Jean-Louis Palierne, Mais où se cache donc l’Église orthodoxe ? La trop longue errance des Français, Lausanne, Éditions L’Age d’Homme, 2002, 135 p.
Jean-Louis Palierne, rappelé à Dieu [...], a beaucoup œuvré comme traducteur en faveur de l’orthodoxie francophone. On lui doit en tout premier lieu la traduction, à partir du serbe (une langue que très peu de français maîtrisent), de nombreuses œuvres du grand théologien serbe l’archimandrite [saint] Justin Popovitch : sa Dogmatique, publiée en cinq forts volumes sous le titre «Philosophie orthodoxe de la vérité» (L’Age d’Homme), «Les Voies de la connaissance de Dieu» (L’Age d’Homme), «L’homme et le Dieu-homme» (L’Age d’Homme), «Commentaire des épîtres de saint Jean le Théologien» (Publications de la Fraternité Père Justin). On lui doit ensuite la traduction de plusieurs ouvrages écrits en grec, une langue qu’il avait apprise au cours de longues périgrinations dans le pays : «L’eucharistie, l’évêque et l’Église» du métropolite Jean de Pergame (Desclée de Brouwer), «Le vivant divinisé» de Panayotis Nellas (Cerf), «Entretiens avec un ermite de la sainte Montagne sur la prière du cœur» (Seuil) et «La vie après la mort» du métropolite Hiérothée Vlachos (L’Age d’Homme). Il a enfin traduit de l’anglais «Les voies de la théologie russe», le monumental ouvrage du P. Georges Florovsky. L’œuvre personnelle de J.-L. P. est resté limitée à une participation active, ces dernières années, à quelques forums de discussion sur Internet auxquels il fournissait des textes longs et soignés concernant surtout des questions d’ecclésiologie, et à un petit livre : Mais où se cache donc l’Église orthodoxe ? La trop longue errance des Français.
Dans ce brillant essai, qui n’est pas sans rappeler La trahison des clercs de Julien Benda, Jean-Louis Palierne évoque, à partir de sa propre expérience, la difficulté éprouvée par certains français convertis à l’orthodoxie à s’intégrer dans un certains nombre de paroisses.
L’auteur vise les paroisses «ethniques», où les Églises-mères ne se montrent préoccupées que de leurs seuls ressortissants, qui sont marquées par un conservatisme culturel et linguistique souvent lié à un esprit étroitement nationaliste, et dont l’accès est difficile pour des fidèles d’origine française peu aptes à l’acculturation et à l’apprentissage de langues étrangères.
Mais il vise surtout un nombre important de paroisses francophones. L’auteur n’a pas ici en vue les paroisses de l’ECOF (Eglise catholique orthodoxe de France, laquelle, après une longue errance, s’est finalement réduite à un groupuscule sectaire, coupé de la communion avec toutes les Églises orthodoxes et dépourvu d’évêque canonique), auxquelles il a tout d’abord appartenu, et dont il avait fait précédemment une critique radicale, mais un certain nombre de paroisses des Églises canoniques présentes en France.
Ces paroisses, selon l’auteur, sont pour la plupart sous la coupe d’une idéologie «moderniste» qui veille soigneusement à effacer l’identité de l’Église orthodoxe dans le but, notamment, d’établir un continuum avec les confessions chrétiennes occidentales par lesquelles elle est fondamentalement fascinée et auxquelles elle cherche à se conformer le plus possible.
Cette idéologie est inspirée par ce que l’auteur appelle, en raison du mode de cooptation de ses membres de son type de fonctionnement, le «club». Celui-ci est constitué de théologiens, facilement identifiables, étroitement liés à la «Fraternité orthodoxe», qui se sont appropriés la plupart des médias orthodoxes en France (en particulier le S.O.P., qui est, avec la revue «Contacts», l’organe en quelque sorte officiel de cette Fraternité, et qui diffuse une information à la fois très partielle et très partiale) et ils sont parvenus à s’imposer dans les commissions chargées de conseiller les évêques réunis en Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF), et ainsi à peser sur les orientations de celle-ci.
Cette idéologie se caractérise par un rejet de la spiritualité orthodoxe traditionnelle qui accorde une importance essentielle à l’ascèse et à la prière personnelles, au profit d’une sorte de communautarisme paroissial qui se déploie dans l’horizontalité de la vie sociale (sur le mode de la vie associative, avec cependant un rôle très directif revendiqué par le prêtre-animateur) et qui voudrait constituer, pour l’Occident et par conformité à lui, «une réalisation exemplaire» susceptible d’offrir l’image d’une Église censée agir «au cœur du monde» et répondre aux besoins de l’homme moderne. Elle se caractérise aussi par une volonté d’innovation théologique et et de réforme liturgique qui exalte la créativité et la modernité et méprise la Tradition, ainsi que par le souci de gommer le plus possible les différences avec les autres confessions chrétiennes sous prétexte de rechercher «ce qui rapproche plus que ce qui divise».
Les théologiens qui n’appartiennent pas au «club» et qui témoignent de l’identité orthodoxe font l’objet d’un boycott systématique. Le «club» cherche d’ailleurs depuis de nombreuses années à s’arroger le droit d’attribuer un label d’orthodoxie à ceux qui partagent sa mentalité et de le refuser aux autres. Très minoritaire au sein de l’orthodoxie française, le «club» a développé depuis de nombreuses années une stratégie visant à s’approprier progressivement l’ensemble des médias orthodoxes et à occuper les postes de représentations dans les organes interconfessionnels, de manière à faire passer ses membres pour des représentants autorisés de l’orthodoxie auprès de ceux qui n’en connaissent pas la réalité.
Les Français séduits par l’orthodoxie traditionnelle, telle qu’elle existe depuis les origines et telle qu’on peut l’observer de nos jours dans les pays orthodoxes, ne peuvent qu’éprouver une grande déception quand ils rencontrent, dans ces paroisses francophones, cette image déformée de l’Église orthodoxe. Ils sont plus déçus encore quand, croyant être accueillis à bras ouverts, ils se voient déconseiller, par les membres du «club» ou ceux qui sont influencés par eux, de devenir orthodoxes, sous le prétexte que l’union avec les autres confessions chrétiennes ne tardera pas à se faire et est même déjà partiellement accomplie. Cela permet aux membres du «club» de donner des gages de «bonne conduite» aux représentants des autres confessions chrétiennes, lesquels n’en demandent d’ailleurs pas tant et n’hésitent pas de leur côté (dans les pays de l’Est, mais aussi en France et en Belgique, via des communautés ou des monastères spécialisés), à attirer des fidèles issus de régions traditionnellement orthodoxes.
Les théologiens qui n’appartiennent pas au «club» et qui témoignent de l’identité orthodoxe font l’objet d’un boycott systématique. Le «club» cherche d’ailleurs depuis de nombreuses années à s’arroger le droit d’attribuer un label d’orthodoxie à ceux qui partagent sa mentalité et de le refuser aux autres. Très minoritaire au sein de l’orthodoxie française, le «club» a développé depuis de nombreuses années une stratégie visant à s’approprier progressivement l’ensemble des médias orthodoxes et à occuper les postes de représentations dans les organes interconfessionnels, de manière à faire passer ses membres pour des représentants autorisés de l’orthodoxie auprès de ceux qui n’en connaissent pas la réalité.
Les Français séduits par l’orthodoxie traditionnelle, telle qu’elle existe depuis les origines et telle qu’on peut l’observer de nos jours dans les pays orthodoxes, ne peuvent qu’éprouver une grande déception quand ils rencontrent, dans ces paroisses francophones, cette image déformée de l’Église orthodoxe. Ils sont plus déçus encore quand, croyant être accueillis à bras ouverts, ils se voient déconseiller, par les membres du «club» ou ceux qui sont influencés par eux, de devenir orthodoxes, sous le prétexte que l’union avec les autres confessions chrétiennes ne tardera pas à se faire et est même déjà partiellement accomplie. Cela permet aux membres du «club» de donner des gages de «bonne conduite» aux représentants des autres confessions chrétiennes, lesquels n’en demandent d’ailleurs pas tant et n’hésitent pas de leur côté (dans les pays de l’Est, mais aussi en France et en Belgique, via des communautés ou des monastères spécialisés), à attirer des fidèles issus de régions traditionnellement orthodoxes.
L’essai de J.-L. Palierne n’a pas seulement une dimension critique. Il développe aussi une réflexion sur la réalité religieuse à notre époque, sur les besoins spirituels nouveaux qui existent dans notre société, sur l’attrait de plus en plus grand qu’exerce l’Église orthodoxe sur les occidentaux, sur les modalités de réception des non-orthodoxes dans l’Église orthodoxe dans le passé et de nos jours, sur la façon dont pourrait être entreprise une traduction de l’Écriture sainte et des textes liturgiques qui soit respectueuse de la foi orthodoxe, et surtout sur la place de l’évêque dans l’Église, qui, selon l’auteur, doit être centrale.
Si ce petit livre a rencontré un grand succès lors de sa publication (malgré le boycott de certains médias orthodoxes directement visés par son contenu), c’est parce qu’un certain nombre de personnes qui sont devenues orthodoxes en France ou ont cherché à le devenir y ont trouvé, après coup, une explication cohérente aux difficultés et aux épreuves, souvent incompréhensibles pour elles, qu’elles ont dû affronter et aux déceptions qu’elles ont rencontrées.
Il leur offre aussi un espoir : celui que les évêques orthodoxes de France retrouvent leur liberté d’action par rapport aux pressions qui, aujourd’hui encore, s’exercent sur eux, et jouent pleinement le rôle que l’Église leur confère. Ce n’est qu’à ce titre qu’une Église orthodoxe locale, que l’auteur appelle de ses vœux, pourra répondre aux besoins des nombreux français désireux de rencontrer, dans toutes les paroisses francophones, une orthodoxie authentique.
Un livre salutaire. Ne sont-ce pas ces mêmes médias orthodoxes du club qui ont pratiquement fait l'impasse sur la grande Procession ukrainienne de cet été, initialisée avec la bénédiction du métropolite Onuphre?
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