dimanche 26 août 2018

Interview de Père Gabriel ( Bunge): L'ORTHODOXIE A-T-ELLE BESOIN D'ORDRES MONASTIQUES ? (1)

Archimandrite Gabriel (Bunge)

L’archimandrite mégaloschème Gabriel (Bunge) parle des réformes catholiques, de la tradition orthodoxe et de l'objectif le plus important du monachisme.

L’archimandrite mégaloschème Gabriel (Bunge) est l'higoumène du Monastère de l'Exaltation de la Croix situé près de Lugano, en Suisse. C’est un patrologue, un théologien et l’auteur d'un certain nombre de livres qui ont été traduits dans de nombreuses langues européennes.

Dans notre conversation suivie, le Père Gabriel répond aux questions importantes suivantes concernant l'histoire du christianisme et son statut contemporain : Quelles sont les raisons du schisme entre l'Orient orthodoxe et l'Occident catholique, et peut-on le surmonter ? La création d'ordres monastiques serait-elle appropriée pour l'Église orthodoxe ? Quel genre d'éducation les moines doivent-ils avoir ? Comment les chrétiens devraient-ils maintenir un état d'esprit spirituel approprié ?
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Dans le catholicisme, il y a un grand nombre d'ordres monastiques et chacun d'eux a une certaine mission, alors qu'en Orthodoxie, nous n'avons que différents vœux monastiques ou des monastères avec des statuts différents. Par exemple, nous avons des moines érudits, des moines administrateurs, etc. Pensez-vous qu'il serait approprié que l'Église orthodoxe crée des ordres monastiques qui seraient impliqués dans divers types d'activités, afin que les diplômés des établissements religieux puissent choisir des domaines spécifiques pour servir l'Église en fonction de leurs capacités ou de leurs inclinations ?

Le monachisme n'existe pas à des fins spécifiques liées à ce monde. Pour citer un auteur anonyme de L’Histoire des Moines Egyptiens (IVe siècle), "Dès le début, le but du monachisme était de suivre le Christ dans le désert, en chantant des hymnes et des psaumes et en attendant que notre Seigneur vienne". Cette apparente "inutilité" libère le monachisme de tout service au sein de la structure de l'Église. L'Église orthodoxe a conservé ce trait original du monachisme ainsi que ses nombreux autres aspects.

Bien qu'il ait les mêmes racines, le monachisme occidental a évolué d'une manière totalement différente. Canoniquement, il n'y a que quelques ordres monastiques dans le catholicisme : Les bénédictins avec leurs différentes branches (cisterciens, trappistes, camaldules, etc.) et, par exemple, les chartreux. Un grand nombre de divers "ordres" religieux s'est formé au Moyen Âge. Dans les temps modernes, la division en "instituts de vie consacrée" s'est poursuivie. Toutes ces différentes formes de "vie consacrée" répondaient aux différents besoins de l'Église.

Une telle diversité offre évidemment certains avantages. Cependant, son principal inconvénient est que la vie monastique véritable est mise à l'écart. Je ne fais que répéter les paroles des abbés bénédictins que je connais qui disent que, malheureusement, la hiérarchie de l'église se débat avec l'idée que les monastères existent. Il faut noter que l'église catholique est gérée par le clergé séculier (qui a fait vœu de chasteté), et ce clergé la rend très différente de toutes les autres églises "orientales" (églises byzantines ou pré-chalcédoniennes).

Un autre inconvénient est l'institutionnalisation des entités qui ont été créées à l'origine pour accomplir des tâches spécifiques, comme la lutte contre l'hérésie, la prédication parmi le peuple, le travail missionnaire, l'éducation des jeunes et la prise en charge des malades et des enfants. C'est la tendance qui facilite le maintien de ces institutions, même lorsqu'elles ne sont plus nécessaires, puisque certaines de ces tâches sont maintenant accomplies par le gouvernement.

Je crois que l'Église orthodoxe est bien avertie, et c'est pourquoi elle ne suit pas le chemin de l'Église latine, en maintenant fermement l'intégrité de la vie monastique ! Le monachisme orthodoxe est en effet aussi multiforme que la vie religieuse occidentale, et il n'y a pas de tendance à institutionnaliser ses différents aspects, qui sont souvent déterminés par l'histoire du monastère et l'héritage du saint qui l'a fondé. Bien qu'il y ait un grand nombre de monastères, les moines peuvent toujours se déplacer d'un monastère à l'autre.

Je vais vous donner un exemple. Un moine peut commencer sa vie monastique dans une communauté monastique (cénobium) et ensuite passer à une skite (comme je l'ai fait). Par la suite, il peut devenir fonctionnaire de très haut rang dans l'Église (évêque ou même patriarche) et, à la fin de sa vie, redevenir ermite. Il peut faire tout cela sans quitter un ordre et en rejoindre un autre, chose qui, dans l'Eglise catholique exige de recommencer au début à chaque fois et de redevenir novice.

La perturbation de la vie religieuse dans divers "ordres" caractéristiques de l'Occident catholique a entraîné de nombreuses conséquences indésirables qui, en fin de compte, l'ont affaibli. Par exemple, puisque chaque ordre religieux avait (ou prétendait avoir) sa propre "spiritualité" spécifique, ses moines ne pouvaient même pas étudier dans les mêmes universités et chaque ordre devait avoir sa propre université ! Heureusement, après le Concile Vatican II, ces règles ont été supprimées.

C'est pourquoi je crois que nous ne devrions pas imiter les ordres religieux catholiques non seulement parce qu'ils reflètent l'ecclésiologie catholique centralisée (papale!) et glopbalisée, mais parce que c'est impraticable. 

L'ecclésiologie orthodoxe est différente, elle se concentre toujours sur les églises locales unies dans les Patriarcats. Les ordres catholiques se sont formés en Occident au Moyen Âge parce que les églises locales (diocèses) ne pouvaient plus intégrer des mouvements religieux organisés dont les activités dépassaient le champ d'action des diocèses. D'autre part, les anciennes abbayes de vrais moines n'ont pas créé de tels problèmes parce qu'elles étaient basées à certains endroits et entretenues par leurs abbés. Rome (la papauté) a répondu à ce défi de la manière habituelle : elle a rendu ces nouveaux ordres directement subordonnés à elle-même. C'est ainsi que Rome traite aujourd'hui aussi ce qu'on appelle les "mouvements".

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


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