mardi 20 août 2019

Hiéromoine Savvaty [Bashtovaya]: HONTE AVANT LA CONFESSION


Que faire quand on est gêné de confesser une certaine sorte de péché? La réponse à cette question se trouve dans n’importe quel guide de confession, mais je pense que la réponse n’est pas la guérison. Je suis sûr que c’est la raison pour laquelle tu recherches une réponse, une réponse différente de celle-ci, que tu connais sans doute déjà, mais qui, dans l’état où tu te trouves, ne t’est d’aucune utilité. Par conséquent, je ne réponfrai pas de manière classique: «Honte au Diable, il doit être vaincu et il faut confesser son péché! » 

L’évêque Anthony [Bloom], évêque de Souroge, s'est rappelé avec émotion un incident de sa jeunesse qui a changé sa vie. J'avoue que cet incident a eu le même effet sur ma vie. 

Un jour, à la fin de l’office, un jeune homme s'est adressé au prêtre pour être oint, et ce dernier l'a troublé en paraissant ivre. Néanmoins, par une courtoisie hypocrite, il voulut embrasser sa main, mais le prêtre la retira timidement, s'excusant pour l'état dans lequel il se trouvait. 

Lorsque les gens se furent dispersés, le jeune homme, touché par cela, s'adressa au prêtre pour lui demander pardon. Le prêtre avait l'air tellement abattu qu'il pleurait presque. Et il avoua au jeune homme qu'il regrettait, mais il n’en pouvait plus, car sa femme et son enfant venaient de mourir dans un accident. 

Le futur métropolite de Souroge fit alors la révélation suivante, simple mais fondamentale. Il comprit que lire la Bible au sujet de la patience de Job était une chose, et la citer à titre d'exemple pour les autres quand on les voit en deuil, en est une autre quand un si grand malheur vous arrive. 

Une vie chrétienne authentique commence par cette tâche simple - comprendre que nous ne pouvons pas toujours suivre les conseils (très bons cependant) des saints Pères et même du Sauveur lui-même. Nous n’avons pas toujours la force nécessaire pour cela, le courage et la volonté. 

Mais malgré cela, nous n'oublierons pas que même alors (que nous soyons tentés par des démons ou même que nous tombions sous leur pouvoir, ou que nous soyons tentés par des impulsions normales de la nature), nous restons néanmoins chrétiens. Les chrétiens sont vulnérables, mais chrétiens. Par conséquent, comprenons que la vie d’un chrétien ne se compose pas seulement de victoires, pas seulement de succès, mais peut-être, pour l’essentiel, de défaites, mais de défaites seulement vécues avec courage. 

Pour nous chrétiens, une défaite subie avec courage est plus qu’une victoire indigne remportée avec arrogance. Une telle victoire peut facilement vous éliminer du champ de bataille. Dans notre cas, si quelqu'un confesse ses péchés avec une grande facilité, il peut alors se demander: pourquoi cela lui arrive-t-il? Est-ce parce qu'ils ne lui semblent pas si lourds? Est-ce parce qu'il n'avait pas l'esprit de véritable repentir? 

Oui, l'avortement, l'inceste, l'homosexualité, la nécrophilie et le meurtre peuvent être votre péché. Mais sachez simplement qu'il y a des gens qui confessent ces péchés presque calmement, mais quelque part, dans un monastère oublié, il y a peut-être un novice terriblement triste parce qu'il a mangé une pomme de cet arbre, et qu'il n'a pas eu la bénédiction de la manger. Nous, dans le Patéric, avons un tel cas lorsqu'un novice était terriblement tourmenté par le fait que, ayant une obédience au réfectoire (dans la cuisine), il avait goûté l'huile dans un pot [sans bénédiction][1] . 

Donc, à mon avis, la honte que nous ressentons au moment de confesser un péché peut dépendre moins de la gravité du péché commis que de l'intensité de notre repentir. Afin d'empêcher la repentance, si courageuse et si agréable à Dieu, récompensée par une couronne de victoire, le Diable s'arme contre nous et renforce notre confusion, en augmentant non seulement la honte, mais également le désespoir. 



Mais qu'est-ce que cela signifie que l’on doit se déclarer vaincu? Est-il possible que tu ne puisses pas confesser un certain péché à un prêtre? Non, Pas encore. Ce n'est qu'un coup, un coup qui implique naturellement chaque lutte. Mais ce n’est pas une défaite, c’est toujours du corps à corps. La défaite se produit lorsque nous commençons à fuir non seulement le prêtre, mais même le Christ, lorsque l’on commence à penser que non seulement le prêtre ne peut pas nous comprendre, mais le Christ non plus. Et même Il ne peut pas te pardonner ! 

Nous avons dit que cette honte peut être causée non pas par le poids du péché, mais par l'intensité de la repentance. Et il serait très triste de manquer l'occasion d'obtenir la couronne de victoire du repentir à cause de notre embarras. Cette couronne attend le vainqueur dans un endroit plus haut que nous et imagine: nous n’avons rien où nous puissions aller pour l’obtenir - pas un banc, pas une pierre, pas une souche. Tout ce que nous avons à portée de main est notre péché, sur lequel il faut marcher, comme sur une échelle, comme sur un dais et obtenir une couronne. 

Donc, si tu ne peux pas voir le prêtre, avec qui tu te confesses habituellement, va voir un prêtre inconnu, va dans une autre ville où personne ne te connaît et vois le premier prêtre sur votre chemin, vois-le. 

Et si tu as cessé de faire confiance aux prêtres, parce que tu peux tomber dans cette tentation, fais appel à une personne en qui tu as confiance. Et si tu n’as pas même une telle personne, parle sans hésiter à Dieu et dis-le Lui constamment. En fait, je suis convaincu que le souvenir du péché te persécute de manière obsessionnelle, mais dis-le ouvertement, dans l’espoir de ne pas fuir Dieu. 

Prenons le cas de Pierre et Judas à titre d'exemple. Judas, également, enflammé par le repentir, courut et jeta de l'argent obtenu du sang. Judas, contrairement à Pierre, reconnaissait le sang du Christ "innocent" (Matt. 27, 4), c'est-à-dire qu'il s'opposait pratiquement à la décision des Juifs, à tout le temple condamnant le Christ à mort. 



Pierre n'avait pas la force de le faire, même devant une simple femme qui disait l'avoir vu parmi les disciples. Pierre jura, renonçant au Christ, tandis que Judas Le déclara sans crainte innocent, non seulement à une femme simple qui ne pouvait rien lui faire, mais également à des législateurs juifs qui pouvaient le mettre à mort. 

Et pour autant, la grande repentance de Judas ne l'aida en aucune manière, car Judas, bien que repenti, s’était éloigné de Dieu, il n'a pas eu le courage de se confesser à Lui. Judas, qui a eu le courage de confesser cela aux gens, n'a pas eu le courage de se confesser à Dieu, et Pierre, bien qu’effrayé et honteux devant les gens, le moment venu, se confessa à Dieu. 

Quelle était la confession de Pierre? Peut-être qu'il a dit: "Seigneur, j'ai péché en te trahissant, pardonne-moi"? Non Pierre s’est confessé d'une manière différente, choquante pour nous. Pierre a dit: «Seigneur! Tu sais tout; Tu sais que je t'aime » (Jean 21, 17). 

Alors répéte, même si tu n’y crois pas toi-même. Dis-le précisément parce que c'est un mensonge, mais seulement le mensonge dont tu rêverais, afin qu'il soit vrai. Peut-être que c'est juste la vérité, la vérité que peu d'entre nous peuvent réaliser, mais dont nous sommes jaloux. Crie et répète ce mensonge à Dieu, dis-le en face. 

- Seigneur! Tu sais tout; Tu sais que je T'aime. 

Dieu connaît notre péché, il le connaissait avant même de nous amener dans le monde. Et pourtant Il n'a pas empêché notre naissance. Cela n'indique-t-il pas la confiance de Dieu en nous, cela n'indique-t-il pas le grand espoir qu'Il a placé sur nous? Pourquoi décevoir un homme-Dieu aussi merveilleux que le Christ? 

Le même métropolite Anthony dans l'un des sermons du jour de Noël […]offre une discussion qui ne porte pas tant sur la foi de l'homme en Dieu - ce sujet est déjà très largement abordé - combien sur la foi de Dieu en l'homme. Vladyka peint le Conseil de la Sainte Trinité lors de la création de l'homme. Dieu le Père aurait alors déclaré: 

- Créons l'homme à notre image et à notre ressemblance (cf. Genèse1, 26). 

"Oui, mais cet homme tombera", dit l'Esprit, "et toi, le Fils, devras mourir pour lui." 

- Alors le créer pour nous ou ne pas le créer? - demanda le Père. 

"Le créer," répondit le Fils. 

C'est l'espoir que Dieu a placé en l'homme! Nous confessons ce Dieu, nous avons honte de Lui, nous L'aimons. 

Si tu ne peux pas toujours confesser ton péché au prêtre, ne désespére pas: dis-le à Dieu. Et ajoute à ce péché toutes les raisons pour lesquelles tu ne peux pas le confesser. Dis tout à Dieu tel quel, simplement. Et ne t’éloigne pas de Dieu. 

Tu peux Lui dire qu'Il est injuste envers toi, que c'est à Lui de se faire des reproches pour ton péché, tu peux Le calomnier devant toute la terre, tous les prêtres et tous les évêques, mais il te suffit de tout dire devant Lui et de ne pas te calmer avant de recevoir Sa réponse. Peut-être qu'à un moment donné, tu comprendras que ce que tu Lui dis est un mensonge, ou peut-être pas. Mais sache simplement qu'Il te comprendra, peu importe ce que tu Lui dis. Et calme-toi. 

Vous pouvez tout lui dire - pour que tu n’as pas à te tourner vers les gens. Mais méfie-toi des calomnies envers les prêtres ou toute autre personne, devant les gens, jusqu'à ce que tu te calmes complètement. 

Blâme tout le monde devant Dieu, car Il te comprendra, Il sait tout. Et toujours, aussi désespéré et indigné que tu puisses être, n’oublie pas que tout n’est qu’une tentation, une tentation temporaire que tu dois vaincre. 



Il viendra un moment où tu pourras dire ceci [ta confession] au prêtre, c'est-à-dire également à Dieu, mais avec un témoin. Cela ne te semblera plus aussi difficile, car c’est aussi un homme tourmenté par les pensées, comme toi, comme le dit le saint apôtre Paul: la créature n’est-elle pas tourmentée et soupire d’une manière indescriptible, en attente d’adoption (cf. Romains 8, 22-23) ? 

Vois cela comme un péché mineur, une sorte de péché. Que la vie dans le futur puisse te plonger dans de si grands péchés, que ce qui tegêne en ce moment te semblera absurde. Et si tu ne peux pas confesser ce péché, que feras-tu avec ceux-là? 

« Prends courage, j'ai vaincu le monde » (cf. Jean 16: 33) 


Version française Claude Lopez-Ginisty 

d’après 

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