Zanthe 1er Octobre 2019
Récemment, plusieurs hiérarques et membres du clergé du
Patriarcat de Moscou se sont rendus en pèlerinage dans les îles Ioniennes
grecques, où ils ont eu l'occasion de rencontrer les dirigeants grecs de Zanthe
et Dodoni et de discuter des événements orthodoxes actuels.
Au cours de la conversation, Son Éminence le Métropolite
Chrysostome de Dodoni s'est exprimé sur la question ukrainienne, révélant
l'influence de la conception particulière du Patriarcat de Constantinople sur
certaines hiérarques de l'Église grecque.
Le dimanche 15 septembre, Son Eminence le Métropolite
Isidore de Smolensk et Sa Grâce l'Evêque Séraphim de Bobruisk de l'Exarchat
biélorusse et deux prêtres accompagnateurs ont été chaleureusement accueillis
au Monastère des Strofades et de Saint Denys de Zanthe par Son Eminence le
Métropolite Denys II et par Son Eminence Chrysostome de Dodoni, précédemment
hiérarque de Zanthe, rapporte nyxthimeron.com.
Après avoir visité l'église sépulcrale de Saint Denys, les
invités ont visité le musée ecclésiastique, échangé des cadeaux et se sont vu
servir un riche repas au cours duquel ils ont rencontré Chrysostome, évêque depuis
1976, qui a exprimé son amour nostalgique pour les deux anciens patriarches de
Moscou, avec lesquels il avait des liens étroits, ainsi que pour plusieurs
autres figures historiques de l'Église russe.
Cependant, le Métropolite a révélé une autre attitude envers
l'Église russe lorsque les invités ont abordé le sujet de la crise ukrainienne
en cours. "Avec l'audace qui le distingue,[il] a souligné que tout
problème aurait pu être soulevé et résolu au Saint et Grand Conseil de Crète
(2016) si le Patriarcat de Moscou n'avait pas refusé, sous diverses excuses,
d'y assister, sabotant ainsi l'unanimité et l'unité, et même contraignant les
autres Églises. C'est parce que la Russie a toujours l'ambition d'être la
" Troisième Rome ", rapporte nyxthimeron.com.
Si le Métropolite Chrysostome est simplement devenu vague
sur les détails dans les années qui ont suivi le Concile ou s'il déformait
intentionnellement le calendrier n'est pas clair.
L'Église orthodoxe bulgare a annoncé le 1er juin 2016
qu'elle n'assisterait pas au Concile ; l'Église antiochienne a annoncé le 6
juin qu'elle n'y assisterait pas ; et l'Église orthodoxe géorgienne a annoncé
le 10 juin qu'elle ne le ferait pas. Ce n'est qu'après le retrait de ces trois
Églises que l'Église russe a annoncé qu'elle ne pouvait y assister.
De plus, les Églises ne se sont pas simplement retirées,
mais ont plutôt demandé que le Concile soit reporté afin que leurs questions
respectives puissent être traitées. Le Patriarcat de Moscou a spécifiquement
proposé de tenir une session préconciliaire d'urgence à cette fin, mais le
Patriarche Bartholomée a refusé de le faire, choisissant plutôt de faire
avancer le Concile sans unité panorthodoxe complète.
Alors que le Patriarcat de Constantinople reproche à
l'Eglise russe d'avoir influencé les autres Eglises à se retirer, cela est
toujours resté une spéculation sans fondement, tout comme les craintes
paranoïaques d'une ecclésiologie de "Troisième Rome". Une position de
respect pour les autres Églises locales leur permet de parler pour elles-mêmes,
et chacune des Églises a exprimé ses propres raisons sérieuses de se retirer du
Concile.
Et malgré ce qu’en dit le Métropolite Chrysostome, la
question ukrainienne n'aurait pas été abordée en Crète, même si l'Église russe
y avait assisté, comme l'a dit le Patriarche. En janvier 2016, Bartholomée
avait déjà reconnu publiquement qu'il n'était pas à l'ordre du jour. L'ordre du
jour officiel du Concile de Crète a été publié le 28 janvier, et n'incluait pas
non plus le sujet de l'autocéphalie et comment l'accorder.
Le patriarche Bartholomée a fait référence au fait que
l'autocéphalie n'a pas été traitée en Crète pour justifier sa revendication du
droit d'accorder l'autocéphalie à n'importe qui, n'importe où.
Lors d'une rencontre avec les hiérarques russes, le
Métropolite de Dodoni a également déclaré que chaque nation a le droit à
l'autodétermination et à l'autocéphalie de l'Église. Rappelons, cependant, que
le Patriarcat de Constantinople revendique pour lui-même de grandes parties de
la Grèce, il y a donc deux Églises locales opérant dans une même nation.
Le Métropolite Chrysostome a également noté que
l'autocéphalie est généralement donnée par le Patriarcat de Constantinople,
comme ce fut le cas avec la Russie, la Grèce, la Serbie, la Roumanie et la
Bulgarie. Il convient toutefois de noter que ces territoires relevaient de la
juridiction du Patriarcat de Constantinople avant l'autocéphalie, alors que
l'Ukraine ne fait plus partie de Constantinople depuis plus de 300 ans. De
plus, l'Église géorgienne a reçu son ancienne autocéphalie du Patriarcat
d'Antioche.
En ce qui concerne l'inquiétude des clercs russes au sujet
du "patriarche" Philarète Denissenko, le Métropolite Chrysostome a de
nouveau insisté sur le fait que tout aurait pu être réglé sans les efforts de
l'Église russe pour "torpiller" tout concile panorthodoxe. Rappelons
que Sa Béatitude le Patriarche Jean X d'Antioche, et beaucoup d'autres primats,
hiérarques et synodes, ont spécifiquement fait appel au patriarche Bartholomée
pour convoquer un concile panorthodoxe pour traiter de la question ukrainienne,
et le patriarche Bartholomée refusa catégoriquement, invoquant l'échec du
concile de Crète.
Le hiérarque grec a également critiqué l'Église russe pour
avoir cessé la communion eucharistique avec le patriarcat de Constantinople,
bien que les rapports ne mentionnent pas s'il a précisé comment, selon lui, une
Église devrait répondre à une autre Église locale qui envahit son territoire de
manière non canonique et érige des schismatiques en nouvelle Église.
Le métropolite Chrysostome conclut par une remarque très
révélatrice, notant que l'Église de Grèce est de la même ethnie et de la même
race que le patriarcat de Constantinople, et qu'il est donc inconcevable pour
elle de ne pas s'aligner sur Constantinople.
Le métropolite grec fait écho au sentiment du patriarche
Bartholomée et du patriarcat de Constantinople avec de telles remarques.
Certains médias grecs et ukrainiens ont à plusieurs reprises qualifié la
question ukrainienne de "Russie contre l'Ukraine" ou de "Russie
contre Constantinople", plutôt que de la considérer sous l'angle de
l'Orthodoxie.
En octobre de l'année dernière, le patriarche Bartholomée
lui-même déclarait que "nos frères slaves ne peuvent tolérer la primauté
du patriarcat œcuménique et de notre nation dans l'Orthodoxie" et que
"que nos frères russes le veuillent ou non, tôt ou tard, ils suivront les
décisions du patriarche œcuménique, car ils n'auront d'autre choix".
Une attitude similaire s'est manifestée récemment lorsque le
Métropolite Ephraïm d'Hydra, Spetai et Égine a menacé de punir canoniquement
trois clercs qui avaient écrit une lettre de soutien à Sa Béatitude le
Métropolite Onuphre de Kiev et d'Ukraine. Considérant la question comme une
question d'inimitié ethnique plutôt qu'une question de Sainte Orthodoxie, le
métropolite a interprété leur soutien au Métropolite Onuphre comme une
déclaration de loyauté au Patriarcat de Moscou, plutôt que comme la déclaration
de loyauté envers les canons sacrés qu’ils mentionnaient.
Une telle attitude contraste fortement avec celle de
beaucoup d'autres hiérarques, dont Sa Sainteté le Patriarche Irinée de l'Église
orthodoxe serbe, qui a récemment dit que l'Église serbe est autocéphale et
égale à toutes les autres Églises autocéphales, car la supériorité raciale ou
ethnique n'a aucune place dans l'Église du Christ.
Version française
Claude Lopez-Ginisty
d’après
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire