jeudi 4 janvier 2018

Tudor PETCU: Interview de Nikola Mirkovic sur le Kosovo


Saint Tzar Lazare



1.) Pour bien commencer ce dialogue, je vous serais très reconnaissant si vous pouviez parler de votre personnalité pour que nos lecteurs aient l'opportunité de mieux découvrir votre travail.

J’ai 46 ans, je suis serbe par mon père et français par ma mère. Je suis marié et père de famille et j’ai fait des études de commerce international en France et dans différents pays européens. J’ai commencé à m’impliquer sérieusement dans la géopolitique dans les années 1990 lors des guerres contre l’ex Yougoslavie. La situation était particulièrement difficile car les médias occidentaux ne cessaient de pointer les Serbes du doigt et de dérouler une campagne de propagande contre la Yougoslavie sans laisser place au débat. Je n’étais pas, à cette époque, particulièrement attaché au régime yougoslave mais je ne supportais pas le manque d’objectivité et les mensonges des journalistes et politiciens occidentaux qui n’avaient d’autre objectif que de provoquer une guerre. Si la Yougoslavie devait se séparer, elle aurait pu le faire pacifiquement, or je me suis rendu compte que l’occident voulait la guerre et cela m’a profondément choqué. En 1999 l’escalade de la violence a été poussé d’un cran avec le bombardement illégal de la Serbie par l’OTAN au détriment de la convention de l’ONU ou de la convention de Genève. Avec mes impôts payés en France je me retrouvais ainsi à payer les bombes qui tombaient sur ma famille en Serbie. C’était insupportable. J’ai donc décidé, avec ma jeune épouse française, de me porter volontaire comme bouclier humain sur les ponts de Belgrade qui étaient des cibles de l’Otan comme de nombreux autres sites civils. Nous nous disions que l’Otan réfléchirait peut-être à deux fois avant de bombarder des ponts remplis de volontaires internationaux. Sur place j’avais accès à l’information serbe bien évidemment mais également à la BBC ou à CNN. Il n’y avait pas le rouleau compresseur médiatique univoque que je connaissais en France. Depuis cette date, j’ai écrit de nombreux articles et animé de nombreuses conférences en Europe pour démanteler ce que j’appelle la politique guerrière de l’Otan et la manipulation médiatique occidentale en ex Yougoslavie mais également dans toutes les guerres de l’Otan. En 2005 j’ai créé avec un ami une ONG pour défendre les Serbes chrétiens du Kosovo victimes d’une véritable purification ethnique, et en 2016 j’ai lancé une association, Ouest-Est, pour rapprocher les peuples d’Europe de l’ouest et de l’est. Nous avons tous intérêts à mieux nous connaître et à travailler ensemble car nous sommes issus d’une même civilisation et habitons le même continent. Certains veulent nous diviser, au contraire nous devons nous rapprocher intelligemment.

2.) Etant donné que je vous avais proposé de parler au sujet de la guerre de Kosovo, cela m'intéresserait d'apprendre quel serait votre perspective sur cet événement de l'histoire récente, un chapitre malheureusement très peu connu et analysé aujourd'hui, à partir de mon affirmation, pourquoi la guerre du Kosovo ne présente pas un grand intérêt parmi les médias académiques d'Europe, comme le fait par exemple l'Holocauste?

Croire que le problème du Kosovo serait une simple dispute territoriale entre deux peuples frères devenus rivaux serait complètement méconnaître la vérité et l’importance de ce que ce territoire représente pour les Serbes. Le Kosovo est à l’origine une plaine, une plaine sur laquelle les Serbes se sont battus au XIVe siècle pour défendre leur foi chrétienne et leur terre. Une grande partie de la chevalerie serbe est morte contre les ottomans sur cette plaine à la bataille de Kosovo Polje (Plaine du Kosovo) et c’est ce sacrifice de leurs élites qui a permis aux simples Serbes de résister, certains pendant plusieurs siècles, face à l’envahisseur ottoman. C’est pour cela que le Kosovo est important, il est le symbole de la résistance qui a permis aux Serbes de vaincre l’injustice et  de demeurer un peuple libre, et non pas un peuple esclave.

Dans l’histoire récente, le Kosovo est devenu un révélateur des tensions géopolitiques internationales entre l’Empire américain, la Russie renaissante, les vieilles nations européennes et l’islam radical wahhabite. Sur moins de 11.000 kilomètres carrés nous avons un concentré d’influences opposées unique en Europe. La manière dont la guerre a été amenée au Kosovo est aussi révélatrice des guerres modernes dites « humanitaires » où certaines puissances occidentales s’arrogent le droit de bombarder qui elles veulent, pour satisfaire leur propres désirs géostratégiques au détriment du droit international et souvent du bon sens. Malheureusement de nombreux universitaires européens font l’impasse sur ce qui s’est passé au Kosovo et sur ce qui s’y passe encore aujourd’hui car c’est évidemment politiquement incorrect. Aussi il manque une véritable pluralité des opinions dans les universités occidentales qui permettrait de confronter les idées et les théories pour permettre de faire avancer le débat et de tirer des conclusions objectives. Dire la vérité sur le Kosovo en Europe de l’ouest aujourd’hui signifie également admettre que l’Otan et les puissances occidentales ont commis des choses horribles, et créé une situation catastrophique dans une région déjà très tendue. Les Etats occidentaux ne vont évidemment pas faciliter ce genre de débat, et c’est dommage car c’est un affront à la justice et à l’intelligence.

3.) Comment devrions-nous percevoir les rapports entre la Serbie et le Kosovo, et comment le Kosovo pourrait-il redevenir un territoire de la Serbie à l'avenir? Ou autrement dit: que représente pour vous l'indépendance de Kosovo reconnue d'ailleurs par l'Union Européenne?
A vrai dire l’Union européenne ne reconnaît pas l’indépendance du Kosovo puisque cinq nations de l’UE refusent de la reconnaître dont la Roumanie. J’en profite par ailleurs pour rappeler que l’ONU elle-même ne reconnaît pas l’indépendance du Kosovo, pas plus que le Vatican, le Brésil, la Chine, l’Arménie, l’Algérie, la Russie, l’Inde etc. Il y a quelques semaines le Surinam, qui avait reconnu l’indépendance du Kosovo, a retiré sa reconnaissance. C’est vous dire si ce sujet est loin d’être acquis et pose un problème juridique majeur. La position officielle de l’ONU, qui est celle de la Serbie, est que le Kosovo fait partie de la Serbie. Evidemment le sujet devient compliqué quand on sait que les Serbes ont été chassés de leur terre qui est maintenant peuplée majoritairement d’Albanais musulmans, dont les responsables politiques sont très anti serbes. Dans mon livre, le martyre du Kosovo, j’esquisse des propositions de solution pour cette question épineuse. On ne peut pas laisser les Albanais gérer le Kosovo car cela serait synonyme de l’expulsion des derniers serbes et de l’extinction de la chrétienté dans cette région qui, pendant des siècles, s’est battue contre l’envahisseur ottoman pour que l’Europe puisse demeurer chrétienne. Je pense qu’il est illusoire d’intégrer telle quel le Kosovo dans l’administration serbe car la population albanaise est majoritaire et hostile comme je l’ai évoqué. Il reste alors deux solutions : partager les terres entre Serbes et Albanais, ou la guerre. Evidemment aucune des solutions ne fait plaisir, mais l’injustice ne peut pas devenir un fait accompli. Cela est d’autant vrai que le problème du sud des Balkans est loin d’être réglé et qu’il y a encore de nombreuses rivalités ethniques et / ou religieuses qui peuvent  faire dégénérer la situation d’un jour à l’autre. A la fin de cette situation nous aurions des pays des Balkans redécoupés selon des lignes majoritairement ethniques, ce qui pourrait sembler dommage en soi, mais pourrait paradoxalement être le meilleur garant de la paix. Il faut mettre les pays autour de la table de négociation et  redécouper les frontières, sinon, croyez-moi, la guère va revenir. Chaque peuple concerné y gagnerait quelque chose sans perdre la face. La dernière solution serait évidemment la guerre. Personne n’en veut, mais si l’Otan a déclenché une guerre illégale pour créer un état fantoche alors  pourquoi les propriétaires de cette terre ne pourraient-ils pas eux-mêmes faire une guerre juste pour la récupérer ? Aujourd’hui c’est impensable car aucun peuple des Balkans ne pourrait affronter les USA. Mais que se passerait-t-il si un jour les USA quittent les lieux ? Washington cherche à diviser pour régner, ils ont choisi dans le sud des Blakans les nationalistes albanais contre les Macédoniens, Serbes et Grecs. Sans les USA, ces nations se retourneraient évidemment contre les nationalistes albanais (comme ils l’ont fait contre les Turcs dans la guerre balkanique de 1912) qui ont profité de la présence US pour faire avancer leur agenda géopolitique au détriment des bonnes relations avec les peuples voisins. Comprenez moi bien. Je suis contre la guerre mais celle-ci est inéluctable si une solution pacifique et juste n’est pas trouvé rapidement.

4.) Si nous devions parler sur l'attitude de l'Occident a l'égard de la guerre de Kosovo, quelles seraient vos paroles? 

L’occident s’est trompé et les « élites » occidentales ont sciemment trahi et menti aux peuples. Nous savons aujourd’hui qu’il n’y a jamais eu de génocide au Kosovo malgré ce que disaient Clinton, Albright, Chirac, d’Alema, Blair etc. à l’époque. Nous avons toutes les preuves qui attestent que les Albanais ont eux-mêmes tué de nombreux Albanais accusés de collaborer avec les Serbes et que l’occident a été manipulé pour croire qu’il fallait intervenir militairement. Le général canadien à la retraite Lewis MacKenzie, qui connaît très bien les Balkans où il est intervenu pour l’OTAN dit : « Les Albanais du Kosovo nous ont joué comme sur un Stradivarius. Nous avons financé et soutenu indirectement leur campagne pour l’indépendance d’un Kosovo ethniquement pur. Nous ne leur avons jamais reproché d’être responsables des violences du début des années 90, et nous continuons de les dépeindre comme les victimes d’aujourd’hui, malgré les preuves du contraire. » De très nombreux témoins occidentaux issus de l’Otan, de la diplomatie, confirment aujourd’hui cette réalité que la guerre du Kosovo fut, il y a vingt ans, un immense montage politique. Aujourd’hui le Kosovo est la plaque tournante du trafic de drogue en Europe et un trou noir où s’enrichit la mafia albanaise soutenue par d’ex responsables de l’OTAN. En parallèle l’islamisme radical s’implante à un rythme vertigineux au Kosovo comme d’ailleurs en Bosnie Herzégovine, une autre création de l’OTAN. Cet islam radical est conquérant. Il ne veut pas vivre en paix avec les chrétiens. L’occident aurait dû rester fidèle aux Serbes qui ont défendu l’Europe contre l’empire ottoman et qui se sont courageusement battus contre le troisième Reich et les fascistes pendant la deuxième guerre mondiale. Au lieu de cela l’occident a poignardé son allié serbe dans le dos et lui a préféré les nationalistes albanais qui eux, se sont toujours rangés du côté des occupants qu’ils soient ottomans, fascistes, nationaux-socialistes ou aujourd’hui atlantistes. Cette stratégie occidentale est de courte durée, car les islamistes et mafieux contre lesquels les Serbes se battaient dans les années 1990 sont aujourd’hui des millions dans les rues de Paris, Berlin, Londres, Bruxelles et même New York. A force de jouer avec le feu, l’occident commence à se brûler et ça va faire mal.

5.) Je sais que vous avez publié un livre dont le titre est "Le martyre du Kosovo". Pouvez-vous dire quel est le but de ce livre, quelles sont les nouveautés apportées par ce livre et pourquoi vous avez choisi ce titre ?

J’ai fait de nombreuses conférences en Europe au sujet du Kosovo, et chaque fois j’ai été surpris de voir que les personnes ne connaissaient vraiment rien à l’histoire des Balkans et du Kosovo et de la stratégie américaine en Europe en général. J’ai écrit ce livre pour rétablir la vérité et parce qu’il n’existe quasiment rien sur le sujet dans les bibliothèques occidentales modernes. En tant que Serbe je devais faire attention de ne pas faire un livre de propagande, et j’ai pris soin de citer un maximum d’intervenants et de spécialistes étrangers qui décrivent la situation du Kosovo telle que je vous la décris. Je peux animer des conférences pendant des heures de suite aujourd’hui rien qu’avec des témoignages de Français, Anglais, Américians, Canadiens, Italiens… tous bouleversés par  ce qu’ils ont fait ou vu au Kosovo, et qui, évidemment, ne correspond pas au « story-telling » atlantiste. Comme la réalité du Kosovo est tout autre que ce que les medias dominants ont voulu nous faire croire en 1999, il était indispensable, au nom de la vérité et de la réalité historique, qu’un livre sorte pour remettre les pendules à l’heure. Aussi, je voulais montrer que les techniques de manipulation utilisées au Kosovo ont ouvert la voie à bien d’autres montages militaires dans le monde. En relisant l’histoire récente du Kosovo et en pénétrant les infimes détails, on découvre une grille de lecture qui nous permet de comprendre bien d’autres manipulations guerrières qui se sont produites en Afghanistan, en Syrie, en Libye et même en Ukraine. Cette grille de lecture est indispensable pour comprendre la géopolitique contemporaine et les véritables enjeux de notre continent face au reste du monde. Ce livre est le fruit de plus de 10 ans de travail sur le sujet pour sortir des faits concrets et précis, qui permettent de mieux comprendre la situation des Balkans et le projet américain pour l’Europe. Je l’ai intitulé « Le martyre du Kosovo » car peu de peuples européens ont souffert depuis autant de temps comme les Serbes du Kosovo qui, depuis le XIVe siècle, vivent sur une terre qui n’a cessé d’être occupée par des ennemis qui n’avaient comme autre but que de les faire disparaître. Les Serbes du Kosovo sont de fervents chrétiens et l’ont toujours été. Mourir pour sa foi c’est le martyre, d’où le nom du « martyre du Kosovo ».

-->

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire