Le combat spirituel qui nous est demandé ne peut pas dépendre du fait d'avoir un père spirituel. La plupart des chrétiens orthodoxes n'en ont pas, et le prêtre moyen n'a ni le temps, ni l'envie d'assumer le rôle de père spirituel auprès des membres de son troupeau.
Le simple fait de porter la charge de recteur, prédicateur, conseiller, confesseur, professeur, PDG et prêtre peut être un fardeau écrasant pour le clerc moyen. Ajoutez à ces fonctions l'obligation qu'a un prêtre envers son épouse et sa famille, et on a le risque du burn out. Faut-il s'étonner que tant de prêtres aient ce regard glacé sur leur visage lorsque quelqu'un s'approche avec des questions spirituelles qui nécessiteraient plus de temps que le prêtre moyen n'est capable d'en donner.
A cela s'ajoute le fait que la plupart des séminaires orthodoxes n'enseignent pas la psychologie pastorale, ce qui donne au prêtre le sentiment d'être submergé par des paroissiens souvent troublés, dont les besoins sont trop importants pour un seul homme. De nombreuses églises hétérodoxes ont un personnel assez important, ce qui les rend plus aptes à aider leurs fidèles dans tous les aspects de leur vie, les ministres laïcs contribuant beaucoup à l'aide globale que ces églises protestantes sont en mesure d'offrir.
Le fait que l'Église dispose de directives régissant les nombreuses périodes de jeûne doit souvent suffire au paroissien, car le prêtre n'a pas toujours le temps d'être le guide en la matière. La nécessité de discerner son propre combat spirituel, souvent sans règle de prière, peut aggraver la lutte pour la personne qui souhaite approfondir sa vie spirituelle.
Nous voulons consacrer notre vie à Dieu à plein temps, mais nous n'avons pas le guide nécessaire pour nous maintenir sur la bonne voie. Les possibilités de service à l'Église, que ce soit en servant à l'autel, en chantant dans la chorale, en enseignant l'école du dimanche ou en siégeant au conseil paroissial, sont souvent le meilleur moyen de consacrer davantage de temps à vivre l'Orthodoxie d'une manière qui ne se limite pas aux offices du dimanche.
Que faire ? Prier pour que Dieu nous envoie un père ou une mère spirituels peut être un bon premier pas dans l'approfondissement de notre engagement envers le Christ. Nous ne pouvons pas nous contenter d'ordonner ce que Dieu a pour nous, mais nous devons nous assurer que nous sommes ouverts au mouvement de l'Esprit Saint dans nos vies. Faire de la vie autour de l'Église une grande priorité de notre semaine peut être un bon début. L'Orthodoxie est par nature une foi qui exige une pleine participation et un engagement profond, sinon elle devient une religion comme une autre, dépourvue de valeur salvatrice et transformatrice.
Si l'Orthodoxie doit être autre chose que de la simple magie, avec le prêtre comme une sorte de magicien qui exécute les bonnes formules, nous permettant ainsi de sentir que nous avons fait tout ce qu'il fallait, notre Orthodoxie aura échoué. Lisons-nous les lectures quotidiennes prescrites des Ecritures ? La vie des saints a-t-elle un impact sur notre vie, parce que nous lisons à leur sujet ? Nous préparons-nous à la confession du samedi soir en prenant note de nos péchés pendant la semaine, et en étant prêts à rendre des comptes devant Dieu, avec le prêtre comme témoin ? Respectons-nous la norme orthodoxe dans notre vie publique, ou nous laissons-nous perdre dans la foule, en rejetant nos obligations envers Dieu pendant la semaine ?
Il est toujours bon d'avoir un père spirituel, mais l'absence de celui-ci ne peut pas être une excuse pour vivre notre christianisme à la légère. Si nous permettons à notre orgueil de nous empêcher de révéler nos péchés en confession, nous nous condamnons à la médiocrité et ne verrons aucune croissance spirituelle. Si nous sentons que nous n'avons pas besoin de nous mettre au défi de marcher plus profondément avec le Christ, parce que les autres ne le remarqueront probablement pas, nous trompons Dieu et nous nous trompons nous-mêmes.
La vie spirituelle est une aventure, pleine d'embûches ET de grandes hauteurs. Si nous faisons de ce voyage notre principale raison de vivre, la récompense sera grande.
Si nous essayons de vivre notre vie en plaçant l'Église dans un rôle secondaire, nous finirons notre vie comme des perdants, et ayant perdu la bataille et la récompense.
Oui, il est préférable que nous ayons un père spirituel, et nous devrions prier pour que Dieu nous envoie un tel guide, mais la route vers le paradis doit commencer par un engagement à faire de ce voyage notre principale priorité.
Nous sommes en voyage, et cela commence par ce premier pas. Le Christ se tient avec nous, prêt à nous relever lorsque nous tombons, et même à nous soutenir lorsque nous trébuchons ou que nous nous relâchons.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire