Mgr Elpidophore (Lambriniadis)
L'auteur de cette analyse de la
menace actuelle qui pèse sur l'Orthodoxie mondiale, Arkady Maler, est un
chercheur et professeur de philosophie spécialisé dans la philosophie
religieuse russe. Il est membre de la Commission biblique et théologique
synodale du Patriarcat de Moscou et fondateur du "Club byzantin" de
Moscou. M. Maler est l'auteur de quatre livres religieux-philosophiques qui
traitent du thème de Constantin le Grand et de la mission spirituelle de la
Russie.
*
Il ne s'est pas écoulé six mois
depuis la formation par le patriarcat de Constantinople en Ukraine, d'une
fausse église « fabriquée à la hâte, politiquement stratégique, sous
l'abréviation volontairement ridicule mais officielle de l’ЕПУПЦ[1],
lorsque ses principaux participants ont commencé à « schismer »,
comme prévu, et ce, si rapidement que ce schisme dans un schisme peut être
observé en temps réel et mis à jour régulièrement par des bulletins
d’information. Mais alors que ces processus tragiques et comiques très attendus
se déroulent à Kiev, le patriarcat de Constantinople lui-même a connu un
événement très important, qui promet des conséquences très graves sur le long
terme : intronisé comme archevêque de toutes les paroisses grecques aux Etats-Unis,
lui qui a été le promoteur actif
du pouvoir illimité pour le patriarcat de Constantinople, le métropolite
Elpidophore (Lambriniadis, né en 1967, précédemment métropolite de Bursa), qui
a également reçu le titre, "d’exarque des Océans Atlantiques and Pacifiques"
(dans la tradition grecque un archevêque est supérieur en rang à un métropolite).
Nous rappelons à nos lecteurs que
depuis la chute de Byzance, la résidence du patriarcat de Constantinople était
située dans la région d'Istanbul appelée le Phanar, un ghetto essentiellement
religieux et ethnique qui correspond au petit nombre en voie de disparition de
ses paroissiens en Turquie même. Après la formation de l'Église orthodoxe
grecque au XIXe siècle, le territoire canonique du Patriarcat de Constantinople
au-delà des frontières de la Turquie a considérablement diminué, ne conservant
que les régions du nord de la Grèce et la plupart des îles grecques de la mer
Egée. C'est pourquoi, au XXe siècle, le Phanar a progressivement développé une
nouvelle idéologie politico-religieuse d'un curieux "papisme de
Constantinople", selon laquelle les Grecs du monde entier doivent
automatiquement se soumettre uniquement au Patriarcat de Constantinople ; en
outre, tous les pays et terres du monde qui ne font pas partie du territoire
canonique des autres églises orthodoxes locales appartiennent aussi par défaut
au Phanar. Mais aujourd'hui, au XXIe siècle, ces ambitions sont apparemment
trop limitées pour les partisans de l'expansionnisme phanariote, et ils font la
promotion d’une nouvelle théorie sur la façon dont le patriarcat de
Constantinople a le droit de révoquer les autocéphalies qu'il a accordées et
d'en établir de nouvelles sur les territoires des autres Églises - comme ils le
firent le 5 janvier dernier, lorsque le patriarche de Constantinople
Bartholomée a signé, pour cette même "église orthodoxe locale ukrainienne" [schismatique], un
tomos d'autocéphalie. Bien sûr, ces politiques du Phanar sont une violation
directe du droit canonique fondamental, et aucune Église orthodoxe locale n'a
reconnu « l'autocéphalie ukrainienne », tandis que l'Église orthodoxe
russe a rompu la communion eucharistique avec le patriarcat de Constantinople ;
et il n'y a aucun signe de sa restauration en vue.
Dans cette situation, la nomination du
métropolite Elpidophore à la tête de l'archevêché américain confirme
définitivement que le Phanar n'a pas l'intention de renverser son cours
idéologique. Le fait est que la diaspora grecque des États-Unis et du Canada,
qui comprend environ deux millions de personnes, constitue la principale
circonscription du patriarcat de Constantinople, et c'est le lobby du Phanar à
Washington qui continue à accorder un patronage spécial au Phanar par les
politiciens américains. Est-il utile de soutenir que l'étroite coopération
entre le Phanar et Washington a été mise en jeu en grande partie par leur
opposition commune à la renaissance géopolitique de la Russie et au
renforcement de l'Église orthodoxe russe au niveau international, et que dans toute
cette arnaque de l'autocéphalie ukrainienne, les responsables américains ont
joué un rôle sans précédent et évident ? Et maintenant, dans ce contexte
politique, nommé à la cathèdre américaine, un homme qui n'est pas seulement un
adepte de la toute-puissance Phanariote, mais son idéologue direct - en fait
l'idéologue numéro un ; et cela signifie que cet homme est le plus probable
prétendant au rôle du futur patriarche de Constantinople. En d'autres termes,
alors que beaucoup d'orthodoxes des deux côtés des frontières canoniques
espéraient pieusement que les fantasmes papistes du Phanar passeraient bientôt
et que la communion eucharistique serait bientôt restaurée, en réalité, ces
espoirs se sont révélés vains. Si le patriarche Bartholomée n'était que l'exécutant
obstiné de l'idéologie du "papisme de Constantinople", alors le
candidat le plus probable pour son poste est l’ingénieur en chef de cette
idéologie.
Depuis 2011, quand Elpidophore est devenu
métropolite, il était extérieurement très discret et toujours dans l'ombre du patriarche,
occupant la modeste position d'higoumène au monastère de l'île de Halkis, où se
trouvait l'ancienne célèbre Académie théologique - fermée par les autorités
turques en 1971. Bien qu'elle ait été promise à maintes reprises, l'académie
n'a jamais été restaurée et ses vastes bâtiments sont encore vides, ce qui
n'est pas surprenant étant donné que la mission principale d'Elpidophore
n'était pas de développer l'enseignement universitaire mais d'exécuter les
revendications géopolitiques du Phanar. Elpidophore fut précisément une figure
clé dans la légalisation du schisme ukrainien par le patriarcat de
Constantinople. Le patriarche Bartholomée, qui savait qu'il avait rencontré les
dirigeants du schisme ukrainien et mené des négociations avec eux pendant de
nombreuses années, et au moment politique le plus opportun de la présidence
rusophobe de Porochenko, il a poussé le patriarche dans la décision fatale
d'établir une "autocéphalie ukrainienne". Ce n'est pas un hasard si, en
2008, sous le président Iouchtchenko, lorsque le patriarche Bartholomée est
venu à Kiev et que de nombreuses personnes s'attendaient à ce que le schisme
ukrainien soit légalisé à tout moment, le métropolite Elpidophore, à peine
visible, a reçu le prix ukrainien le plus élevé, l'Ordre du Prince Yaroslav le
Sage, de cinquième catégorie ; et le 4 avril 2019, à l'issue de ce projet
anti-canonique et anti-russe, le Président Porochenko a décerné au métropolite
Elpidophore le même Ordre de quatrième catégorie.
Mgr Elpidophoros et le patriarche Bartholomée.
Pour ceux qui ont observé les aventures
politiques du métropolite Elpidophore, sa nomination à la cathèdre américaine
était tout à fait prévisible. C'était le même homme qui avait depuis longtemps
assuré la liaison régulière entre le Phanar, Washington et Kiev, et qui était
le candidat le plus probable pour ce poste, qui est essentiellement le deuxième
en importance après le patriarche lui-même. Il suffit de rappeler qu'en 1948,
l'archevêque américain Athénagoros (Spyrou), qui n'avait pas la citoyenneté
turque et qui était célèbre pour ses vues ultra-œcuméniques, fut choisi comme
patriarche de Constantinople. Les autorités américaines s'intéressaient
tellement à lui que, comme on l'a dit, il fut transporté de Washington à
Istanbul dans le jet personnel d'Harry Truman. Mais par rapport au patriarche
Athénagoras, l'archevêque actuel, Mgr Elpidophore, a un avantage énorme : non
seulement il a la citoyenneté turque, mais il est aussi né et a grandi à
Istanbul et a servi dans l'armée turque.
Si nous parlons de la contribution conceptuelle
de Mgr Elpidophore à l'idéologie du "papisme de Constantinople", elle
dépasse même les fantasmes les plus audacieux de ses partisans. C'est
Elpidophore qui est l'auteur de la réponse officielle du patriarcat de
Constantinople à la "Position sur le problème de la primauté dans l'Eglise
oecuménique", acceptée le 25 décembre 2013 par le Saint Synode de l'Eglise
orthodoxe russe. La réponse d'Elpidophore a été publiée le 7 janvier 2014, jour
de la Nativité du Christ selon le calendrier julien, et s'intitulait
passionnément et de manière révélatrice, "Premier sans égal". C'est
l'exemple le plus clair des nouvelles hérésies ecclésiologiques qui sont
apparues à notre époque.
Comme tout paroissien orthodoxe doit le savoir,
toutes les Églises locales orthodoxes canoniques du monde, au nombre de
quatorze, sont fondamentalement égales les unes aux autres et ont le droit
d'accorder l'autocéphalie à leurs propres parties et d'ouvrir des paroisses et
des diocèses sur des territoires libres d’autres Églises. Mais si un territoire
se trouve à l'intérieur des frontières canoniques d'une Église locale, aucune
autre Église n'a le droit d'envahir ce territoire sans l'autorisation des
autorités ecclésiastiques de ce territoire. Le statut du patriarcat de
Constantinople en tant que "premier parmi ses pairs" (primus inter
paribus) a un caractère purement formel et ne lui confère aucune supériorité
réelle sur les autres Églises. Ce statut élégant repose exclusivement sur le
fait qu'à l'époque de l'Empire byzantin, le patriarcat de Constantinople était
situé dans la capitale impériale et avait plus de possibilités d'influencer la
politique religieuse des empereurs byzantins. Mais Byzance est tombée il y a 566
ans, et le patriarcat de Constantinople n'a eu aucune des fonctions d'une
capitale depuis longtemps, sauf dans le cadre de la Turquie elle-même. Si ce
statut formel a une quelconque signification, ce n'est que sur le fait que ce patriarcat
soit le premier dans l'ordre de la commémoration des Églises locales
canoniques, dans ce qu'on appelle les diptyques, qui sont nécessaires dans les
services divins quand on prie pour les primats de toutes les Églises
canoniques. Je rappellerai également au lecteur que, dans le cadre de la
rupture de la communion eucharistique de Moscou avec le Patriarcat de
Constantinople, le nom du patriarche Bartholomée n'est pas mentionné dans
l'Église russe, et la liste des primats orthodoxes commence avec le prochain
patriarche après lui, Théodore d'Alexandrie.
Néanmoins, pour les idéologues de l'omnipotence
phanariote, le patriarcat de Constantinople a le droit de faire pratiquement
n'importe quoi ; mais si dans le passé ils ont tenté de fonder leur autorité
sur une explication très créative des canons, alors en 2014 le métropolite
Elpidophore va encore plus loin et décide de faire une analogie directe entre
la position du patriarcat de Constantinople et Dieu le Père Lui-même ! Il
commence sa construction théorique par le raisonnement suivant :
Dans la longue histoire de l'Église, le premier
hiérarque fut l'évêque de Rome. Après la rupture de la communion eucharistique
avec Rome, canoniquement le premier hiérarque de l'Église orthodoxe est
l'archevêque de Constantinople. Dans le cas de l'archevêque de Constantinople,
nous observons la coïncidence unique des trois niveaux de primauté, à savoir le
local (en tant qu'archevêque de Constantinople-Nouvelle Rome), le régional (en
tant que patriarche) et l'universel ou mondial (en tant que patriarche œcuménique).
Cette triple primauté se traduit par des privilèges spécifiques, tels que le
droit d'appel et le droit d'accorder ou de retirer l'autocéphalie...
Il n'y a aucun lien logique dans ce
raisonnement, car le patriarche de Constantinople, tout comme le pape romain à
l'époque préchrétienne, n'était l'évêque canonique que de sa propre ville et le
premier hiérarque que de son église locale, "régionale". Si nous
attribuons au patriarche de Constantinople ces privilèges d'autorité
universelle, que le pape romain s'attribuait à lui-même en son temps, alors
pourquoi n'avons-nous pas reconnu le papisme romain de l'époque ? Il convient
de noter que de très nombreuses questions simples et logiques se posent ici,
mais non seulement le nouvel archevêque Elpidophore ne se donne pas la peine
d'argumenter canoniquement sa position, mais il s'engage même dans une
discussion arbitraire de la Trinité divine, insistant carrément pour que la
primauté du patriarche Constantinople soit analogue dans l'Eglise universelle à
celle de Dieu le Père dans la Sainte Trinité.
Notons que cette innovation dogmatique, non
encore fixée au niveau synodal, appartient à un autre idéologue du
"papisme de Constantinople" : le théologien et philosophe métropolite
Jean (Zizioulas), qui, à mon avis, a discrédité la philosophie du personnalisme
orthodoxe et de la synthèse néo-patristique par son raisonnement artificiel et
arbitraire. Malheureusement, le concept hérétique du métropolite Jean
(Zizioulas), pour le moins étrange et strictement parlant hérétique, a été
soutenu par les participants d'une session de dialogue théologique orthodoxe
catholique à Ravenne en 2006, contre la position de l'Église russe, représentée
par Mgr Hilarion (Alfeyev). Après la publication du document final de la
convention de Ravenne, le Saint Synode de l'Eglise orthodoxe russe a
officiellement rejeté ses résolutions.
Basant ses conclusions sur le document de
Ravenne, le métropolite Elpidophore dit :
L'Église a toujours et systématiquement compris
la personne du Père comme la Première ("monarchie du Père") dans la
communion des personnes de la Sainte Trinité. Si nous devions suivre la logique
du texte du Synode russe, nous devrions aussi prétendre que Dieu le Père n'est
pas Lui-même la cause sans commencement de la divinité de la paternité... mais
qu'il devient un destinataire de sa propre "primauté". D'où ? De la
part des autres Personnes de la Sainte Trinité ?... Le Fils ou le Saint-Esprit
peuvent-ils "précéder" le Père ?
Et plus bas vient la conclusion ecclésiologique
:
La primauté de l'archevêque de Constantinople
n'a rien à voir avec les diptyques qui, comme nous l'avons déjà dit, ne font
qu'exprimer ce classement hiérarchique... Si nous parlons de la source d'une
primauté, alors la source de la primauté est la personne même de l'archevêque
de Constantinople, qui est précisément un "parmi ses pairs", mais
comme archevêque de Constantinople, il est le premier hiérarque sans égal
(primus sine paribus).
Nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que
ce raisonnement est absolument absurde dans les faits et dans son essence. En
fait, dans le document synodal de l'Église russe, il n'est affirmé nulle part -
ni ne peut être affirmé - que la cause de la divinité et de la paternité de
Dieu le Père est le Fils et le Saint Esprit. Au contraire, la comparaison
incorrecte des rôles d'un évêque primaire dans l'Église universelle avec la
position occupée par Dieu le Père dans la Divine Trinité est confirmée. Une
telle comparaison conduit non seulement à une compréhension déformée de la
triadologie orthodoxe, introduisant dans l'enseignement sur la Trinité un
subordinationnisme hérétique (l'idée que le Fils et l'Esprit sont subordonnés à
Dieu le Père), mais aussi à une compréhension déformée de l'ordre ecclésial, à
savoir celui que le métropolite Elpidophore propagea. Essentiellement, la
personne d'un évêque ou d'un patriarche est la personne d'un être humain créé
et mortel, qui reçoit ses pouvoirs hiérarchiques de l'Église, qui a été fondée
et est dirigée par Dieu Trinité. L'évêque ou le patriarche lui-même ne peut en
aucun cas être la "source non originaire" de son propre pouvoir ; il
n'en reste que le porteur, et cette autorité peut lui être retirée par décision
de l'Église elle-même. Si l'évêché de l'Église de Constantinople n'est pas
d'accord avec cela, alors il est déjà en hérésie, et pas seulement
ecclésiologique, mais aussi anthropologique et triadologique. Il ne peut y
avoir de pire déformation de la foi orthodoxe qu'une telle hérésie.
Quels sont les résultats pratiques de cette idée
de la Trinité et de la puissance mystique du patriarcat de Constantinople ?
Précisément ceux-là même que l'archevêque américain actuel a exprimé dans sa
réponse scandaleuse à l'Église russe. Il s'avère donc que le patriarche de
Constantinople, en tant que source d'autorité ecclésiastique dans toute la
plénitude de l'Orthodoxie Universelle, a le droit d'accepter les appels de
toute Église locale, et en sa seule qualité de don, et, ce qui est le plus
intéressant, de retirer ( !) les autocéphalies précédemment accordées. Et tout
cela n'est pas seulement la théorie abstraite des fantasmes individuels de rang
ecclésiastique, mais des instructions directes pour l'action. Après tout, le
Phanar applique maintenant ces mêmes politiques à l'Église russe dans le cas du
schisme ukrainien, et à l'Église serbe en relation avec le schisme macédonien.[2]
La réponse du Métropolite Elpidophore a été publiée
sur le site officiel du patriarcat de Constantinople, [3] et exprime ainsi sa
" ligne générale ", afin que personne ne doute du sérieux de ces
intentions. Cinq ans se sont écoulés depuis sa publication, et le 6 janvier
2019, à la veille de la Nativité du Christ, le patriarche Bartholomée a mis en
œuvre les "droits" formulés par le métropolite Elpidophore en
accordant l'autocéphalie aux schismatiques ukrainiens. D'ailleurs, avant même
cette décision, le patriarche de Constantinople exerçait encore un autre de ses
"droits" en acceptant dans la communion eucharistique le chef du
schisme ukrainien qui avait été excommunié de l'Église, et
"restaurait" les autres schismatiques dans leur rang épiscopal.
En fait, tout au long de l'histoire de l' ЕПУПЦ, le patriarche Bartholomée a agi
comme le "premier sans égal", non seulement en ne sollicitant pas le
soutien d'autres Églises locales orthodoxes, mais aussi en ignorant de manière
démonstrative la position exprimée avec précision par ceux qui se sont
clairement prononcés contre la légalisation du schisme ukrainien.
La question de savoir comment l'Église
orthodoxe devrait accorder l'autocéphalie à l'avenir a été discutée à la
Commission pour la préparation du Concile pan-orthodoxe au cours de plusieurs
décennies. Le résultat a été la production d'un projet de document, selon
lequel l'octroi de toute nouvelle autocéphalie présuppose la reconnaissance
unie par toutes les Églises orthodoxes locales généralement acceptées, et un
tomos d'autocéphalie doit être signé par leurs primats dans l'ordre des
diptyques. Le texte principal de ce document a fait l'objet d'un accord, mais
ils n'ont pu s'entendre sur la manière dont les signatures des primats
devraient être organisées. Le Phanar a insisté pour que la signature du patriarche
de Constantinople soit accompagnée du terme "décide", tandis que les
signatures de tous les autres primats devraient avoir un mot différent à côté
d'eux, qui pourrait se traduire par "se joint à la résolution".
Certaines autres Églises, en toute légalité, n'étaient pas d'accord avec la
proposition des Phanariotes qui, évidemment, confirmerait officiellement la
primauté du patriarche de Constantinople, ce qui a eu pour conséquence de
laisser l'affaire en suspens.
Or, le patriarche Bartholomée considère que
tous les accords conclus à l'époque sont "comme s'ils n'avaient jamais
existé". Selon la nouvelle théorie encore plus radicale du papisme
phanariote, si clairement formulée par le métropolite Elpidophore, le
patriarche de Constantinople a le droit d'accorder unilatéralement
l'autocéphalie précisément parce que, comme Dieu le Père dans la Trinité, il
est la source unique du pouvoir dans l'Église universelle et donc aucun concile
ou citation des Écritures et Tradition ne peut restreindre ses ambitions. Nous
devons noter que de telles affirmations apparaissent maintenant pour la
première fois depuis le schisme catholique romain, et beaucoup d'orthodoxes à
travers le monde ne peuvent tout simplement pas imaginer comment y réagir, d'ailleurs
ils ne veulent même pas croire que tout cela se passe avec la moindre once de
sérieux. Mais toutes les actions du Phanar en Ukraine, et puis la nomination de
l'idéologue principal du " papisme de Constantinople " à la
cathèdre clé américaine, montrent sans ambiguïté que le patriarcat de
Constantinople s'est sérieusement conçu comme l'autorité absolue et unique dans
tout le monde orthodoxe - c'est pour longtemps, et on ne peut espérer que cette
situation se corrige, et il n'y a aucun espoir de le faire.
Il n'y a donc rien de plus dangereux pour le
développement de relations fructueuses entre les Églises et de l'unité avec
l'Église orthodoxe russe que d'espérer naïvement que tout cela se corrigera d'lui-même
et que tout se calmera de lui-même, que toute cette affaire n'est que l'état
d'esprit du patriarche Bartholomé, et une relation personnelle entre les hommes
politiques de l'Église. En réalité, nous n'aurons pas d'autre Phanar dans un
avenir historique prévisible, et le patriarcat de Constantinople restera la
source d'une déstabilisation continue dans le monde orthodoxe, imposant ses
ambitions et ses innovations théologiques arbitraires à tous les autres.
Comprendre ce fait objectif sans aucune illusion ou auto-illusion est une
condition préalable minimale pour réagir de manière adéquate et efficace à ces
défis.
Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après
ORTHOCHRISTIAN
1 Ailleurs raccourci en "Eglise orthodoxe
d'Ukraine". ЕПУПЦ
signifie "église orthodoxe locale ukrainienne". L'acronyme en russe
et en ukrainien semble stupide dans ces langues ainsi qu'en anglais, comme on
le prononcerait, "epoops" [c’est-à-dire pour rester poli :
excrément électronique].
2 Voir ce développement :
http://orthochristian.com/122120.html, qui a eu lieu après la publication de
l'original de cet article. Bien sûr, le patriarche Bartholomée a fait une
déclaration similaire au sujet des schismatiques ukrainiens tout à l'heure,
reconnaissant l'anathème contre Philarète, mais en totale contradiction avec
ses propres paroles, il a fait ce que nous voyons maintenant en Ukraine, et
personne ne peut être entièrement assuré qu'il ne fera pas la même chose en
Macédoine, si la possibilité lui en est offerte.
3 Le texte se trouve ICI :
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