mardi 25 septembre 2018

Jean-Claude LARCHET: L’évolution inquiétante des prérogatives que s’attribue le patriarcat de Constantinople



Extrait du livre de Jean-Claude Larchet, L’Église, Corps du Christ, tome II, Les relations entre les Églises, Éditions du Cerf, Paris, 2012

Les années 20 du xxe siècle ont marqué un tournant im­portant dans la façon dont le patriarcat de Constantinople a compris ses prérogatives et a entendu les exercer au sein du monde orthodoxe.

Ces années furent marquées par la constitution en Europe, en Amérique du Nord et en Australie d’une importante diaspora composée d’abord par les Russes qui avaient été contraints de fuir leur pays à la suite de la Révolution de 1917, puis par les Grecs chassés d’Asie mineure par la politique du nouvel État turc.
De ce dernier fait, le patriarcat de Constantinople se voyait, sur son territoire canonique, privé d’une grande partie de ses fidèles; dans le pays où ils continuaient à résider, le patriarche voyait ses droits et sa liberté d’action considérablement limités, un processus qui s’accentua avec l’interminable conflit entre la Grèce et la Turquie.

D’un côté, le souci d’assurer sa subsistance dans les condi­tions difficiles imposées par l’État turc a conduit le patriarche de Constantinople, depuis ces années vingt à jusqu’à nos jours, à entreprendre et à développer une action diplomatique tous azi­muts, afin de s’assurer un maximum de soutiens politi­ques au­près des différents États [[i]]. C’est en vue de s’assurer aussi le sou­tien de l’importante Église catholique romaine et celui des di­verses communautés protestantes répandues dans le monde, qu’il a développé les relations œcuméniques sous dif­féren­tes formes et multiplié les tentatives d’union [[ii]].

D’un autre côté, le souci de maintenir ses prérogatives et son influence parmi les Églises orthodoxes (alors que ce qui avait motivé leur octroi par les conciles Constantinople I et Chalcé­doine, à savoir la position politique de capitale de l’em­pire de la ville où résidait l’évêque de Constantinople était dé­sormais caduque) s’est traduit, premièrement par la volonté d’étendre sa juridiction à l’ensemble de la diaspora [[iii]]; deuxièmement par une tentative d’inclure dans sa sphère d’influence les Églises non chalcédoniennes (en développant à leur égard une politique unioniste); troisièmement par un intervention­nisme intempestif (c’est-à-dire ne respectant pas l’indépendance qui leur est garantie par les canons) dans les affaires internes de nom­breuses Églises autocéphales et par le soutien apporté à des groupes schismatiques ou la constitution dans plusieurs pays (par exemple l’Ukraine, l’Estonie et la Moldavie, et plus récemment l’Amérique du Sud) d’une hiérar­chie parallèle, dans le but principal d’étendre sa juridiction; quatrièmement par la prétention à être – sur le modèle de la papauté – le centre d’unité [[iv]] et de communion [[v]] des Églises orthodoxes; cinquièmement par la volonté de faire de sa pri­mauté d’honneur une primauté d’autorité et de pouvoir [[vi]], là encore en s’inspirant du modèle de la papauté.

Cette politique a été étayée par une réinterprétation des ca­nons fondant les prérogatives du siège de Constantinople. On a ainsi affirmé que le canon 3 de Constantinople I (381), bien qu’il ne mentionne qu’une primauté d’honneur du siège de Constantinople à la suite de celle de Rome, supposait l’exis­tence d’une égalité de pouvoir [[vii]]. Le 34e canon apostolique a été compris comme permettant que le patriarcat de Constantinople soit responsable de l’ordre canonique dans les autres patriar­cats [[viii]]. Les canons 9 et 17 de Chalcé­doine ont été interprétés par les canonistes constantino­politains comme lui conférant à la fois un droit de juridiction universel (se caractérisant notam­ment par la capacité de constituer une instance d’appel pour tout clerc d’une autre Église qui serait en conflit avec le primat de sa propre juridiction) et un droit stavropégiaque (se caractérisant par le pouvoir de créer des entités dépendant directement de lui au sein des autres Églises autocé­phales). Ces canonistes ont même étendu la compétence du siège de Constantinople en matière d’appel en le considérant comme l’héritier, depuis le schisme de 1054, des prérogatives accordées au siège de Rome par le concile de Sardique conçues comme « l’exercice extraterritorial du droit de recours [[ix]] ». Le canon 28 a été interprété quant à lui comme instituant une juri­diction du patriarche de Constantinople sur la diaspora (les ca­nonistes précédemment évoqués prenant cependant soin, pour les raisons susdites, de préserver les « droits » de l’Église de Rome [[x]]). Mais indépendamment de la question de la diaspora, ces cano­nistes attribuent rétroacti­vement à Constantinople un territoire qui va très au-delà de ses attributions canoniques et semble relever de leur imagination, comme quand l’archiman­drite Gri­go­rios Papathomas écrit que « le territoire patriarcal juri­diction­­nel [du siège de Constanti­nople], jusqu’à la fin du premier millénaire, est étendu et déter­miné historique­ment et choro-géographiquement par quatre mers (Noire, Méditerranée, Adriatique et Baltique [[xi]]) ».

Cette politique s’est traduite aussi, sur le plan de l’organi­sa­tion ecclésiale, contrairement aux canons et aux principes élé­men­taires de l’ecclésiologie orthodoxe, par la multiplication d’évêques/métropolites titulaires (c’est-à-dire ayant un titre ne correspondant à aucun diocèse ou aucune éparchie réelle) selon une pratique identique à celle des cardinaux catholiques, et qui n’ayant en charge aucun fidèle, ont une activité purement diplo­matique.

Cette politique universaliste et globalisante s’est traduite éga­lement par un relativisme dogmatique et canonique qui n’est sans doute pas sans rapport avec l’appartenance notoire de son principal initiateur, le patriarche Mélétios IV Métaxakis (1921-1923) et de l’un de ses principaux promoteurs, le patriarche Athénagoras Ier (1949-1972) au mouvement maçonnique [[xii]].

Par cette politique, le patriarcat de Constantinople est devenu au xxe siècle une source importante de troubles au sein du monde orthodoxe. Par son soutien apporté à la constitution de  hiérarchies parallèles dans divers pays – notamment en Estonie, en Ukraine et en Moldavie –, par des tentatives, mal fondées théologiquement et canoni­quement, d’union avec les Églises non chalcédoniennes, par un dialogue mené avec l’Église ca­tholique sur la seule question de la primauté dans le but mani­feste de trouver une justification à une conception de sa propre primauté qui s’est considérablement rapprochée de la concep­tion catholique romaine du second millénaire, le patriarcat de Constantinople est entré en conflit avec la plupart des autres Églises autocéphales [[xiii]]; il a donné lieu à l’émergence de schismes (dont celui des Vieux-calendaristes, né en Grèce comme une conséquence directe de la politique réformiste et œcuméniste du patriarche Mélétios IV Métaxakis [[xiv]], mais qui s’est maintenant répandu dans tous les pays orthodoxes et dans la diaspora); il a provoqué un développement considérable de la mouvance inté­griste au sein du monde orthodoxe.

Les reproches que faisait au patriarche de l’époque le saint pape Léon Ier d’ « une ambition coupable qui désire ce qui ne lui appartient pas, et cherche à s’accroître en diminuant les au­tres [[xv]] »,  et de « porter le désordre dans des provinces tranquil­les [[xvi]] » retrouvent à travers ces faits une certaine actualité. Il est certain que le patriarcat de Constantinople, tout en prétendant non seulement devenir au sein de l’Orthodoxie le principal fac­teur d’unité mais être le centre de l’unité ecclésiale, y est depuis quelques années le principal facteur de division.

L’Église russe, dans les conclusions d’un concile local tenu en 2008, après avoir constaté l’évolution inquiétante, inaccep­table du point de vue de la Tradition orthodoxe, de l’ecclésio­logie du patriarcat de Constantinople, et avoir rappelé ses prin­cipales caractéristiques, a adressé à ce sujet une mise en garde au siège de Constantinople:

« Aujourd’hui, l’unité est menacée non seulement dans l’Église or­thodoxe russe, mais aussi dans l’Orthodoxie universelle. Le danger vient de tentatives imprudentes de revoir l’organisation séculaire des rapports entre les Églises locales fixée dans les saints canons. Sou­cieux de la communion avec toutes les Églises orthodoxes locales, et surtout avec le patriarcat de Constantinople, Église mère à laquelle l’héritage de la Sainte Russie est inséparablement lié depuis des siè­cles, le concile exprime sa profonde préoccupation devant les tendan­ces à altérer la tradition canonique qui apparaissent dans les déclara­tions et les actes de certains représentants de la Sainte Église de Constantinople. Se fondant sur une interprétation du 28e canon du ive concile œcuménique qui n’est pas acceptée par l’ensemble de l’Église orthodoxe, ces évêques et théologiens élaborent une nouvelle concep­tion de l’ecclésiologie qui met en péril l’unité de l’Orthodoxie. Selon cette conception: a) seules les Églises en communion avec le siège de Constantinople appartiendraient à l’Orthodoxie universelle; b) le pa­triarcat de Constantinople aurait le droit exclusif de juridiction au sein de la diaspora orthodoxe; c) dans les pays ayant une diaspora ortho­doxe, le patriarcat de Constantinople représenterait lui seul l’avis et les intérêts de toutes les Églises locales face aux pouvoirs publics; d) tout évêque ou membre du clergé qui exerce son ministère hors du territoire canonique de son Église locale se trouverait automa­tique­ment dans la juridiction ecclésiale de Constan­tinople, même s’il n’en est pas conscient, et pourrait de ce fait être reçu dans cette juridiction sans aucune lettre dimissoriale de son Église (comme ce fut le cas avec Mgr Basile, ancien évêque de Serguéiévo); e) le patriarcat de Constantinople aurait la prérogative de définir les frontières géogra­phiques des Églises et, si son avis diverge avec celui d’une autre Église, pourrait créer sur le territoire de cette Église ses propres structu­res (comme ce fut le cas en Estonie); f) le patriarcat de Constantino­ple déciderait unilatéralement quelle Église orthodoxe locale peut participer aux manifestations interorthodoxes et inter­chrétienns.

Cette vision qu’a le patriarcat de Constantinople de ses propres droits et prérogatives est en contradiction manifeste avec la tradition séculaire sur laquelle s’est édifiée la vie de l’Église orthodoxe russe et d’autres Églises orthodoxes locales, et va à l’encontre de leurs devoirs pastoraux auprès de leurs fidèles dans la dispersion.

Considérant que les problèmes mentionnés ne pourront être résolus définitivement que par un concile œcuménique de l’Église orthodoxe, ce concile épiscopal appelle la Sainte Église de Constantinople à la prudence en attendant l’examen de ces nouveautés par l’ensemble de l’Orthodoxie et à s’abstenir de gestes qui pourraient faire exploser l’unité orthodoxe. Cet avertissement concerne particulièrement les ten­tatives de revoir les frontières canoniques des Églises ortho­doxes [[xvii]]. »

Nous avons vu que le siège de Constantinople a été constitué et ses prérogatives accordées relativement à un facteur pure­ment politique: le fait que Constantinople soit devenue la capitale de l’empire. Ce fondement, reconnu par les canons de Constantinople I, de Chalcédoine et du concile in Trullo, étant aujourd’hui devenu caduque, la place et le rôle de Constantino­ple sont susceptibles d’être remis en cause [[xviii]], et le facteur de l’importance politique de Constantinople qui avait été autre­fois mis en jeu dans un sens pourrait aujourd’hui être mis en jeu dans l’autre sens.

Les canons qui ont défini la place du siège de Constantinople font partie des canons qui n’ont qu’une valeur relative parce qu’ils définissent l’organisation de l’Église en fonction de cir­constances historiques particulières ; si ces circonstances chan­gent, ils peuvent être abolis ou modifiés. Ainsi, le canon 28 de Chalcédoine prend des positions tout à fait différentes du canon 6 de Nicée en ce qui concerne l’ordre des Églises et la place du siège d’Alexandrie, et du canon 2 de Constantinople I en ce qui concerne le statut des diocèses d’Asie, du Pont et de Thrace ; ou encore, à la suite du schisme de 1054, le siège de Rome a perdu par rapport à toutes les autres Églises toutes les prérogati­ves que les canons lui accordaient.

S’il s’avérait que l’action du siège de Constantinople était plus nuisible qu’utile à l’Église orthodoxe dans son ensemble, un concile à venir pourrait envisager une réorganisa­tion  de la structure de l’Église analogue à celles auxquelles procédèrent les conciles de Constantinople I et de Chalcédoine. Le patriarcat de Constan­tinople n’a plus en charge, en Turquie même, que mille cinq cents fidèles environ [[xix]], qui pourraient être confiés à un exarque de l’Église de Grèce, à laquelle pourraient être confiées également les régions situées sur le territoire de la Grèce mais qui sont actuellement sous la juridiction du patriar­cat de Cons­tantinople. Le retrait du siège de Constan­tinople permettrait aussi de régler un grand nombre de pro­blèmes survenus dans la diaspora du fait de son interven­tion­nisme intempestif, de sa vo­lonté de puissance ou du fait qu’il est venu y doubler les hiérar­chies existantes, autant de facteurs qui ont été jusqu’à présent des obstacles à la constitution d’Églises locales [[xx]] ; il pourrait permettre aussi de régler le problème de la multiplication de groupes schisma­ti­ques intégristes dans les différentes Églises au cours de ces dernières années, et qui est pour une grande part due au relati­visme dogmatique et ecclésiologique dans lequel le siège de Constantinople a entraîné les autres Églises à travers des insti­tutions et des mouvements dont il a été l’initiateur et l’ani­ma­teur.

Toutes les Églises autocéphales orthodoxes s’entendent à considérer que la juridiction du patriarcat de Constantinople reste limitée au territoire qui lui a été traditionnellement re­connu par les canons, à savoir, selon les dénominations actuel­les : une partie de l’actuelle Turquie, les métropoles du Dodé­canèse, l’Église (semi-autonome) de Crète, les « Nou­veaux territoires » de la Grèce du Nord (Épire, Macédoine, Thrace), les îles de l’archipel d’Égée, le Mont-Athos.

Elles reconnaissent au patriarche de Constantinople des pré­rogatives d’honneur se traduisant concrètement par un rôle de présidence lorsque plusieurs primats sont réunis ou lors d’une célébration liturgique commune, par un rôle d’initiative (par exemple dans la convocation d’un nouveau concile où la publi­cation d’une encyclique exprimant de manière unitaire des po­sitions communes). Elles reconnaissent qu’il est habilité à rece­voir des appels et à en juger avec son synode, dans les limites prescrites par les canons. Mais ces prérogatives doivent s’exer­cer dans le cadre de la synodalité qui caractérise tradition­nel­lement les processus de délibération et de décision de l’Église orthodoxe, et dans le cadre du respect strict des canons qui reconnaissent l’égalité fondamentale de toutes les Églises auto­céphales et l’indépendance de chacune. Le non-respect de la synodalité ne peut que dégénérer en rivalités pour le pou­voir ou l’autorité au sein du monde orthodoxe (comme on l’a vu ces dernières années entre le patriarcat de Constantinople et le patriarcat de Moscou) selon un esprit et un mode de fonction­nement de type politique propre aux États du monde déchu, mais profondément étranger à l’esprit de l’Église, dont le Christ est le seul chef, et où les relations sont régies par des vertus qu’inspire l’Esprit Saint, seule source de paix, de concorde, d’har­monie et d’unité: l’amour et l’humilité.

NOTES





[i]. Dans leur étude sociologique (dont la méthodologie exclut tout parti pris) M. Anastassiadou et P. Dumont parlent d’ « une stratégie d’ancrage dans le monde occidental qui semble aujourd’hui seule capable d’assurer au Phanar les soutiens politiques nécessaires pour échapper à une mort par asphyxie » (Les Grecs d’Istan­­bul et le patriarcat œcuménique au seuil du xxie siècle. Une com­munauté en quête d’avenir, Paris, 2011, p. 137).
[ii]. Cf. ibid., p. 137-138.
[iii]. Comme le souligne le patriarche Alexis II dans sa lettre intitulée Paix, diaspora et division dans l’Église : le canon 28 du ive concile œcuménique, adressée le 28 mars 2002 au patriarche Bartholomée Ier, la prétention du patriarcat de Constantinople à avoir juridiction sur la diaspora est récente et remonte, comme nous avons dit, aux années 20 du XXe siècle : « Des faits historiques indiqu[e]nt que jusque dans les années vingt du XXe siècle il n’y avait aucune autorité de fait du patriarche de Constantinople sur toute la diaspora orthodoxe dans le monde entier, et qu’il ne prétendait pas non plus à une telle autorité. À titre d’exemple, en Australie la diaspora orthodoxe était initialement desservie par Jérusalem et le patriarcat de Jérusalem y envoyait des prêtres. En Europe occidentale, dès le commencement, les paroisses et les communautés orthodoxes dépendaient canoniquement de leurs Églises mères et non pas de Constantinople, de même que dans d’autres parties du monde où pour suivre l’enseignement du Christ (Mt 28, 1-20) des missionnaires zélés des Églises locales orthodoxes, y compris celle de Constantinople, prêchaient l’Évangile et baptisaient les aborigènes qui devenaient enfants de l’Église, qui les avait éclairés par le baptême. Pour ce qui est de l’Amérique, dès 1794, l’Orthodoxie sur ce continent a été représentée exclusivement par la juri­diction de l’Église russe qui en 1918 regroupait 300 000 orthodoxes de nationalités différentes (Russes, Ukrainiens, Serbes, Albanais, Arabes, Alé­ou­tes, Indiens, Africains, Anglais); y appartenaient également les Grecs ortho­do­xes recevant l’antimension pour leurs paroisses de la part des évêques russes. Une telle situation était reconnue par toutes les Églises locales qui pour les paroisses américaines envoyaient leur clergé dans la juridiction de l’Église orthodoxe russe. Le patriarcat de Constantinople aussi s’en tenait à cette même pratique. Par exemple, lorsque en 1912 les Grecs orthodoxes d’Amé­rique adressèrent une requête pour l’envoi d’un évêque grec à Sa Sainteté le Patriarche de Constantinople Joachim III, le Patriarche ne l’a ni envoyé lui-même, ni n’a adressé cette requête à l’Église orthodoxe de Grèce mais il a recommandé d’en référer à l’Archevêque Platon d’Aléoutie et d’Amérique du Nord afin que cette question soit tranchée par le Saint Synode de l’Église orthodoxe russe. »
[iv]. Comme l’affirme par exemple le métropolite Stéphanos de Tal­linn, « Le 28e canon du ive concile œcuménique et la diaspora ortho­doxe », page Internet sur le site http://www.orthodoxa.org. Sur ce point, voir aussi les remarques de E. Mélia, « Pentarchie et primauté », dans La Primauté romaine dans la communion des Églises, Paris, 1991, p. 102.
[v]. Sur ce dernier point, voir par exemple l’affirmation du canoniste attitré du Phanar, V. Phidas, selon laquelle le patriarcat de Constantinople est « le garant de la communion ecclésiale de l’Église orthodoxe » (« Le Primat et la conciliarité de l’Église dans la tradition orthodoxe », Episkepsis, 671, 2007).
[vi]. C’est en faveur d’une telle primauté que milite le métropolite Jean (Zizioulas) de Pergame, « Recents Discus­sions on Primacy in Orthodox Theology », dans W. Kasper (éd.), Il ministero petrino. Cattolici e ortodossi in dialogo, Rome, 2004, p. 249-264 ; « Les conférences épiscopales comme institution “Causa nostra agitur” ? Point de vue orthodoxe », dans L’Église et ses insti­tutions, Paris, 2011, p. 170-171 ; « Là où il y a l’eucharistie, il y a l’Église catholique », dans L’Église et ses institutions, p. 233-234.
[vii]. Cf. P. Polakis, Présupposés historiques du primat de l’évêque de Constantinople, Athènes, 1954, p. 82 (en grec) ; Maxime de Sardes, Le Patriar­cat œcuménique dans l’Église orthodoxe, Paris, 1975, p. 131, 138 ; G. Mpoumès, « La Primauté de pouvoir des sièges de Rome-Constantinople. L’exégèse du canon 3 du IIe Concile œcuménique, Theologia, 53, 1982, p. 1084-1101.
[viii]. Métropolite Jean Zizioulas, « La primauté dans l’Église, une approche orthodoxe », dans L’Église et ses institutions, Paris, 2011, p. 224. L’auteur affirme parallèlement que, conformément au même canon, le patriarche de Constantinople ne pourrait pas interférer dans les affaires des autres pa­triar­cats, mais ces deux exigences sont manifestement contradic­toires.
[ix]. Voir G. D. Papathomas, « Les différentes modalités d’exercice de la juridiction du Patriarcat de Constantinople », Istina, 40, 1995, p. 379. Cet article qui, sur plusieurs sujets qu’il aborde, se joue des réalités historiques et géographiques, a été sur certains aspects critiqué par D. Struve, « Réponse au P. Grégoire Papathomas », Le Messager orthodoxe, 141, 2004, p. 73-88.
[x]. Voir par exemple G. D. Papathomas, « Les différentes modalités d’exercice de la juridiction du Patriarcat de Constantinople », Istina, 40, 1995, p. 369-385.
[xi]. Ibid., p. 372 et 380.
[xii]. Sur l’appartenance de Mélétios Métaxakis à la franc-maçonnerie, voir A. Zervuldakis, « Meletios Metaxakis », Tektonikon Deltion : Organos tès Megalès Stoas tès Hellados [Bulletin maçonnique: Organe de la Grande Loge de Grèce], 71, 1967, p. 49-50. La politique réformiste de Mélétios Métaxakis (qui est loin de se limiter à l’introduction du nouveau calendrier) fut inspirée par le président grec Vénizélos, lui-même franc-maçon, selon un programme très précis (voir D. Kitsikis, « Les Anciens calendaristes depuis 1923 et la montée de  l’intégrisme en Grèce », Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 17, 1994, p. 3-5). Entre Mélétios et Athénagoras, le patriarche Basile III (1925-1929) fut également franc-maçon (voir V. A. Lambropoulos, Dokoumenta tis Ellinikis Masonias, éd. Yannis V. Vasdhekis, 4e éd., Athènes 1990, p. 340).
[xiii]. Les conflits et tensions les plus récents avec les Églises de Grèce, de Russie et de Roumanie sont évoqués dans l’étude sociologique de M. Ana­s­tas­siadou et P. Dumont, Les Grecs d’Istan­­bul et le patriarcat œcuménique au seuil du xxie siècle. Une com­munauté en quête d’avenir, Paris, 2011, p. 135-137, 149-155.
[xiv]. Voir D. Kitsikis, « Les Anciens calendaristes depuis 1923 et la montée de  l’intégrisme en Grèce », Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, 17, 1994.
[xv]. Lettre 114, aux Pères du concile de Chalcédoine.
[xvi]. Lettre à Pulchérie.
[xvii]Déclaration du concile épiscopal (25-29 juin 2008) sur l’unité de l’Église orthodoxe,  trad. fr. dans le Messager de l’Église orthodoxe russe, 10, juillet-août 2008, p. 24-26.
[xviii]. C’est ce que suggère avec finesse le patriarche Alexis II dans sa lettre intitulée Paix, diaspora et division dans l’Église: le canon 28 du ive concile œcuménique adressée au patriarche Bartholomée Ier : « Historiquement, il convient également de constater qu’aussi bien la primauté d’honneur établie par le canon 3 du IIe Concile œcuménique, que les pouvoirs juridictionnels dans les trois diocèses ont été donnés à l’Église de Constantinople uniquement pour des raisons politiques, à savoir parce que la ville où se trouvait son siège a acquis le statut politique de capitale, est devenue “la ville de l’empereur et du sénat”. Ainsi le 28e canon stipule: “Nous prenons la décision au sujet de la préséance de la Très Sainte Église de Constantinople, la Nouvelle Rome. Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l’ancienne Rome la préséance parce que cette ville était la ville impériale. Mus par ce même motif, les 150 évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au Très Saint Siège de la Nouvelle Rome, pensant à juste titre que la ville honorée de la présence de l’empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l’ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu’elle dans les affaires d’Église, tout en étant la deuxième après elle.” Nous n’avons pas pour le moment l’intention de nous lancer dans une discussion sur ce thème. Toutefois, il convient de ne pas oublier un fait évident : la situation actuelle de Constantinople après la chute de l’empire byzantin ne justifie absolument pas un recours trop insistant à ce canon, sans parler d’interprétations excessivement élargies à son sujet. »
[xix]. Autour de deux mille selon M. Anastassiadou et P. Dumont, Les Grecs d’Istan­­bul et le patriarcat œcuménique au seuil du xxie siècle. Une com­munauté en quête d’avenir, Paris, 2011, p. 21-22; mais tous ne sont pas orthodoxes pratiquants.
[xx]. Un exemple typique est celui de l’Amérique du Nord, où l’Église, fondée par l’Église russe, avait trouvé les moyens de constituer une Église locale, quand le patriarcat de Constantinople est venu s’y installer, com­promet­tant ce projet. Comme l’explique le patriarche Alexis II dans sa lettre intitulée Paix, diaspora et division dans l’Église : le canon 28 du ive concile œcumé­nique adressée au patriarche Bartholomée Ier : « Le pluralisme juri­dic­tionnel en Amérique du Nord a commencé en 1921, lorsque a été créé l’“Archevêché grec d’Amérique du Nord et du Sud” sans l’accord de l’Église orthodoxe russe, qui n’en avait pas été informée. C’est justement à ce moment-là qu’ap­paraît ce que vous décrivez : “En dépit des Saints Canons, les Orthodoxes, en particulier ceux qui vivent dans les pays occidentaux, sont divisés en groupes ethnico-raciaux. Les Églises ont à leur tête des évêques choisis pour des consi­dérations ethnico-raciales. Souvent ces derniers ne sont pas seuls dans chaque ville et parfois n’entretiennent pas de bonnes relations et se com­battent”, ce qui “est une honte pour toute l’Orthodoxie et la cause de réactions défavorables qui se retournent contre elle”. Comme nous le voyons, la faute de cette triste situation n’incombe pas à l’Église russe. Au contraire, s’efforçant de faire entrer l’Orthodoxie américaine dans le sillage canonique, en tant qu’Église Mère, en 1970, elle a accordé l’autocéphalie à son Église Fille. Par cet acte, l’Église russe a agi dans les limites de sa juridiction cano­nique, ayant en vue une future décision panorthodoxe concernant le réta­blissement d’une Église orthodoxe locale unique en Amérique. Nous pouvons remarquer que, déjà en 1905, un projet de création de cette Église avait été présenté au Saint Synode par le saint Patriarche Tikhon qui était alors l’archevêque d’Aléoutie et d’Amérique du Nord. Il est triste de constater que la Très Sainte Église de Constantinople n’a pas soutenu l’acte de 1970 et n’a pas contribué à l’union tant souhaitée. Jusqu’à présent, cela reste une cause de discorde et de mécontentement qu’éprouvent de nombreux Orthodoxes en Amérique en ce qui concerne leur statut. »

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