ni prier... Chez moi, j'ai une merveilleuse chapelle avec des icônes, et un autel, et tout, mais... je ne peux pas le faire.

Je me souviens alors de l'inactivité absolue de Jésus sur la Croix, qui, pour nous tous, valait bien plus que tous Ses miracles les plus extraordinaires pris ensemble. Il est vrai qu'après le Coronavirus, rien ne sera plus comme avant : au moins notre "matérialisme spirituel", le fait que même la prière nous l'imaginons comme une activité (alors que la prière la plus élevée n'est offerte qu'à nous), cela devra certainement changer...

Je me souviens que le père Georges disait que pendant les jours de sa maladie, il passait son temps à se souvenir des noms de chacun, les faisant couler dans sa mémoire, comme s'il dénouait les nœuds d'un chapelet. Des centaines et des centaines de noms : de ceux qui m'ont aimé et que j'ai aimés, de ceux que je n'ai pas pu aimer, même si je le voulais, de ceux que j'ai déçus, ou blessés, de ceux que j'ai oubliés depuis longtemps... Maintenant, je peux me rétablir, seulement de cette façon, en disant le nom de chacun.

Chiara Lubich a vécu une expérience similaire et a écrit une magnifique page à ce sujet :

"Nous mourrions si nous ne Te regardions pas, Toi qui as transformé, comme par magie, toute amertume en douceur : Toi, sur la Croix dans Ton cri, dans la plus haute suspension, dans l'inactivité absolue, dans la mort vivante, quand, quand il faisait froid, Tu as jeté tout Ton feu sur la terre et, quand Tu as fait une stase infinie, Tu nous as remis Ta vie infinie, que nous vivons maintenant dans l'ivresse.

Il nous suffit de nous voir semblables à Toi, au moins un peu, et d'unir notre douleur à la Tienne pour l'offrir au Père.

Pour que nous ayons la Lumière, Ta vue t'a fait défaut.
Pour que nous ayons l'union, Tu as ressenti la séparation d'avec le Père.
Pour que nous ayons la sagesse, Tu es devenu ignorant.
Pour que nous puissions nous revêtir d'innocence, tu t'es fait "péché".
Pour que Dieu soit en nous, Tu l'as reesenti loin de Toi".

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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