vendredi 11 septembre 2015

FEUILLETS LITURGIQUES DE LA CATHÉDRALE DE L’EXALTATION DE LA SAINTE CROIX


29 août / 11 septembre
  Décollation de St Jean Baptiste
Jour de jeûne
Lectures : Actes XIII, 25-32 ; Mc. VI, 14-30

LA DÉCOLLATION DE SAINT JEAN BAPTISTE[1]

S
aint Jean, le Précurseur et Baptiste du Seigneur, a reçu du Christ lui-même le témoignage qu’il était le plus grand de tous les hommes nés de la femme et le premier parmi les prophètes. Alors qu’il était encore dans le sein de sa mère, il tressaillit de joie à l’approche du Messie que portait en elle la Toute-Sainte Mère de Dieu. Dès qu’il eut atteint l’âge adulte, lui dont le monde n’était pas digne (Hebr. XI, 38), se retira au désert, couvert d’un vêtement de poil de chameau et ceint d’une ceinture de cuir, signifiant la maîtrise de tous les élans de la chair. Ayant retrouvé, tel un nouvel Adam, l’état harmonieux de notre nature créée pour être tournée vers Dieu seul, il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage, et vaquait à la contemplation l’esprit non troublé par les soucis de ce monde. L’an quinze du principat de Tibère César (29 ap. J-C), Jean, ayant entendu la Parole de Dieu dans le désert, se rendit dans la région du Jourdain, pour prêcher le repentir aux foules qui venaient à lui, attirées par sa vie angélique. Il les baptisait dans les eaux du Jourdain en signe de purification de leurs péchés, et pour les préparer à recevoir le Sauveur il les engageait à produire de dignes fruits de repentir, plutôt qu’à se vanter d’être fils d’Abraham. Et il disait, en reprenant les paroles du prophète Isaïe : « Voix de celui qui crie dans le désert. Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers ; tout ravin sera comblé et toute montagne ou colline sera abaissée (…) et toute chair verra le salut de Dieu » (Is 40, 3-5). Comme le peuple se demandait s’il n’était pas le Sauveur attendu depuis des générations, Jean leur dit : « Pour moi je vous baptise avec de l’eau, mais vient plus grand que moi, Lui vous baptisera dans le feu et dans l’Esprit Saint. » Sa pureté et son amour de la virginité étaient tels qu’il fut jugé digne, non seulement de voir le Sauveur, dont il avait été institué le Précurseur, mais encore de le baptiser dans le Jourdain et d’être le témoin de la révélation de la Sainte Trinité. Saint Jean méditait sans cesse la Parole de Dieu et considérait toute chose de ce monde comme secondaire au regard de l’observation de la Loi divine, dont sa vie était la parfaite réalisation. C’est pourquoi il ne craignait pas d’adresser de violents reproches à Hérode Antipas, le tétrarque de Galilée, homme impudique et débauché qui, contrairement à la Loi, avait épousé Hérodiade, la femme de son frère Philippe alors que ce dernier était encore en vie, et avait eu d’elle une fille, Salomé. Se faisant l’interprète de la conscience endurcie du pécheur, le prophète lui disait au nom de Dieu : « Il ne t’est pas permis d’avoir pour épouse la femme de ton frère. » C’est pourquoi Hérodiade nourrissait une rancune tenace contre Jean et voulait le tuer. Elle en était cependant empêchée par Hérode qui le protégeait, comme homme juste et saint, mais surtout par crainte du peuple qui l’honorait comme un envoyé de Dieu. Finalement la perfide Hérodiade parvint à ses fins et obtint de faire emprisonner le prophète dans la forteresse de Machéronte. Quand vint l’anniversaire de la naissance du roi, à l’approche de la Pâque, celui-ci convia les notables de son royaume à un grand festin, pendant lequel tous se livrèrent à la goinfrerie et à l’ivresse. Salomé dansa voluptueusement devant les convives de ce banquet de la vaine gloire, et elle plut au regard lubrique de son père qui s’engagea par serment à lui donner en récompense tout ce qu’elle demanderait, fût-ce la moitié de son royaume. Sur le conseil de sa mère, la jeune fille demanda qu’on lui apporte séance tenante la tête de Jean-Baptiste sur un plateau. Le roi se trouva embarrassé, mais à cause de son serment, et pour ne pas perdre la face devant ses convives, il se résolut à faire périr le Juste. La sentence fut aussitôt exécutée, un soldat alla décapiter saint Jean dans sa prison et rapporta bientôt dans la salle, sur un plat, son précieux chef encore sanglant, qui adressait un reproche silencieux à la faiblesse criminelle du roi. Salomé présenta ce trophée à sa mère, semblant lui dire : « Mange, ô ma mère, la chair de celui qui a vécu comme un incorporel, et bois son sang. Cette langue qui ne cessait de nous adresser des reproches se taira désormais à jamais ». Les disciples du saint vinrent prendre son corps et allèrent l’enterrer à Sébaste, puis ils allèrent en informer Jésus. Ce n’est que bien plus tard que les reliques du saint Précurseur furent retrouvées par miracle, afin de répandre la grâce sur les fidèles qui les vénèrent. Cet acte sanglant semble avoir été permis par Dieu, afin qu’après avoir été le Précurseur du Christ sur la terre, saint Jean-Baptiste le fût aussi dans le royaume des morts et aille annoncer aux justes morts dans l’espérance de la Rédemption, l’arrivée prochaine du Messie qui devait briser par la Croix les portes et les verrous des enfers. Par sa vie comme par sa mort, le Précurseur reste aussi pour tous les chrétiens un prophète et maître de vie spirituelle. Par sa conduite irrépréhensible, il leur apprend à lutter jusqu’à la mort contre le péché, non seulement pour le respect de la justice et l’observance de la Loi de Dieu, mais aussi pour progresser dans la vertu et la pureté du cœur. Toute conscience affinée par la méditation de la Loi de Dieu est donc semblable au Précurseur, et elle fraie en l’âme repentante les voies du Seigneur, afin de lui donner la connaissance du Salut.
Tropaire de St. Jean Baptiste, ton 2
Па́мять правéднаго cъ похвала́ми, тебѣ́ же довлѣ́етъ свидѣ́тельство Госпо́дне, Предтéче ; показа́лъ бо cя ecи́ вои́cтинну и проро́ковъ честнѣ́йшiи, я́ко и въ cтpyя́хъ крести́ти cподоби́лся ecи́ проповѣ́даннаго ; тѣ́мже за и́стину пострада́въдуяся, благовѣсти́лъ ecи́ и cу́щымъ во а́дѣ Бо́га я́вльшагося пло́тію, взéмлющаго гpѣ́хъ мípa, и подаю́щаго на́мъ ве́лію ми́лость.

Le souvenir du juste s’accompagne d’éloges. Mais à toi, Précurseur, le témoignage du Seigneur suffit. Tu as été vraiment le plus grand des prophètes, car tu fus jugé digne de baptiser dans les eaux Celui qu’ils avaient seulement annoncé. Aussi as-tu combattu courageusement pour la Vérité, heureux d’annoncer, même aux captifs des enfers, l’apparition du Dieu fait chair, qui ôte le péché du monde et nous fait grande miséricorde.
Kondakion de la décollation de St. Jean Baptiste, ton 5 
Предтéчево сла́вное ycѣкновéнie, cмотрéнie бы́сть нѣ́кое божéственное, да и су́щымъ во а́дѣ Спа́сово проповѣ́сть пришéствіе: да pыда́етъ у́бо Иродía беззако́нное yбíйство испроси́вши: не зако́нъ бо Бо́жiй, ни живы́й вѣ́къ возлюби́, но притво́р-ный, приврéменный.

La glorieuse décollation du Précurseur constitua un dessein divin : il devait annoncer la venue du Sauveur à ceux qui se trouvaient dans les enfers. Que se lamente Hérodiade, qui commanda le crime inique : elle n’aima point la loi de Dieu, ni l’éternité pleine de vie, mais le factice, l’éphémère.
HOMÉLIE DE ST JEAN CHRYSOSTOME SUR LA DÉCOLLATION DE ST JEAN BAPTISTE
Je vous prie de considérer avec plus d’attention quelle est la demande de cette fille. «Donnez-moi, » dit-elle, « dans ce plat la tête de « Jean-Baptiste. » Voyez-vous l’effronterie? Entendez-vous l’organe du diable? Elle sait bien quel est celui dont elle demande la tête, puisqu’elle l’appelle « Jean-Baptiste, » et elle la demande néanmoins. Elle veut qu’on lui apporte dans un plat cette tête sacrée et bienheureuse, et elle en parle comme s’il ne s’agissait que d’un mets qu’on servirait sur une table. Elle ne donne aucune raison de cette demande barbare, parce qu’elle n’en a point. Elle met seulement sa gloire à se faire donner une satisfaction si cruelle et si malheureuse. Elle ne demande point qu’on fasse venir saint Jean et qu’on le tue devant tout le monde. Elle appréhendait trop sa force et sa liberté. La moindre de ses paroles l’aurait fait trembler, et la vue du glaive qui allait lui trancher la tête n’eût point empêché ce courageux prophète de parler. C’est pourquoi elle dit: « Donnez-moi ici dans ce plat la tête de Jean-Baptiste. » Elle veut voir sa tête, mais lorsque sa bouche sera muette. Elle la veut voir toute sanglante, non seulement pour s’assurer qu’elle ne lui fera plus de reproches, mais encore pour satisfaire sa vengeance en l’insultant. Dieu voit cela, mes frères, et Il l’accepte. Il ne lance point ses foudres sur cette malheureuse. Il ne réduit point en cendres ce front insolent et cette langue homicide. Il ne commande point à la terre de s’ouvrir pour abîmer ce prince et tous ses conviés avec lui. Il retient Sa justice en cette rencontre pour préparer à Son serviteur une couronne plus illustre, et pour laisser à tous ceux qui le suivraient une plus grande consolation dans leurs maux. Écoutons ceci, nous que la pratique de la vertu expose aux mauvais traitements des méchants. Un homme si admirable, un saint qui avait passé sa vie dans un désert, sous un habit si austère, sous un cilice; un prophète et le plus grand des prophètes, à qui le Fils de Dieu avait rendu ce témoignage qu’entre tous ceux qui étaient nés des femmes, il n’y en avait point de plus grand que lui : ce saint, dis-je, est sacrifié à la rage d’une femme impudique; sa tête est le prix de la danse d’une fille effrontée, et il est abandonné à ces furieuses, parce qu’il a soutenu avec vigueur la loi de Dieu. Pensons à ce grand exemple, et souffrons généreusement tout ce qui nous pourra arriver. Cette malheureuse femme était altérée du sang de l’innocent, et elle a le plaisir de le répandre. Elle voulait se venger de l’injure qu’elle croyait que saint Jean lui avait faite, et Dieu permet qu’elle se satisfasse comme elle l’avait désiré, et qu’elle se rassasie de sa vengeance. Qu’avait-elle à reprocher à ce saint homme? Il ne lui avait jamais fait la moindre réprimande, et il s’était toujours adressé à Hérode. Mais sa conscience criminelle lui fait sentir l’aiguillon du remords. C’est le bourreau qui la tourmente et qui la déchire. Ce qu’elle endure au dedans la rend comme furieuse au dehors. Elle remplit sa maison de confusion et d’infamie. Elle déshonore tout ensemble en elle-même sa fille et son mari mort, et découvre son adultère vivant; elle veut surpasser ses premiers excès par d’autres encore plus horribles. Il semble qu’elle dise à saint Jean: si vous ne pouvez souffrir de voir Hérode adultère, je le rendrai même homicide; et pour faire cesser vos reproches, je le forcerai à vous ôter la vie. Je vous appelle ici, vous tous qui donnez aux femmes un si grand pouvoir sur votre esprit. Vous qui faites des serments indiscrets sur des choses douteuses et incertaines, et qui creusez ainsi la fosse où vous devez être précipités, en rendant les autres les maîtres de votre perte. Car n’est-ce pas ainsi que périt Hérode? Il crut que dans une fête et dans un jour de joie, cette fille lui demanderait quelque chose qui fût proportionné à elle, au lieu où elle était, et au temps de cette réjouissance publique; bien loin de s’imaginer qu’elle dût demander une tête. Et cependant il fut trompé malheureusement, et sa surprise ne l’excuse point. Car si cette fille instruite par sa mère osa lui faire une demande plus digne d’une tigresse que d’une femme, c’était à lui à s’opposer à cette furieuse, et non pas à se rendre le ministre d’une cruauté si odieuse et si inouïe. Qui n’aurait été frappé d’horreur de voir au milieu d’un festin paraître dans un plat cette tête sacrée toute dégoutante de son sang? (…) C’est par cet esprit de sang et de meurtre que se conduisit alors cette femme, croyant qu’après qu’elle aurait fait mourir saint Jean, son crime serait enseveli avec lui. Mais il arriva tout le contraire, parce qu’après sa mort même, le prophète parla plus haut que jamais. Les méchants se conduisent dans leurs desseins comme les malades, qui mourant de soif ne pensent qu’à boire pour se rafraîchir, sans considérer qu’ils se trouveront ensuite beaucoup plus mal. Si cette femme n’eût point fait mourir saint Jean, pour l’empêcher de lui reprocher son impudicité, on aurait beaucoup moins parlé contre elle. Car lorsque saint Jean fut mis en prison, ses disciples d’abord demeurèrent dans le silence. Mais lorsqu’ils le virent tué si cruellement, ils furent contraints enfin de dire qu’elle avait été la cause de sa mort. Ils voulaient d’abord épargner la réputation de cette femme adultère, en ne publiant point ce qui aurait pu la déshonorer. Mais ils furent forcés enfin de découvrir toute cette intrigue, de peur qu’on ne crût que leur maître eût été un séditieux comme Theudas et Judas, et qu’il eût été exécuté comme eux, pour avoir fait quelque entreprise contre l’État. On voit par là, que plus on s’efforce de cacher son péché plus on le publie; et que le moyen de couvrir un crime n’est pas d’y en ajouter un autre, mais de l’expier par une sincère pénitence.


[1] Tiré du Synaxaire du hiéromoine Macaire de Simonos Petras

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