mardi 29 août 2017

LORSQUE NOUS FAISONS NOUS-MÊMES QUE NOTRE SEL S’AFFADISSE Interview de Bernard Le Caro à l’hebdomadaire serbe PEČAT (21 et 28.7.2017)

Bernard Le Caro

Questions posées par Biljana Živković

1. Vous êtes orthodoxe, français, vous parlez plusieurs langues dont le serbe, le russe et le grec... Qu’est-ce qui vous a motivé à entrer dans le monde de l’Orthodoxie ?

Il est vrai que je suis orthodoxe, plutôt que je m’efforce de l’être, ce qui ne m’empêche d’être aussi français, attaché à la culture française dans ce qu’elle a d’authentique, orthodoxe, et à mon histoire. En outre, l’histoire de France est liée à celle de la Serbie, notamment pendant la première guerre mondiale. Mon grand-oncle, Louis Voise, est mort à l’âge de dix-sept ans sur le front de Salonique. Pour ce qui concerne ma connaissance des langues, particulièrement le russe, le serbe et le grec, elle est due à la raison suivante : je voulais avoir un contact direct avec la littérature et les peuples des pays orthodoxes, y étant encouragé par deux personnalités spirituelles du siècle passé : l’higoumène russe Théodora, du couvent de Lesna en France, et l’évêque Danilo Krstić, en Serbie. Maintenant, quelles étaient mes motivations pour devenir orthodoxe ? Il pourrait paraître bizarre, incongru, qu’un occidental, en 1965, se soit intéressé à l’Orthodoxie. La quasi-totalité des Églises orthodoxes se trouvaient derrière le rideau de fer. Quant à l’Église orthodoxe en Occident, elle était très divisée. Il y avait, et il y a toujours, notre faiblesse humaine. Comme le dit l’apôtre Paul “nous portons ce trésor dans des vases d’argile”. Toutefois, j’étais étonné par la vitalité dans de telles conditions, de l’Église orthodoxe. Des émigrés russes, dans une quasi-misère, dans leurs églises barraques, faisaient rayonner la Lumière du Christ. Comme le dit l’apôtre “ils n’avaient rien, mais possédaient tout”. Cette vitalité de l’Orthodoxie est fascinante : regardez ce qui se passe en Russie maintenant, après cent ans d’un athéisme militant, l’Église renaît de ses cendres et comment ! En France, deux siècles après, on ne ne s’est toujours pas remis de la Révolution. Quant à l’Église romaine, à quelques exceptions près, elle n’a pas canonisé ses nombreux martyrs de la révolution française, ni le roi Louis XVI, alors qu’elle canonise tous ses papes. L’Église orthodoxe russe, quant à elle, canonise ses martyrs, dont la Famille impériale. Il est difficile de ne pas être ému lorsque l’on voit les dizaines de milliers de fidèles parcourir une distance de vingt kilomètres à pied à Ekaterinbourg après la Liturgie le 17 juilllet, jour de l’assassinat de la Famille impériale. C’est impensable en France et dans le monde occidental en général. Pour revenir aux valeurs spirituelles que chérit l’Orthodoxie, je citerai encore le père Justin : “Si l’on voulait résumer l’Evangile du Christ, ce serait la prière et le jeûne”. C’est précisément ce que l’on trouve dans l’Orthodoxie. Comme le disait un saint moine libanais du Mont Athos, le père Isaac, “l’Orthodoxie a l’ascèse dans le sang”. Et bien sûr et avant tout, sa vie liturgique. C’est si je puis dire sa “façon de vivre”. C’est ce qui m’a attiré dès le début vers l’Orthodoxie.

2. Vous avez connu le père Justin. Quelles valeurs le différencient d’autres personnalités spirituelles ?

Ma première rencontre avec Père Justin a eu lieu en 1968. Je visitais alors les monastères de Serbie et, à Decani, le moine Irénée (maintenant évêque de Bačka) m’a fortement recommandé d’aller voir le père Justin. Ce qui m’a frappé d’emblée dans l’enseignement du saint était sa référence constante au dogme du concile de Chalcédoine : Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme : le Dieu-homme. Naturellement, il n’a rien inventé, mais cette référence était bien plus forte que chez tous les autres spirituels de son époque. Si l’on parle maintenant de la première impression que dégageait sa personne, c’était sa profonde humilité et son côté “direct”. Il avait la même conduite envers tout le monde, tant des éminents professeurs que des paysans. Un autre trait de sa personnalité était son côté “direct” : Sans me connaître, il n’a pas hésité de me parler de la véritable situation de l’Église en Serbie sous le pouvoir titiste... Il faut ajouter aussi et c’est extrêmement important, qu’il vivait avec toute l’Église, c’était un homme universel (mais pas cosmopolite !). Tout en étant profondément serbe, tous les orthodoxes l’intéressaient, Grecs, Russes, Roumains, voire même Africains... Pour finir, je dirais que malgré toutes les difficultés de l’époque, le père Justin rayonnait. Nous n’étions que quelques personnes dans son église et pourtant avec le temps, son message circulait de plus en plus. Comme le disait à son sujet le père Čedomir Ostojić, dont je parlerai tout-à-l’heure : “Rien ne peut empêcher la lumière du Christ de briller”. Si l’on veut résumer son oeuvre, je dirais qu’il fut la conscience de l’Eglise orthodoxe serbe de l’époque. Mais il n’a pas parlé uniquement à ses contemporains mais aussi aux futures générations, donc à la nôtre.

3. A quel point les enfants spirituels du père Justin Popovic sont-ils restés fidèle à l’Abba ? Certains d’entre eux sont à la tête de l’Église orthodoxe serbe et affirment qu’ils sont en accord avec l’œcuménisme, ils se prononcent pour la collaboration étroite avec l’Église catholique-romaine, voire même pour les offices communs des clercs des deux Églises. Abba Justin, pourtant, avait une position claire à ce sujet !

N’appartenant pas à l’Église orthodoxe serbe, il m’est difficile de commenter ce qui s’y passe actuellement. Je ne peux dire qu’une seule chose : le père Justin était définitivement et sans réserve opposé à l’œcuménisme, c’est-à-dire à la négation de l’unicité de l’Église, aux prières communes avec les non-orthodoxes, les discours creux etc. Nul comme lui n’a dénoncé à l’époque le soi-disant “dialogue de l’amour” entre le patriarche de Constantinople Athénagoras et le pape Paul VI. Il avait perçu où tout cela menait, il fallait le prendre au sérieux, ce n’était pas de simples “embrassades” ou politesses. La suite a justifié les appréhensions du père Justin : on sait maintenant qu’en 1970, (cf. le livre de Patrice Mahieu “Paul VI et les orthodoxes”) une commission “secrète” avait été constituée de quatre membres, dont deux catholiques et deux orthodoxes (le défunt métropolite Damaskin de Chambésy, et l’actuel métropolite Jean Zizioulas, alors laïc). Cette commission avait donné le “feu vert” à la concélébration de la Liturgie par Athénagoras et Paul VI au Phanar. Le projet échoua, car le Vatican était conscient que le monde orthodoxe ne suivrait pas et Paul VI craignait même qu’Athénagoras, qu’il aimait sincèrement, fût anathématisé par l’Eglise orthodoxe. C’est donc, d’une certaine façon, Paul VI, qui a sauvé l’Orthodoxie des fantaisies du Phanar. C’est honteux pour nous !

4. Vous êtes l’auteur de nombreux livres en langue française, vous avez traduit des textes des saints Pères. Vous terminez le livre en français sur la vie d’Abba Justin. C’est votre apport à l’Orthodoxie en France. Etes-vous d’accord avec cette constatation ?

Je citerai les paroles du Patriarche Paul d’éternelle mémoire : ce que nous faisons pour l’Église est 1%, le reste est fait par l’Esprit Saint. Pour ce qui me concerne, les quelques écrits et traductions ne sont qu’une goutte dans l’océan. Il y a un certain nombre de personnes qui, bien plus que moi, n’épargnent pas leur énergie et leur temps. Grâce à elles, les oeuvres de St Nicolas Velimirović et St Justin Popović sont accessibles au public français. Imaginez-vous que les trois tomes de la dogmatique du P. Justin et les homélies de St Nicolas (700 pages !) ont été traduites en français. Je suis loin d’avoir accompli une œuvre aussi vaste !

5.Vous avez entre autres écrit sur St Jean de Changhaï, qui est proche des Russes et des Serbes, mais aussi du monde orthodoxe entier. Comment approchez-vous la personne et la sainteté de Jean de Changhaï ? Dites-nous quelque chose sur la relation de Nicolas Velimirović et de Justin Popović envers le jeune Michel Maximovitch, plus tard hiéromoine Jean ?

Tout d’abord, je dois mentionner que je n’ai pas connu personnellement saint Jean. Mon premier contact avec l’Orthodoxie s’est produit au couvent russe de Lesna, près de Paris, en 1965, où j’ai rencontré un merveilleux témoin de l’Orthodoxie en Occident, l’archiprêtre Čedomir Ostojić, recteur de la paroisse de l’Église russe hors-frontières à Bruxelles, que j’ai mentionné tout-à-l’heure. Celui-ci venait de célébrer la Liturgie avec saint Jean de Changhaï à Paris, lequel  partait définitivement en Amérique. Ensuite, tous les Russes que j’ai rencontrés ne cessaient pas de parler de St Jean, de ses enseignements, de ses miracles. Comme le disait le père Čedomir, “c’était une légende vivante”. Et ce qui me sidérait était que lorsqu’un problème ecclésial surgissait, il se trouvait toujours quelqu’un pour dire “Mgr Jean disait que...” C’est ce qui m’a incité à écrire ce livre.Vous me demandez quelle était l’attitude de St Nicolas Velimirović envers le futur saint Jean. Je vous répondrai par ce que m’a dit le père Čedomir. Alors que l’évêque Nicolas lui demandait, dans les années 50, en exil, quel était son évêque, le père Čedomir répondit “Mgr Jean”, et St Jean de lui répondre à son tour : “c’est un saint”. Quant au père Justin, il avait enseigné avec lui à Bitolj. Il faut dire que c’étaient des hommes très différents : Mgr Jean était plutôt désordonné, tandis que le père Justin était un homme d’ordre - j’oserais dire, dans ce domaine, un occidental ! - aussi on aurait pu dire qu’ils avaient tout pour ne pas s’entendre. Or la grâce de Dieu les unissait pour servir l’Église. Je me rappelle que le père Justin avait une photographie de saint Jean dans le petit salon où il recevait ses hôtes. Il avait une grande admiration devant son ascèse. Comme le disent les saints Pères, plus les hommes approchent de Dieu, plus ils sont proches entre eux, plus ils s’éloignent de Lui, plus ils s’éloignent les uns des autres. C’est un enseignement pour notre époque : toutes les constructions qui n’ont pas Dieu pour fondement s’écroulent.

6.En quoi la figure de St Théophane vous a-t-elle inspiré pour publier son œuvre pour le public français ?

Lorsque j’étais jeune, le livre de St Théophane “qu’est-ce que la vie spirituelle” était si je puis dire un “best seller” dans l’émigration russe. On trouve dans cette oeuvre les “mécanismes” de la vie spirituelle. Les fils, ou plus tôt les petit-fils d’émigrés russes en France lisent plus facilement le français que le russe, au demeurant la langue de St Théophane est assez archaïque. C’est à eux que j’ai pensé, mais aussi à tous les francophones, orthodoxes ou non, qui veulent connaître les bases de notre vie spirituelle. A mon grand étonnement, ce livre a eu une certaine résonnance dans le public français “lettré”. Une recension a eu lieu dans le magazine prestigieux, non religieux, “ La revue des deux mondes“ et j’ai été invité à une radio catholique de Paris pour présenter le livre. Cela veut dire aussi autre chose : comme le dit le saint Évangile, “l’homme ne vit pas que de pain”, il a une soif d’authenticité. Et si, dans le dialogue oecuménique, on disait aux catholiques : commençons par le commencement, ayons la même vie spirituelle, comme nous l’avions durant les premiers siècles, et nous discuterons du reste après. Votre pape a supprimé le jeûne, pourtant un commandement du Dieu-homme Lui-même, comme le disait le père Justin. Votre messe ne ressemble à rien. A ce sujet, j’ai assisté récemment à un enterrement catholique. C’est une femme, probablement présidente laïque de la paroisse, qui a distribué la communion aux fidèles... C’est un autre monde. Aussi, on ne peut leur dire que : “Retournez aux valeurs qui étaient les vôtres durant les premiers siècles, et on parlera du reste ensuite ! Nous n’avons aucun mépris envers vous, c’est parce que nous vous aimons et souhaitons votre salut que nous parlons de la sorte”. “Lex orandi, lex credendi”, comme le répétait le père Alexandre Schmemann. Croyez-moi, il m’est arrivé de parler ainsi, et le message “passe”. C’est ce dont témoigne l’intérêt pour les livres orthodoxes.

7. Les partisans du globalisme et du nouvel ordre mondial disent que l’Orthodoxie représente le plus grand danger pour eux, plus dangereux que le fondamentalisme islamique. Comment expliquez-vous une telle position ?

Le Seigneur Lui-même a dit qu’il ne faut pas craindre ceux qui tuent les corps, mais ceux qui tuent les âmes. Nous y sommes précisément. Il y a un parallèle entre le totalitarisme de l’Union soviétique et celui de l’Union européenne. Comme me l’avait dit à l’époque titiste l’évêque Danilo Krstić, que j’ai mentionné tout-à-l’heure,: “Il y a l’étoile rouge – le sang, la brutalité – mais il y a aussi l’étoile blanche (des États-Unis) – c’est la même chose, mais avec des bonnes manières”. On assassinait alors partout sur la planète pour “le socialisme”. On assassine maintenant, soi-disant “pour la démocratie” (en faisant des affaires juteuses en même temps, sur le sang des gens). Maintenant, le “nouvel ordre mondial” est-il plus dangereux que le fondamentalisme islamique ? Je dirais simplement qu’il est plus subtile, il est incolore, inodore, il se glisse partout sous le déguisement des “droits de l’homme”. On le voit aujourd’hui avec “le mariage pour tous”, demain avec l’euthanasie, après-demain avec Dieu sait quoi. Et ce sont des conditions pour tous les Etats qui veulent entrer dans “l’Union”. Néanmoins, tous ces gens-là ne sont forts que si nous sommes faibles, si comme il est dit dans l’Évangile “le sel s’affadit”. Lorsque je suis allé à Constantinople, un évêque m’a dit : “Êtes-vous allé à Topkapi voir le sabre de Mahomet ? Pour vous occidentaux, il vous est difficile d’imaginer un prophète avec un sabre ! Mais quand nous sommes de mauvais chrétiens, Dieu nous envoie ce genre de prophètes...” Comme me l’a dit une fois un athonite : “Que le diable fasse son œuvre, nos faisons la nôtre”. Mais le tout est naturellement que nous fassions la nôtre. Vous avez entendu cette année à Ćelije le message que le père Justin avait envoyé à ses disciples : “Soyez des messagers du Dieu-homme”. Et c’est la tâche de l’Église : former des archipasteurs et des pasteurs qui seront des “messagers du Dieu-homme”, et non des messagers de Darwin ou autres. Il est nécessaire que l’enseignement académique forme des pasteurs qui donnent leur “vie pour leur troupeau” et non des prêtres et théologiens “vétéro-testamentaires” arrogants qui considèrent “que ce peuple qui ignore la loi est maudit”. C’est là un nouveau cléricalisme qui n’a pas sa place dans l’Église et qui l’affaiblit.

 8. Vous êtes l’un des bons connaisseurs des circonstances actuellement dans l’Orthodoxie et le monde chrétiens en général. Il nous intéresse de savoir dans quelle mesure les Français deviennent orthodoxes. Certains analystes écrivent que de plus en plus de Français choissisent l’Islam pour être leur nouvelle foi. Quel est le climat spirituel en France, où il y a des catholiques et des protestants.

Tout d’abord, si j’ai une certaine connaissance du monde orthodoxe, c’est non seulement pour y avoir voyagé et rencontré un grand nombre de personnes, mais c’est aussi parce que je collabore à un site internet d’informations sur le monde orthodoxe. Et si l’on me demandait de tirer une conclusion générale, je dirais la chose suivante : il y a un clergé et un peuple orthodoxes, qui vit intensément sa foi, qui prie, qui jeûne, qui fait rayonner la foi et les oeuvres. Il y a un élan qui est peut-être sans précédent à l’époque récente, particulièrement en Russie, mais aussi dans les autres pays orthodoxes, voire même en Albanie. Des dizaines de milliers d’Africains deviennent orthodoxes. Dans un message à la hiérarchie le père Justin avait d’ailleurs mentionné l’Église d’Afrique, à l’époque encore constituée de petites communautés. C’était prophétique ! A côté de cela, il y a une minorité d’évêques et de prétendus théologiens très actifs et non représentatifs, mais qui occupent “la une” de nos médias “mainstream”. On a pu le voir au Synode de Crète où les évêques ayant le droit de vote, à savoir les Primats présents, ne représentaient en fait que 0.8% de la totalité de l’épiscopat orthodoxe mondial. Maintenant, pour ce qui concerne l’Orthodoxie en France, il faut le dire clairement : les orthodoxes français sont une infime minorité, bien qu’il y ait tout de même un grand intérêt pour l’Orthodoxie. Pour le reste, le catholicisme – le protestantisme est mourant depuis longtemps – subit une grande crise. Un phénomène est frappant : on démolit des églises ou on les vend pour en faire des restaurants, centres culturels, etc, là où il n’y a plus de fidèles. L’Église catholique n’a plus de moyens pour les entretenir. Moins de la moitié de la population française est baptisée. Naturellement, personne de sensé ne peut s’en réjouir. Il y a heureusement malgré tout, çà et là, des expressions d’un esprit meilleur. N’oublions pas qu’une manifestation a rassemblé à Paris un million de personnes contre le fameux mariage pour tous. Mais c’était insuffisant pour que nos grands démocrates changent un iota à cette loi. Au contraire, à peine arrivé au pouvoir, le président français Macron veut imposer maintenant, la mesure suivante, la “procréation médicalement assistée”. C’est une destruction méthodique de la société. Pour ce qui est des conversions à l’Islam en Occident, certes elles existent, mais c’est, du moins me semble-t-il, un phénomène marginal.

 9. A quel point le modernisme et l’oecuménisme sont-ils influents dans le christianisme ?

Il faut dire que le modernisme n’intéresse plus grand monde en Occident. Nous vivons dans le monde post-moderne. Paradoxalement, l’adaptation au monde est plus fréquente chez certains milieux qui se veulent orthodoxes en Europe et aux États-Unis, bien que très minoritaires. Cela a toujours été le cas : on imite avec du retard. Quant à l’œcuménisme, il est pratiquement au point mort en Occident, cela n’intéresse plus personne, hormis quelques groupes, par idéologie ou intérêt. La soi-disant “semaine de l’unité” attirait les foules il y a encore vingt ans. Maintenant, c’est un non-événement. Ce mouvement provoque soit l’hostilité, soit l’indifférence, et ce dans toutes les religions. Or, en Serbie, paradoxalement, ceux qui s’opposent à l’œcuménisme et son amour faux, comme le disait le père Justin, se voient qualifiés de “zélotes”. Il y a donc les “zélotes” et les “non zélotes”. Il y a quelques années, un évêque serbe, maintenant décédé, que je n’avais pas vu depuis des décennies, avant de me demander toute nouvelle à mon sujet, m’a posé immédiatement la question : “Vous êtes zélote ?” Un autre ecclésiastique serbe, décédé également, m’a dit : “J’ai lu votre article... c’est zélote !” Que cela veut-il dire ? Tout d’abord, les zélotes, sur le Mont Athos, sont ceux qui se sont séparés de l’Église en 1924, lorsque le Phanar a adopté le nouveau calendrier, dans un total mépris de la sensibilité populaire. Ces “zélotes”, malheureusement, ont créé des hiérarchies dissidentes et ne sont pas en communion avec l’Église. Comment peut-on appliquer ce terme à des chrétiens orthodoxes qui communient régulièrement dans l’Église où sont commémorés des évêques canoniques ? Il faut dire qu’au Synode de Crète, l’évêque de Bačka a clairement dit qu’il ne pouvait y avoir de différence entre les “nôtres” et les “autres”. Le fait que l’on ne soit pas d’accord – suivant en cela l’enseignement de St Justin et de pratiquement tous les pneumatophores du XXème s. – avec l’œcuménisme, cela n’entre-t-il pas dans le cadre de la « sobornost” que nous revendiquons dans toutes les conférences destinées aux hétérodoxes ? L’Orthodoxie n’est pas une idéologie : elle ne veut pas anéantir l’adversaire mais le sauver. Je pense que beaucoup auraient intérêt, en Serbie, à écouter le “camp” adverse. Il est vrai que la culture du dialogue – il ne s’agit pas naturellement pas du compromis – n’est pas une vertu balkanique... Mais l’Église orthodoxe serbe aurait tout intérêt à garder son unité : c’est la meilleure antidote contre la globalisation. La seule force qui arrête les “grands de ce monde” est l’Orthodoxie. Ce n’est pas pour rien qu’ils s’y “intéressent” de près...

10. Vous appartenez à l’Église russe hors-frontières du Patriarcat de Moscou. Quelles sont les circonstances dans l’Église orthodoxe russe ? L’Église orthodoxe russe est une colonne puissante dans le monde orthodoxe. A quel point l’Église orthodoxe russe peut-elle influencer pour le modernisme, l’œcuménisme ne détruisent pas les dogmes du christianisme orthodoxe, ou sont-ils déjà détruits ?

Tout d’abord, je dois vous citer un souvenir. J’étais l’un des membres du Concile de la diaspora en 2006 qui a décidé l’entrée en communion de l’Église russe hors-frontières avec le Patriarcat de Moscou. Le métropolite Amfiloque était invité et ses quelques paroles ont conforté l’assistance dans la recherche d’une solution. Toutefois, pendant les deux premiers jours, les remarques fusaient dans tous les sens et il semblait que nous allions vers l’impasse, l’opposition à la réconciliation avec Moscou était grande. C’est à ce moment que plusieurs prêtres ont célébré un moleben devant les reliques de saint Jean, on posé sur celle-ci le projet de déclaration demandant aux évêques hors-frontières d’entrer en communion avec Moscou. Le lendemain, les tensions avaient subitement disparu et le message était adopté à l’unanimité... En définitive, je pense que les deux côtés sont bénéficiaires. Ce n’est pas seulement à “haut niveau” mais aussi au niveau du peuple. Il y a des contacts étroits, chacun donne ce qu’il a. Les “hors-frontières” le sens de la tradition qu’ils ont hérité de leur pères, et les “moscovites”, le zèle qui, il faut le reconnaître, nous manque. Quand je vois des jeunes faire actuellement à Moscou la queue pendant douze heures pour vénérer les reliques de saint Nicolas, nous sommes bien loin de cette réalité ! Maintenant, tout comme par le passé, l’Église russe hors-frontières est hostile à l’oecuménisme, tout en n’étant pas opposée à de bonnes relations avec les hétérodoxes. C’est tout autre chose. De même en Russie, particulièrement dans la jeune génération. Malheureusement, à très haut niveau, au Patriarcat de Moscou, il y a des intérêts géopolitiques. Sans toutefois transgresser les dogmes ou les canons, il y a des orientations malsaines, je pense par exemple à la rencontre de La Havane. D’un autre côté, je suis relativement optimiste : contrairement à ce qui se passe ailleurs, particulièrement au Phanar et dans d’autres Églises locales, l’Église orthodoxe russe tient compte de la sensibilité populaire. Jusqu’à maintenant au moins, ses représentants ont su s’arrêter...

11. Comment estimez-vous l’attitude séculaire du Vatican, et aussi l’actuelle, envers les pays orthodoxes et en particulier envers le peuple et l’Église serbes ?

Si je ne fais pas erreur, il y avait dans une ancienne chronique de Dubrovnik le proverbe « les Latins sont de vieux trompeurs”. Peut-être ce que je vais dire peut sembler une exagération, mais le Vatican est une énorme machine, irréformable (un diplomate américain m’a dit qu’il n’est pas plus réformable que l’administration américaine !) à l’instar de ce que fut le système soviétique. On pouvait changer le “secrétaire général”, mais le système continuait. En regardant les choses de près, on s’aperçoit que la ligne directrice, à Rome, n’a pas changé : il s’agit, de gré aujourd’hui tout comme de force hier, d’obtenir que l’Église orthodoxe reconnaisse le pape, communie avec lui, sans pour autant que celui-ci renonce à ses erreurs, qui sont la cause de la division. Le pape Benoît XVI avait déclaré qu’en cas “d’union”, l’Orient ne serait pas contraint a accepter les conciles tenus en Occident après le schisme, donc aussi celui de Vatican I sur l’infaillibilité papale. Par conséquent, nous sommes en plein uniatisme. En d’autres termes, reconnaissez-moi, communiez avec nous, on ne vous en demande pas plus ! C’est le même language qu’ont tenu les hérétiques monothélites à saint Maxime le confesseur qui le refusa : “si le monde entier communie avec le patriarche hérétique, je ne le ferai pas !” avait-il répondu. En fait, il y avait quelque chose de frappant lors de la “rencontre inter-religieuse pour la paix” à Assise en 1986 : à la fin des cérémonies, les représentants de chaque religion déposaient une veilleuse sur un chandelier puis, ensuite, s’inclinaient devant le pape. On voyait ainsi le monde entier, dont des musulmans, voire même des païens, se prosterner devant lui. C’est un devoir pour l’Orthodoxie de lutter contre ce faux christianisme : combien de fois le père Justin n’a-t-il pas dit que le Dieu-homme était irremplaçable ? C’est aussi ce qu’a dit Nicolas Velimirović lorsqu’on lui demanda si l’Église orthodoxe avait un pape : “Oui, elle en a un, c’est le Saint-Esprit” a-t-il dit. “Une Hypostase Divine ne peut être remplacée que par une autre... Le Fils de Dieu monté au ciel ne peut être remplacé que par le Saint-Esprit”. Pas par le pape de Rome. Ce n’est pas un hasard si le pape de Rome St Grégoire Dialogue, appelé Grégoire le Grand en Occident, a dit qu’un évêque universel ne pouvait exister dans l’Église : s’il tombe, c’est toute l’Eglise qui s’écroule avec lui... Au XXIème siècle, la papauté est parfaitement consciente de l’état du catholicisme et - sans faire de triomphalisme - du dynamisme des peuples orthodoxes. Aussi, elle voit dans l’union un moyen d’apporter du sang nouveau, qui régénérerait, pense-t-elle, l’occident catholique. Mais, et c’est là où le bât blesse, il est exclu de changer quoi que ce soit dans le dogme et la conduite papales. On est prêt à parler de tout le reste, mais pas de cela. C’est symptomatique : lors de la dernière séance du dialogue catholique-orthodoxe sur la primauté, le texte final mentionne la « sobornost” au cours des dix premiers siècles, etc. Mais la question de personnification de l’apôtre Pierre dans le pape a été remise à plus tard... Or, c’est le point fondamental. À quoi peut servir un dialogue si l’on évite les problèmes que l’on prétend résoudre ? Pour revenir à la ligne directrice du Vatican, il est nécessaire à celui-ci de pénétrer dans tous les pays orthodoxes : Paul VI avait tenté de se rendre, sans succès, en URSS, Jean-Paul II a réussi à se rendre en Roumanie en 1999, puis en Grèce en 2001. En Géorgie, en 2016, la visite de François a été un fiasco : le stade où célébrait le pape était vide. Au demeurant que faisait-il dans un pays où il y a si peu de catholiques ? Maintenant, il ne faut pas croire que ces “voyages apostoliques” cesseront. Pour répondre à votre question plus spécifique sur la Serbie, je pense précisément que ce sera la prochaine étape de la “conquête” du Vatican, dernière étape avant la Russie. A cette occasion, il ne m’étonnerait pas que le pape actuel suive la stratégie de Jean-Paul II à Athènes : pour faire accepter sa présence malgré l’opposition du peuple orthodoxe, il avait demandé à Dieu le pardon pour “les péchés ( !)  par action et par omission commis par les fils et les filles de l'Église catholique contre leurs frères et soeurs orthodoxes ». Alors, on pourrait imaginer qu’après avoir canonisé Stepinac – ce qui semble à plus ou moins longue échéance inévitable – le pape évoque des regrets, sous une forme édulcorée, pour les « événements » qui se sont produits dans « l’État Indépendant de Croatie » (NDH). Avec la grande caisse de résonnance des médias « mainstream », le Vatican serait gagnant. Malgré tout ce « tapage », je n’ai pas l’impression que cela changerait réellement quelque chose dans les relations serbo-croates. Je ne peux pas oublier ce qui s’était produit en 1992 au début de la terrible guerre yougoslave. Le patriarche Paul, le métropolite du Monténégro Amfiloque et l’évêque de Bačka Irénée étaient venus à Genève pour rencontrer le cardinal-archevêque de Zagreb Kuharić et parvenir à la paix, ethnique et confessionnelle. Le patriarche Paul et Kuharić s’étaient tenus par la main. Je ne doute pas de la sincérité du patriarche. Mais à peine la délégation serbe partie, Kuharić attaquait dans la presse suisse “le métropolite de Novi Sad”, selon son expression, l’évêque Irénée de Bačka. Et pour revenir à notre époque, il faut tenir du compte du fait, me semble-t-il, que le pape François médiatisé à l’extrême – une personnalité du Vatican a confié à l’un de mes amis que c’est là tout ce qui l’intéresse - est contesté dans l’Église romaine même. A titre d’exemple, quatre cardinaux, Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner, ont adressé une lettre l’an dernier au pape François au sujet de l’encyclique Amoris Laetitia, au titre de laquelle ils ont demandé des éclaircissements, considérant que celle-ci déviait de la saine doctrine. Cette procédure existe sous le nom de “dubia”. En l’absence de réponse, tout récemment, les signataires ont demandé au pape de les recevoir, ce qu’il a refusé. Nous avons donc affaire à un organisme parfaitement totalitaire, inchangé.

12. La tentative de l’Église catholique-romaine et du Vatican qu’Aloïs Stepinac, le cardinal, le “bienheureux” de l’Église catholique-romaine soit proclamé saint et que l’Église orthodoxe serbe le “reconnaisse”, est un grand choc pour le peuple serbe, surtout pour les centaines de milliers des descendants des détenus des camps qui ont souffert dans 22 camps de concentration des oustachis de “l’État Indépendant de Croatie” (1941-1945), qui ont été ouvertement soutenus par Stepinac. Comment commentez-vous la pression que subit l’Église orthodoxe serbe de la part du Vatican ?

À ce stade, j’ignore ce que décidera la commission mixte de dialogue catholique-romaine – orthodoxe concernant Stepinac. Autant que je le sache, il a été décidé qu’aucune déclaration ne serait faite jusqu’à la conclusion des travaux. Il ne m’appartient pas, naturellement, de me prononcer sur l’utilité de cette commission. En revanche, je me sens libre de dire ce que je pense de Stepinac, bien que non spécialiste. Il faut partir du point de vue que le concept de sainteté n’est pas le même dans l’orthodoxie et le monde occidental, et c’est un point complètement absent du « dialogue œcuménique », pourtant c’est fondamental. Il y a dans le catholicisme, hormis les erreurs dogmatiques, “les erreurs de mystique”, selon l’expression du grand écrivain français Charles Péguy. Si, même après le schisme de 1054, il y a eu dans le catholicisme des hommes qui sont parvenus à très haut degré de perfection, il y a parmi les saints catholiques un certain nombre de personnages inacceptables pour la conscience orthodoxe. Je ne citerai que le fameux Josaphat Kuncewicz, Аndreï Bobola et autres, ainsi que tous les papes de l’époque récente, béatifiés ou canonisés les uns après les autres. Assez étonnamment, la cause en béatification du cardinal Kuharić a été ouverte au diocèse de Zagreb en 2012 ! Pour ce qui concerne Stepinac, en accomplissant scrupuleusement le catholicisme de l’époque, en obéissant au pape, il est un saint catholique. Chez nous, les saints sont au contraire ceux qui se sont opposés à leur hiérarchie ou aux puissants de ce monde lorsque ceux-ci déviaient de la voie de l’Évangile. On peut faire encore des comparaisons. Je me rappelle du discours de Stepinac lorsqu’il a accueilli Pavelić à la cathédrale de Zagreb, s’émerveillant devant la création de “l’État indépendant de Croatie » (NDH) : “ Bien que les facteurs qui influencent le cours des événements, soit hétérogènes, il n’est pas difficile d’y discerner la main de Dieu... Dieu l’a fait et nos yeux sont pleins d’admiration”. Si l’on fait une comparaison avec l’histoire ancienne et récente de l’Église, St Ambroise, au IVème siècle, interdit l’accès de son église à l’empereur Théodose parce qu’il avait du sang sur les mains. Dans la même ligne, le saint patriarche Tykhon de Moscou – le père Justin a écrit à son sujet “une nouvelle justification de l’ancienne foi” – a anathématisé les bolcheviques. La comparaison est superflue. Je dirais en définitive : “chacun ses saints”, vous avez Stepinac, demain Pie XII, nous avons les saints martyrs de Russie, de Jasenovac, les saints ascètes grecs, russes, serbes, roumains... “Montre moi ton homme et je te monterai mon Dieu” disait un Père de l’Église aux païens. Finalement, au sujet des relations serbo-croates : il faut laisser au temps de faire son oeuvre. Les déclarations officielles, qu’elles émanent des autorités religieuses ou civiles ne servent pas à grand chose. Comme l’a dit un staretz russe de l’émigration, l’archimandrite Serge Chevitch “ce qui convainc les autres, c’est ce que nous sommes, pas ce que nous disons”. Je me rappelle, dans les années 1970, qu’un catholique croate avait assisté à une assemblée des “Bogomolci” (les “priants Dieu”, mouvement spirituel populaire qui eut à sa tête St Nicolas Velimirović) quelque part en Serbie centrale. Il était à tel point enthousiaste qu’il a publié ses impressions dans ‘Glas Concila” (“La voix du Concile”) de Zagreb, sous le titre “Jésus en Šumadija”, c’est là un véritable témoignage. “Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux”. Il n’y a pas d’autre voie vers la paix. Et nous sommes capables, lorsque nous le voulons, d’offrir un véritable témoignage au monde contemporain. Et l’un de ces témoignages, c’est celui des Serbes du Kosovo, qui attire l’admiration de nombreux chrétiens orthodoxes ou non, et dans lequel l’Église joue un rôle déterminant. A tel point que l’un des plus grands périodiques français, le Figaro Magazine, a publié un magnifique reportage sur la région, ses monastères, ses souffrances. Que des gens aux XXIème siècle, ne cèdent pas, demeurent dans leurs foyers ancestraux, restent fidèles à leur foi, dans des conditions que vous connaissez mieux que moi, cela force l’admiration de nombreuses personnes, dans un monde occidental qui ne pense qu’à son propre bien-être. A ce sujet, l’un de mes compatriotes, Arnauld Gouillon accomplit une oeuvre exceptionnelle avec son organisation “Solidarité Kosovo”. Le plus étonnant est que des Français, pour une grande partie des gens simples, avec peu de revenus, financent cette œuvre.

13. Est-ce que la possibilité de “canonisation” de Stepinac peut amener des changements tectoniques relativement à tous les crimes et au génocides de l’Allemagne nazie et de ses satellites ? (Si celui qui a béni l’extermination massive des Serbes est proclamé “saint”, alors il est logique qu’Hitler soit proclamé “héros national”).

Je ne pense pas que la promotion du nazisme ou des oustachis entre dans la stratégie du Vatican. Ils n’ont aucun bénéfice à en tirer. Au contraire, leur intérêt est que l’on ne “creuse” pas de trop dans toutes ces affaires, la “filière des rats” par exemple. Quant à l’Allemagne, cela fait longtemps qu’elle a fait sa “dénazification”. Contrairement à certains en Croatie, les Allemands ne sont pas nostalgiques de cette époque. S’ils veulent être “européens” et “modernes”, nos amis croates devraient faire comme tout le monde. Mais il est tout de même étonnant que l’Union Européenne et tous “les droits de l’hommistes” habituellement si pointilleux, ferment les yeux sur les relents fascistoïdes en Croatie et en Ukraine. Bizarre...

14. Croyez-vous en la possibilité de capitulation de l’Eglise orthodoxe serbe et de sa commission (constituée à l’occasion d’une possible canonisation de Stepinac) et le consentement de l’Église orthodoxe serbe à un grand mensonge historique devant Dieu et le peuple qu’ils servent ?

-->
Comme je l’ai dit tout à l’heure, je ne suis pas spécialiste de ce qui se passe à l’intérieur de l’Église orthodoxe serbe, d’autres peuvent vous en parler mieux que moi. Toutefois, je ne peux imaginer que les responsables de l’Église orthodoxe serbe fassent l’éloge de Stepinac. Ce serait suicidaire ! Mais il y a un danger bien plus grand que j’ai évoqué tout-à-l’heure, celui d’une visite du pape en Serbie. Cela ne ferait en outre que de diviser l’Église orthodoxe serbe. A-t-on besoin encore de nouveaux schismes dans le seul but de passer pour des gens “politiquement corrects” ? C’est à ceux qui souhaitent cette visite - s’il y en a - de donner la réponse. Je ne me rappelle plus qui a dit : “Gardez-vous de l’amour qui ne vient pas de l’Évangile”... Mais je voudrais que l’on me comprenne bien : en mettant le doigt sur les erreurs des non orthodoxes, nous ne les méprisons pas, nous ne voulons qu’une seule chose : “faire commun ce qui est nôtre” comme le dit saint Jean Chrysostome. Personne n’a jamais été opposé à un dialogue sincère et franc avec les hétérodoxes. Or, “l’oecuménisme” actuel en est loin. Encore une fois, comme l’a dit St Justin, citant les Pères de l’Eglise, “le bien qui n’est pas bien fait n’est pas un bien”. Et d’ajouter “ce n’est pas la fin qui justifie les moyens” des Jésuites. Là est toute la différence. Et je dois le souligner encore : des laïcs catholiques sont venus chez le père Justin et il les accueillis comme il aurait accueilli des orthodoxes. Mais ce n’était pas là l’œcuménisme avec ses sourires béats et ses politesses, voire même, dans des cas qui me sont connus, une parfaite hypocrisie, et ce des deux côtés. A l’instar de tous les Pères et les saints de l’Église, le père Justin n’éprouvait aucune haine vis à vis des non orthodoxes, mais il considérait que le véritable amour envers eux consistait à leur dire la vérité. Cela, il l’a répété maintes fois. C’est encore un enseignement pour aujourd’hui. Mais est-on encore capable de l’entendre ? C’est ce que l’on peut espérer.
Nous remercions Bernard Le Caro de nous avoir confié ce texte

1 commentaire:

  1. je souscris complètement à ce texte profond et clair qui remet bien les choses en place.

    RépondreSupprimer