mercredi 25 mai 2016

Daniel Spaulding: DANSES AVEC LES OURS

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Y at-il une équivalence morale qui puisse raisonnablement être établie entre le gouvernement russe, et en particulier son chef, le président Vladimir Poutine, et l'Alliance dirigée par l'Amérique de l'OTAN? Les actions présumées de la Russie dans l'est de l'Ukraine, la Tchétchénie, et la Syrie sont-elles tout aussi déplorables que l'invasion par Washington de l'Irak ou la chute du colonel Mouammar Kadhafi en Libye? Les Occidentaux qui expriment de l'admiration pour la Russie ou de la sympathie envers le président Poutine, sont-ils des "adorateurs de la Russie" un peu plus hypocrites, et un peu plus opportunistes?

Au contraire, ces accusations paraissent être un peu plus comme les angoisses de ces Occidentaux, en particulier les Américains, qui craignent que critiquer trop lourdement l'OTAN et admettre que la Russie agit d'une manière défensive, serait prêter le flanc à l'accusation non seulement d'être "anti américains", mais aussi "compères du Kremlin." Etre anti-russe est destiné à se démarquer de  la stigmatisation d'être "anti-américain".

Mais concevoir la Russie comme l'image miroir de l'Amérique et de l'OTAN, est absurde lorsque l'on regarde au-delà de la signalisation morale trouvée dans les médias sociaux et alternatifs. Les actions réactives et, finalement, de défense de la Russie en Ukraine et en Syrie, ne sont en aucune façon comparables à l'agression non provoquée contre l'Irak et contre la Libye, menées par Washington, avec ses alliés européens.

L'étendue exacte de la participation russe en Ukraine est une question en litige, mais il suffit de souligner que, quelle que soit sa nature, elle est née à la suite d'un coup d'Etat violent soutenu par Washington, dirigé par des bandes de voyous néo-nazis, qui ont renversé un président amical envers Moscou, et l'ont remplacé par une junte violemment hostile à l'égard de Moscou, et qui a ouvertement admis son hostilité envers la population russophone de l'Ukraine*. Dans cette atmosphère, Poutine a décidé de revendiquer la Crimée historiquement russe, qui a choisi de se séparer pacifiquement de l'Ukraine, et il a fourni un soutien limité aux militants anti-putsch de langue russe à l'est de l'Ukraine, surtout après qu'ils aient été impitoyablement réprimés les milices ultra-nationalistes parrainées par Kiev.

Il semble tout à fait raisonnable que la Russie ait agi contre un acte hostile à sa frontière par une puissance ennemie rivale cherchant à étendre son influence. Vu dans le cadre de plus d'une décennie d'expansion de l'OTAN, une organisation qui aurait dû être abolie après l'effondrement de l'Union soviétique et du Pacte de Varsovie, [expansion] bien au-delà de l'Europe occidentale dans la sphère d'influence russe traditionnelle, des réactions limitées et défensives de Moscou en Ukraine, en fait, semblent trop peu, et trop tard.

De même, une intervention plus récente de Moscou en Syrie pour défendre le gouvernement affaibli du président Bachar al-Assad à Damas, contre les groupes terroristes islamistes est également une réaction de défense limitée, face aux États-Unis, à la Turquie, à l'Arabie saoudite et à d'autres pays fournissant de grandes quantités d'armes et le financement des différentes factions terroristes, y compris Daesh et al-Qaïda. Le soutien de la Russie pour un allié de longue date est, encore une fois, non déraisonnable, et il a mis longtemps à venir.

Les États-Unis ne peuvent produire aucune justification d'intérêt national dans leur invasion pernicieuse et non provoquée de l'Irak en 2003, ni ces mêmes États-Unis et leurs alliés de l'OTAN faire une telle affirmation pour le bombardement de la Libye, qui a conduit à l'assassinat brutal du colonel Kadhafi, et à la montée de Daech et d'autres groupes et chefs de guerre et terroristes islamistes qui ont entraîné la nation qui était un jour développée, stable et unifiée, dans la guerre civile et la pauvreté. En fait, nous savons maintenant que les responsables américains, comme la secrétaire d'État Hillary Clinton, étaient intéressés par le pétrole et les réserves d'or de la Libye. Aucune charge ne peut être retenue contre Poutine en Syrie.

Maintenant, tout ce qui pourrait dit être au sujet de la Russie ou de Poutine, l'accusation selon laquelle ce serait l'autre côté de la médaille Washington / OTAN est ridicule. Les opérations limitées dans les sphères d'influence traditionnelles de Moscou, ne sont en aucune façon comparables à la politique de Washington vieille de plusieurs décennies, qui consiste à aller dans tous les coins du globe, pour renverser les gouvernements et envahir les nations les plus faibles. Les tentatives d'équivalence morale, sont en réalité ici des actes de lâcheté morale.

De même, ceux qui soutiennent la Russie dans ses efforts progressifs de se libérer de la domination oligarchique internationale, désirent un monde multipolaire et voient la direction de Poutine comme un défi rafraîchissant au statu quo de l'hégémonie mondiale de l'Occident. 

Les hommes et les femmes assez courageux pour nager à contre-courant, ne doivent pas être rejetés comme "des compères du Kremlin" par ceux qui ne prétendent s'opposer qu'à un Empire qui pousse à tous nous asservir.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


* Rappelons qu'une de ses premières mesures concernait l'interdiction de la langue russe en Ukraine.

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