lundi 5 août 2019

Sur le blog de Laurence: Les oiseaux



Sur cette photo de 1892, trouvée sur un fil de nouvelles, ces enfants russes écoutent les oiseaux. Regardez leurs expressions, leurs attitudes, leur attention paisible, presque leur ferveur, et vous comprendrez à quel point nous avons dégringolé, avec le fameux "Progrès". Ces enfants-là n'avaient pas, dès le ventre de leur mère, les oreilles et la tête farcies de musique synthétique aussi immonde qu'obsédante, ils n'entendaient ni la perceuse ni les motos, ni la débroussailleuse, ni la radio à tue-tête. Ils écoutaient les oiseaux.
Un ami violoniste et folkloriste de talent me racontait que sa mère d'origine paysanne, quand il était petit, dans les années 50, l'emmenait dans la forêt et le posait près d'un ruisseau, pour lui faire écouter l'eau, le vent, les oiseaux...
Maintenant, je suis obligée de choisir le moment pour pouvoir me livrer à cette occupation vitale, entre la tondeuse et la radio des voisins, les gosses circulent à vélo avec la radio, ils ne savent plus exister sans ce tintamarre, qui fracasse l'âme et l'esprit, et les ferme à le beauté du monde. Ils n'écoutent pas les oiseaux. Et ils n'ont plus du tout ce genre d'expressions, ils ont quelque chose d'obtus, de nerveux, ils sont façonnés par tout ce tohu-bohu survolté, dans lequel ils grandissent, par cette cacophonie, et par la laideur que produisent autour d'eux des gens qui jamais ne s’assoient pour écouter les oiseaux et le vent, et la chanson qui pourrait monter en eux et venir éclore sur leurs lèvres.
En quelque cent ans, les humains sont sortis, volontairement ou forcés, du cercle enchanté de la vie pour se faire la proie d'une grande machine grinçante qui dévore tout sur son passage. Tout ce que nous faisons est hideux, mortifère, nous nous sommes détournés de Dieu pour adorer le veau d'or et Moloch, auquel nous sacrifions les enfants, au propre et au figuré, les transformant en chair à canon, chair à débauche. Malheur aux sinistres bergers qui nous ont menés là où nous en sommes, la carotte dans une main et le bâton dans l'autre. Bouchers illusionnistes. Bonimenteurs du diable.
Combien de ces petits enfants ont été emportés plus tard dans la tourmente révolutionnaire?
Fervents petits enfants de la sainte Russie au coeur aussi ouvert que les oreilles.

1 commentaire: