samedi 20 janvier 2018

vendredi 19 janvier 2018

Saint Isaac le Syrien et alia



"Ne considérez pas comme un homme vraiment sage celui dont l'esprit est soumis à la peur à cause de la vie temporelle."


Saint Isaac le Syrien


*


"Réveille-toi! Le monde que tu adores ne fait que te flatter. La lourdeur de ta chair ne devrait pas te retenir loin de notre Sauveur - le Dieu des esprits et de toute chair. Si tu continues à somnoler, tu tomberas imperceptiblement sous l'influence des mauvais esprits, qui recherchent avec avidité la compagnie des pourceaux. Veille à ne pas dvenir possédé par un démon.

Saint Sébastien [Dabovitch]

*


"Méfiez-vous des attachements passionnés au monde. Bien qu'ils vous trompent parla paix et le confort, ils sont si éphémères que vous ne remarquez pas comment vous êtes privés d'eux, et à leur place viennent la tristesse, la nostalgie, le découragement, et aucun confort que ce soit. "

Saint Léonide d'Optina

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

FEUILLETS LITURGIQUES DE LA CATHÉDRALE DE L’EXALTATION DE LA SAINTE CROIX

6/19 janvier
THÉOPHANIE

Lectures : Tite II, 11-14, III, 4-7 ; Matth. III, 13-17

LA THÉOPHANIE[1]
A
u terme de trente années de vie cachée, pendant lesquelles, passant par tous les stades de la vie d’un homme ordinaire, Il avait montré en sa conduite le modèle de l’humilité, de l’obéissance à ses parents et de la soumission à la Loi, notre Seigneur Jésus-Christ inaugura son ministère public et la marche qui allait Le mener jusqu’à sa Passion, par une révélation éclatante de Sa divinité. Le Père et le Saint-Esprit rendirent alors témoignage que Jésus est vraiment le Fils Unique de Dieu, consubstantiel au Père, la Seconde Personne de la Sainte Trinité, le Verbe incarné pour notre Salut, le Sauveur annoncé par les prophètes, et qu’en sa Personne la Divinité s’est unie sans mélange à notre humanité et l’a faite resplendir de Sa Gloire. C’est pourquoi cette fête du Baptême du Christ a été appelée Épiphanie (« manifestation ») ou Théophanie : c’est-à-dire manifestation de la divinité du Christ et première claire révélation du mystère de la Sainte Trinité. De Nazareth en Galilée, Jésus se rendit alors en Judée, sur les rives du Jourdain, là où saint Jean-Baptiste, sorti du désert après trente années de préparation dans l’ascèse, la mortification de la chair et la prière, avait coutume de prêcher le repentir et de baptiser dans les eaux du fleuve les Juifs qui venaient en foule, attirés par sa renommée de juste et de grand prophète de Dieu. Supérieur aux ablutions prescrites par la Loi pour la purification des souillures corporelles (Lv 15), le baptême de Jean n’en accordait pas pour autant la rémission des péchés — celle-ci ne devant être obtenue que par la Croix et le sacrifice du Christ — ; mais, condamnant leur conduite impie et leurs transgressions par le rappel de la proximité du Jugement divin, le plus grand parmi les enfants nés de la femme (Mt XI, 11) les amenait à la connaissance de leurs péchés, au désir du repentir et préparait les cœurs à rechercher Celui dont il avait été institué le Précurseur. Moi je vous baptise dans l’eau, disait-il, en vue du repentir ; mais Celui qui vient derrière moi est plus grand que moi et je ne suis pas digne de délier la courroie de Ses sandales (c’est-à-dire d’expliquer le mystère de l’union de la divinité et de l’humanité) ; Lui va baptiser dans le Saint-Esprit et le feu » (Mt III, 11-12 ; Lc III, 16 ; Mc I, 8). Perdu dans la foule de ceux qui confessaient leurs péchés et se plongeaient dans l’eau, Jésus s’avança alors vers Jean et lui demanda de recevoir le baptême. Dans son amour infini des hommes, le Fils de Dieu ne se contentait pas en effet de revêtir notre chair mortelle, mais Lui, l’Innocent, l’Agneau de Dieu sans tâche, assumait même la condition de pécheur. Celui qui, dès le ventre de sa mère, L’avait reconnu comme le Messie en sursautant de joie (Lc I, 41), se mit à trembler d’effroi: Comment le serviteur oserait-il purifier dans l’eau le Roi de l’univers ? Comment la créature, l’argile, aurait-elle l’audace d’approcher le Verbe incarné sans crainte d’être brûlée par la divinité comme la paille par le feu ? Comment oserait-il porter la main sur la tête inclinée de son Créateur pour la plonger dans l’eau ? Jésus lui dit : Laisse faire pour l’instant, car c’est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice (Mt III, 15). De même qu’au seuil de sa Passion, Il intima l’ordre à Pierre de se laisser laver les pieds par Lui (Jn XIII, 6-9), de même aujourd’hui le Christ repousse la crainte tout humaine du serviteur effrayé devant un tel abaissement de la Divinité, et annonce ainsi que, par son Incarnation, Il est venu non seulement pour accomplir les préceptes de la Loi, mais aussi pour introduire une justice nouvelle et plus parfaite : celle de l’humilité. Jean, le représentant de l’Ancienne Alliance, se soumit à l’ordre du Seigneur et devint ainsi le ministre de cet acte inaugural de la Nouvelle Alliance. Pur et innocent de tout péché, et par conséquent de la honte d’Adam (Gn III, 7-11), le Christ, nouvel Adam, descendit nu dans ce « tombeau liquide » (Office de la Théophanie), en signe de Sa prochaine descente dans les ténèbres de la mort et de Son séjour au Tombeau. Il se plonge dans les eaux et, conformément aux prédictions des prophètes, foule aux pieds la puissance de Satan qui avait établi sa retraite dans leurs profondeurs (Ps 73, 13 : il écrasa dans les eaux la tête des dragons), puis remonte en vainqueur, annonçant ainsi Sa Résurrection le troisième jour et le relèvement de l’humanité lavée de sa faute. Les cieux, fermés par la chute du premier homme, s’ouvrirent alors au-dessus de lui et la voix du Père venue d’en haut Lui porta témoignage devant tous : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur » (Mt III, 17). Le Saint-Esprit joignit Lui aussi son témoignage, en apparaissant sous forme d’une colombe blanche — symbole de paix, de douceur et de réconciliation entre Dieu et les hommes (Gn VIII) — et désigna, comme un « doigt de Dieu », que cet homme nu était le Fils unique du Père incarné et que c’était bien lui, et non pas Jean, comme le pensaient bien des Juifs, le Sauveur promis par Dieu. Par son Baptême dans le Jourdain, le Christ annonçait ainsi à l’avance qu’Il allait délivrer l’humanité de la mort et l’amener à la connaissance de la Sainte Trinité par Sa mort et Sa Résurrection. Aujourd’hui, le Père et le Saint-Esprit joignent leur témoignage pour attester que cet homme remontant des eaux est le Fils unique et Verbe de Dieu qui, par son Incarnation, nous a révélé la Gloire de Dieu et nous a fait connaître que l’unique nature divine est ineffablement partagée, sans toutefois être divisée, par le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Le Père est Dieu, le Fils est Dieu et le Saint-Esprit est Dieu : non pas trois dieux, mais trois Personnes (hypostases) en une seule nature (essence). Ils sont comme trois soleils ou trois luminaires mutuellement transparents, unis sans être confondus dans leur unique lumière. Mystère des mystères, que le Seigneur Jésus-Christ, par son Baptême au Jourdain et son « baptême » dans la mort, nous a non seulement fait connaître, mais dont Il nous a aussi rendus participants. Le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’Il tient de son Père comme Fils unique, plein de Grâce et de Vérité (Jn I, 14). Remontant vers Dieu, après Sa Résurrection des morts, pour siéger avec Son Corps à la droite du Père, Il a définitivement ouvert les cieux pour la nature humaine tout entière et l’a rendue capable de participer, par la Grâce du Saint-Esprit, à la Gloire et à la Lumière commune et éternelle de la Sainte Trinité. Certains rapportent que cet éclat de la Gloire de Dieu, cette Lumière plus lumineuse que toute lumière de ce monde, devint sensible au moment du Baptême du Christ, comme elle apparut le jour de la Transfiguration au Thabor, car c’est en effet dans la lumière resplendissante de l’humanité divinisée du Christ que nous sommes initiés à la Lumière de la sainte Trinité. « Verbe lumineux que le Père a envoyé pour dissiper les ombres funestes de la nuit, Tu viens aussi déraciner le péché des mortels et faire surgir, par ton baptême, des eaux du Jourdain des fils de lumière »[2]. C’est pourquoi la fête de la Théophanie est aussi appelée « fête des lumières ». Cette première révélation de Dieu comme Trinité (Tri-Unité) est aussi la manifestation de la vocation ultime de l’homme, appelé à devenir fils adoptif de Dieu, oint (« christ ») du Saint-Esprit et participant de la triple Lumière par sa configuration au Christ dans le sacrement du saint baptême, inauguré aujourd’hui. Dieu avait annoncé par avance à Jean que son baptême de repentir devait prendre fin le jour du Baptême du Christ : « Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est Lui qui baptise dans l’Esprit Saint » (Jn I, 33). Le baptême de Jean prend donc fin en ce jour pour laisser la place au baptême qui sera conféré par les apôtres au nom de Jésus-Christ (Act II, 38), et qui a désormais le pouvoir de pardonner les péchés et de communiquer le Saint-Esprit. En se plongeant dans les eaux, devenues par la prière de l’Église identiques aux eaux du Jourdain, les néophytes entrent dans l’Église de la même manière que le Seigneur a commencé Sa vie publique ; mais plus encore, imitant Sa mort et Sa descente au Tombeau et devenant ainsi participants de Sa Résurrection, ils sont revêtus du Christ (Gal III, 27) et initiés à une vie nouvelle dans la Lumière de l’Esprit Saint : Baptisés dans le Christ Jésus c’est dans Sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec Lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi d’une vie nouvelle (Rom VI, 3-4). De même que Moïse, figure du Christ, avait fait ouvrir en deux les flots de la mer Rouge en les frappant de son bâton, comme d’une croix, et, après la traversée du peuple à pied sec, avait fait revenir les eaux à leur état naturel, en engloutissant Pharaon et son armée (Ex 14), de même, lorsque Jésus descendit dans les eaux du Jourdain, celles-ci ne purent supporter le feu de sa divinité et, conformément aux paroles des prophètes, elles retournèrent en arrière (Ps 113, 3) : c’est-à-dire renversèrent les lois de la nature corrompue à la suite du péché d’Adam. Porteuses de mort et de corruption, séjour des esprits impurs, lors de la descente en elles du Soleil de Justice, les eaux devinrent porteuses de lumière et de purification des péchés. « Tu as écrasé la tête des démons en inclinant la tête devant le Précurseur et, descendu dans les flots, Tu as illuminé l’univers, pour qu’il Te glorifie, Sauveur, illumination de nos âmes » (Vêpres de la fête). Devenue à nouveau eau vive (Jn IV, 10), bain de la nouvelle naissance, l’eau que nous sanctifions avant chaque baptême, le jour de la fête de la Théophanie et en de nombreuses autres circonstances, en y plongeant la croix et en invoquant le Saint-Esprit, acquiert un divin pouvoir de guérison et de purification des âmes et des corps. L’eau ainsi sanctifiée devient porteuse de la puissance de la Rédemption, de la grâce du Christ, de la bénédiction du Jourdain, elle est « source d’incorruptibilité, don de sanctification, rémission des péchés, guérison des maladies, défaite des démons... » (prière de la bénédiction des eaux). C’est pourquoi, après en avoir été aspergés dans l’église, les fidèles boivent aujourd’hui de cette eau et en emplissent des flacons qu’ils emportent chez eux pour en asperger maisons, champs, objets de la vie quotidienne… Demeurant miraculeusement incorrompues pendant des mois et même des années, les eaux de la Théophanie (et toute eau sanctifiée par l’Église) pourront donc être utilisées en toute circonstance pour parachever le renouvellement et la sanctification du monde, et faire de toute la vie des chrétiens une perpétuelle Théophanie, une révélation de la lumière de la gloire de Dieu.
Tropaire de la Théophanie, ton 1
Во Іopда́нѣ кpeщющуся Teбѣ́, Го́споди, Tpoйческое яви́ся поклоне́нie : Pоди́телевъ бо гла́съ cвидѣ́тельствоваше Teбѣ́, возлю́-бленнаго Tя́ Cы́на имену́я, и Дýxъ въ ви́дѣ голуби́нѣ, извѣ́ствоваше cлoвecé yтвepжде́нie. Явле́йся, Xpисте́ Бо́же и мípъ просвѣще́й, cла́ва Тебѣ́.
Lors de Ton baptême dans le Jourdain, Seigneur, fut manifestée l’adoration due à la Trinité : car la voix du Père Te rendit témoignage en Te donnant le nom de Fils bien-aimé, et l’Esprit, sous la forme d’une colombe, confirmait l’irréfragable vérité de cette parole. Christ Dieu qui es apparu et qui as illuminé le monde, gloire à Toi !
Kondakion de la Théophanie, ton 4
Яви́лся дне́сь вселе́ннѣй, и свѣ́тъ Tво́й Го́споди, зна́менася на́ на́cъ, въ páзyмѣ пою́щихъ Tя́ : прише́лъ ecи́,  и яви́лся ecи́ свѣ́тъ непристу́пный.

Tu es apparu au monde en ce jour, Seigneur, et Ta lumière s’est manifestée à nous qui, Te connaissant, Te chantons : Tu es venu, Tu es apparu, Lumière inaccessible.
Au lieu de : « Il est digne en vérité... »,  ton 2
Велича́́й душе́ моя́, Честнѣ́йшую го́рнихъ во́инствъ, Дѣ́ву Пречи́стую Богоро́дицу. Недоумѣ́етъ вся́къ язы́къ благохвали́ти по достоя́нію, изумѣва́етъ же у́мъ и премі́рный пѣ́ти Tя, Богоро́дицe ; оба́че Блага́я cýщи, вѣ́py пріими́, и́бо любо́вь вѣ́cи Боже́ственную на́шу ; Tы́ бо xристіа́нъ ecи́ Пpeдста́тельница, Tя́ велича́емъ.
Magnifie, mon âme, Celle qui est plus vénérable que les armées célestes, la Très pure Vierge et Mère de Dieu. Toute langue est embarrassée pour te chanter dignement, et même un esprit de l’autre monde a le vertige au moment de te célébrer, Mère de Dieu ; cependant, Tu es la bonté ; reçois donc notre foi, car Tu sais notre désir inspiré de Dieu ; Tu es l’avocate des chrétiens, nous Te magnifions.  



[1] Tiré du Synaxaire du hiéromoine de Simonos Petras (version abrégée)
[2]. 4e ode du second canon des matines.

jeudi 18 janvier 2018

Saint Jérome: Paroles et actes des clercs!



Que vos actions ne soient jamais indignes de vos paroles, qu'il ne se produise pas que, lorsque vous prêchez à l'église, quelqu'un se dise: "Pourquoi n'agit-il donc pas ainsi?".

Comment un enseignant, à jeun, discute-t-il du jeûne? même un voleur peut blâmer l'avarice; mais chez le sacrificateur du Christ, l'esprit et les paroles doivent s'harmoniser. "

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Saint-Jérôme
cité dans 

Sur orthodoxie.com/ « In Memoriam : père Placide Deseille » par le père Élie (Ragot)

Le 11 janvier dernier le père  l’archimandrite Élie, higoumène du monastère de la Transfiguration à Terrasson, a prononcé l’éloge funèbre du père Placide au nom de la communauté monastique de Simonos Petras lors des funérailles. Nous vous invitons à le lire ci-dessous :
« L’archimandrite Placide Deseille s’est donc endormi le 7 janvier 2018 dans sa 92ème année.
C’était pour lui et pour nous, le lendemain de la Théophanie, cette fête qu’il aimait par-dessus toutes, et donc le jour de la synaxe du Saint Précurseur et Baptiste Jean. Ce même jour mais selon l’Ancien calendrier julien en vigueur à la sainte Montagne de l’Athos se déroulaient les solennités de Noël. L’higoumène de notre monastère de Simonos Pétra était en train de célébrer l’office de commémoraison des défunts du monastère lorsque les moines reçurent le message leur annonçant le décès de père Placide. Ils purent ainsi nommer parmi ceux-ci le hiéromoine Placide de bienheureuse mémoire.
En 1966 le père Placide, alors moine cistercien, avait fondé un petit monastère de rite byzantin dans la forêt d’Aubazine, en Corrèze, avec l’aide de son compagnon de la toute première heure le père Séraphim. C’est là qu’en 1970 je suis revenu le rejoindre.
En 1977 nous entrions au monastère de Simonos Petra, sur la Sainte Montagne de l’Athos, en Grèce. Nous nous sommes attachés à l’Eglise orthodoxe puis devenus moines de cette communauté sous la direction spirituelle de l’archimandrite Aimilianos, faits hiéromoines (moines-prêtres) enfin avec la bénédiction de l’higoumène Aimilianos, renvoyés en France où nous allions fonder deux monastères sous la protection de Simonos Pétra (métochia): le 24 juin 1978 celui de la Transfiguration, à Martel, dans le Lot, où je devais préparer les lieux pour accueillir des moniales. Puis le 14 septembre de la même année, le monastère Saint Antoine le Grand, à Saint Laurent en Royans, dans la Drôme, où père Placide déplaçait avec père Séraphim leur fondation d’Aubazine où ils ne pouvaient plus rester. Le Monastère le la Transfiguration de Martel devrait déménager 13 ans plus tard à Terrasson-Lavilledieu où il se trouve toujours, alors que le Père Placide allait encore fonder une autre communauté monastique, féminine, à Saint Mémoire à côté de son monastère Saint- Antoine. Elle devrait elle aussi déménager à Solan, dans le Gard, où les sœurs gèrent un domaine viticole produisant du vin «bio» et militent activement pour la protection de la nature avec monsieur Pierre Rabhi.
Le père Placide a profondément marqué le monastère de la Transfiguration : par la formation et l’influence spirituelle qu’il a exercée sur moi pendant notre vie commune à Aubazine, mais aussi durant nos nombreux voyages d’alors dans les pays de tradition orthodoxes, et tout le temps de notre commune réflexion sur l’opportunité de choisir l’Orthodoxie, lors de notre séjour ensemble à la sainte Montagne de l’Athos en particulier.
Donc le père Placide s’en est allé vers le Père, mais sans nous quitter totalement : sa présence, comme celle de tous les défunts, continue, mais sous une autre forme qui n’est pas seulement dans notre souvenir, mais selon son corps spirituel, comme le dit Saint Paul dans sa seconde épître aux Corinthiens (4,14 ; 5,1-4).
Il me revient je crois, en tant que plus ancien compagnon de Père Placide avec le père Séraphim, de souligner trois ou quatre aspects particulièrement marquants de la personnalité de Géronda Placide. Ce ne peut être un bilan de sa vie ni de son œuvre ni de son rayonnement ; beaucoup d’autres mieux que moi sauront le faire et plus judicieusement.
C’est à la suite de la lecture de son premier livre «L’Evangile au désert» que j’ai eu la grâce providentielle de rencontrer le père Placide alors que je cherchais ma vocation. Ce n’est pas qu’une lapalissade de dire que tout ce que nous avons reçu de lui s’inscrit dans ce premier livre et dans sa dernière publication, le recueil d’un choix de ses homélies qui vient de paraître juste avant son trépas. Dans le premier, tout est déjà dit : à travers l’histoire du monachisme et de ses aléas il indique le fil directeur de la recherche de Dieu, les étapes et les principes de la vie spirituelle, les difficultés et les effets de la prière, le but de la vie chrétienne.
Dans sa dernière publication, il distille son enseignement au long des dimanches et des cycles festifs de l’année liturgique, il exhorte, encourage, montre la Voie, explique et commente les Ecritures selon l’interprétation des Pères, mais assimilées par son expérience personnelle et vécue idéalement dans la grande Tradition monastique universelle et ininterrompue.
Ainsi qu’il l’évoque dans sa courte autobiographie publiée récemment dans son ouvrage récent «De l’Orient à l’Occident, Orthodoxie et Catholicisme» (éd. des Syrtes, 2017) le père Placide était un homme de prière dès son enfance, prière qui selon lui se présente pour un moine sous deux formes : La prière communautaire qu’il a lui-même goûtée, chantée, ruminée et qui le nourrissait tant d’abord lors des offices cisterciens pendant la période qui précédait le concile catholique de Vatican II, puis dans les longs offices monastiques orthodoxes. Il en a gardé et développé l’amour tout au long de sa vie et a fait partager cet amour à beaucoup de ses enfants spirituels.
Quant à sa prière personnelle, il ne nous en a pas révélé les secrets intimes bien sûr. Mais ceux qui l’ont côtoyé savent à quel point elle était imprégnée des Psaumes et des hymnes de l’Eglise, hymnes unifiés, intégrés, personnalisés, intériorisés dans le silence de la Prière de Jésus et l’invocation du Nom, cette prière hésychaste que nous l’avons vu découvrir émerveillé.
Je me souviens de son enthousiasme quand, à la Sainte Montagne de l’Athos, Géronda Aimilianos nous montrait l’importance de la prière personnelle nocturne, ou lorsqu’il découvrait et traduisait quelque hymne acathiste ou autre paraclisis. Dès les années 60, il avait traduit l’admirable et riche acathiste du Buisson Ardent, du moine Daniel de Roumanie. A Aubazine, il nous les commentait en communauté ou dans la voiture lors de nos déplacements. Avec grande humilité il adoptait ces hymnes, et chaque verset, chaque expression, étaient l’occasion d’une large mais synthétique vision des Ecritures dont il nous révélait les «harmoniques» et les développements ou les implications dans la vie spirituelle et dans la perception de la «communion des saints» en Eglise. Par là, il nous initiait à entrer dans «les profondeurs du cœur» et à y trouver en la présence divine de Jésus tous les Membres de Son Corps. Par ces commentaires, il nous éduquait et nous invitait à la prière continuelle qu’il faisait sienne.
Le géronda Placide nous a aussi transmis sa sensibilité à la réalité profonde de l’Eglise, dison : au «Mystèr » de l’Eglise. Son charisme ne se manifestait pas en de grands développements de théologie spéculative – bien qu’il en eût été fort capable – mais il voyait, sentait et défendait l’expression de l’unité de l’Eglise – et sa condition – à travers l’unité de foi et l’unité sacramentelle. Il se raccrochait toujours à ce qui a été cru toujours et par tous, à ce qui a été universellement expérimenté dans la Liturgie et l’Office divin. Nous pouvons remarquer le souci qu’il a eu de nous transmettre le Psautier d’après la traduction des Septante et le soin qu’il a mis à traduire et à perfectionner inlassablement ces traductions, enrichies par les riches et multiples interprétations des Pères de l’Eglise.
Il faut relire l’introduction à sa traduction du Psautier et se reporter aux notes qui accompagnent des mots ou des expressions spécifiques, pour comprendre à quel point elles sont le fruit de sa propre manducation des Psaumes et des Ecritures qu’il nous transmet et nous révèle.
Après avoir évoqué sa vaste culture patristique, je voudrais aussi évoquer un autre aspect de notre père maintenant endormi : il avait une âme philocalique. N’avait-il pas projeté dans les années 70, de traduire en français et d’éditer avec l’aide de ses disciples la Philocalie ? Sa lecture des Pères et des grands spirituels n’était en rien de l’érudition, bien qu’il fut fin connaisseur, mais faisait de lui une authentique philocalie vivante. Elle l’amenait toujours à l’intime expérience de la vie spirituelle, c’est-à-dire de la vie en Dieu par la prière, l’ascèse et la contemplation, fruits de la foi, telle que les Pères neptiques la décrivent et vers laquelle ils nous orientent. C’est encore ce qu’il a voulu nous transmettre en mettant à notre portée par de fines et claires traductions «l’Echelle Sainte» de «Jean Climaque» et les «Discours ascétiques» d’Isaac le Syrien.
Alors qu’il était strict sur tous les points relatifs à la doctrine théologique et spirituelle de l’Eglise, le père Placide savait allier un sens profond de «l’économie» dans les conseils spirituels pour lesquels on le consultait, mais toujours au service de la recherche de Dieu.
En effet, tant pour lui-même que pour ceux qui se confiaient en lui, tout était au service non seulement d’une vie avec Dieu, mais d’une vie en Dieu. C’est ce qu’il nous montrait lorsque qu’il commentait le livre de Nicolas Cabasilas, «Ma vie en Christ». Peut être pourrions nous même dire que là résidait la raison profonde de sa conversion à l’Orthodoxie qui lui permettait de passer d’une vie avec Dieu et dans l’espérance, vivante dans la tradition latine et catholique, à une vie en Dieu à laquelle aspirent pour ici et maintenant les Orthodoxes – autant que leur faiblesse le leur permet – et que transmet consciemment leur Eglise.
Pour conclure mes propos, je voudrais encore ajouter que d’une certaine manière, père Placide a été un trait d’union entre l’Orient et l’Occident chrétiens. Il n’a jamais rien renié de l’Occident, mais il y a toujours recherché trouvé et exalté les racines orthodoxes présentes en Occident, y décelant jusqu’à aujourd’hui, et chez maintes personnes ce qui en est toujours vivace, nous invitant non seulement à les découvrir, mais à les développer et à les amener à leur transfiguration par l’expérience spirituelle et liturgique de l’Orthodoxie. C’est ainsi qu’il savait aider et conseiller de nombreux Catholiques attachés à leur tradition et ne souhaitant pas à en changer, par des lectures appropriées à leur tradition. Le père Placide servait toujours l’Eglise en révélant au monde occidental les richesses mystiques de la tradition spirituelle, théologique, littéraire, liturgique, artistique de l’Orthodoxie, et en montrant aussi au monde orthodoxe, souvent ignorant de ces choses depuis le Grand Schisme de 1054, les richesses de la grande Tradition latine et des ceux qui en vivent encore.
Avec l’aide de Dieu et l’intercession de père Placide, les membres des métochia, et les fidèles bénéficiaires du même héritage, vont poursuivre avec humilité la voie qu’il nous a montrée et qu’avait jadis bénie Géronda Aimilianos et maintenant encore son digne successeur Géronda Elisée.
Non, père Placide ne vous laisse pas, non il ne nous laisse pas orphelins, il demeure présent, mais autrement, et pas seulement à travers ses écrits ou nos souvenirs intimes ; c’est ce qu’ont ressenti beaucoup de ceux qui – nombreux – l’ont veillé filialement, avec foi, jour et nuit, avec les Psaumes et beaucoup de paix, depuis sont trépas jusqu’à ses funérailles.
Père Placide, merci!
Géronda, mémoire éternelle !
Archimandrite Elie »

mercredi 17 janvier 2018

Saint Basile le Grand: De la dignité cléricale



La dignité cléricale est une chose du passé. Il y a un manque total d'hommes guidant le troupeau du Seigneur avec la connaissance.

Les hommes ambitieux gaspillent constamment la provision pour les pauvres sur leur propre plaisir et la distribution des cadeaux. Il n'y a pas de connaissance précise des canons. Il y a une immunité complète dans le péché; car quand les hommes ont été mis en fonction par la faveur des hommes, ils sont obligés de rendre la faveur en montrant continuellement de l'indulgence aux délinquants. Le simple jugement est une chose du passé; et tout le monde marche selon le désir de son cœur. Le vice ne connaît pas de limites; les gens ne connaissent aucune retenue. Les hommes d'autorité ont peur de parler, car ceux qui ont atteint le pouvoir par l'intérêt humain sont les esclaves de ceux à qui ils doivent leur avancement. Et maintenant la justification même de l'Orthodoxie est considérée dans certains milieux comme une opportunité d'attaque mutuelle; et les hommes cachent leur mauvaise volonté privée et prétendent que leur hostilité est tout pour l'amour de la vérité. D'autres, effrayés d'être reconnus coupables de crimes honteux, enragent le peuple dans des querelles fratricides, afin que leurs propres actions puissent passer inaperçues dans la détresse générale. La guerre n'admet donc aucune trêve, car ceux qui ont commis des actes mauvais ont peur d'une paix, comme étant susceptibles de lever le voile de leur secrète infamie.

Pendant tout ce temps, les non-croyants rient; les hommes de faible foi sont ébranlés; la foi est incertaine; les âmes sont trempées dans l'ignorance, parce que les falsificateurs du Verbe imitent la vérité. La bouche des vrais croyants est muette, tandis que toute langue blasphématoire se libère; les choses saintes sont foulées aux pieds; les meilleurs laïcs évitent les églises comme écoles d'impiété; et lève leurs mains dans les déserts avec des soupirs et des larmes à leur Seigneur dans les cieux. 

Version française Claude lopez-Ginisty
d'après
Saint Basile le Grand, 
Lettre # 92, 
"Aux Italiens et aux Gaulois"
in

mardi 16 janvier 2018

Sur le blog de Maxime: L'ÉGLISE CORPS DU CHRIST par St Syméon le nouveau Théologien

Le Corps du Christ

"Quand l'Église fut primordialement fondée, Notre Seigneur l'a comparée à une graine, et en effet, elle était bien minime, puisqu'en tout elle comptait douze apôtres. mais petit à petit la graine poussa, devint un grand arbre et actuellement les disciples du Christ sur la terre se comptent par millions. Puisque pour ceux qui croient au Seigneur, la mort n'est pas une destruction complète, mais un retour dans leur patrie et une union plus intime avec la Divinité, il faut additionner ces millions de Chrétiens qui depuis la fondation de la Chrétienté ont vécu et sont morts en chrétiens avec ces millions disciples   fidèles qui vivent actuellement sur terre qui ont le Christ pour Chef "dont tout le corps assisté et solidement  assemblé par des jointures et des liens tire l'accroissement que Dieu donne" (Col. 2,19)
in Catéchisme des grecs orthodoxes
par P. Constantin Callinicos


"Les attributs de l'Église indiqués dans le symbole de la foi, «une, sainte, catholique et apostolique», se réfèrent à l'Église militante. Cependant, ils reçoivent leur pleine signification avec la conscience de l'unité de cette Église avec l'Église céleste dans le seul Corps du Christ : l'Église est une, avec une unité à la fois céleste et terrestre; elle est sainte avec une sainteté céleste et terrestre; elle est catholique et apostolique par son lien ininterrompue avec les apôtres et tous les saints. "
Archiprêtre Michael Pomazansky (source)
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