dimanche 13 septembre 2015

Entrevue avec l'archimandrite Joachim [Parr] (5)



Vous avez accepté l'Orthodoxie en 1970. Quelle était la principale raison de votre décision?

Il n'y a aucune raison principale, il y a une seule raison, c'est un développement. Avec l'Orthodoxie j'ai trouvé l'Eglise apostolique comme elle a été vécue au temps où les apôtres vivaient, dans les cent premières années de l'Église. 

Ce même désir, ce même niveau de réalité est encore vivant seulement dans l'Orthodoxie. L'idée de la connexion à l'Eglise apostolique, d'obéissance aux Pères de l'Église, d'être héritier des Conciles œcuméniques, de la pureté de notre foi… tout est resté semblable. Tout le monde dans l'Église n'a pas atteint cela, tout le monde même dans l'Église ne sait pas de quoi il s'agit; mais cela ne signifie pas que l'Eglise ne soit pas ainsi. L'Église comme corps a gardé la foi pure.

Dans l'Église catholique romaine, d'où je viens, la conscience de cette Eglise apostolique originelle, du lien et de la tradition qui remontent aux Pères, et le fait de rester sur la voie pure, est devenue très confuse au Moyen Age avec la scolastique du 13ème siècle et plus tard. 

Tout fut déplacé depuis les saintes traditions pour prendre la philosophie comme base de compréhension de la théologie, et en utilisant les philosophes pour expliquer l'existence de l'Eglise. 

Seule l'Église orthodoxe a conservé les traditions religieuses. Bien sûr, pour moi, ce fut un grand combat, parce que quand je suis arrivé dans l'Eglise orthodoxe, de nombreux membres de cette Eglise n'avaient aucune idée de ce dont je parlais. 

Même s'ils avaient grandi dans l'Église, ils n'avaient jamais entendu parler de l'Eglise apostolique originelle, et ne la comprenaient même pas. Ils me disaient: "Pourquoi êtes-vous ici? Vous n'êtes pas russe. Ceci est notre Eglise!" Et je leur ai dit: "Si c'est votre Église, je pars. Ce doit être l'Église du Christ dont tous deux nous faisons partie. Si vous êtes chrétien orthodoxe tout simplement parce que vous êtes né en Russie et que vous avez été baptisé dans vos premières années, cela ne vous rend pas plus orthodoxe alors que je ne le suis, même si je ne suis pas né en Russie et que j'ai été baptisé quelques années plus tard. C'est le baptême qui nous rend orthodoxe, pas la nationalité."

Donc, je suis arrivé à l'Eglise orthodoxe, et c'était merveilleux et difficile en même temps. C'était merveilleux, car c'était ce que j'avais cherché pendant toute ma vie. Ce fut difficile parce que je devais embrasser l'Orthodoxie avec la culture qui la présentait. Si vous voulez boire un peu d'eau, vous avez besoin d'un conteneur. Le liquide doit être contenu, car sans quelque chose pour le contenir, il disparaît et est perdu. La culture et la pratique russes détiennent la foi, mais il est difficile de voir l'eau sans voir également ce verre contenant l'eau. Parfois, les gens confondent le verre et l'eau. Nous confondons l'Orthodoxie avec les pratiques d'une église locale. 

Par exemple, le dimanche avant Pâques (Dimanche des Rameaux), j'étais dans une paroisse située dans un endroit où toutes sortes d'arbres ont poussé, y compris des palmiers. Mais les gens me disaient: «Nous devons utiliser uniquement des chatons de saule, c'est ainsi dans l'Eglise*. Dimanche des Rameaux signifie chatons de saules! C'est ça l'Orthodoxie!"

J'ai dit: "À l'époque du Christ, ils n'utilisaient pas des chatons de saule. Ils utilisaient des palmes et toutes sortes de branches. Ici, nous vivons dans une zone où il y a des palmiers et toutes sortes branches, mais vous insistez pour avoir des chatons de saule, parce que c'est la seule chose qui pousse en Russie au printemps. Est-ce l'Orthodoxie? C'est de la folie!" Donc, j'ai utilisé des palmes et d'autres branches, et les gens sont devenus encore plus furieux: "Vous reniez notre foi! Vous changez l'Eglise! " 

Ils ne comprenaient pas, et ce fut un grand combat au début pour moi. J'ai dépassé cela maintenant et je comprends la difficulté.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après

* Il y a quelques années, assistant à la bénédiction des eaux dans la Cathédrale russe de Genève, pour la Théophanie, un pieuse amie grecque fut très choquée, et elle ne put se retenir de fulminer contre les "déviations russes" lorsque nous fûmes sortis de l'Eglise. 
"L'évêque utilise une sorte de balayette liturgique pour asperger les fidèles! C'est une très grande impiété [elle insista sur la mot impiété]! On ne doit utiliser pour cela qu'un rameau de basilic!"
Notre pieuse zélote resta bouche bée et s'excusa platement lorsque quelqu'un lui fit remarquer qu'il y avait peu de chance de trouver du basilic en Sibérie au temps de la fête de la Théophanie du Seigneur!

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