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Souvent, on avait l'impression qu'il n'y avait pas du tout chez lui d'exploit ascétique (podvig). C'est dire s'il se comportait
simplement et s'il était accessible. Il n'y a jamais eu un seul incident où il aurait
refusé quelqu'un, s'excusant de la nécessité de lire la règle monastique. On
pourrait supposer qu'il ne l'avait tout simplement pas faite. Mais en fait il avait lu
sa règle après minuit. Quand je l'aidais à la lire, elle devenait
beaucoup plus courte. C'était parce que je me fatiguais, et il était très
attentif à l'épuisement des autres et ne se permettait pas de nous imposer un
«fardeau difficile à supporter». Mais il aimait la règle cellulaire prescrite
par la Laure comme une source de rosée vivifiante. En la lisant pour lui, je ne
l'ai pas tellement aidé, mais je l'ai plutôt privé de ses précieux moments de consolation.
Mais en sa présence on n'y pensait jamais; on croyait seulement que tout allait
bien. Et ce qui arriverait, serait seulement bon, brillant, aimable, et sans fin...
comme l'amour dans ses yeux radieux.
* * *
Avec lui, vous aviez toujours eu le droit de faire une
erreur. Plus que cela, vous aviez droit à votre propre opinion. Le désaccord
ne causait pas chez Père Kirill perplexité ou détresse (du moins, il n'a
jamais montré aucune détresse). Il écoutait avec intérêt et respect un autre
point de vue et, s'il devenait convaincu de sa validité, pouvait changer le
sien. Père Kirill n'a jamais dominé personne et n'a jamais forcé quiconque à
penser comme lui dans la vie.
Après avoir écouté une demande, posé sans hâte des questions sur les détails
de l'affaire, il offrait avec tact son option pour résoudre le problème, et le
reste était notre droit de choisir.
La vie elle-même révélerait les
conséquences et si son conseil était le seul conseil sûr. Je ne cesse jamais
d'être étonné de voir comment certains conseillers spirituels peuvent séparer
un couple marié, envoyer à un monastère quelqu'un qui hésite encore dans sa
décision, ou d'une manière ou d'une autre changer complètement et grossièrement
un destin humain.
Père Kirill traitait les gens avec le plus grand soin, pesait
chaque mot, afin qu'il ne blessât jamais l'amour-propre d'autrui et ne blessât
pas une âme infirme. Mais pour ce qui est des erreurs, non seulement il ne les
signalait pas grossièrement, mais il donnait généralement l'impression que
rien ne s'était passé. Il donnait aux gens l'occasion de comprendre par eux-mêmes leurs erreurs.
Ce n'est pas par hasard que son extrait favori du
«Patericon» était l'histoire de Pimène le Grand, qui ne faisait pas de reproches au frère
qui s'était endormi au cliros pendant les offices, mais le laissait en paix. Sa capacité à préférer l'apprentissage à l'enseignement,
l'obéissance à la direction nous a émerveillés au plus profond de nos âmes.
C'est une autre question d'admettre que nous devrions nous-mêmes avoir deviné qu'il
vaudrait mieux que nous soyons silencieux en sa présence plutôt que de partager
nos opinions avec lui. Nous aurions reçu un bénéfice incomparablement plus
grand.
Version française Claude Lopez-Ginisty
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