lundi 22 juillet 2019

Moine Barsanuphe (Kuznetsov): COMMENT ST. NICOLAS EST DESCENDU VERS LES SOLDATS DANS LES TRANCHÉES. UNE HISTOIRE VRAIE DE 1944



Cette histoire m'a été racontée par mon grand-père qui a participé aux événements décrits ci-dessous.

Mon grand-père Fyodor Sidorovitch est parti au front en 1941. Il fut affecté au 282e régiment d'infanterie de la 19e division d'infanterie. Dans les premiers mois de la guerre, il y eut des combats très violents et féroces sur le front occidental, et dès août 1941, il fut grièvement blessé à la tête, aux deux jambes et au bras droit. Après son rétablissement, il fut envoyé sur le front baltique. 

Mon grand-père reçut la joyeuse nouvelle de la victoire alors qu'il était à l'hôpital parce que peu de temps avant, en février 1945, il avait de nouveau été gravement blessé par un éclat d'obus de mortier lors d'une reconnaissance de contact près de Libava [le nom moderne : Liepāja - un port dans l'ouest de la Lettonie, en mer Baltique -NdT] Pour ses mérites au combat, mon grand-père Fiodor Sidorovitch reçut l'Ordre de l'Étoile rouge et d'autres ordres et médailles. Il n'était pas particulièrement enthousiaste à l'idée de se souvenir des années de guerre et préférait ne pas répondre aux questions de ses proches à ce sujet. Cependant, son grand-père partageait volontiers un épisode de son passé militaire, qui lui tenait tant à cœur. 

Il se considérait lui-même comme un homme religieux, bien qu'il n'ait jamais fait étalage de ses sentiments religieux aux yeux des gens. La flamme de la foi qu'il portait dans le creuset de la Grande Guerre patriotique [Seconde Guerre mondiale] avait été allumée en lui par ses parents. Et quand mon grand-père se souvenait de sa mère, il racontait cette histoire miraculeuse avec des larmes dans les yeux.

C'était en 1944. Il y avait partout un air de victoire imminente, mais la mort n'avait pas perdu son emprise. Une couverture de brume couvrait le champ de bataille, parsemé d'obus non explosés, et il y avait une odeur de brûlé. Il y eut un silence, interrompu par des coups de feu occasionnels de mitrailleuses. Trois soldats soviétiques - Sidor, Vasily et Fyodor - étaient assis dans une tranchée. Ils fumaient en silence et étaient pensifs.

Sidor était d'une famille paysanne. Orphelin dans sa petite enfance, il s'était habitué à endurer honorablement les épreuves de la vie. Ayant appris à utiliser une moissonneuse-batteuse, il était devenu l'un des meilleurs travailleurs de la ferme collective de son village natal.

La guerre entra dans la vie harmonieuse et heureuse de Vasily par la tempête, comme une pierre jetée à travers une fenêtre. Sa femme aimante et ses six enfants restèrent à la maison.

Fyodor, mon grand-père, pensait à sa mère à ce moment-là. La guerre la trouva gravement malade, pendant que Fyodor s'occupait d'elle. Donc sa mère malade avait besoin de soins. Il n'y avait plus d'autres parents, mais sa patrie bien-aimée avait besoin d'encore plus de soins filiaux. Fyodor se souvenait souvent du moment de leur séparation, lorsque sa mère l'embrassa sur le front, le bénit d'une croix d'une manière radicale et lui dit à la séparation : "Que Dieu te garde, mon cher fils !"

Au moment où les trois soldats étaient plongés au plus profond de leurs pensées, un vieil homme descendit dans leur tranchée. Il avait de bons yeux, un front haut et une chemise en lin... Il semblait qu'ils l'avaient déjà vu quelque part mais qu'ils ne savaient pas où exactement - tant de chemins avaient été foulés et tant de bottes usées... A ce moment, personne ne demanda au vieil homme d'où il était venu, mais il était absolument impossible de comprendre comment cet homme avait pu marcher dans le champ des mines à travers le sifflement des balles.

Personne n'est surpris par les miracles de la guerre. Le fait même que vous viviez seulement est considéré comme un miracle.

Et soudain Sidor se souvint qu'il avait vu ce petit vieillard à la maison ! Là, dans le coin de l'icône de sa hutte, il y avait une icône de saint Nicolas, et sa défunte mère priait souvent devant lui.

"Grand-père, quand cette maudite guerre prendra-t-elle fin ?" demanda timidement Fyodor.

"Bientôt, bientôt, mes fils ! répondit le vieil homme bon enfant et il sortit mystérieusement : "Mais cette guerre n'est pas la dernière. Quatre chevaux se battront aussi, et le cheval rouge gagnera !" [allusion aux quatre cavaliers de l'Apocalypse. NdT]

Leur conversation fut interrompue par le drone d'un avion ennemi. On entendit l'ordre du commandant : "Aux armes !" Le petit vieillard s'est levé tranquillement et ilest parti.

Fyodor voulait crier à l'étranger d'attendre que l'attaque ennemie soit terminée, mais on ne vit personne autour d'eux. Et puis il se rendit compte que saint Nicolas lui-même leur avait rendu visite. Dommage que leur rencontre ait été si brève car Fyodor voulait lui demander comment se sentait sa mère. Et en même temps, il s'aperçut que saint Nicolas était venu à eux non sans raison - cela signifiait que quelqu'un priait en larmes devant une icône du saint hiérarque, non seulement pour son propre fils, mais aussi pour chaque soldat russe qui a donné sa vie pour ses amis sur le champ de bataille, qu'il soit vivant ou mort.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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