lundi 15 mai 2017

Jean-Claude LARCHET/ Recension: Métropolite Hilarion Alfeyev, Image de l’Invisible. L’art dans l’Église orthodoxe, Éditions Sainte-Geneviève, Épinay-sous-Sénard, 2017, 371 p.


Métropolite Hilarion Alfeyev, Image de l’Invisible. L’art dans l’Église orthodoxe, Éditions Sainte-Geneviève, Épinay-sous-Sénard, 2017, 371 p.

Ce livre de Mgr Hilarion Alfeyev (métropolite de Volokolamsk, président du Département des relations extérieures du patriarcat de Moscou) est le troisième volume d’une série présentant divers aspects de l’Église orthodoxe. Les deux premiers volumes (L’Orthodoxie, vol. I, Histoire et structures canoniques de l’Église orthodoxe et L’Orthodoxie, vol. II, La doctrine de l’Église orthodoxe), ont été publiés respectivement en 2009 et 2012 aux Éditions du Cerf. Il était prévu que les volumes suivants y paraissent aussi, mais la nouvelle direction ayant drastiquement réduit la publication de livres orthodoxes, l’auteur a dû migrer chez un autre éditeur, lequel en l’occurrence a fait un beau travail de présentation, proche de l’édition originale publiée à Moscou par le monastère de Sretenski.
Comme l’indique son sous-titre, l’ouvrage traite de « l’art dans l’Église orthodoxe » et comporte trois parties: 1) L’architecture des églises orthodoxes; 2) L’iconographie orthodoxe; 3) La musique liturgique.
Ces études se présentent moins comme des réflexions ou des commentaires spirituels que comme des articles d’encyclopédie, qui présentent à chaque fois un historique et un descriptif de la question, illustré par une abondante iconographie marginale en noir et blanc, et pour une part en couleur dans un cahier central.
L’ouvrage est bien documenté, Mgr Hilarion s’appuyant sur sa vaste culture personnelle, mais aussi sur les travaux préparatoires d’une équipe de documentalistes qui œuvre pour certains de ses ouvrages. On apprécie aussi le caractère pédagogique de l’exposé. Tout cela fait de cet ouvrage un excellent manuel d’initiation à ce que l’on peut appeler « l’art liturgique » orthodoxe (car en fait les trois formes d’art abordées trouvent leur expression et leur finalité dans la liturgie). Ce travail s’intègre à l’œuvre pastorale considérable que Mgr Hilarion, animé par des capacités et une force de travail hors pair, développe depuis de nombreuses années parallèlement à ses activités « diplomatiques » officielles, et qui se traduit aussi par une multitude de traductions patristiques, de publications de livres et d’articles, de conférences, et de documentaires filmés pour la télévision.
Les parties consacrées à l’architecture et à l’art abordent des thèmes déjà abondamment étudiés ailleurs, mais l’auteur en propose une synthèse historique et doctrinale qui les situent dans la perspective ecclésiale orthodoxe et qui est particulièrement utile dans le cadre d’une initiation ou d’une révision de notions déjà acquises.
L’exposé de Mgr Hilarion se révèle particulièrement précieux dans la troisième partie, consacrée à la musique, sur laquelle on trouve dans la littérature moins de documents que sur l’architecture et l’iconographie. L’auteur fait bénéficier le lecteur de sa grande compétence en la matière puisque, avant de devenir moine et de s’élever dans la hiérarchie ecclésiastique, il mena pendant une quinzaine d’années des études musicales au plus haut niveau.
Dans la liste des grands compositeurs de musique liturgique et religieuse qu’il présente (et qui comporte entre autres les noms de Lvov, Lomakine, Glinka, Bortnianski, Tchaïkovski, Rimski-Korsakov, Katalsi, Arkhangelski, Tchesnokov, Rachmaninov, Gretchaninov, Troubatchev et Sviridov) il faudrait – ce que sa modestie l’empêchait de faire – ajouter son nom, car il est, dans le domaine de la musique liturgique et religieuse polyphonique, l’auteur d’une œuvre déjà considérable et d’une qualité qui égale celle des plus grands compositeurs. Parmi ses œuvres liturgiques les plus connues (dont existent des enregistrements sur CD diffusés en Russie, et divers enregistrement vidéo), on peut citer: « La Divine Liturgie » et « Les Vigiles », à quoi l’on peut ajouter, parmi les œuvres non liturgiques mais d’inspiration religieuse: « La Passion selon saint Matthieu », un « Oratorio de Noël », un « Stabat Mater », et diverses compostions réunies dans un CD intitulé « Lumière passée et future ».
L’intérêt du Métropolite Hilarion pour le chant polyphonique russe moderne ne le conduit pas à dévaloriser le chant traditionnel znammeny (dont il a fortement soutenu la renaissance en Russie), ni a ignorer les formes musicales des autres Églises locales qui sont également présentées dans ce volume. À noter qu’il garde même une certaine distance critique par rapport au chant polyphonique sophistiqué qui reste très présent dans les grandes églises (qui emploient de manière aberrante des chœurs professionnels dont certains membres sont non croyants), puisque de même que le P. Georges Florovsky parlait d’une « captivité de Babylone » à propos de la théologie russe du XIXe et du début du XXe siècle, Mgr Hilarion déplore avec raison que « les normes esthétiques de la “captivité italienne” (c’est-à-dire des XVIIIe-XIXe siècles) continuent à dominer le répertoire des chorales ».
La partie du livre consacrée à la musique se termine par un chapitre original et intéressant sur les cloches qui, comme le note l’auteur dans son introduction, produisent « la seule forme de musique instrumentale non seulement universellement admise par l’Église orthodoxe, mais faisant partie intégrante de sa liturgie ».
Jean-Claude Larchet

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