dimanche 6 novembre 2016

Constantin Tservadzé : Un mouchoir pour le saint : Souvenir du saint Fol-en-Christ Gabriel [Ourguébadzé]


Saint Gabriel [Ourguébadzé] donna par sa vie un exemple très élevé de la qualité de staretz. Il possédait le don de prophétie conféré par Dieu. Il prêchait la Parole du Seigneur, chantait, dansait, pleurait, riait, plaisantait, réprimandait, interdisait, instruisait, priait, pleurait encore, riait de nouveau... Il fallait vivre avec lui quelques mois pour apprendre comment comprendre la profondeur de son monde intérieur, et ne pas être scandalisé par ses étranges actes de folie en Christ. En lui était une force devant laquelle les gens se prosternent même maintenant - la force de la prière et de l'amour.



Aujourd'hui (2 novembre 2016, ndt) est son jour de commémoration, et nous avons une collection d'histoires de la vie de Frère Gabriel, qui sont remplies de grand amour, qui nous font sourire, et nous indiquent sans aucun doute qu'il n'abandonne pas une seule minute les fidèles, et  continue à sa façon très originale d’œuvrer à nous consoler dans nos temps très troublés.   


Les sœurs Nata et Manana se rappellent comment, dans la ville, elles ont rencontré le Père Gabriel, combien elles étaient très heureuses, et voulaient recevoir sa bénédiction. Parce que c'était un jour de pluie et qu’elles se tenaient devant des flaques, elles ne pouvaient faire qu’un petit enclin avec la tête baissée. Elles n'eurent pas même le temps d’y  penser que le Père. Gabriel se laissa tomber dans la flaque, et commença à demander aux sœurs une bénédiction. Les sœurs n'eurent d'autre choix que de suivre son exemple. En les bénissant dans la flaque, il cligna de l'œil en disant: "Un à zéro!"



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Il avait un tel amour pour Dieu et pour le prochain qu'aucun pouvoir ne pouvait subsister devant le staretz ainsi éclairé par la Grâce du Saint-Esprit. Une confirmation claire de ceci est l'histoire des célébrations du 1er mai, où il brûla le portrait du "chef soviétique". [3] Après cela, il dût souffrir de nombreuses tortures, mais cela ne l'empêcha pas d'essayer d'allumer la flamme de la foi, de l'espérance et de l'amour dans le cœur des gens.



Un jour, il était assis sur l’avenue Rustavelli à Tbilissi, avec deux icônes à côté de lui et une croix dans ses mains. Il prêchait hardiment et fort. La milice demanda plusieurs fois qu'il cessât de prêcher, mais il ne les entendit pas. Rien n’y faisait, alors ils l'assirent dans le side-car d'une moto et le conduisirent au poste de police local. Père Gabriel profita de cette chance, il se leva à pleine hauteur dans le sidecar et prêcha d'une voix tonnante: "Aimez notre Seigneur Jésus-Christ! Aimez la Croix vivifiante! "La moto roulait et la soutane du staretz Gabriel se déployait comme une bannière... "Que fais-tu? " lui demanda la milice. - C'est vous qui m'avez fait accordé une promenade dans la ville, répondit le saint. Ils arrêtèrent la moto et dirent: "Sors, s'il te plaît. "

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Son don de clairvoyance était toujours accompagné d'actes étranges, ou de récitations totalement incompréhensibles mais humoristiques. Une fille spirituelle du staretz Gabriel, Kétévan Bekauri, se souvient: "Avant que la moniale Parasceva [4] ne vienne au monastère, le staretz Gabriel sortait et disait en plaisantant:" Eh, je suis devenu vieux... j’ai vieilli... je suis presque Comme Robinson Crusoé. J'ai besoin d'un vendredi... J'ai besoin d'un vendredi! " Et vendredi en géorgien [et grec], c’est Parasceva. Plusieurs semaines passèrent, et la novice Séraphima vint au monastère; elle fut bientôt tonsurée sous le nom de Parasceva. Voilà comment il était clairvoyant.


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Beaucoup ne comprenaient pas ses actes étranges, mais, au fil des années, ils pouvaient deviner quel saint homme ils avaient rencontré. Il avait une approche particulière pour tout. La moniale Parasceva se rappelle: "Un jour, deux femmes sont venues de Tbilissi vers le staretz. Ils ont parlé pendant longtemps, et Père Gabriel les a invitées dans sa cellule.

Après avoir été assises là pendant un certain temps, les femmes ont demandé sa permission de fumer, et il l'a accordée nonchalamment. Les femmes commencèrent à fumer tranquillement leurs cigarettes, quand soudain une moniale vint à la cellule, lut la prière et demanda la permission d'entrer. Les femmes devinrent confuses, elles eurent honte, et mirent rapidement leurs cigarettes allumées dans les mains du staretz.

Il était assis là, avec deux cigarettes fumantes dans ses mains, dans sa propre cellule, avec deux femmes. Quand la religieuse vit cette scène, elle balbutia avec étonnement: "Quoi? Comment? Comment se peut-il? Père Gabriel, tu fumes vraiment? "

Les femmes rougirent et ne parvinrent pas à dire un mot, tandis que le staretz fronça le sourcil, regarda la religieuse et dit: " Oui, et alors? Quand je veux, je fume avec ma main droite, et quand je veux, je fume avec ma main gauche. Qu'est-ce qu’il y a de si inhabituel à cela? "La moniale s'excusa et courut hors de la cellule. Quand les deux femmes comprirent ce qui s'était passé, elles cessèrent de fumer!

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Lorsque nous riions, le staretz Gabriel s'approchait de nous et nous disait: "De quoi riez-vous ici sans moi? Peut-être avez-vous reçu une dépêche au sujet de votre acquisition du Royaume des Cieux? " Il disait cela avec un tendre sourire.
Les enfants spirituels du staretz Gabriel ont appelé ce sourire un "sourire empli de Grâce". Après tout, chaque acte, chaque sourire, chaque mot avait un pouvoir salvateur.



Ketevan Bekauri se souvient: " Mon grand-père est mort. En Géorgie il y a une coutume: Quand une personne quitte cette vie, ses biens sont donnés aux gens. Donc, nous avons tout donné, mais il est resté un mouchoir tout neuf. Il était si joli que je voulais le donner à Père Gabriel. Je le voulais, mais je n'en avais pas eu le courage. C'était maladroit. "Comment puis-je être si audacieuse? Comment pourrais-je donner un simple mouchoir à un si vénérable starez?"  J'ai réfléchi, et j'ai décidé de ne pas le faire.

Quelques semaines plus tard, je suis venue au monastère de Samtavro et j'ai vu le staretz Gabriel, penché sur la rampe de l'escalier, prononçant à haute voix les paroles suivantes: " Venez tous ici! Je veux vous raconter une histoire intéressante! "  Tout le monde s'approcha de lui et, naturellement, moi aussi. Le staretz se redressa et commença son histoire: " Vous savez, je possède un talent théâtral énorme. Dans ma jeunesse j'ai joué au théâtre. J'ai joué le rôle d'Othello! Othello! "

Alors il se rapprocha soudain de moi, et dit d'une voix chantante: "Desdémone, Desdémone, où est mon mouchoir, où? "  Tout le monde rit, et je me figeai, comprenant tout de suite! Il est devenu clair pour moi qu'il lisait les pensées des gens! "

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"Le saint continue sa folie en Christ, même après sa mort", a noté l'assistante de cellule du staretz Gabriel, la moniale Parasceva, dans une interview.



Leila Sikharoulidzé, rédacteur en chef d'une vie du staretz Gabriel, Le Diadème du Staretz, en parle. Je travaillais sur le livre, plusieurs des enfants spirituels du Père Gabriel et moi, étions assis dans sa cellule, nous plaisantions, nous souvenant de divers moments de la vie du fol-en-Christ et souriant involontairement. Je voulais aussi dire quelque chose de drôle, et je plaisantai : "Eh bien, je finirai de travailler sur ce livre et le Père Gabriel me mariera (j'avais septante ans à l'époque)!



Alors soudain, le père Gabriel me fit un clin d'œil sur la photo, je me figeai et je ne pus prononcer un mot. La  moniale Parasceva demanda: " C'était l'œil gauche, n'est-ce pas, Leila? " Il s'avèra que d'autres avaient également remarqué cela, et l'un de ceux qui étaient assis avec nous dit: "Ce n'est rien! Parfois, il nous donne même une chiquenaude sur le front! "



J'aimerais ajouter quelques-uns de mes propres souvenirs qui m'ont rapproché du Père Gabriel. Nous avons tourné un film sur le staretz Gabriel, qui a été présenté à Moscou en août. Nous avons travaillé sur le film pendant exactement un an. Je m'opposais à ce qu’il se termine par les dernières volontés et le testament du staretz Gabriel. J'ai dit que c'était un triste motif, et je ne voulais pas que le film se termine sur cette note. Ils essayèrent de me persuader mais j'ai résisté. Puis un jour j'ai eu un rêve: j'étais assis quand le staretz est entré et a dit, "Eh, toi, le gros. Le testament est à la fin. Tu devrais changer de musique et écrire à Parasceva [la moniale Parasceva, l'assistante de cellule du staretz]. "
J'ai ouvert les yeux et j’ai appelé Dato Dardjania (le producteur du film). Et devinez quoi ? Il s'avère que le staretz lui est également apparu dans un rêve et lui a dit que le gros gars de 320 kilos devrait faire telle ou telle chose. Nous avons évidemment changé la musique, et j'ai consenti à avoir ses dernières volontés et son testament à la fin. Eh puis, et je me suis résigné à être appelé le gros.



Je voudrais également partager une histoire qui m'est arrivée la nuit de Noël. Les offices se déroulaient dans la cathédrale de la Trinité, et je servais avec le patriarche Ilya II. A la fin du service, je suis rentré chez moi. J'entrai dans la maison, j’allumai la lumière, je priai devant l'icône du Sauveur et je me couchai. Malgré le fait que j’étais très fatigué je ne pouvais pas dormir; mais cette insomnie était quelque chose de spécial! Si dans d'autres cas je me sentais mal et avais mal partout, cette fois c'était quelque chose de complètement différent! J'ai ressenti une sorte de joie! "Non, Kostya," me suis-je dit, " lève-toi immédiatement!" J'ai allumé la lumière. Mon regard se tourna vers le centre de la pièce, et je me rappelai tout à coup comment j'avais dansé cinq ans auparavant.

Je pensais que chacun exprimait sa vénération au Seigneur à sa manière, et tous se réjouissaient - certains chantent, d'autres proposent des toasts, assis à une table chargée de mets (mais je n'avais pas de table chargée de mets, et je ne sais pas chanter), et j'ai eu envie de danser pour le nouveau-né Jésus! Alors pourquoi ne pas mettre de la musique et danser!

J'ai mis la danse géorgienne appelée "Adjara" et à quatre heures du matin j'ai commencé à danser et à dire à Jésus: "Eh bien, mon bien-aimé Christ, tous Te célèbrent et se réjouissent, et je me réjouis aussi!" Je me suis approché des icônes, j’ai fait une prosternation, et je me suis couché.



Bientôt j'ai eu un rêve. C'était la même situation. Je dansais quand soudain, le staretz Gabriel est entré, portant une soutane et a dit, "Bien maintenant Kotiko, ne t'arrête pas," et il a commencé à danser avec moi. Il dansait et plaisantait, et me disait que j'étais trop gros, comme un "porc de Noël"! Je riais à gorge déployée!

Au matin, je me suis réveillé et ma joie ne connaissait aucune limite. Mais la chose la plus imprévisible était encore à venir! Quand je suis rentré ce soir-là, j'avais fermé les portes et vérifié deux fois, mais au matin, elles étaient ouvertes, bien que personne ne soit sorti, ou, naturellement, entré. Sauf, bien sûr, le staretz Gabriel!

Version française Claude Lopez-Ginisty
D’après

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NOTES :
[1] Au lieu d'une prosternation complète à terre, comme elles auraient voulu le faire devant le vénérable staretz.
[2] Journée internationale des travailleurs.
[3] Le staretz Gabriel mit le feu à un grand portrait de Lénine.

[4] La moniale Parasceva allait devenir la servante de cellule du staretz jusques à son trépas.

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ACATHISTE A SAINT GABRIEL
FOL-EN-CHRIST DE GEORGIE

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