vendredi 27 juillet 2018

Sur Parlons d'Orthodoxie: Starets Serge

Icône de Père Serge par Georges Kordis


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Extraits des lettres du père Serge (Chévitch) à l’une de ses filles spirituelles


1. Tous les saints et les justes ne prêtaient aucune attention ni à la sécheresse, ni aux pensées, ni aux combats, pas plus qu’à la joie, à la douceur ou à la consolation spirituelle. Ils n’aspiraient qu’à une seule chose : être fidèles au Seigneur, dans un accomplissement de chaque instant de Ses commandements, dans le service du prochain, dans la garde du cœur et dans tout ce qui s’y rattache.

2. La seule et unique cause de tous nos désordres intérieurs et extérieurs est l’abandon de la prière ! Prier, prier, prier, et tout sera harmonieux. Voilà la recette générale et universelle. Il n’y en a pas d’autre. Nous sommes faibles parce que nous sommes seuls. Nous sommes seuls parce que le Seigneur est absent ! Le Seigneur est absent parce que nous ne Lui demandons pas d’être avec nous ! Tout est là. Plus nous prierons avec ferveur, sans interruption, avec attention, plus s’ouvrira au-dedans de nous, vite, véritablement, le Royaume de Dieu ; voilà le bonheur et la félicité ! Rien de plus ne nous est nécessaire ici bas. Et celui qui [demeure] dans le Royaume, il règne !

3. La vie spirituelle véritable c’est la paix et la joie dans le Seigneur. Pour construire la paix du cœur, il faut, de notre côté aussi, y consacrer tous nos soins et toutes nos peines, tout en sachant que la paix intérieure véritable est un don de Dieu. Pour cela, il faut extirper du cœur tout ce qui peut troubler cette paix intérieure, c’est-à-dire les sentiments mauvais, l’irritation, l’envie, la convoitise, les vains soucis, etc. Tout cela nous ravit la paix intérieure et le repos [spirituel]. Ayez la paix en vous-même et le but est atteint. Tel est l’état bienheureux (благобытие)  et la béatitude. Ne vous souciez que de cela. Dès que vous voyez que la paix est endommagée par quelque chose, tout de suite rétablissez-la, et cela du matin jusqu’au soir. Vous avez péché ? ne vous découragez pas, mais avec simplicité demandez au Seigneur de vous pardonner, invoquez de nouveau son saint Nom, et vous goûterez alors une douce paix du cœur. Voilà quelle est la vie spirituelle véritable – ce ne sont ni les prosternations, ni les exploits ascétiques, ni les jeûnes, mais la paix et la joie dans le Saint-Esprit. Cela est parfaitement adapté, facile et accessible, à tous et à chacun. « Prends et garde ! » – Il suffit de le vouloir!

4. La confession est uniquement l’énonciation de ce qui est conçu clairement par le cœur comme enfreignant la Volonté de Dieu.

Lorsqu’on a le désir de s’entretenir d’un sujet spirituel, il est tout à fait possible soit d’échanger avec des amis spirituels ou par correspondance avec des gens qui ont une expérience spirituelle, des Anciens à Valaam, à l’Athos – je peux vous communiquer des adresses –, ou enfin par la lecture d’ouvrages spirituels. Il est nécessaire de lire sans interruption. Ce que vous lisez aujourd’hui, demain, tout d’un coup, jettera la lumière sur une quelconque difficulté spirituelle ; [lisez] principalement l’évêque Théophane [le Reclus], l’évêque Ignace [Briantchaninof], la Philocalie.

La prière de Jésus, c’est l’amour pour Dieu et le premier commandement, aussi bien de l’Ancien que du Nouveau Testament : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu » (ce qui veut dire : pratique la Prière de Jésus qui est justement amour de Dieu). Grâce à cette prière, sans l’avoir cherché, le cœur s’enflammera d’amour pour le prochain et pour toute créature de Dieu. Il n’est pas possible d’aimer sincèrement le Créateur sans aimer l’œuvre de Ses mains. Aimez ceux qui vous entourent : c’est cela aussi la Prière de Jésus. À chaque effort dans cette direction, de votre cœur jaillira aussitôt « la source d’eau vive jaillissant jusque dans la vie éternelle », c’est-à-dire l’amour de Dieu, la toute-allégresse du Saint-Esprit, c’est-à-dire la prière incessante.

5. Toi seul sais, Seigneur, l’Unique et le seul Sage, « les temps et les moments ». Et nous, non pas comme des démons ingrats, mais comme des enfants de Dieu reconnaissants, aimants et bien-aimés, nous supporterons tout avec patience, avec reconnaissance dans le cœur, avec action de grâce sur les lèvres. Réjouissez-vous dans le Seigneur et que votre âme brûle incessamment de cette joie salvatrice. Restez fermement attachée au Seigneur par la pensée : « Je Te rends grâce pour tout ! Je Te rends grâce, à Toi le Sage, Toi le Tout-Bon, Toi le Seul-Aimant et Bien-aimé ! Tu m’as donné de connaître la voie de la Vie. Tu m’as abreuvée à la coupe de Ton Amour. Tu m’as conduite dans Ton Temple ! Tu m’as fait communier à Ta Souffrance et à Ta Gloire ! »

Je voudrais toujours vous apaiser complètement, afin que vous suffise pour longtemps cette réserve de quiétude. Il ne faut pas exiger beaucoup du Seigneur – [sinon] c’est le signe d’une relation à la vie spirituelle qui n’est pas juste. Le Seigneur enverra tout ce qui est utile, mais quand ce sera le moment et quand ce sera nécessaire. Il ne faut pas que la vie spirituelle soit seulement la soif de consolation et de plaisir [spirituel]. Le Seigneur veut de notre part la fidélité, le dévouement, la constance dans la patience, et la reconnaissance. C’est cela qui a du prix ; tout le reste n’a aucune valeur dans la vie spirituelle. Ceux qui sont expérimentés dans la vie spirituelle n’accordent aucune signification ni aux consolations, ni à leur arrêt, ni à leur absence. Dans le livre La lutte invisible, l’évêque Théophane [le Reclus] dépeint très bien tout le chemin de la vie spirituelle, et il y a des chapitres tout à fait compréhensibles sur la prière et sur la Prière de Jésus. Essayez donc de vous procurez cet ouvrage quelque part et lisez-le soigneusement, repassez dans votre mémoire tout ce qui se rapporte au chemin spirituel et discernez ce qui vous est profitable et ce qui ne l’est pas.

Par-dessus tout, luttez contre l’acédie. C’est votre combat principal. Si vous avez le dessus sur l’ennemi, le reste sera pour vous simple et facile. L’acédie a pris de la force en vous à la suite des épreuves de votre vie, d’où la nécessité pour vous de beaucoup vous battre contre elle ; mais vous la vaincrez ; mettez seulement du cœur à la lutte ! Montrez-lui que vous êtes un lutteur et un combattant valeureux, et elle n’osera plus s’approcher de vous.

N’attendez aucun succès facile et rapide dans la vie spirituelle – c’est d’abord l’indice d’un manque de fermeté. D’ordinaire, celui qui cherche à réussir vite et facilement dans la vie spirituelle, se refroidit et se détache du Seigneur. Mais si nous sommes prêts à peiner toute notre vie, afin de récolter, à la fin, des fruits bons et murs, tout cela aussi nous le recueillerons en son temps. Il ne faut pas non plus se comparer avec qui que ce soit. C’est un terrain favorable aux tentations de l’Ennemi. Le dicton « qui va lentement, va sûrement » se vérifie largement dans la vie spirituelle.
Que brûle toujours en vous le désir d’être ferme, reconnaissante à Dieu – les démons sont orgueilleux et ingrats – et répandez sur les autres une gaîté chaleureuse, la joie, la vaillance, la consolation !

6. Je vous félicite à l’occasion de la merveilleuse fête de la Protection de la Mère de Dieu ! Que nuit et jour la joie et l’amour inextinguible du Christ réchauffent votre cœur et votre esprit ! Je vous félicite également pour votre participation au Mystère le plus doux au monde de l’Amour de Jésus, pour l’Union Très Douce et Très Vivifiante ! Quel Trésor ! Et combien notre négligence nous éloigne de nouveau de cet Amour ! Si nous étions toujours, à l’avenir, [recueillis] en nous-mêmes, dans la divine garde du cœur, il nous réjouirait de l’intérieur, nous réchaufferait et nourrirait avec une grande douceur notre esprit, nos sens et notre corps !

Seuls ceux qui n’ont pas connu ni goûté l’Amour de Dieu peuvent accorder du prix à tout ce qui est extérieur ; mais pour ceux qui sont intérieurement réchauffés par l’Amour du Christ, il est irrésistiblement doux de demeurer au-dedans du cœur et là, de se délecter de la Joie et de l’Amour de Dieu ! Voilà la Vie ! « La Joie en Dieu est plus forte que la vie d’ici-bas », selon les paroles de saint Isaac le Syrien. Et toute la vie consiste à rechercher et à acquérir cette Joie salvatrice et vivifiante ! Et qu’importe où nous recueillons des miettes de cette Joie, de ce Bien ! Dans le désert, dans un skit, ou dans une famille – c’est égal ! Pour ceux qui aiment Dieu sincèrement, ni le lieu ni l’heure, ni la condition n’ont d’importance ! Où que nous nous trouvions nous sommes bienheureux et très bienheureux, que ce soit dans des palais, ou dans des taudis, ou dans « des antres de la terre ». Tout le mystère réside dans le fait d’aimer le Seigneur de tout son cœur ; et cela, qu’est-ce qui peut l’empêcher ? Daniel dans la fosse aux lions, les Trois Enfants  dans la fournaise de feu, les Apôtres à toutes les extrémités du monde, n’ont pas laissé s’éteindre cette flamme. Mais elle brûlait en eux et par eux enflammait les autres ; tels de grands Flambeaux de Dieu, ils ont glorifié Son Nom !

7. « N’éteignez pas l’Esprit ! » Ce commandement a une grande signification et requière de nous, en toute situation et toute condition, un travail spirituel intense sur nous-mêmes... C’est pourquoi il ne faut pas accorder d’attention à notre situation extérieure. Être mère et aimer le Seigneur de tout son cœur est bien plus élevé que de vivre au monastère sans amour pour le Seigneur... J’ai vécu dans deux monastères et j’y ai trouvé même presque moins de compagnons de route spirituels que dans le monde... L’amour de Dieu et la prière accomplie de tout son cœur peuvent acheter partout une réussite unique – tout dépend du zèle et de notre intention.

8. C’est toujours avec la joie du cœur dans le Seigneur que je reçois vos lettres. Je m’étonne toujours de voir que vous souffrez, que vous êtes dans l’acédie. Mais pourquoi ? D’autres peut-être, mais vous, vous ne devez agir ainsi ! Vous qui avez connu toute la profondeur de l’Amour de Dieu (ou bien ne l’avez-vous pas encore totalement perçue ???). D’autres peut-être mais vous, vous ne devez pas agir ainsi ! Car il n’y a rien en dehors de cet Amour.

De la nécessité de combattre nos passions, non seulement il ne faut pas se décourager, mais au contraire se réjouir ! C’est en effet l’indice qu’à l’intérieur il y a la vie, la mêlée, la lutte ! Quand au dedans tout est mort, l’homme alors ne s’inquiète de rien ; il ne sent rien en lui-même, il ne remarque rien. Prenez le cadavre d’un mort : même si vous le coupez, si vous le brûlez, rien ne troublera sa quiétude glacée ! Mais quand il y a de la vie à l’intérieur, immanquablement, c’est ou l’envie qui surgit au-dehors, ou l’irritation, ou l’intempérance, ou l’impatience, etc., etc.

C’est en cela que consiste la vie. Voilà ce qu’est la vie : c’est essentiellement la lutte contre ces états! Retrousse seulement tes manches, jette-toi dans la bagarre – c’est à qui battra l’autre !

Les ascètes expérimentés se réjouissent de ce temps de lutte et de combat. Alors seulement, c’est l’occasion d’obtenir des couronnes et des victoires. Moments ardents, bons, bénis ! C’est le signe que la vie va de l’avant, que la libération de toutes les passions, que la paix et la joie de demeurer éternellement aux doux pieds du Maître sont de plus en plus proches ! Ce n’est pas le moment de tomber dans l’acédie mais de se réjouir, de rendre grâces ! Voilà l’ordre et l’obédience que je vous donne : rendre grâce, rendre grâce et être dans la joie !!!

9. Je suis profondément touché par l’envoi des prières des startsi d’Optino et du métropolite Philarète (Drozdov). Elles m’ont plu extraordinairement – en elles souffle un esprit de profond amour et de consécration au Seigneur. C’est le balbutiement d’un cœur aimant, reconnaissant et fidèle au Seigneur. Puissions-nous, nous aussi, atteindre à ce balbutiement, car c’est cela la perfection de la prière et de toute la vie spirituelle. Plus élevé, plus spirituel est l’homme, plus il est simple, aimant, doux, plus il acquiert une absence de malice, une pureté, une limpidité d’esprit, un esprit pacifique enfantins, et ce qui est le plus élevé que tout : l’amour, l’élargissement du cœur, brûlant pour tous de compassion, d’affection, de sympathie, de tendresse...
C’est cela que nous chercherons à obtenir dans toutes nos prières et c’est pour ces fruits que sont indispensables toutes les prières, c’est-à-dire pour les fruits de l’Amour de Dieu, qui est Dieu Lui-même. Et là où est Dieu, là est aussi l’amour.

La Prière de Jésus est une prière parmi toutes les autres prières, son but est le même. Cependant elle est plus commode, elle unit ensemble plus facilement et plus rapidement la pensée et le sentiment. Quant à dire sa forme brève ou complète, ce n’est qu’une question de commodité et n’a pas de signification. Comme l’âme s’habituera à la dire, c’est cela qui sera bien. La force n’est pas dans les mots mais dans le sentiment de la présence du Seigneur, de Sa proximité, de Son très doux amour pour nous.
Moi-même, je ne vaux rien en tant qu’homme de prière et ne considérez pas mes conseils comme expérimentés, etc. Priez comme c’est le mieux et le plus facile pour vous – le principal est que vous stimuliez en vous-même l’amour pour le Seigneur comme vous savez le faire : lectures, action de grâces pour tout, repentir dans les péchés et les fautes, miséricorde et sympathie pour tous les hommes et même pour les créatures de Dieu. Sur ce chemin-là, on ne peut s’égarer... Donnez-vous des ailes par la pensée que vous êtes aimée du Seigneur, en qui j’ose vous convaincre et vous persuader que vous n’avez rien fait de mal, car rien n’était selon votre volonté mais selon Sa Sainte Volonté... Et tout est extrêmement sage et admirable au plus haut point ! Enflammez-vous d’amour et de reconnaissance envers Lui pour tout. Brûlez devant Lui comme le cierge de Jérusalem – du feu pur de l’amour, de la douceur et de l’espérance !
Tous vos proches, à leur tour, s’enflammeront à votre contact. L’amour appelle l’amour. L’amour vient de la prière, de la lecture, de l’effort de purification de soi. Confessez plus souvent toutes les mauvaises herbes – cela fait monter dans le cœur de douces larmes devant le Seigneur... La confession peut être journalière, comme dans les bons skits et les bons monastères, auprès de startsi expérimentés ; c’est le moyen le plus sûr pour réchauffer en soi l’amour pour Dieu. Que le Seigneur Dieu vous aide et vous garde. Qu’Il fortifie en vous la joie, l’amour, la paix.

10. Réellement il y a beaucoup de choses que je ne sais pas et sur beaucoup de points je peux me tromper, mais je ne pense pas me tromper en ceci : il faut aller vers Dieu avec légèreté, avec une grande simplicité et une grande espérance. Son Amour est sans limite et les signes de cet Amour, nous les trouvons autour de nous dans la vie de tous les jours. Alors pourquoi se décourager ou de quoi nous attrister ? Consacrons-nous entièrement à Lui et marchons à Sa suite. Comme Il l’a dit à l’apôtre Pierre : « Suis-Moi ! » Et nous aussi, suivons-Le.

Et tout sera pour nous léger, il n’y aura aucune difficulté. Il y a des difficultés là où règne ce qui est humain, mais là où est le Seigneur, là sont la joie et la liberté. Et vous êtes libre, vous n’êtes la servante de personne, hormis celle de Dieu. Allez à Sa suite, aimez-Le de tout votre cœur, avancez-vous vers Lui légèrement, avec plus de simplicité. Il n’y a aucune raison de souffrir ou d’être dans l’amertume, sinon pour nos péchés et nos transgressions ; mais cela aussi, Il nous l’a pardonné ; de quoi donc pouvons-nous nous attrister ? Nous aimerons Dieu et nous porterons tous nos désirs vers Lui ; nous regarderons les gens, comme les choses terrestres, avec paix et indulgence, sans nous attacher à rien ni à personne et nous ne souffrirons de rien ni de personne.
Sa Résurrection a changé nos lamentations et nos pleurs en joie. Nous irons à la rencontre de Sa Résurrection, et tout ce qui est humain s’enfuira devant nous « comme se dissipe la fumée, comme fond la cire devant la face du feu ». Notre cœur goûtera à la Joie éternelle de la Résurrection et jamais nous ne mourrons... Là où est le Seigneur, il n’a pas de difficulté. Toutes les difficultés fuient devant Sa face. Rien ne peut résister devant la lumière de Sa Face ! Nous ne sommes esclaves de personne, sinon de Lui. Certes les hommes restent les hommes et ce qui est humain reste humain. Mais nous avons été baigné dans Son Sang et nous avons été libérés de tout. Son Amour nous a baigné ! De quoi donc avoir peur ? À propos de quoi se décourager ? Sa Résurrection a changé nos larmes en joie !...

Son amour est plus élevé que tout, la joie en Lui est plus forte que la vie d’ici-bas... Regardez les choses avec calme, allez vers Lui avec légèreté. Il vous aime, et rien ni personne ne peut vous séparer de Son amour... Allez librement. Sachez que c’est Lui notre Guide principal, notre Directeur et notre Maître, que tous les directeurs et les conducteurs d’ici-bas ne sont que des compagnons de route sur le chemin et des conseillers, rien de plus. Nous ne sommes en rien obligés vis-à-vis d’eux ni eux vis-à-vis de nous. Un vrai père spirituel se contente d’apporter son soutient, de consoler sur le chemin et de redonner courage... N’en cherchez pas qui donne des ordres, car il n’y en a pas – s’il y en eu jamais, ce fut rare et où, et quand ?...

À présent c’est le Seigneur Lui-même qui est le Guide, mais les écrits des saints anciens nous expliquent où, quand et comment il convient de nous comporter. Ne vous confiez à la conduite de personne sinon au Seigneur et, dans les circonstances difficiles, réfugiez-vous vers celui, à cette minute, que le cœur vous indique, évidemment vers quelqu’un de digne et d’expérimenté par la vie comme par la sagesse.

Réjouissez-vous davantage. Souvenez-vous des paroles de saint Séraphim : « La tristesse en a tué beaucoup et elle n’apporte rien de bon. » Mais nourrir l’âme de joie lui redonne de la force et la rend courageuse et invincible au péché.

11. La vie spirituelle est la lutte contre le péché. C’est un combat à mort même, entre la Lumière du Christ et les ténèbres du péché. Et les jours de notre vie sont les pages où s’écrivent ces batailles. Il est absolument sans importance qu’elles soient menées dans un monastère où dans le monde. Pour le Seigneur c’est absolument égal. Que dix fois vous preniez l’habit monastique et que dix fois vous retourniez dans le monde, cela n’a absolument aucune importance. Ce qui a un sens, c’est uniquement la lutte et, à la fin, la victoire finale : « Le jour de la Résurrection ! »... Et arrivent là, non pas ceux qui ne sont jamais tombés mais tous ceux qui, même s’ils ont été blessés de nombreuses fois dans cette lutte, jusqu’à la fin, n’ont jamais baissé les bras. Personne n’y arrivera sans blessure ni plaie... Mais tous y goûteront la Joie qui leur est préparée.

Rendez de plus en plus grâce au Seigneur pour l’art avec lequel Il a purifié si merveilleusement votre cœur, pour lui confier désormais un trésor de grand prix : votre amour pour Lui ! Que fuient loin de vous tout découragement et toute crainte... Que seules la gratitude et la joie rayonnent dans votre âme ; tout cela vous mènera à un plus grand amour encore pour Lui et à plus de reconnaissance...

Mais maintenant, à l’œuvre ! Lancez-vous dans le combat contre le péché... Luttez, mettez-le à mort en vous – ces péchés mesquins de tous les jours : jugements, irritation, envie, paresse, scepticisme, froideur... Et voilà l’arme qui triomphe de tout : le Nom de Jésus ! En pénétrant dans le cœur, il y installera un paradis permanent, d’une douce chaleur et qui embaume la lumière de l’Amour de Dieu. Et alors, votre ennemi perfide n’osera plus s’approcher de vous, même de loin. Considérez les épreuves vécues comme les pages merveilleuses d’un combat parfait pour la Lumière, pour le Bien ! Et gloire à Dieu pour tout ! Gloire à Sa Lumière, sage, bien-aimée, instructrice, directrice, conductrice ! Épanchez-vous devant Lui dans votre plus profonde gratitude pour tout, tenez vous devant Lui pendant des heures et versez de votre cœur de la reconnaissance envers Lui pour tout, peu importe les mots que vous emploierez...

Dites : « Je Te rend grâce pour tout ! Je Te rend grâce pour le jour de ma naissance à cette vie merveilleuse ! Pour la grâce du Baptême que je porte ! Pour la foi admirable à laquelle Tu m’as attirée ! Pour Ton Amour, que Tu m’as donné de connaître et de goûter ! Pour les conducteurs et les directeurs rencontrés sur le chemin ! Pour les ami(e)s spirituel(le)s ! Pour Ton Évangile admirable, Livre de Vie et d’Amour ! Pour le glorieux et redoutable Mystère qui nous fait goûter à Ta Vie, unissant notre petite vie avec Ta Vie vivifiante, éternelle, incorruptible ! Je Te rends grâce pour toute ma vie, pour ce combat pour Toi, afin que je n’aime que Toi seul, Toi l’unique, et personne ni rien d’autre au monde ! » Voilà quelle sera la prière incessante de votre cœur et, avec elle dans votre cœur, la Vie incorruptible !

12. Cherchez toujours le Seigneur et vous Le trouverez. Frappez aux portes du Royaume par la miséricorde, l’amour du prochain, la prière de tout votre cœur, et elles s’ouvriront ! Même si une montagne de péchés pesait sur vous, ils seraient dispersés par le vent de l’amour et de la miséricorde. Devant la puissance de la miséricorde, rien ne peut résister ni sur la terre ni au ciel. Sa puissance est invincible...

13. En aucun cas ne vous épuisez plus ainsi. Cela n’est pas juste du tout. Il n’y a d’ascèse utile que celle qui est accomplie régulièrement. En toute chose, il faut commencer avec peu, et non avec beaucoup pour abandonner ensuite. Une heure est tout à fait suffisante pour votre règle de prière du soir. Et je voudrais vous conseiller de limiter la lecture des prières à une, ou au plus à deux courtes prières : « Notre Père » ou « Roi Céleste », et de consacrer le reste du temps aux prosternations accompagnant la prière « Seigneur Jésus aie pitié ! » Saint Isaac le Syrien parle de cela en ces termes : « Ne considère pas comme de la paresse, parce qu’il t’amène à abandonner la récitation des psaumes, le fait de prolonger une prière recueillie et sans distraction. Plus que la pratique de la psalmodie, aime les prosternations durant la prière. Quand la prière te sera donnée, elle tiendra la place de ta liturgie.. » [Discours ascétiques, 34].

Le principal, c’est l’attention. Mais si l’intellect s’est fatigué pendant la règle [de prière], il ne peut soutenir l’attention durant la Prière de Jésus. Priez avec le sentiment vivant de la présence du Seigneur, sans vous dépêcher, en concentrant votre attention sur les mots de la prière, et avec le temps viendra à vous sans aucun doute la chaleur du cœur, mais alors entretenez-la seulement, comme vous savez et comme vous pouvez le faire...

14. Soyez avec le Seigneur simplement, comme avec l’air : respirez-Le et vivez : voilà toute la science de la vie spirituelle. Chacun y va par les chemins qui lui sont propres, mais le but est unique : s’unir à Lui. L’avoir dans le cœur.

15. Voilà que le Seigneur, pour votre foi et votre patience, vous a envoyé la brise légère du sud, tiède et douce, de Sa miraculeuse bienveillance. Il en est toujours ainsi pour ceux qui font patience avec sagesse et ne perdent ni l’espoir ni l’espérance.

Ainsi à l’avenir persévérez dans votre course, sans trop de réflexion, sans créer de difficultés – en fait elles n’existent pas; ce sont les fruits de notre état de pécheur et des suggestions du Malin. Aimez Dieu simplement, non d’une manière sentimentale mais en Lui obéissant constamment dans les moindres détails, avec humilité devant Lui.

Son Amour parfait et prévenant n’oubliera rien, ne méprisera rien ! Soyez consolée! Dieu vous aime! Aussi souvent que possible ramenez à Lui par la pensée le regard de votre cœur, et votre cœur sera submergé de vagues de joie et d’espérance !

Priez pour le misérable que je suis, je ne cesse de prier pour vous.

SOURCE

RAPPEL
Aux Editions du Cerf: 
Jean-Claude LARCHET/Le starets Serge



Correspondant de saint Silouane et du célèbre Higoumène Chariton de Valaam, ami de Jacques Maritain, Louis Massignon, Olivier Lacombe, Charles du Bos, Emmanuel Mounier et Gabriel Marcel, père spirituel de Nicolas Berdiaev, de Vladimir Lossky et du grand iconographe Grégoire Kroug, le Starets Serge Chévitch (1903-1987) fut l'une des figures les plus charismatiques et les plus lumineuses de l'émigration russe et de l'Eglise orthodoxe en Occident. 

Cet ouvrage présente la vie, la personnalité et l'enseignement de ce grand spirituel. Un enseignement simple, très concret, proche des sources évangéliques et patristiques, et profondément ancré dans l'expérience intérieure de " la vie en Christ ", dont pourront tirer profit tous les chrétiens soucieux d'approfondir au quotidien leur vie spirituelle.
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