Son Eminence le Métropolite
Athanase de Limassol est quelqu'un qui n'a pas besoin d'être présenté dans le
monde orthodoxe. Il jouit de l'autorité en vertu de sa haute vie spirituelle et
il est connu comme un homme de prière et un strict défenseur de l'Orthodoxie.
C'est pourquoi il était important pour nous de connaître son point de vue
personnel sur la situation en Ukraine.
En entrant dans la salle où
devait avoir lieu l'entretien, nos yeux se sont posés sur les nombreuses images
d'ascètes, de saints et de hiérarques chypriotes. Les quatre coins de la pièce
il y avait des croix. Tout cela a créé une certaine atmosphère, où le spirituel
devient central. "Allons-nous faire toute l'interview sur l'Ukraine
?" demanda Vladyka.
***
Bon après-midi, Vladyka. Je vous suis reconnaissant de m'avoir donné
l'occasion de mener l'entrevue d'aujourd'hui. En effet, la situation en Ukraine
est peut-être devenue le sujet le plus discuté dans tout le monde orthodoxe,
c'est pourquoi nous avons voulu précisément en parler. Chypre a été l'un des
premiers pays à accepter le christianisme, et l'Église chypriote a une histoire
riche et une grande expérience de la vie chrétienne. Par conséquent, la
proposition de l'Église chypriote de créer une plate-forme pour les
négociations interorthodoxes ici à
Chypre est tout à fait naturelle, et nous voyons qu'elle a déjà porté ses
premiers fruits - les Églises de Jérusalem et d'Antioche sont prêtes au
dialogue et entendent surmonter la crise dans leurs relations. L'Église
chypriote a-t-elle une vision sur la manière de sortir de la crise qui s'est
développée dans la sphère ecclésiastique en Ukraine ?
-Comme vous le savez,
l'archevêque de Chypre a déjà rendu visite au Patriarcat de Bulgarie, au
Patriarcat de Serbie et à l'Église de Grèce, et a rencontré les Patriarches des
Églises d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem, et il maintient la
communication avec Mgr Anastase de l'Église albanaise. Il fait tout son
possible pour surmonter cette crise. Je ne sais pas s'ils ont déjà réussi à
obtenir des résultats, mais l'Archevêque et le Synode de notre Église mettent
tout en œuvre pour aider à résoudre cette crise.
-Avant l'octroi du tomos d'autocéphalie pour l'Église ukrainienne, le
président de l'Ukraine Petro Porochenko et le patriarche Bartholomée ont signé
un accord selon lequel le patriarcat de Constantinople s'est engagé à
travailler auprès des autres Églises locales pour la reconnaissance de
l'autocéphalie ukrainienne, et Petro Porochenko était censé transférer de la
propriété et des bâtiments en Ukraine au Patriarche Bartholomée. Cela ressemble
à un contrat de vente d'autocéphalie et cela a semé la tentation et
l'indignation parmi la population.
Comment la procédure d'octroi de l'autocéphalie devrait-elle se
dérouler, et dans quelle mesure un tel accord est-il approprié du point de vue
des traditions de l'Église ?
-Pour ce qui est de la première
partie de votre question sur l'accord que vous avez mentionné, je n'ai pas
d'information à ce sujet et je ne peux donc rien en dire. C'est peut-être parce
que je ne connais pas la langue. Quant à la deuxième partie de votre question
sur la procédure d'octroi de l'autocéphalie, pour autant que je sache, lors des
réunions précédant le Concile des Églises orthodoxes (sur la Crète), il y a eu
de nombreuses conversations sur ce sujet de la manière dont l'autocéphalie
devrait être accordée à une Église. Je n'ai jamais assisté à ces réunions,
mais, pour autant que je sache, toutes les Églises sont allées jusqu'à la
dernière étape de la discussion sur cette question, mais n'ont pas trouvé de
solution commune.
Considérant toutes ces questions,
il faut comprendre que toute décision de l'Église doit conduire à l'unité et à
l'amour. Je ne veux pas croire que le patriarche œcuménique, l'Église d'Ukraine
ou l'Église russe voulaient créer un problème, mais un problème existe vraiment
maintenant, et donc nous devrions tous trouver un moyen de résoudre ce problème
ensemble, trouver un chemin pour guérir cette blessure. Sur ce chemin, les
responsables de l'Église doivent être très attentifs, partir des intérêts
communs de l'Église et faire preuve d'humilité. Tout cela devrait être inhérent
aux primats des Églises, du clergé et de tous les chrétiens.
- Il y a environ 100 évêques dans l'Église ukrainienne [canonique] sous
la direction du métropolite Onuphre. Seuls deux de ces évêques ont rejoint la
nouvelle structure ecclésiale en Ukraine. Etant donné le manque de volonté des
hiérarques de l'Eglise canonique d'aller vers la nouvelle structure en Ukraine,
les gens ont tendance à penser que le tomos a été donné aux structures schismatiques
(« patriarcat de Kiev » et église orthodoxe ukrainienne schismatique),
légalisant ainsi le schisme. Quelle est l'attitude des Églises locales
orthodoxes à cet égard ?
- Je vous lis un passage du
sixième point de la déclaration du Saint Synode de l'Église orthodoxe
chypriote, où il est précisé que le Saint Synode hésite à reconnaître le
sacerdoce des personnes qui n'ont pas été ordonnées canoniquement. Le sixième
point dit : "Les 2.000 ans d'histoire de l'Église de Chypre, et de toute
l'Église orthodoxe, jettent le doute sur la possibilité de légaliser les sacrements
célébrés par des hiérarques qui ont été défroqués, excommuniés de l'Église et
anathématisés.
Leur punition a été reconnue par
toutes les Églises orthodoxes. Nous avons reconnu l'anathème de Philarète et,
par conséquent, le Synode de l'Église chypriote doute qu'il soit possible de
reconnaître l'efficacité des consécrations et autres sacrements qu'ils ont
célébrés. C'est pourquoi nous - l'Eglise de Chypre - n'avons pas encore
officiellement reconnu Epiphane comme chef de la nouvelle église ukrainienne.
- Il a été rapporté dans les médias que vous n'aviez pas signé le
communiqué de l'Église chypriote sur la situation en Ukraine. Quelle en était
la raison ?
- C'est vrai. Je n'ai pas signé
la déclaration du Synode de l'Église chypriote parce que je n'étais pas
d'accord avec certains points du texte. Bien sûr, la majorité des membres du
Synode ont adopté ce texte, qui est devenu le reflet de la position de l'Église
de Chypre. Ce texte visait à maintenir l'ordre dans l'Église, mais j'ai
personnellement quelques doutes sur certains points de ce texte.
- Plusieurs représentants de la nouvelle église ukrainienne sous la
direction d'Epiphane Doumenko ont interprété votre décision comme voulant
prétendument les soutenir.
- [Il rit] C’est exactement le contraire.
Je voulais que le texte soit plus clair et plus précis et qu'il soutienne
expressément le Métropolite Onuphre et d'autres points. Bien sûr, j'accepte
respectueusement l'opinion de l'Archevêque et des autres membres du Synode sur
la façon dont nous devrions avoir une position neutre pour la possibilité de
devenir médiateurs entre Constantinople et Moscou. De ce point de vue, il est
acceptable pour moi dans une certaine mesure, mais je préférerais que le Synode
de l'Église chypriote exprime une position claire et sans ambiguïté, puisque
chacun peut interpréter ce texte publié par l'Église chypriote selon son propre
jugement : "pour" ou "contre".
Et c'est donc ce qui se passe. Je
vais vous donner un exemple pour mieux comprendre. Le premier paragraphe dit
que chaque nation a le droit de revendiquer l'autocéphalie de l'Église en même
temps que l'indépendance nationale. Si nous prenons cela comme règle, alors
chaque pays va créer son Église autocéphale. Je vais vous donner un exemple
simple : Le Patriarcat d'Antioche nourrit spirituellement plusieurs pays : les
Emirats Arabes Unis, le Liban, la Syrie et d'autres. Selon cette logique, le
Liban devrait avoir l'autocéphalie, et d'autres pays recevraient également l'autocéphalie
de l'Église.
C'est la même chose avec le
Patriarcat d'Alexandrie : Il y a de nombreux pays africains sous sa direction.
Selon cette logique, le Kenya devrait être autocéphale, le Mozambique et la
Tanzanie aussi. Ce sont tous des pays et des nationalités distincts. Si nous
appliquons cette logique à tout le monde, ce serait une mosaïque
d'autocéphalie. Ce n'est pas logique. Quand nous faisons quelque chose, nous
devons d'abord penser aux conséquences, en reconnaissant les forces et les
faiblesses de chaque Église individuelle. Ne voyons-nous vraiment pas que nos
frères russes considèrent Kiev comme les fonts baptismaux de la Rus' ?
- Et bien sûr, cette logique conduit aussi à l'idée qu'avec la fin de
l'existence d'un État séparé, l'Église concernée devrait se liquider elle-même.
- Ça aussi, et je vais vous
donner un exemple : Skopje, ou Macédoine du Nord comme on l'appelle maintenant,
que nous ne reconnaissons pas. Selon cette logique, ils devraient avoir une
Église autocéphale ; et le Monténégro aussi. Comprenez-vous que c'est un chemin
vers la catastrophe avec beaucoup de problèmes ? C'est pourquoi le texte de la
déclaration était inacceptable pour moi personnellement. Je respecte la
décision de l'Église, j'obéis à l'Église, mais en exprimant mon opinion
personnelle sur cette question, je peux dire que je ne suis pas d'accord.
- Le patriarche Bartholomée a dit que l’octroi du tomos d'autocéphalie
avait pour but de guérir les divisions en Ukraine. Cependant, le Métropolite
Antoine de Boryspil a récemment déclaré que moins d'un pour cent des paroisses
de l'Eglise canonique sous le Métropolite Onuphre est parti vers la nouvelle
église. Et dans une de ses interviews il y a quelques jours, Philarète
Denisenko a dit que le tomos a conduit à la division et à l'opposition même
parmi les rangs de ceux qu'il est accepté d'appeler les schismatiques en
Ukraine. Il s'avère que le tomos s'unit pas, mais divise encore plus la société
ukrainienne. Peut-être l'émission du tomos sans tenir compte de l'opinion de l'Eglise
ukrainienne canonique et des Eglises locales était-elle une erreur ?
-À mon av is, il s'agissait d'une
décision un peu hâtive. Il fallait attendre que les Primats de toutes les
autres Églises locales expriment aussi leur consentement. Nous voyons maintenant
que les Synodes des Églises locales sont appelés (par Constantinople) à
reconnaître la nouvelle structure ecclésiale post factum, ce qui crée de
nombreux problèmes.
Dans le cas de l'Ukraine, un
certain nombre de questions se posent :
° excommunié, anathématisé,
défroqué, comme Philarète ;
° les "prêtres" de Macaire
n'ayant pas d'ordination valide ;
° et aussi le fait qu'une
hiérarchie existait déjà-100 hiérarques avec leur Primat canonique le Métropolite
Onuphre, avec lequel nous avons tous concélébré, selon les canons.
Et tout cela a chaviré en une
journée. Bien sûr, ce n'est pas la décision d'un seul homme, ce n'est pas la
décision du patriarche Bartholomée - c'est la décision du Synode du patriarcat
de Constantinople sous la présidence du patriarche Bartholomée.
- Beaucoup d'Églises se demandent maintenant comment les consécrations
dans la structure nouvellement créée sont invalides. Les représentants de
plusieurs Églises ont dit explicitement qu'il s'agit d'un rassemblement de
laïcs, car il ne peut y avoir de sacerdoce chez les schismatiques.
- Le Synode de l'Église chypriote
le dit : Il ne peut y avoir de sacerdoce parmi ceux qui ont été privés du
sacerdoce, excommuniés ou soumis à l'anathème.
- En même temps, les représentants du Patriarcat de Constantinople
déclarent que cette nouvelle structure a encore un sacerdoce complet. Le
premier canon de saint Basile le Grand dit explicitement que quiconque entre
dans le schisme perd immédiatement la succession apostolique et le sacerdoce,
et ne peut plus célébrer les sacrements ou transmettre la grâce du sacerdoce,
dans la mesure où il est lui-même tombé loin de la Grâce de l'Esprit Saint et
est laïc.
La position du Patriarcat de Constantinople signifie-t-elle que son
attitude à l'égard de ce canon d'un Concile œcuménique a été révisée et qu'il
existe des voies menant à des conclusions directement opposées à celles dont il
a parlé ?
- Si les canons sacrés le disent,
personne ne peut le remettre en question, mais on doit l'accepter. Dans le cas
de l'Ukraine, plusieurs personnes n'ont pas reçu la dignité épiscopale - le
groupe des soi-disant évêques qui se sont ordonnés eux-mêmes - les
"évêques" de Macaire. Il y avait Philarète, et il y avait un groupe
de gens sous Macaire, qui sont en fait auto-consacrés - ils n'ont pas été
ordonnés. S'il n'y avait eu qu'un seul groupe qui avait été défroqué, mais qui
avait eu auparavant des ordinations d'évêques canoniques, le Synode aurait pu
les recevoir comme ordonnés par économie. Naturellement, cela pourrait être
dans le cas où ils se seraient repentis de leur péché avant cela, et auraient
demandé pardon à l'Église. Malheureusement, ce n'est pas ce que nous voyons, et
nous ne voyons pas qu'ils aient reçu une quelconque ordination légitime
maintenant.
- Les représentants de la nouvelle église sont en train de créer des
problèmes pour l'Eglise canonique. Le patriarche de Constantinople, ayant,
selon le tomos, l'autorité compétente dans la nouvelle église, devrait-il faire
des déclarations et influencer ces gens qui ne cachent même pas leur lutte pour
le pouvoir ? Le patriarche Bartholomée devrait-il y mettre fin ?
- Je ne peux pas savoir à quoi
pense le Patriarche œcuménique. Ce n'est pas facile à nous de parler du patriarche
Bartholomée, parce qu'il est notre père, et que nous le respectons et l'aimons.
En même temps, nous considérons le Métropolite Onuphre comme notre frère. Nous
ne faisons pas de division entre les Ukrainiens et les Grecs, car nous sommes
frères et chrétiens orthodoxes. Et vous devez comprendre que ce qui se passe
maintenant est douloureux pour nous - nous sommes peinés pour l'un et l'autre
Patriarcat, et pour l'Église d'Ukraine.
- Il y a l'opinion que les tentatives de déclarer les actions des
schismatiques comme sacrements bénis et de reconnaître leurs consécrations
conduiront à une confusion des concepts du bien et du mal au fil du temps. Il
s'avère que pas plus tard qu'hier, l'Église a reconnu quelque chose comme un péché
(par exemple, lorsque le patriarche Bartholomée a reconnu la justesse de
l'anathème contre Philarète dans une lettre à l'Eglise orthodoxe russe), et
aujourd'hui il s'avère que le péché a cessé d'être un péché. Derrière la
tentative de réexaminer le passé de cette structure, non seulement les
questions de son statut et des limites territoriales de l'Église canonique sont
examinées, mais aussi les questions du péché et de la vertu. Les concepts du
bien et du mal seraient effacés dans l'Église : D'un trait de plume, les
pécheurs d'hier peuvent être déclarés prêtres pieux, et les pieux prêtres
-pécheurs. Qu'est-ce que vous en pensez ?
- Ecoutez. Tout péché et toute
mauvaise action sont pardonnés par la repentance. S'il y a repentance, l'Église
reçoit tout le monde. Personne n'en est exclu. Il y a des exemples dans
l'histoire de l'Église où notre Église, pour des raisons économiques, a
accueilli des communautés de schismatiques dans son sein par décision synodale.
Cependant, ceci devrait être précédé par la repentance et une reconnaissance du
péché. Alors l'Église, en tant que mère aimante, embrasse tous ses enfants.
Mais malheureusement, nous ne voyons pas cela dans le cas de Philarète.
- Le métropolite Emmanuel du patriarcat de Constantinople s'est
récemment rendu en Ukraine et a, entre autres, rencontré Philarète Denisenko.
Des photos communes ont été prises après la réunion où le koukol patriarcal de
Denisenko (chapeau en dôme) se trouvait à l'arrière-plan. Ces photos ont été
publiées sur le site officiel du Phanar. Dans ses discours, Denisenko souligne
que puisque le Patriarche Bartholomée a déjà reconnu la nouvelle église, alors
il fera toutes les concessions, même si elles brisent les conditions du tomos,
pour ne pas perdre autorité aux yeux des autres églises. Si Denisenko était
reconnu comme patriarche par le patriarche Bartholomée, comment serait-il
traité dans le monde orthodoxe ?
- Je pense que ce n'est pas
sérieux, parce que Denisenko est une personne assez âgée, et nous ne devrions pas
concentrer notre attention sur une personne en particulier. À un moment donné,
il quittera ce monde, comme nous tous. La question importante est de savoir qui
est le chef canonique et légitime de l'Église d'Ukraine, avec qui nous pouvons
célébrer les offices et avec qui on ne le peut pas. Le problème n'est pas dans
une personne en particulier - Philarète, Epiphane, ou qui que ce soit d'autre.
Il s'agit des canons sacrés, qui servent de garants de l'ordre dans l'Église.
- Philarète Denisenko et Macaire Maletitch - les anciens chefs des
structures schismatiques du « patriarcat de Kiev » et de « l'église
orthodoxe ukrainienne » [schismatique]- ont déclaré publiquement que
malgré la création de la nouvelle église, ils n'ont toujours pas soumis les
documents pour liquider leurs structures, et jusqu'ici ils n'en ont pas
l'intention. De plus, même les sites officiels de ces schismes fonctionnent
encore sous leurs anciens noms, et sur le site du « patriarcat de
Kiev » Philarète Denisenko est toujours appelé patriarche et chef de cette
structure. Cela signifie qu'une seule et même personne est à la fois membre de
la nouvelle église et membre des schismes.
- Bien sûr, tout cela fait partie
de la triste réalité liée à l'Eglise ukrainienne. Peut-être diront-ils
eux-mêmes qu'ils ont besoin de temps pour tout mettre en ordre, mais je répète
ce que j'ai dit plus tôt - la question principale n'est pas dans les détails de
leurs actions, mais dans le chemin canonique qu'ils auraient dû suivre.
-Le "métropolite" Joasaph de Belgorod, clerc de l'église
nouvellement créée, a récemment dit qu'il y a une grande confrontation entre
Philarète Denisenko et le chef de la nouvelle église Epiphane, et aussi entre
leurs adhérents, et cette situation pourrait donner lieu à un schisme dans la
structure. Si la situation s'aggrave, le patriarcat de Constantinople doit-il
rendre compte de tout ce qui s'est passé à son initiative, et y a-t-il vraiment
une menace de schisme dans l'orthodoxie mondiale en raison de l'octroi d'un
tomos d'autocéphalie à la nouvelle « église » en Ukraine ?
- Je ne pense pas que le problème
se concentre sur une personne, même si cette personne est Denisenko. En ce qui
concerne la possibilité que de plus grands problèmes surgissent dans l'Église
orthodoxe, malheureusement, il y a un tel danger. Mais nous espérons d'abord
dans la miséricorde de Dieu qui ne permet aucune tentation dépassant la force
de Son Église, et dans le consentement et les bonnes intentions des
responsables de toutes les Églises locales : Le patriarche œcuménique
Bartholomée, le Patriarche Cyrille de Moscou et le Métropolite Onuphre de Kiev,
parce qu'ils veulent tous quelque chose de bien pour l'Église. Je pense qu'ils
ont tous de bonnes intentions. Je crois que le Seigneur enverra une solution au
problème et donc nous devrions beaucoup prier. Le Christ a dit que les
tentations sont vaincues par une grande foi et de nombreuses prières.
- Selon les canons, chaque ville ne peut avoir qu'un seul évêque
orthodoxe. Quand le patriarche Bartholomée dit qu'Epiphane est maintenant le
métropolite de Kiev, cela ne signifie-t-il pas qu'il déclare le métropolite Onuphre
presque schismatique et qu'il n'a pas le droit d'être hiérarque de Kiev ?
- Non, il n'a pas dit ça. Nous
devons être honnêtes. Il a écrit dans sa lettre : "Quand un nouveau métropolite
de Kiev sera élu après le tomos, alors Onuphre ne pourra pas être appelé Métropolite
de Kiev, mais il n'a pas dit qu'il deviendra schismatique. J'ai déjà dit que,
malheureusement, ce sont là les conséquences d'une décision hâtive.
- Le métropolite Onuphre est-il donc privé de la possibilité de servir
en Ukraine ?
- Je ne le crois pas, non.
Peut-être qu'à Constantinople ils pensaient que tout le monde voudrait entrer
dans la nouvelle église, et cela a dicté une telle décision, mais je ne peux
pas dire à leur place ce qu'ils en pensent.
Voilà un des nouveaux "évêques" du Tomos octroyé par Bartholomée!
- L'octroi du tomos aux schismatiques ukrainiens a donné naissance à de
sérieux problèmes. Par exemple, en 2014, « l'évêque » schismatique du
« patriarcat de Kiev » Kirill s'est délibérément rendu dans la zone
de guerre pour apporter de l’aide aux soldats et tirer sur les séparatistes, et
après cela il a montré des photos de lui, arme à la main. Dans une interview,
il a déclaré qu'il avait tiré sur les séparatistes, bien qu'il n'était pas sûr d’avoir
tué quelqu'un. Il a été suspendu de servir dans le soi-disant patriarcat de
Kiev, mais est entré dans le schisme dans l'église orthodoxe ukrainienne
[schismatique de Macaire], qui l'a reçu comme évêque. Maintenant cette
« église « a reçu le tomos, et cet homme y est compté parmi les
évêques.
- Le problème n'est pas chez
certaines personnes qui se comportent mal. Les gens qui se comportent mal
peuvent être n'importe où. Notre tâche est de suivre les canons sacrés et les
actions appropriées, mais les gens qui font de mauvaises actions sont partout.
- Je voudrais poser cette dernière question sur la situation en Ukraine
avec les catholiques : On sait que tous les participants au mouvement
d'autocéphalie en Ukraine ont convenu d'une manière ou d'une autre d'un
rapprochement avec les uniates. J'étudie le rôle de l'Église catholique dans
les mouvements de protestation et les révolutions d'État sous le règne du pape
François de Rome. Je connais donc de nombreux faits sur la façon dont les uniates
ont souvent promu les idées d'autocéphalie pour les orthodoxes en Ukraine.
La nouvelle église se compose essentiellement de trois parties :
1) Les schismatiques de l'ancien patriarcat dit de Kiev
2) Ceux qui étaient soumis à Macaire
3) Deux évêques qui ont quitté l'Église canonique [du Métropolite
Onuphre]
Si l'on considère le premier groupe, Philareète Denisenko a annoncé la possibilité
de s'unir avec les uniates en 2014 et 2016.
Dans le deuxième groupe, Macaire Maletitch a signé un mémorandum avec
quatre évêques d'autres églises en 2014, dont des évêques uniates, sur la
création d'une église au niveau des diocèses dessinés individuellement. Deux
évêques de l'Église canonique ont également signé, à l'insu du métropolite
Onuphre, et quelques jours plus tard ils ont retiré leur signature. Mais cela
montrait que Macaire était prêt à créer une seule église avec les uniates sans
que les uniates ne renoncent à leurs erreurs.
Si nous attirons notre attention sur le troisième groupe, les partisans
de l'ancien métropolite Alexandre Drabinko ont appelé à une prière commune avec
les catholiques.
Et maintenant, le chef de cette structure, Epiphane, rapporte que la
nouvelle église tout entière pourrait s'unir avec les uniates à l'avenir.
Pourquoi soulever la question du statut de cette structure, s'il y a des
déclarations à tous les niveaux sur une éventuelle unification avec les uniates
?
- Vraisemblablement qu'ils ont
dit cela avant de recevoir le tomos ?
- La majorité, oui, bien que le responsable de la nouvelle structure
Epiphane ait fait cette déclaration il y a quelques semaines seulement.
- S'ils font des déclarations sur
des choses qui ne sont pas orthodoxes dans leur essence, alors les Primats de
toutes les Églises orthodoxes devraient en tenir sérieusement compte et leur
montrer que de telles déclarations sont fausses.
Écoutez, en guise d'épilogue à
tout ce dont nous avons discuté ici, je vais vous dire mon opinion personnelle.
Je le ressens et je le crois... mais je pourrais me tromper.
Je crois que le Métropolite
Onuphre de Kiev est le Primat canonique de l'Église orthodoxe ukrainienne. Je
veux demander à tous les frères orthodoxes d'Ukraine d'être sous l'omophore du
Métropolite Onuphre, de soutenir son Église, de rester fidèles à la foi
orthodoxe. Je comprends qu'ils vivent de grandes tentations. Nous sommes
vraiment désolés, et nous demandons pardon que chacun d'entre nous soit en
quelque sorte la cause de ces tentations, mais nous prions que le Seigneur les
aide à passer à travers ces tentations.
Je peux également dire ce qui
suit. Je suis très impressionné et j'admire beaucoup la façon dont le
Métropolite Onuphre de Kiev a géré cette crise : avec beaucoup de calme,
beaucoup de dignité, peu de mots, peu de déclarations et beaucoup de prières.
Nous ne voulons blâmer personne. Nous respectons et aimons notre patriarcat
œcuménique. Nous ne voulons pas contrarier le patriarche Bartholomée. Nous
respectons et aimons aussi le Patriarche Cyrille de Moscou. Nous sommes tous
frères, nous sommes tous un seul corps de chrétiens orthodoxes. C'est une
tentation. Nous devons élever des prières et cela passera. C'est l'essence même
de cette question. On ne sera pas victorieux si on se tire dessus. Nous serons
victorieux si nous élevons des prières dans l'humilité et demandons à Dieu
d'accomplir Sa sainte volonté.
- C'est-à-dire, que la solution à ce problème serait dans un esprit
d'amour.
- Exactement. Chaque jour, nous disons au Christ :
"Que Ta volonté soit faite." Nous devons la chercher et elle devrait
être le but de notre vie. Et cette approche devrait encore plus être vue au
niveau des Primats des Églises.
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Remarque: Cette interview a eu lieu avant certains événements récents, dont la résurgence du "patriarcat de Kiev" et l'ordination par M. Denisenko de 2 nouveaux "évêques, et son rejet du Tomos!
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