samedi 20 juillet 2019

Serge Riazantsev: L'ORIGINE DE L'ABSURDITÉ/Sur le dernier roman de Dan Brown



Fiodor Dostoïevski a exprimé l'idée suivante dans un de ses journaux intimes : "Le socialisme, le communisme et l'athéisme sont les trois disciplines les plus faciles. Un jeune homme se considère comme un homme sage, après les avoir mises dans sa tête. De plus, ces disciplines se prêtent plus facilement à une explication populaire que toute autre."

Nous allons maintenant discuter d'une de ces explications populaires : un livre que l'on peut facilement trouver sur l'étagère des "best-sellers" de la plupart des librairies.

Le livre en question est le roman "Origine", écrit par l'auteur américain Dan Brown. Il s'agit des aventures habituelles du professeur et cryptologue Robert Langdon, et il fait partie d'une série qui a maintenant dépassé 200 millions d'exemplaires publiés et a été traduite dans plus de 56 langues. Il convient de noter que dans "Le Da Vinci Code", le livre qui a fait la renommée de l'auteur, seuls les derniers chapitres étaient consacrés à une attaque prudente contre le christianisme (sous la forme d'une paraphrase libre d'hérésies presque oubliées et longtemps réfutées [1] sur la nature humaine du Christ), alors que « Origine » est entièrement consacrée à ce thème, à une attaque sur toutes les religions du monde à la fois. C'est ce qui arrive souvent - une fausse idée qui n'a pas été rejetée au départ par la conscience de masse commence à grandir avec le temps. Comme dirait Joseph Goebbels : "Un mensonge dit mille fois devient vérité".

D'ailleurs, en 2018, selon le classement des livres les plus populaires sur les étagères du "book-crossing" (un programme d'échange de livres) dans le métro de Moscou, le Da Vinci Code est classé parmi les meilleurs. Combien d'autres millions de personnes liront ces livres, et combien d'autres seront capables de semer la confusion ? Combien de personnes absorberont sans discernement cette tromperie apparemment inoffensive ?

Il est difficile de soulever des objections raisonnables à l'encontre de l'auteur lorsque, dans ses livres précédents, il écrit avec sérieux, par exemple, que les chrétiens ont emprunté la pratique de recevoir la Sainte Communion des Aztèques. Un enfant scolarisé obtiendrait à juste titre un "F" en histoire pour une telle affirmation [F pour Fail (70/100), la note la plus basse dans le système de notation américain qui va de A à F !] La distance entre les Aztèques et la première communion décrite dans le Nouveau Testament marque une période de 1500 ans et une distance de plusieurs milliers de kilomètres entre deux continents différents. Ces deux cultures ne sont pas entrées en contact avant la découverte de l'Amérique en 1492. Cependant, Dan Brown et ses éditeurs réussissent à vendre des millions d'exemplaires avec de telles "découvertes". C'est ça, le talent, le talent du marketing !

Sur la première page du livre "Origine", nous lisons ce qui suit dans la préface : "Fait : Tout l'art, l'architecture, les lieux, la science et les organisations religieuses de ce roman sont réels.

Cela est évidemment censé donner un sentiment de crédibilité au lecteur. Essayons donc de comprendre ce qui existe réellement dans la réalité, et ce qui n'existe que dans l'imagination de l'auteur.

L'idée principale, au cœur de tout le roman, est un choc entre la science et la religion. Presque à chaque page, l'idée suivante est énoncée de différentes manières : tout ce qui est "scientifique" contredit la "religion", et tout ce qui est "religieux" ne peut en aucun cas être "scientifique". Ces déclarations sont étranges, à tout le moins parce qu'elles ne sont pas scientifiques. L'existence d'un seul scientifique religieux (et ils représentent en fait plus de la moitié du nombre total de scientifiques [2]) dénonce déjà cette fausse hypothèse. Mais revenons au livre.

L'intrigue : Edmond Kirsch, personnage de fiction, athée zélé et futurologue à temps partiel, fait une sorte de découverte scientifique. Le scientifique s'empresse de partager cette découverte avec le monde entier, en faisant une présentation au musée d'art moderne, au cours de laquelle il est tué. Comme vous pouvez facilement le deviner, le professeur Robert Langdon doit découvrir tous les secrets, les chiffres et les codes, et néanmoins révéler la découverte au monde. Notons que le livre compte moins de 600 pages, dont 500 décrivent cette découverte sous forme d'indices :

Elle révélera le plus grand mystère de l'humanité ;


elle est "révolutionnaire" et "ingénieuse" ;


elle ouvrira une nouvelle ère dans l'histoire de l'humanité ;


cela réfutera toutes les religions du monde ;

Il y a quelque chose d'infiniment naïf là-dedans. Selon l'American Analytical Pew Research Center, environ 5,8 milliards de personnes sur les 7 milliards de la population totale de la Terre se considèrent comme religieuses [3], c'est-à-dire adeptes d'une religion particulière. Mais, une fois que cette présentation sera montrée à ces 6 milliards de personnes dans le monde, tout ce en quoi elles croient sera instantanément "réfuté"...

La découverte ingénieuse d'Edmond Kirsch s'avère être.... une redire la théorie de l'évolution. L'essence de l'enseignement de Darwin est en fait très simple - il est basé sur une hypothèse, jamais prouvée par personne, sur l'origine spontanée de la vie dans une sorte de "soupe primordiale". Quelque chose de vivant est apparu de quelque chose de mort. Notons que, sur le plan académique, l'hypothèse elle-même peut être qualifiée de science, dont l'un des signes est la présence d'une hypothèse scientifique (hypothèse). Mais quand on commence à aller plus loin, les choses deviennent plus difficiles.

Le critère fondamental d'une hypothèse est qu'elle doit être vérifiable ; il doit y avoir un moyen de le vérifier par expérience critique. Si quelqu'un affirme que ce qui est vivant est né de quelque chose de mort, c'est une supposition étrange, mais il a le droit de le proposer. Il ne reste plus qu'à prouver (ou réfuter) cette hypothèse par une expérience. Les scientifiques disposent aujourd'hui des laboratoires les plus modernes, ainsi que de toutes les combinaisons possibles d'éléments et de produits chimiques organiques et inorganiques, la possibilité de reproduire toutes les conditions environnementales (chaleur, froid, charges électriques qui imitent le tonnerre et la foudre de la théorie de la "soupe primordiale"). Quand quelqu'un réussira à faire sortir au moins une cellule vivante de la matière morte, nous en parlerons. Le succès que les partisans de la théorie de Darwin ont eu avec cela au cours des 150 dernières années est tout à fait modeste - il est tout simplement inexistant. Rien de vivant ne semble vouloir sortir de quelque chose de mort.

Il faut maintenant clarifier quelque chose : un ordinateur quantique universel à part entière est encore un dispositif hypothétique. Pratiquement seulement une poignée de systèmes expérimentaux sont mis en œuvre aujourd'hui et sont utilisés pour exécuter des algorithmes fixes et non complexes.

C'est autour de l'expérience décrite ci-dessus (c'est-à-dire des tentatives d'imitation de la génération spontanée de la vie sur une planète) que Dan Brown construit son intrigue. L'auteur agit de façon directe et audacieuse ; si l'hypothèse n'est pas étayée par les faits, alors c'est encore pire pour les faits. Au cours de l'intrigue, il s'avère qu'Edmond Kirsch (qui - juste un rappel - est un personnage fictif), à l'aide d'un supercalculateur quantique qu'il a inventé lui-même (mais qui n'existe pas en réalité), lance une sorte de modèle mathématique. Puis, sur la base d'une technique utilisée dans la production de dessins animés ("tweening", comme on l'appelle, un processus dans lequel des images de transition sont générées entre deux images clés), Kirsch prouve que la vie sur Terre est née d'elle-même.


Et c'est tout.


Et ce n'est pas moins une illustration qui peut être donnée par les nombreuses autres idées qui ont été apparemment abandonnées par coïncidence ici et là tout au long de l'ouvrage. C'est l'un des principaux signes de la manipulation de la conscience : lorsque des déclarations non prouvées sont introduites par hasard, à la légère, comme quelque chose qui est censé être bien connu. Par exemple, au cours de la présentation d'Edmond Kirsch, il est dit ce qui suit au sujet des principaux problèmes qui se dressent sur le chemin du libre développement de la science :

"....des panneaux d'affichage religieux condamnant la recherche sur les cellules souches, les droits des homosexuels et l'avortement..."

L'idée n'est pas expliquée, il suffit de croire qu'il est vrai que quiconque est contre les droits des gays et les avortements est aussi contre la science. Plus loin dans le texte, tout au long du roman, il y a un "bombardement d'information" contre les concepts suivants : monarchie (de toute sorte), religion (toutes), et valeurs familiales traditionnelles ; tandis que les avortements et le mariage homosexuel sont présentés comme de bonnes choses.

Par exemple, il y a une allusion tout à fait transparente à la relation homosexuelle entre un roi d'Espagne âgé et un évêque catholique, qui est dépeinte comme un "amour" auquel "chacun a droit". Ou bien il y a cet incroyable "credo" tenu par l'un des personnages présentés de manière positive - un prêtre catholique progressiste :

"Nous devrions tous faire ce que tant d'églises font déjà - admettre ouvertement qu'Adam et Ève n'existaient pas, que l'évolution est un fait, et que les chrétiens qui déclarent le contraire nous rendent tous ridicules.

Alors, comme on dit, quel est le résultat net ? Un personnage fictif, à l'aide d'un ordinateur quantique inexistant, utilisant la technologie des dessins animés, tire une conclusion non prouvée par des expériences sur la génération spontanée de la vie sur la planète Terre. Et c'est tout ? Oui, c'est tout !

Excellent marketing. Et une "découverte révolutionnaire" absolument inutile.

Version française Claude Lopez-Ginisty

d'après



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