dimanche 5 mai 2019

St. Nicolas Velimirovitch: Qu'est-ce que le Christ écrivait sur le sol ?


L'évêque Nicolas, théologien doué combinant un haut niveau d'érudition avec la simplicité d'une âme imprégnée de l'amour et de l'humilité du Christ, est souvent appelé le "nouveau Chrysostome" pour sa prédication inspirée. Père spirituel du peuple serbe, il ne cessait de l'exhorter à accomplir sa vocation de nation : servir le Christ. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il fut emprisonné au camp de concentration de Dachau. Plus tard, il a servit en tant que hiérarchie [...] en Amérique, où il est mort.

*

Un jour, le Seigneur Très-aimant était assis devant le temple à Jérusalem, nourrissant les cœurs affamés avec Ses doux enseignements.

Et tout le peuple vint à lui (Jean 8:2).

Le Seigneur parla au peuple de la félicité éternelle, de la joie sans fin des justes dans la patrie éternelle des Cieux. Et le peuple se réjouit de Ses paroles divines. L'amertume de beaucoup d'âmes déçues et l'hostilité de beaucoup d'offensés disparurent comme neige sous les rayons lumineux du soleil.

Qui sait combien de temps aurait duré cette merveilleuse scène de paix et d'amour entre le ciel et la terre, si quelque chose d'inattendu ne s'était pas produit alors. Le Messie qui aime l'humanité ne s'est jamais lassé d'enseigner le peuple, et les gens pieux ne se sont jamais lassés d'écouter une telle guérison et une telle sagesse merveilleuse.

Mais quelque chose d'effrayant, de sauvage et de cruel se produisit. Elle naquit comme elle le fait encore aujourd'hui, avec les scribes et les pharisiens. Comme nous le savons tous, les scribes et les pharisiens gardaient la loi extérieurement, mais la transgressaient. Notre Seigneur les réprimandait fréquemment. Par exemple, il a dit :

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! ... extérieurement vous paraissez justes aux hommes, mais au dedans vous êtes pleins d'hypocrisie et d'iniquité (Matt. 23:27, 28)

Qu'est-ce qu'ils firent alors ? Ils avaient peut-être attrapé le chef d'une bande de brigands ? Rien de la sorte. Ils firent sortir de force une malheureuse femme pécheresse, prise en flagrant délit d'adultère ; ils la firent sortir avec une vantardise triomphante et des cris grossiers et assourdissants. Après l'avoir amenée devant le Christ, ils crièrent :

Maître, cette femme a été prise en flagrant délit d'adultère. Moïse nous a ordonné dans la loi que ceux-là soient lapidés, mais que dis-tu ? (Jean 8:4-5 ; cf. Lv 20:10, Dt 22:22).

Le cas fut présenté de cette façon par des pécheurs qui dénonçaient les péchés des autres et qui étaient capables de cacher leurs propres défauts. La foule effrayée se sépara, laissant la place à ses anciens. Certains fuirent par peur, parce que le Seigneur avait parlé de vie et de bonheur, alors que ces "grandes gueules" réclamaient la mort.

Il aurait été approprié de se demander pourquoi ces anciens et gardiens de la loi n'avaient pas lapidé la femme pécheresse eux-mêmes ? Pourquoi l'ont-ils amenée à Jésus ? La loi de Moïse leur donnait le droit de la lapider. Personne ne s'y serait opposé. Qui proteste, de nos jours, quand la peine de mort est prononcée contre un criminel ? Pourquoi les anciens juifs ont-ils amené cette femme pécheresse au Seigneur ? Certainement  pas pour obtenir de Lui une commutation de peine ou la clémence ! Tout sauf ça ! Ils l'ont amenée avec un plan prémédité et diabolique pour attraper le Seigneur avec des paroles contraires à la loi, afin de l'accuser aussi. Ils espéraient d'un seul coup faire disparaître deux vies, celle de la coupable et celle du Christ. Que dis-tu, toi ?

Pourquoi lui ont-ils demandé, alors que la loi de Moïse était claire ? L'évangéliste explique leur intention dans les mots suivants :

Ils ont dit cela en le tentant pour avoir à l'accuser (Jean 8:6).

Ils avaient déjà levé les mains contre lui une fois pour Le lapider, mais Il leur avait échappé. Mais maintenant, ils avaient trouvé l'occasion d'accomplir leur désir. Et c'est là, devant le Temple de Salomon, où les tables des commandements avaient été gardées dans l'Arche d'Alliance, que le Christ devait dire quelque chose de contraire à la loi de Moïse ; alors leur but serait atteint. Ils lapideraient à mort le Christ et la femme pécheresse. Beaucoup plus désireux de Le lapider qu'elle, comme ils le feraient plus tard avec un zèle encore plus grand, demandant à Pilate de libérer le bandit Barabbas à la place du Christ.

Toutes les personnes présentes s'attendaient à ce que l'une des deux choses suivantes se produise : soit le Seigneur, dans Sa miséricorde, libèrerait la femme pécheresse et violerait ainsi la loi ; soit Il ferait respecter la loi, en disant,

Faites ce qui est écrit dans la loi,

et briserait ainsi Son propre commandement de miséricorde et d'amour bienveillant. Dans le premier cas, Ol serait condamné à mort ; et dans le second, il deviendrait un objet de moquerie et de dérision.

Lorsque les tentateurs posèrent la question : "Que dis-tu ?", un silence de mort tomba : silence parmi la foule qui s'était rassemblée ; silence parmi les juges de la femme coupable ; silence impatient dans l'âme de la femme accusée. Un grand silence s'installe dans les grands cirques lorsque les dompteurs des bêtes sauvages font sortir des lions et des tigres apprivoisés et leur ordonnent d'exécuter divers mouvements, d'adopter diverses positions et de faire des tours à leur demande. Mais nous ne voyons devant nous aucun dompteur d'animaux sauvages, mais le dompteur des hommes, une tâche beaucoup plus difficile que la première. Car il est souvent plus difficile d'apprivoiser ceux qui sont devenus sauvages à cause du péché que ceux qui sont sauvages par nature.

Que dis-tu ? une fois de plus, ils le pressèrent, brûlant de malice, le visage déformé.

Alors le législateur de la moralité et de la conduite humaine se baissa, et avec son doigt a écrit sur le sol, comme s'il ne les entendait pas (Jean 8:6).

Qu'est-ce que le Seigneur écrivit dans la poussière ? L'évangéliste garde le silence à ce sujet et n'en parle pas par écrit. C'était trop répugnant et vil pour être écrit dans le Livre de la Joie. Cependant, cela a été préservé dans notre tradition orthodoxe sacrée, et c'est horrible. Le Seigneur a écrit quelque chose d'inattendu et de surprenant pour les anciens, les accusateurs de la femme pécheresse. Avec Son doigt, Il a révélé leurs iniquités secrètes. Car ceux qui soulignent les péchés des autres étaient des experts dans la dissimulation de leurs propres péchés. Mais il est inutile d'essayer de cacher quoi que ce soit aux yeux de Celui qui voit tout.

"M (Eshoulam) a volé des trésors dans le temple", a écrit le doigt du Seigneur dans la poussière.

"A (sher) a commis l'adultère avec la femme de son frère ;

"S (Haloum) a commis un parjure ;

"E (led) a frappé son propre père ;

"A (Marich) a commis la sodomie ;

"J (oël) a vénéré des idoles."

C'est ainsi qu'une déclaration après l'autre a été écrite dans la poussière par l'impressionnant doigt du juste Juge. Et ceux à qui ces mots se référaient, se penchant vers le bas, lurent ce qui était écrit, avec une horreur inexprimable. Ils tremblèrent de frayeur, et n'osèrent pas se regarder dans les yeux.

Ils ne pensèrent plus à la femme pécheresse. Ils ne pensaient qu'à eux-mêmes et à leur propre mort, qui était écrite dans la poussière. Pas une seule langue ne fut capable de bouger, de prononcer cette question pénible et malfaisante : Que dis-tu ? le Seigneur n'a rien dit. Ce qui est si sale ne peut être écrit que dans une poussière sale. Une autre raison pour laquelle le Seigneur écrivit sur la terre est encore plus grande et plus merveilleuse. Ce qui est écrit dans la poussière est facilement effacé et enlevé. Le Christ ne voulait pas que leurs péchés soient connus de tous.

S'Il l'avait voulu, Il les aurait annoncés devant tout le peuple, les aurait accusés et les aurait lapidés à mort, conformément à la loi. Mais Lui, l'Agneau innocent de Dieu, n'a pas contemplé la vengeance ou la mort pour ceux qui avaient préparé pour Lui mille morts, qui désiraient Sa mort plus que jamais pour eux-mêmes. Le Seigneur voulait seulement les corriger, les faire penser à eux-mêmes et à leurs propres péchés. Il voulait leur rappeler que bien qu'ils portaient le fardeau de leurs propres transgressions, ils ne devraient pas être des juges stricts des transgressions des autres. C'est la seule chose que le Seigneur désirait. Et quand cela fut fait, la poussière fut de nouveau lissée, et ce qui était écrit disparut.

Après cela, notre grand Seigneur se leva et leur dit gentiment :

Que celui qui est sans péché parmi vous, lui jette d'abord la première pierre (Jean 8:7).

C'était comme si quelqu'un prenait les armes de ses ennemis et leur disait : Maintenant, tirez ! Les juges jadis hautains de la femme pécheresse se tenaient maintenant désarmés, comme des criminels devant le juge, sans voix et enracinés au sol. Mais le Sauveur bienveillant,

s'abaissant de nouveau, écrivit sur le sol (Jean 8:8).

Qu'est-ce qu'il écrivit cette fois-ci ? Peut-être leurs autres transgressions secrètes, afin qu'ils n'ouvrent pas leurs lèvres fermées pendant longtemps. Ou peut-être qu'il écrivit quel genre de personnes les anciens et les chefs du peuple devraient être. Ce n'est pas essentiel pour nous de le savoir. La chose la plus importante ici est que par Son écriture dans la poussière, Il a obtenu trois résultats : premièrement, Il a brisé et annihilé la tempête que les anciens juifs avaient soulevée contre Lui ; deuxièmement, Il a réveillé leur conscience endormie dans leur âme endurcie, ne serait-ce que pour une courte période ; et troisièmement, Il a délivré la femme coupable de mort. C'est ce qui ressort des paroles de l'Évangile :

Et ceux [les anciens] qui l'entendirent, ayant été condamnés par leur conscience, sortirent un à un, en commençant par les plus âgés, jusqu'au dernier ; et Jésus fut laissé seul, avec la femme qui se tenait au milieu (Jean 8:9).

La place devant le temple était soudain vide. Il ne restait plus que ceux que les anciens avaient condamnés à mort, la femme pécheresse et l'innocent. La femme était debout, tandis qu'Il restait penché vers le sol. Un profond silence régnait. Soudain, l'Éternel se leva de nouveau, regarda autour de Lui, et, ne voyant personne d'autre que la femme, Il lui dit :

Femme, où sont ces accusateurs ? Aucun homme ne t'a-t-il condamné ?

Le Seigneur savait que personne ne l'avait condamnée ; mais avec cette question, il espérait lui donner confiance, afin qu'elle puisse mieux entendre et comprendre ce qu'Il lui dirait. Il  agit comme un médecin habile, qui encourage d'abord son patient et lui donne ensuite des médicaments.

Personne ne t'a condamné ?

La femme reprit la parole, et elle répondit : Non, Seigneur. Ces paroles ont été prononcées par une créature pathétique qui, juste avant, n'avait aucun espoir de prononcer un autre mot, une créature, qui ressentait probablement un souffle de joie véritable pour la première fois de sa vie.

Finalement, le Dieu bon dit à la femme :

Je ne te condamne pas non plus ; va, et ne pèche plus (Jean 8:10,11).

Quand les loups épargnent leur proie, alors, bien sûr, le berger ne souhaite pas non plus la mort pour ses brebis. Mais il est essentiel d'être conscient que l'absence de jugement du Christ signifie beaucoup plus que l'absence de jugement des humains. Quand les gens ne vous jugent pas pour votre péché, cela signifie qu'ils n'attribuent pas de punition pour le péché, mais laissent ce péché avec vous et en vous. Quand Dieu ne juge pas, cependant, cela signifie qu'Il pardonne votre péché, le tire de vous comme du pus et rend votre âme propre. Pour cette raison, les mots,

"Je ne te condamne pas non plus,"

signifie la même chose que

Tes péchés te sont pardonnés, va, ma fille, et ne pèche plus.

Quelle joie indicible !

Quelle joie de la vérité ! Car le Seigneur a révélé la vérité à ceux qui étaient perdus.

Quelle joie dans la justice ! Car le Seigneur a créé la justice.

Quelle joie dans la miséricorde ! Car le Seigneur a montré de la miséricorde. Quelle joie de vivre ! Car le Seigneur a préservé la vie.

Ceci est l'Evangile du Christ, qui signifie la Bonne Nouvelle ; ceci est la Bonne Nouvelle, l'Enseignement de la Joie ; ceci est une page du Livre de la Joie.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

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